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« Nos vies étaient clairement en danger » : Amine Noua raconte son week-end d’angoisse en Israël

Recrue phare de l'Hapoël Holon, Amine Noua se trouvait évidemment en Israël samedi matin, lorsque sont tombées les premières roquettes du Hamas dans l'État hébreu. Désormais en sécurité à Chypre, avant de revenir en France jeudi, l'ancien intérieur de l'ASVEL s'est ouvert sur l'anxiogène période qu'il vient de traverser.
« Nos vies étaient clairement en danger » : Amine Noua raconte son week-end d’angoisse en Israël
Crédit photo : Hapoël Holon

C’était déjà la vie d’avant… Un entraînement anodin vendredi après-midi, à trois jours de l’ouverture du championnat israélien contre l’Hapoel Eilat lundi, puis tout qui bascule samedi à l’aube. Les premières roquettes du Hamas qui s’écrasent sur le sol israélien, les sirènes qui retentissent dans tout l’État hébreu, le décompte macadre des victimes qui s’enclenche (1 200 morts et 2 800 blessés côté israélien, 1 055 morts et 5 100 blessés côté palestinien selon les derniers bilans) et l’inquiétude qui grimpe, forcément, pour Amine Noua, tout juste installé à Holon avec sa famille. Un basketteur ne s’expatrie pas pour vivre ces moments-là, personne ne le fait d’ailleurs, et encore moins accompagné de son bébé de 18 mois… Désormais réfugié dans un hôtel chypriote, le Lyonnais a pris le temps de raconter les 36 heures d’inquiétude traversées en Israël.

« Je n’avais jamais imaginé vivre ça un jour »

« Avant ce week-end, tout se passait très bien à Holon. Cet été, j’étais à la recherche d’un projet où je pourrais avoir du temps de jeu, beaucoup de responsabilités. Surtout, ma priorité était de prendre du plaisir, ce que j’avais perdu ces dernières années. C’est ce qui me tenait à cœur. J’ai eu quelques propositions un peu partout mais d’un point de vue basket, celle d’Holon était la plus cohérente. Avant que tout ça ne se déroule, je pensais qu’on serait à l’aise avec ma famille au niveau de la vie à Tel-Aviv… J’étais au courant du conflit, de l’histoire, donc la sécurité était ma première préoccupation avant de signer et on m’a mis en confiance. On m’a dit que je ne risquais rien, que tout se passait bien sur place. Je n’avais que des retours positifs. Maintenant, quand j’en parle, tout le monde me dit que personne ne l’avait vu venir. Mon club ne peut pas contrôler ce genre de choses. C’est en dehors de la sphère sportive, ce sont des questions politiques. 

Quand j’ai atterri en Israël mi-août, j’ai été accueilli comme une star, clairement. Sur le coup, ça m’avait vraiment fait chaud au cœur. De voir un joueur EuroLeague débarquer, c’était énorme pour les supporters, qui sont les plus dingues du pays comme m’avait prévenu Retin (Obasohan) avant. Et de mon côté, je n’avais pas l’habitude de ce genre d’accueil en France. Ça m’avait fait plaisir. Holon se situe à une vingtaine de minutes de Tel-Aviv. Je vis à côté de la salle. J’étais parfaitement installé, l’appartement était très bien. Le cadre de vie est incroyable : c’est Los Angeles, à quatre heures de la France (il sourit). L’organisation au niveau du club était vraiment carrée. Les premières impressions étaient entièrement positives, je commençais à m’y faire et à m’intégrer.

Sportivement, le club comptait énormément sur moi. Le ballon passait beaucoup par moi en attaque (28 points, 8 rebonds et 10 fautes provoquées lors de son dernier match amical contre l’Hapoel Beer Sheva, ndlr). On a fait deux rencontres officielles de Coupe, où l’on a perdu contre Jérusalem, une grosse équipe, en demi-finale. Ça se passait bien et on était prêt à attaquer la saison, qui devait démarrer ce lundi.

« On n’était pas au courant qu’il y avait
une pièce anti-missile dans l’appartement »

Vendredi après-midi, on avait entraînement. Après, comme d’habitude, je suis rentré chez moi, avec ma famille. On dîne, on se couche, tout se passe bien. Vers 6h du matin, on entend une sirène : on ne savait pas ce que c’était, on ne savait pas d’où ça venait, on ne savait rien du tout. La sirène fait énormément de bruit, tu ne peux pas te rendormir, mais elle s’est arrêtée au bout de quelques minutes donc on n’y a pas prêté attention. Sur le coup, j’ai dit que ça devait être une alerte, que ça pouvait être dangereux, mais sans plus. Sauf que ça a retenti la demi-heure d’après, et encore la demi-heure d’après, etc. Là, on a commencé à s’inquiéter un peu et on a vu sur les réseaux que le pays se faisait attaquer, qu’il y avait des missiles envoyés partout en Israël. Vers 8h, j’ai reçu un texto du manager expliquant qu’il y avait des attaques et qu’il fallait se réfugier. Chaque appartement est muni d’une pièce anti-missile. On ne savait pas du tout. C’est vrai qu’en visitant l’appartement, j’avais vu une porte blindée mais je ne m’étais jamais posé la question de son utilité. Jusqu’à ce texto. En fait, dès qu’on entend les sirènes, on a une minute trente pour se réfugier dans cette pièce, fermer la porte et attendre que les sirènes s’arrêtent. On n’a été au courant qu’après. Heureusement, il n’y a pas eu de dégâts à Tel-Aviv sur les premiers bombardements : ils ont réussi à contrer les missiles.

Lors de ses deux matchs officiels en Coupe, Noua avait tourné à 14,5 points en 31 minutes de moyenne, soit les responsabilités qu’il espérait (photo : Hapoël Holon)

À partir de là, ils nous ont dit de rester chez nous, d’être prêt à se réfugier dès qu’on entendait la sirène. On a fait ça toute la journée de samedi mais c’était plutôt calme. Les sirènes ont ensuite retenti de nouveau le soir, deux fois à partir de 21 heures. Il y a des missiles qui ont atterri dans notre quartier, faisant des blessés à 10 minutes de chez moi, à Bat Yam. À partir de là, c’est devenu préoccupant, extrêmement inquiétant, et je me suis dit qu’il fallait partir. Après chaque alerte, quand la sirène s’arrêtait, on entendait les explosions : elles correspondaient aux missiles qui se faisaient contrer. On ne voyait pas ce qui se passait par car on était enfermé, mais avec un peu de visibilité, on aurait pu voir les missiles qui explosaient dans le ciel. Ce n’est pas plus mal comme ça car on n’a pas envie de voir ça… Du samedi au dimanche, on a ensuite passé une nuit sans alerte.

Le dimanche, le club avait programmé un petit entraînement pour nous changer les idées. Ils s’étaient renseignés sur les question de sécurité : ça ne se passait pas bien aux alentours d’Ashdod, la ville proche de la bande de Gaza, mais tout allait plutôt bien à Tel-Aviv. L’entraînement était particulier, on sentait bien que personne n’était serein, surtout qu’ils nous ont redit à la fin que les sirènes allaient sûrement retentir. On était prêt à se réfugier dans la pièce anti-missile de la salle. Ça n’a pas sonné au final.

« Vous avez une heure pour faire vos valises »

Forcément, il y avait de la peur. D’autant plus qu’on recevait plein de messages, nos familles qui s’inquiètent, etc. De me retrouver dans cette situation avec ma famille, ma femme et ma fille qui n’a même pas 18 mois, je n’était vraiment pas serein. On essayait de voir si l’on pouvait trouver un avion pour la France mais tous étaient annulés. Il n’y avait qu’un vol sur cinquante qui était maintenu. Et l’aéroport était bondé, c’était la panique, donc c’était impossible, on ne pensait pas avoir d’autre choix que de rester sur place. Jusqu’à dimanche soir, avec un appel du club, à destination des quatre étrangers de l’équipe, aux alentours de 19h : « Il y a un vol pour Chypre, vous avez une heure pour faire vos valises. » Ça a été très rapide ! On était en train de dîner, on n’a même pas fini de manger, on a laissé les assiettes sur place. On a juste eu le temps de prendre quelques affaires et nos objets de valeur avant de partir pour l’aéroport. Le vol était à 1h du matin et on est arrivé à Chypre vers 3h. Avec une dernière frayeur quand même : quand on était à l’aéroport, il a été visé par des tirs de missile. C’était angoissant, on était prêt à embarquer et on entend que l’aéroport se fait bombarder… Heureusement, les missiles ont été contrés par le Dôme de fer, on a réussi à s’envoler mais c’était vraiment juste. Quand on regarde les vidéos sur Internet, il y a plein de fois où la sirène retentit dans l’aéroport et que c’est la panique, avec tout le monde au sol.

Amine Noua au milieu des supporters de l’Hapoël Holon début septembre (photo : Hapoël Holon)

Maintenant, nous sommes à l’hôtel à Larnaca avec les trois Américains (dont C.J. Harris, l’ancien arrière de l’Élan Béarnais et Bourg-en-Bresse, ndlr). On reste en contact avec les joueurs israéliens de l’équipe via notre groupe WhatsApp. C’est la ligue qui a ordonné aux clubs de sortir les joueurs étrangers du pays : le Maccabi Tel-Aviv est aussi à Chypre, deux joueurs d’Haïfa sont dans le même hôtel que nous, d’autres équipes sont en Grèce. À la base, on devait rester jusqu’à demain (jeudi). Aujourd’hui, on a reçu un message nous disant qu’on allait rester jusqu’à dimanche. J’ai fait part au club de mon envie d’aller en France. Mon cas est différent de celui des Américains, qui sont vraiment loin de chez eux. Pour moi, être à Chypre ou en France ne change pas grand chose pour le club donc ils m’ont autorisé à partir. Je rentre sur Lyon demain.

« Le soulagement qui prédomine »

Pour la suite, on est dans l’attente. Aujourd’hui encore (mercredi), j’ai parlé avec le manager qui nous a dit qu’il y avait trois solutions à partir de lundi prochain. Soit on retourne en Israël mais c’est assez peu probable vu que la situation n’a pas l’air de s’améliorer. Après, c’est au jour le jour donc on ne sait jamais. La deuxième option est que chacun rentre chez soi. La dernière est de déplacer l’équipe dans un autre pays, comme en Grèce, où l’on jouerait uniquement la Champions League (contre Bonn, Bursaspor et Breogan, ndlr). Le sport n’est clairement plus la priorité dans ces moments-là : je voulais d’abord me mettre en sécurité et après, il se passera ce qu’il se passera… Si ça ne tenait qu’à moi, j’espère que tout reviendra comme avant, et que je pourrais retourner en Israël, mais ça n’a pas l’air d’aller dans cette direction donc je suis prêt à tout, y compris la possibilité de partir dans un autre club. En attendant, c’est le soulagement qui prédomine, nos vies étaient clairement en danger… Mettre ta famille en danger, te mettre toi-même en danger, c’est évidemment quelque chose que tu veux éviter donc la priorité était de nous mettre à l’abri le plus vite possible. Tout ce qui s’est passé était digne d’un film, clairement. Je n’avais jamais imaginé vivre ça un jour. »

Quid des autres Français en Israël ?

Auteur d’un début de saison tonitruant avec l’Hapoël Tel-Aviv, dans ce qui ressemble déjà à une autre vie, Jaylen Hoard reste coincé en Israël pour l’instant. Il a longtemps pensé pouvoir partir en Italie jeudi matin mais son vol a été annulé. L’Héraultais a partagé une partie de la présaison avec Frédéric Bourdillon, longtemps sparring-partner de l’Hapoël. L’ancien joueur d’Antibes indique « être en sécurité »  avec sa compagne à Tel-Aviv mais évoque « une situation toujours compliquée, terrible et triste. » Enfin, Arthur Rozenfeld devait s’envoler lundi pour l’État hébreu, disposant d’un accord avec un club. Un voyage qui n’aura évidemment pas lieu…

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