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Kevin Kokila (JL Bourg), l’inattendu

Recrue quasi anonyme de la JL Bourg cet été, censé être le 11e homme de l'effectif de Frédéric Fauthoux, le jeune pivot Kevin Kokila (21 ans) a pourtant été la belle surprise du début de saison burgien. Un chapitre supplémentaire dans le livre d'un parcours atypique, démarré sur le tard, via deux saisons en départementale de 2016 à 2018. Portrait.
Kevin Kokila (JL Bourg), l’inattendu
Crédit photo : Sébastien Grasset

Vous en connaissez beaucoup, vous, des jeunes clamant que ce qu’ils préfèrent sur le terrain est le jeu sans ballon dans l’attaque de zone et le fait de sortir fort sur les pick and roll en défense ? Nous, non, et Kevin Kokila non plus visiblement. À l’évocation de ce souvenir partagé par Anthony Brossard, le pivot de la JL Bourg éclate de rire. « J’avais carrément oublié cette histoire ! » Pourtant, alors qu’il avait 17 ans, c’est bien cette réponse qui lui a ouvert les portes du centre de formation de l’ASVEL, et donc potentiellement ensuite d’une carrière professionnelle. Alors qu’il était mis à l’essai par Villeurbanne, le Francilien avait été loin de séduire sur le terrain. « Ça se voyait qu’il était techniquement très en retard », souligne le technicien rhodanien. Logique, il n’avait derrière lui que trois ans de basket. Mais la conversation qui s’en est suivi avait tout fait basculer. « Quand je lui demande quels sont ses points forts, il me fournit cette réponse et je me dis que c’est complètement improbable. Ça dénote d’une certaine discipline. Il m’a donné l’impression d’être quelqu’un capable de faire ce qu’on lui demande. » Le point d’entrée vers le grand monde. « Si j’avais été un peu plus à l’aise dans mon jeu, peut-être que j’aurais dit autre chose », sourit le jeune intérieur.

« Parti de zéro » à 15 ans

Avant de découvrir les joies de la balle orange, Kevin Kokila (2,04 m, 21 ans) a eu toute une jeunesse pour faire autre chose. L’école bien sûr, « de 8h à 18h tous les jours », jusqu’à l’obtention de son bac ES, et traîner avec les amis, surtout. À Saint-Cyr-l’École, là où il grandit, le sport de haut-niveau n’est clairement pas au centre des préoccupations familiales : son père est électricien, sa mère boulangère – pâtissière, et s’il fait du foot, c’est justement pour passer du temps avec ses copains. D’ailleurs, quand ceux-ci commencent à partir en centre de formation, lui arrête, car du coup, sans eux, cela n’a plus d’intérêt. Il passe même une année complète sans sport mais l’envie lui revient de  » faire un truc pour bouger, [se] dépenser. » Un match de sa sœur l’oriente vers le basket et à 15 ans, le voilà qui paraphe sa première licence à l’AS Fontenay-le-Fleury Basket, « juste pour [s]’amuser ».

Avec l’ECLV, en U18 France, Kevin Kokila a appris les bases tactiques

Cela tombe bien, en quatrième division départementale, on ne peut théoriquement pas faire grand-chose d’autre, les débouchés vers le haut-niveau y étant d’ordinaire assez limités… « Lors de mon premier entraînement, je me rappelle que j’étais assez impressionné quand je voyais les autres dribbler », se marre Kevin Kokila. « Je ne connaissais rien, je suis vraiment parti de zéro. » Grâce à une double licence, il cumule U17 et U20, et progresse rapidement. Avant qu’un de ses potes ne lui propose de venir participer à un entraînement ouvert des U18 France de l’Entente Le Chesnay Versailles. « Il partait de loin mais on l’a trouvé intéressant », indique le coach Mathieu Ansart. « Il était grand et mobile, il avait quelque chose. » Pourtant, l’adolescent n’en ambitionnait pas autant. « Moi, je voulais juste aller en région car c’était déjà un truc de ouf pour moi ! »

Avec l’ECLV, il découvre de toutes autres exigences, physiques, tactiques, techniques… « Il lui manquait toutes les bases », pose son ex-entraîneur. « Rien que le fait de comprendre le jeu, la stratégie, par exemple. On a travaillé un peu tout : les déplacements sans ballon, les prises de position, les situations balle en main poste bas, l’aisance technique avec des exercices de dribble ordinairement dévolus aux meneurs, etc. Il a vachement adhéré, a eu une progression constante et est très vite devenu notre titulaire. » En décembre, pour conclure la phase aller, Kevin Kokila se fend de 21 unités contre Le Havre. « C’est mon meilleur match depuis le début de saison et comme par hasard, il y avait un scout présent dans les tribunes ! » Il s’appelle Nicolas Mathieu, travaille pour la… JL Bourg et l’informe que le club bressan organise une détection à Paris. Parmi de multiples gamins, c’est lui qui se démarque aux yeux de Frédéric Sarre et Pierre Murtin. La Jeu veut le faire venir mais son équipe U18 sera sacrée championne de France au printemps. « Du coup, ils ont gardé tout le monde, c’est normal. » Et lui fera mieux que retomber sur ses pattes en se retrouvant à l’ASVEL…

Façonné à Lyon

Officiellement, Elwin Ndjock fut le MVP du Trophée du Futur mais il a donné la récompense à Kevin Kokila : « Je l’ai toujours chez moi s’il le veut ! »

En deux années à l’Astroballe, son évolution sera stupéfiante. Le joueur peu convaincant sportivement lors de l’essai se métamorphose en MVP officieux de la finale du Trophée du Futur 2021 (21 points et 12 rebonds contre Cholet). « Ses progrès ont été ininterrompus », martèle Anthony Brossard. Au contact d’un environnement sans égal dans le paysage tricolore, le Bondynois comprend parallèlement qu’il peut prétendre à quelque chose de sérieux dans le basket. « Je suis entré dans l’engrenage du centre de formation, où tu vois tout le monde avoir envie de s’améliorer, et ça m’a fait du bien. J’ai appris à bosser, plus que les autres, à être efficace et savoir ce que je pouvais faire sur un terrain. À la base, quand j’ai signé à l’ASVEL, c’était juste pour voir où je me situais dans le niveau Espoirs. Quand j’ai vu que je m’adaptais rapidement, que j’avais une grosse marge de progression, j’ai compris que je pouvais ambitionner de passer pro, si je continuais à bien travailler et à écouter le coach. J’ai eu un vrai switch mental et je me suis donné à fond la deuxième année pour faire une excellente saison. »

En NM1, Kokila a tourné à 9,8 points et 5,6 rebonds de moyenne (photo : Gérard Héloise)

À tel point qu’il se rêve d’un avenir en grand à l’issue de son cursus Espoirs. « Je ne vais pas mentir : après avoir fini sur une telle finale, j’étais au max ! Je vois Victor (Diallo) ou Kymany (Houinsou) signer avec l’ASVEL, je me dis que c’est bon aussi, que la Pro B est possible. » Mais les offres espérées n’arrivent pas, ou ne sont pas assez intéressantes. Finalement, Kevin Kokila se résout à rejoindre LyonSO, où il retrouve notamment Anthony Brossard, assistant-coach de Moatassim Rhennam. « J’ai fait le choix atypique de démarrer ma carrière en NM1 et je ne regrette pas du tout. » Alors qu’il n’a que trois ans de basket sérieux derrière lui, il se retrouve à affronter des professionnels expérimentés tous les week-ends, de Romain Duport à Bali Coulibaly, en passant par Moustapha Diarra ou Jaraun Burrows. « En Espoirs, je dominais physiquement alors que ce n’était plus le cas en NM1. Il y avait un monde d’écart en termes d’intensité et d’impact physique. Il a fallu que je taffe afin de trouver d’autres choses dans mon jeu pour pouvoir être performant. » Surtout du jeu offensif avec ballon, du travail sur son tir extérieur ou sur sa coordination avec des situations de dribble, après s’être concentré sur la pose des écrans et sa palette offensive proche du cercle à l’ASVEL… « Sa saison en Nationale 1 a été très réussie », résume Anthony Brossard.

L’art de savoir saisir sa chance

De quoi renouer le fil avec la JL Bourg, restée au fait de son évolution depuis le rendez-vous manqué de 2019.« Ils ne m’ont pas lâché depuis tout ce temps, je vais essayer de leur rendre la pareille », affirme-t-il. « La boucle est bouclée ! » Quoique, si cette expression renvoie à une idée d’achèvement, Kevin Kokila n’en est encore qu’aux prémisses de sa carrière et fut justement la sensation des premières semaines de compétition à la JL Bourg. Recruté comme troisième pivot, l’ancien de l’ASSF a profité des contreperformances de James Dickey et du niveau alternatif d’Alexandre Chassang pour séduire d’entrée de jeu. Lors de la première journée, alors que la Jeu était en perdition (-19 contre Paris), il fut lancé en deuxième mi-temps et n’a plus quitté le parquet jusqu’à la fin de la prolongation, fort du meilleur +/- de son équipe (+15). L’art de savoir saisir sa chance… « Dès que je suis arrivé, on m’a dit que tout dépendrait de moi. Je ne pensais pas qu’on me tendrait la main aussi rapidement mais le coach l’a fait dès le premier match. Il a été satisfait et il s’est sûrement dit que je pouvais jouer. »

Contre Paris, le 24 septembre, l’acte de naissance de Kokila en LNB : « Physiquement, j’ai vu que j’étais là et que s’il y avait encore des progrès à faire techniquement, je pouvais tenir la baraque » (photo : Jacques Cormarèche)

Depuis, si son temps de jeu a pâti de l’arrivée d’Amida Brimah, l’ex-villeurbannais a empilé les soirées convaincantes : 6 points et 4 rebonds pour son retour à l’Astroballe, 10 d’évaluation à Monaco, 5 points et 7 rebonds contre Blois en Coupe de France, 8 points et 5 rebonds au Mans… Encore mardi, son passage éphémère contre Prometey (7 minutes) a marqué les esprits par son efficacité : une claquette improbable à l’énergie, un ballon volé dans les mains de D.J. Kennedy au buzzer de la mi-temps… « Je suis très content de Kevin », lance Frédéric Fauthoux, son entraîneur. « De toute façon, celui qui n’en serait pas content se tromperait. Avec lui, c’est un projet sur le long-terme puisqu’il a signé trois ans. Le plan était qu’il prenne ce qu’on lui donnerait cette saison, sans pression, et c’est ce qu’il fait parfaitement. Toutes ces minutes dont il dispose aujourd’hui seront bénéfiques, à la fois pour nous et pour lui, en vue de la suite de sa carrière. »

21 ans, 11 matchs de Betclic ÉLITE mais déjà un rôle de leader défensif

Au-delà des chiffres, Kevin Kokila montre surtout qu’il est déjà prêt à assumer un vrai rôle dans le monde professionnel, grâce à son moteur défensif et son impact physique. À cet égard, sa sortie européenne à Brescia début novembre synthétise parfaitement le joueur qu’il est actuellement : capable de dominer sous les panneaux grâce à son engagement (10 rebonds, dont 7 offensifs), de faire des stops mais encore très frustre offensivement (0 point à 0/5), là où se situe sa marge de progression. « Je dois bosser et être plus efficace en attaque », convient-il. « Je peux donner bien plus car je vendange un peu trop, y compris aux lancers-francs (42%). Il faut un switch mental pour passer un cap et ensuite, on verra le vrai Kevin. » Surtout que ce qu’il montre de l’autre côté du parquet est déjà particulièrement enthousiasmant, même s’il manquera certainement un peu de taille pour le très-haut niveau (2,04 m), avec un discours tout à fait étonnant pour un jeune de 21 ans arrivant tout droit de troisième division. « Le coach me fait confiance pour driver la défense, les picks, les aides… Il est vraiment là mon point fort. J’ai ce rôle de leader défensif. Je suis clairement le relais des choix tactiques de l’entraîneur. Je dois être le plus vocal sur le terrain, celui qui parle à mes coéquipiers, qui les aide, qui les replace, qui leur dit quoi faire, qui va les aider quand ils se font battre sur les rotations, qui va prendre les rebonds, qui fait les box-out, etc. Je conçois qu’au vu de mon parcours, cela puisse sembler bizarre que ce soit moi qui tienne la défense mais mes coéquipiers ont fait totalement abstraction de ça. Ils me respectent, c’est le terrain qui parle, ils savent que je peux apporter dans ce domaine. »

Avec la JL Bourg, Kevin Kokila a su saisir sa chance d’entrée de jeu (photo : Sébastien Grasset)

Soit finalement le reflet d’une personnalité atypique, « presque en décalage avec les jeunes de sa génération ». Décrit comme « très mature, posé et impliqué » à la JL Bourg, le conscencieux Kevin Kokila a été encensé par tous nos interlocuteurs, presque trop pour un seul homme : « un super gars », « un mec exceptionnel », etc. Surtout, sportivement, ceux qui l’ont connus donnent des éléments rationnels pour expliquer sa progression, qui l’est déjà beaucoup moins. « Son gros point fort est d’être quelqu’un d’extrêmement concentré », explique Mathieu Ansart, resté son coach particulier les étés. « Si je lui dis qu’on va travailler quelque chose, il va me regarder droit dans les yeux, enregistrer tout ce que je lui dis et l’exécuter immédiatement après sur le terrain. Ce gars-là a compris, dès ses 18 ans et malgré un faible budget, qu’il lui fallait investir sur un préparateur physique et un entraîneur personnel pour passer des étapes. Cela veut dire quelque chose. » De son côté, Anthony Brossard le présente comme « le joueur le plus coachable » qu’il a eu sous ses ordres. « Il s’est construit dans une sorte de discipline. Je me souviens d’une anecdote : un jour, nous avons eu une discussion d’équipe et Kevin a clairement dit à tout le monde qu’il fallait lui spécifier exactement ce que l’on attendait de lui. « Si vous me donnez la balle en me disant, vas-y, joue, fais ce que tu sais faire, je n’y arriverai pas. » En revanche, bien cadré comme il l’est actuellement dans l’Ain, le champion de France Espoirs 2021 excelle. « Je ne connais pas un entraîneur qui n’aimerait pas un joueur comme lui », renchérit Brossard. « Si on lui donne un rôle sans être dépendant de lui, il le fera à 200%. Il ne faut surtout pas se tromper et attendre de lui qu’il porte un collectif offensivement mais dans son fonds de commerce de joueur d’équipe, capable de se sacrifier, il est exceptionnel. »

Les bonds en avant

En 2018, Kevin Kokila arpentait encore les parquets de départementale dans les Yvelines. Un peu plus de quatre ans plus tard, le voici qui a déjà été lancé neuf fois dans le cinq de départ de l’une des meilleures équipes de France. « Je ne pensais pas que cela pourrait être aussi rapide », savoure-t-il. « Et même si l’on me l’avait dit il y a quelques années, je n’y aurais jamais cru. Cela montre que tout est possible dans la vie si l’on s’en donne les moyens. » Des propos amplifiés par ceux de Mathieu Ansart, avouant qu’il ne l’aurait jamais imaginé débarquer en Betclic ÉLITE aussi vite. De quoi interroger sur l’étendue réelle de son potentiel, lui qui n’a seulement que quatre saisons avec des entraînements quotidiens dans les jambes, dans un poste à maturité tardive qui plus est… « Il reste hyper perfectible », insiste Anthony Brossard. « Pour entrer dans le monde professionnel, il a compris qu’il devait être efficace sur un truc demandé, à savoir l’engagement physique et le rebond. Défensivement, c’est un joueur de très haut-niveau selon moi alors tout dépendra de son développement offensif. » Loin de toutes ces considérations, Kevin Kokila assure ne pas y penser, désireux de ne pas se fixer la moindre limite. « Si je l’avais fait dans le passé, je n’en serais pas là. Je veux simplement travailler le plus possible pour atteindre le niveau auquel j’appartiens afin de n’avoir aucun regret. » Pour quelqu’un n’ayant jamais pu prétendre à la moins sélection régionale, à l’INSEP, aux équipes de France juniors, l’histoire est déjà belle. « Ma vie est faite de bonds en avant, j’ai été là où personne ne m’attendait », en rigole-t-il. Et elle n’est sûrement pas terminée. « Je vais exagérer un peu », glisse Mathieu Ansart. « Mais dès que je le revois l’été, j’ai presque l’impression que c’est un nouveau joueur à chaque fois… »

À Bourg-en-Bresse,

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