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Les années françaises de Gordon Herbert, de la Pro A à une finale de Coupe du Monde

Alors qu'il prendra place sur le banc de l'Allemagne en finale de la Coupe du Monde ce dimanche (à 14h40 heure française), Gordon Herbert a traversé une parenthèse tricolore lors de sa carrière de coach, entraînant le Paris Basket Racing et Pau-Orthez entre 2004 et 2007. Certains témoins de l'époque se souviennent.
Les années françaises de Gordon Herbert, de la Pro A à une finale de Coupe du Monde
Crédit photo : FIBA

En regardant le match Slovénie – Allemagne dimanche dernier, Gorjan Radonjic a eu un flashback de presque 20 ans en voyant Gordon Herbert s’attaquer à son leader Dennis Schröder lors d’un temps-mort. « Je me rappelle l’avoir vu gueuler plusieurs fois pendant la saison avec Paris et je l’ai revu faire ça avec Schröder pendant la Coupe du Monde », sourit celui qui est devenu agent. « J’aime bien cela chez les coachs étrangers, le fait qu’ils montrent un peu les couilles face au meilleur joueur pour faire comprendre qui est le boss. Or, lui a toujours montré un fort caractère. » 

« You can kiss my fucking ass »

Une personnalité affirmée qui a marqué les trois années françaises du coach finaliste de la Coupe du Monde, du Paris Basket Racing (2004/06) à l’Élan Béarnais (2006/07), à l’image de sa dernière sortie tricolore, une conférence de presse surréaliste dans les entrailles de Bercy après le sacre en Coupe de France. Quelques instants après que Frédéric Fauthoux ait aspergé l’assemblée de champagne pour sa dernière en tant que basketteur professionnel, le Canadien s’était présenté au pupitre les mâchoires serrées, le regard noir pour lâcher un « You can kiss my fucking ass » devant Pierre Seillant, médusé dans un coin de la salle de presse. « Certaines personnes m’ont dit la semaine dernière que c’était la pire saison de l’Élan », avait-il ajouté, dans des propos rapportés par Sud Ouest à l’époque. « Eh bien ces personnes peuvent aller se faire foutre. » Un moment marquant dans l’histoire du club béarnais, qui avait basculé dans une nouvelle ère cette saison-là, avec une forte Américanisation de son effectif. Un bouleversement des habitudes qui avait suscité quelques crispations autour de la méthode Herbert, surtout avec des jeunes prospects dans les rangs comme Alexis Ajinça ou le regretté Ludovic Vaty. « Nous sommes tous des êtres humains », avait-il répliqué, via l’AFP. « Qu’on soit noir, blanc, français ou américain, nous sommes des êtres humains avant tout. Ce sont les remarques à ce sujet qui m’ont fait le plus mal. D’avoir à prouver à ces fils de p… que nous sommes des êtres humains. »

En 2007, sans Gordon Herbert sur la photo, Pau remporte la Coupe de France (photo : Hervé Bellenger)

Tancé toute la saison par Pierre Seillant, qui l’avait accusé « de ne pas avoir su conduire le camion alors qu’il lui avait donné les clés » et d’être « le responsable de l’échec », Gordon Herbert avait ainsi été le premier à oser défier publiquement l’emblématique Prési, alors qu’il lui restait encore un an de contrat. « Je m’en rappelle comme si c’était hier », témoigne son ex-assistant Laurent Mopsus. « Avec les joueurs, nous étions dans les vestiaires et nous n’avons pas vu la conférence en direct. Ce n’est qu’après qu’on l’a appris. Ça a été vécu comme un choc. Je ne sais pas quelles étaient ses raisons. » Certainement une communication difficile avec l’encadrement du club, dont il était seulement le troisième entraîneur étranger de l’histoire. Celui qui officiait en parallèle en tant que sélectionneur de la Géorgie ne maîtrisait pas le Français, ce qui lui avait été maintes fois reproché par Seillant. « La barrière de la langue n’a pas permis à ses deux personnalités de se parler », acquiesce Mopsus. « Seillant et Herbert, c’était le mariage de la carpe et du lapin », résume joliment Marc Duthu, suiveur historique de l’Élan pour Sud Ouest. « Ils n’étaient pas faits pour bosser ensemble. »

« Une année de pur bonheur avec lui »

Licencié un mois plus tard, le 13 juin 2007, cette passe d’armes était venue conclure une aventure française de trois ans, pourtant productive sportivement. Lors de l’été 2004, Gordon Herbert s’était imposé comme le nom qui incarnait le nouveau projet américain du Paris Basket Racing, tout juste sacré champion d’Allemagne la saison précédente avec Francfort. Alors que les nouveaux propriétaires ambitionnaient une simple saison de transition, il avait mené le PBR vers une magnifique 4e place (23v-11d), avec le seul Mamoutou Diarra comme survivant et un certain Kenny Atkinson comme assistant-coach. « Ça avait été une belle année : l’équipe repartait de zéro et il avait su créer un bon groupe et une bonne ambiance », se rappelle Gorjan Radonjic. « Nos résultats étaient le fruit de son style de coaching », ajoute Victor Samnick, qui a évolué deux ans sous ses ordres (2004/06). « Il pousse tout le monde à l’excellence par le travail. Avec lui, il n’y a pas de favoritisme et quand les joueurs voient ça, ils donnent tout pour leur coach. »

Gordon Herbert est le sélectionneur allemand depuis 2021 (photo : FIBA)

Incapable de conserver ses meilleurs joueurs la saison suivante, Paris avait éprouvé plus de difficultés en 2005/06, terminant aux portes des barrages des playoffs, à une modeste 13e place (16v-18d). « C’était difficile, il fallait tout reconstruire sans un gros budget », nuance Victor Samnick. Ainsi, Gordon Herbert avait ensuite trouvé des moyens plus importants à Pau-Orthez, mais échoue à qualifier l’Élan Béarnais en playoffs en 2007, une première depuis l’instauration du système en 1987. « Il a quand même amené le club à un niveau qu’il n’a plus connu depuis », défend Laurent Mopsus. « Car en plus d’avoir gagné la Coupe de France, on a joué le Top 16 de l’EuroLeague, battant notamment le CSKA Moscou d’Ettore Messina. »

Pourtant, malgré les résultats discutables de Pau, le sélectionneur de la Mannschaft a fait l’unanimité d’un point de vue purement basket. « Il fait partie de ces entraineurs qui m’ont vraiment appris », souligne Cédric Ferchaud, son shooteur à Pau en 2006/07. « Ça a été une année de pur bonheur avec lui », embraye son ex-assistant Laurent Mopsus. « Il est clairement le coach qui m’a le plus influencé, celui dont je me suis le plus inspiré. Il a apporté une approche anglo-saxonne, en investissant beaucoup sur le développement individuel des joueurs qui n’était pas encore trop ancré en France. » Tous décrivent un technicien tourné vers la défense, aux principes forts (« wide base feet away !, j’ai encore ses mots qui résonnent dans ma tête », se marre Cédric Ferchaud), axé sur l’intensité et le sens du détail, capable de donner de la confiance offensive à ses joueurs. « Avec Gordon, si tu défends dur, tu as des libertés ensuite en attaque », synthétise Victor Samnick.

Le coup du karting

C’est surtout au niveau management que l’ancien international canadien a marqué les esprits. « C’est l’un des meilleurs là-dedans », insiste le Franco-Camerounais. Avec le cliché, (ou pas du coup) de l’entraîneur étranger qui ne fait aucune différence entre les statuts, du premier au dernier joueur. « J’avais été recruté par le coach précédent », raconte Cédric Ferchaud. « Quand il est arrivé, Gordon m’a convoqué dans son bureau pour me dire qu’il ne comptait pas forcément sur moi mais qu’il me laissait un mois pour faire mes preuves. À la fin, il m’a dit qu’il s’était trompé sur mon compte et qu’il avait besoin de moi dans son équipe. C’est un homme charismatique, introverti, intègre et honnête. »  Victor Samnick évoque « un vrai leader, capable de gérer les égos » tandis que Laurent Mopsus se souvient « de ses discours, vraiment calibrés dans la préparation, avec des jeux de couleurs pour faire monter la voix ou marquer des moments de silence. » Avec la faculté de sortir des sentiers battus pour trouver des solutions en cas de problème. « Je partage très souvent une anecdote à mes coachs ou mes joueurs », conte Gorjan Radonjic. « En fin de saison, on avait connu une petite crise de résultats. Gordon savait que les entraînements ne passaient plus, qu’il fallait faire autre chose, alors il nous a emmenés faire du karting toute la journée. On a bien rigolé. Il a essayé de changer les choses d’une manière inhabituelle. » 

Gordon Herbert excelle dans la gestion des égos, comme avec Dennis Schröder (photo : FIBA)

Mais de la lutte pour les playoffs en France à une finale de Coupe du Monde, il n’y a qu’un pas… « Cela faisait longtemps que je ne l’avais pas vu coacher et il n’a beaucoup changé », apprécie Victor Samnick. « Il s’est adapté au basket moderne mais sinon, c’est le même homme, le même caractère, la même manière de communiquer, la même présence. » Avec une philosophie restée identique au travers des années. « Quand je vois Dennis Schröder, je revois notre meneur Aaron Miles », glisse Cédric Ferchaud. « Il a conservé ses principes : un fort axe 1-5, des shooteurs à gogo et des mecs capables de défendre dur sur les lignes de passe. » Avec un mot qui revient toujours, celui de « fierté ». « Waouh, une finale de Coupe du Monde, je suis tellement heureux pour lui », s’extasie Laurent Mopsus, qui lui a envoyé un petit texto de félicitations vendredi soir après la qualification. « J’ai quand même eu la chance de travailler avec lui pendant un an, d’être son adjoint, et d’accompagner un moment de sa carrière. Il a beaucoup partagé son expérience avec nous alors j’ai en moi un peu de Gordon Herbert. » Un peu d’un coach à une seule marche d’être couronné champion du monde.

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