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[Rétro] Nadir Hifi, le Strasbourgeois : comment la SIG est passée à côté de sa pépite

Betclic ÉLITE - Star montante du basket français, super-scoreur du Paris Basketball, Nadir Hifi est un pur produit de la SIG Strasbourg, licencié au club pendant douze saisons (2007/18, 2019/20). Élevé en face du Hall de la SIG à Illkirch-Graffenstaden, le futur international n'a pourtant jamais intégré le centre de formation strasbourgeois. À l'heure de son retour au Rhénus, programmé samedi à 18h30, gros plan sur les raisons qui ont fait que cela n'a jamais pu être possible...
[Rétro] Nadir Hifi, le Strasbourgeois : comment la SIG est passée à côté de sa pépite

Le 9 novembre 2019, un tout jeune Nadir Hifi (17 ans) déborde Thomas Delfour (Furdenheim) lors de la 7e journée de NM3 à Illkirch-Graffenstaden

Crédit photo : SIG Association

« Dans sa tête, il n’y était plus », se souvient Daniel Meyer, l’un des entraîneurs historiques de Nadir Hifi à Illkirch-Graffenstaden. « Or, quand on le connait, s’il n’y est pas mentalement, c’est sans issue. » Mars 2019 : le technicien strasbourgeois voit revenir sa jeune pépite prématurément à la SIG Association, six mois après son départ vers le centre de formation de Lille. Sauf que l’envol se passe mal. « Il ne s’est pas exprimé comme il aurait dû », convient aisément Mathieu Collet, son assistant-coach en U18 au LMB. « Il y a beaucoup de paramètres qui rentrent en compte : l’école, où il était dissipé, et le projet sportif, où on a peut-être voulu lui faire prendre un rôle qui n’était pas la bonne solution par rapport à ses qualités. »  Six mois plus tard, le constat d’échec s’impose : il faut revenir à la maison. « Ça a été décevant pour lui », poursuit Meyer. « Il s’était rapproché de son rêve mais il a finalement eu l’impression de perdre du temps. Pour lui, revenir à la SIG, c’était reculer. »

Un enfant d’Illkirch-Graffenstaden

Il y a 10 ans, n°5 sur le dos, Nadir Hifi évolue avec les U13 de la SIG

« À ce moment-là, notre objectif était de lui redonner confiance car il sortait d’une période difficile », se remémore Tommy Zaber, son autre mentor à la SIG. Par rapport aux encadrants lillois, les deux entraîneurs alsaciens disposent d’un avantage fondamental : ils ont vu grandir Nadir Hifi, un gamin à la psychologie particulière, qui s’est mis au basket par hasard, avant ses six ans, parce qu’il voyait un gymnase depuis ses fenêtres. Dans une maison aux teintes roses claires, ses parents vivaient ainsi à 80 mètres du Hall de la Poste, l’antre historique de la SIG, dans le centre-ville d’Illkirch-Graffenstaden. Mais comment remobiliser un adolescent qui a laissé se refermer la seule porte qu’on avait daigné lui ouvrir, après des années de refus ?

« Il fallait lui redonner goût aux efforts », lance Tommy Zaber. Mais à quoi bon ? Pendant onze ans (2007/18), Nadir Hifi a littéralement été sous les yeux de la SIG, mais sans jamais réussir à obtenir la moindre chance au sein du centre de formation. « Au sein de l’Association, on n’a jamais vraiment compris pourquoi il n’a pas été pris en centre de formation chez nous », regrette son ancien coach. « Ce sont deux entités différentes mais il était très au-dessus du lot techniquement, meilleur que la plupart des gamins. Cela reste très frustrant. »

Mentalité, notes et concurrence : le mauvais cocktail

Pourtant, il existe bel et bien un éventail de raisons objectives, allant au-delà de sa petite taille ou d’un style de jeu trop personnel. « Il est toujours passé à travers les mailles du filet car il n’était pas facile à gérer », explique Tommy Zaber. « Il avait une mentalité qui n’existe pas chez les enfants de son âge. Ça lui a causé du tort. Il est tellement exigeant avec lui-même et avec les autres qu’il en devenait intolérant. Ce n’était pas méchant car c’était un bon gamin, toujours agréable et de bonne humeur, mais ses coéquipiers n’arrivaient pas à le suivre, ça allait trop vite. » Le formateur évoque l’exemple d’une contre-attaque lors d’un match cadets où Hifi « a pété un plomb » car son partenaire n’avait pas attrapé sa passe dans le dos. « Je luttais avec lui, à tenter de lui expliquer que sa passe était parfaite mais que le mec avec qui il jouait n’allait pas assez vite pour lui. Tout était souvent trop bien fait pour ses coéquipiers. Quand on le regardait de l’extérieur, on le voyait râler, faire beaucoup de gestes de frustration, avoir une attitude parfois agaçante. C’est beaucoup ça qui a dissuadé les coachs du centre de formation de la SIG de le prendre dans les filières de haut niveau. Du coup, il a fait beaucoup de région chez nous. Quand on ne le voit jouer qu’une fois, je peux comprendre que l’on ne tente pas le coup. » Mais dommageable quand il s’agit d’un joueur licencié à la SIG entre ses années mini-poussins et cadets…

Saison 2016/17 : avant un match U15 contre Souffel

En outre, ses difficultés scolaires l’ont considérablement desservi, lui fermant les portes du Pôle régional. Très peu intéressé par l’école, Nadir Hifi enchaînait les mauvaises notes, uniquement concentré sur la balle orange. « On ne lui a pas expliqué en amont que ça pouvait influencer son parcours basket : quand il s’en est rendu compte, il était déjà trop tard », soupire Daniel Meyer. Pourtant, dès ses années benjamins, un cadre de soutien avait été mis en place, avec des séances de devoir en marge des entraînements à la SIG, et des punitions – « privé de basket ! » – dès que ça n’allait pas. « On a dû faire le forcing pour qu’il ne délaisse pas le collège. En U15, on est arrivé à un point où on lui a dit qu’il ne jouerait plus s’il descendait en-dessous d’un certain standard en termes de notes et de comportement. On avait même fait une réunion à trois avec la directrice de l’établissement pour établir cela et parce qu’il aimait tellement le basket, il a fini par obtenir ce qu’on s’était fixé. » À savoir, son brevet, décroché au collège Nelson Mandela d’Illkirch, puis un bac pro métiers du commerce et de la vente, obtenu au lycée Émile-Mathis de Schiltigheim, situé à deux kilomètres du… Rhénus.

Et puis, il y avait l’incroyable densité d’une génération 2002 exceptionnelle en Alsace, « l’une des meilleures jamais vues » sur place, souligne Daniel Meyer. Ainsi, ils sont déjà trois meneurs bas-rhinois à avoir déjà évolué en Betclic ÉLITE : Hifi, forcément, ainsi que Lucas Beaufort (Limoges) et Jayson Tchicamboud (désormais à Denain, en Pro B). Ces trois-là avaient tous les standards académiques suffisants pour intégrer le Pôle régional, leur réservant de fait les places en U15 France avec la SIG. Ainsi, le protégé de Shane Larkin a toujours dû se contenter des championnats régionaux, faisant toutefois partie d’un groupe élargi de 12+2 en U15 ÉLITE. « Il a participé à quelques matchs quand il y avait des blessés », glisse Meyer. 9 apparitions au total, en 2016/17, pour 7 points de moyenne. Avant d’être reversé en cadets région…

« Quel petit con mais qu’est-ce qu’il est bon… »

Non, ne cherchez pas Nadir Hifi parmi les joueurs : avec son t-shirt des Cleveland Cavaliers, c’est lui qui arbitre…

Autant d’éléments qui ont ralenti l’éclosion de Nadir Hifi, sans pour autant l’empêcher, tant le Parisien était naturellement doué, et surtout mordu de basket. Un vrai passionné. Tellement, qu’il arbitrait régulièrement des matchs de jeune – « il était même plutôt bon ! » -, donnait des coups de main à l’entraînement des mini-poussins et écumait les aller-retours en tramway vers le mythique playground de la Citadelle à Strasbourg. « Je ne pensais pas que cela irait aussi vite mais je ne suis pas du tout étonné de son explosion », insiste Daniel Meyer. La preuve du caractère météorique de sa trajectoire ? Quand il est revenu évoluer en Nationale 3, en 2019, l’objectif fixé par le coach était « de postuler sur les grands clubs » des environs. « On a dû repartir d’en bas pour se dire qu’on allait grimper. » Dans le viseur, le BC Souffelweyersheim (qui l’avait eu à l’essai quelques semaines), Holtzheim (NM2) ou le WOSB (NM2). Sauf que son échec à Lille a finalement presque été bénéfique. « Il a eu la lucidité de le digérer. À partir du moment où il a décidé de s’engager à la SIG, ça l’a rassuré d’avoir un pied à terre. Il ne l’a pas mal vécu, c’était comme un retour aux sources pour lui. » Avec une prise de conscience bénéfique sur plusieurs sujets. « Ça a servi d’électrochoc. Par exemple, il a toujours été un peu feignant sur son travail physique. Cette saison-là a été une phase de travail intense sur son corps. Je l’attendais aussi beaucoup plus sur d’autres aspects que la marque. Je savais qu’il pouvait scorer mais je voulais qu’il défende plus et qu’il joue davantage en équipe. »

Or, le Franco-Algérien a toujours su s’adapter aux exigences d’un entraîneur. Lors de la première rencontre, Hifi n’est pas pris dans les 10, envoyé avec l’équipe réserve en Pré-nationale. « Je voyais bien qu’il n’était pas content. La semaine suivante, il fait tout pour être dans le groupe, il fait tout ce que je lui demande. Je n’ai pas d’autre choix que de le prendre. Mais je ne le mets pas dans le cinq, il était encore insatisfait et au cours des entraînements suivants, il a tout fait pour gagner ses galons de titulaire. » Pour une saison accomplie : 14,5 points de moyenne en Nationale 3, un championnat d’adultes alors qu’il était encore mineur. Et quelques instants d’anthologie, comme ses 33 points contre Jura Salins. « Contre Furdenheim, aussi, il nous fait gagner le match (75-74) : sur la dernière possession, il va provoquer une faute antisportive et met ses lancers-francs. À 17 ans… »

En décembre 2022, pour son second match en pro au Rhénus, Nadir Hifi avait inscrit 32 points avec Le Portel (photo : Philippe Gigon)

Recalé à plusieurs reprises à la SIG, alors qu’il était « un produit du club », Nadir Hifi a fini par forcer la porte du centre du formation du Portel, puis du All-Star Game, puis de l’équipe de France… Le prince de Paris aurait pu être celui de Strasbourg. Au lieu de cela, il se contente de torturer la SIG, dès qu’il croise la route de son club d’enfance : une première titularisation en pro au Rhénus le 29 janvier 2022 (9 unités en 19 minutes), 56 points en deux matchs l’an dernier, dont 32 dans l’enceinte qu’il fréquentait régulièrement plus jeune, observant notamment les exploits européens de son futur coéquipier en bleu, Paul Lacombe, encore 20 points en 24 minutes à Bercy le 23 décembre dernier. Suscitant toujours la même admiration, mêlée d’un pincement au cœur pour ceux qui ont façonné le phénomène. « Ce n’est pas surprenant de toujours le voir briller contre la SIG car il a un caractère assez monstrueux », sourit Tommy Zaber. « Je le vois faire en pro des trucs qu’il fait depuis tout petit : les step-backs, finir au contact des grands, etc. Sur un parquet, il n’y a rien d’impossible pour lui. Je me rappelle d’un match en benjamins où il rate un step-back à trois points. Il était énervé de l’avoir manqué et je lui dis de faire des choses simples. Et pourtant, l’action d’après, il retente exactement la même chose, le met et revient en me regardant en souriant. À ce moment-là, je me dis : quel petit con mais qu’est-ce qu’il est bon. » D’ailleurs, mardi, moins de 15 minutes après avoir crucifié Badalone dans le money-time, Hifi a annoncé la couleur sur son compte X. « Rendez-vous samedi au Rhénus à Strasbourg », a-t-il publié, avec deux smileys équivoques : un clin d’œil et un regard en coin. La tempête Hifi est de retour en ville… Sa ville.

La SIG a tenté de le rapatrier

Après l’avoir eu sous les yeux pendant plus de dix ans, sans jamais en bénéficier au niveau professionnel, la SIG Strasbourg a tenté de rattraper le coup l’été dernier, faisant partie des nombreux prétendants pour Nadir Hifi à sa sortie du Portel. « J’avais le sentiment qu’il était le joueur parfait pour prendre les rênes de l’équipe et être notre meneur titulaire », retrace Nicola Alberani, le manager alsacien, à l’heure de recevoir son ancienne cible (samedi à 18h30). « Je voulais construire autour de lui. Luca Banchi et Massimo Cancellieri étaient tous les deux d’accord. Nous lui avons fait une très belle offre mais je comprends son choix, sachant que nous n’avons pas le niveau de Paris. Personnellement, ce n’était pas seulement une envie de le faire revenir chez lui, sachant qu’il n’était déjà plus au club quand je suis arrivé (en 2020, date de son entrée au centre de formation de l’ESSM, ndlr). Je jugeais juste ce que je voyais au Portel et je le voulais énormément, c’est tout. »

En plus du caractère affectif, la SIG pouvait être considérée comme une bonne étape intermédiaire, avec la découverte potentielle d’une Coupe d’Europe, via le tour préliminaire de la Champions League, avant de viser plus haut. Une proposition réellement considérée par le joueur. « Elle a fait partie d’une short-list sur les offres françaises », confirme son représentant, Olivier Mazet. Mais avec son explosion en EuroCup (marqueur le plus rentable sur 40 minutes), au sein d’un club appelé à découvrir l’EuroLeague prochainement, Nadir Hifi n’a pas trop de regrets à entretenir sur le fait de ne pas avoir succombé aux sirènes de ses racines…

 

Diaporama

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Commentaires


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bill_laimbeer
super article, vise toujours plus haut Nadir!
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