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Mike Moser, de la JL Bourg au duo Doncic – Porzingis

Le 18 mai 2019, au moment de quitter le parquet du Portel avec une dernière victoire en poche (92-86), Mike Moser (2,03 m) savait qu’il n’enfilerait plus jamais le costume du basketteur professionnel. Bien que sa signature avec la JL Bourg semblait être l’occasion de redonner une trajectoire ascendante à son parcours, le natif de Dallas avait accumulé trop d’insatisfactions au fil des saisons. S’il a démarré sa carrière dans un grand club, le Lietuvos Rytas Vilnius, en 2014/15, il n’a ensuite jamais cessé de décliner, se retrouvant au Kosovo ou au Qatar trois ans plus tard. « J’avais l’impression de progresser année après année mais les blessures ont fait dérailler mon parcours », nous-a-t-il expliqué. « Je subissais un gros pépin physique lors de chaque saison et cela m’a mené vers des championnats de plus en plus faibles, ce qui me frustrait énormément. » Alors, malgré un passage plutôt abouti à Bourg-en-Bresse (9 points à 43%, 4,5 rebonds et 1,5 passe décisive pour 10,6 d’évaluation en 22 rencontres de Jeep ÉLITE), l’international albanais a décidé d’arrêter les frais à 28 ans.

Une histoire somme toute banale jusque-là, simplement un néo-retraité parmi d’autres. Un autre basketteur américain lassé de l’éloignement avec les siens, sa femme Tasha Schwikert (ex-gymnaste médaillée de bronze lors des JO de Sydney en 2000 et championne du monde en 2003) et ses deux enfants. Mais ce qui surprend chez Mike Moser, c’est la rapidité avec laquelle il a su réussir sa reconversion. Après avoir côtoyé Zachery Peacock ou Youssou Ndoye dans la raquette burgienne, il travaille désormais quotidiennement avec des joueurs tels que Luka Doncic ou Kristaps Porzingis ! Retourné vivre à Dallas où son épouse exerce la fonction d’avocate, le finaliste de la Leaders Cup 2019 a fait jouer son réseau et a été embauché par les Dallas Mavericks en tant qu’entraîneur individuel.

Un patron nommé Rick Carlisle

« Player development coach », une fonction très répandue outre-Atlantique (ils sont 4 chez les Mavs !) mais encore assez méconnue en France, bien qu’incarnée par Yacine Aouadi à Limoges ou Joseph Gomis à l’ASVEL. « Mon rôle est de m’occuper de la majorité des séances individuelles avec les joueurs », détaille Mike Moser. « Je dois faire en sorte qu’ils restent en forme toute la saison et qu’ils soient en confiance avec leur jeu. Mais en réalité, je fais plein de choses, tout ce qui peut être nécessaire. Je participe à des 5x5 ou des 3x3, surtout avec les jeunes, j’aide autant que possible lors des entraînements collectifs, je participe à la préparation des sessions vidéos… » Le tout sous l’égide de l’un des grands noms du coaching américain : Rick Carlisle, entraîneur de l’année en 2002 et champion NBA 2011. « C’est vraiment spécial de travailler sous sa tutelle. Il possède une telle science du jeu, c’est l’un des techniciens les plus pointus de notre époque. J’apprends tellement à ses côtés. »

Au début de la saison, les quatre entraîneurs individuels des Mavericks étaient censés se partager les joueurs mais en réalité, les choses évoluent sans cesse. « Finalement, on se retrouve à bosser un peu avec tout le monde. Personnellement, j’ai beaucoup travaillé avec Luka Doncic, Kristaps Porzingis, Boban Marjanovic, Dorian Finney-Smith, Jalen Brunson, Maxi Kleber et les « two-way contracts » (Antonius Cleveland et Josh Reaves, ndlr) quand ils ne sont pas en G-League. Il n’y a pas vraiment de critère, je peux entraîner tous les postes. Par exemple, en tant qu’ancien intérieur, je sais ce que les big men attendent de leurs meneurs. Et je crois que mon point de vue peut justement aider les joueurs, leur apporter de nouvelles perspectives. »

Le souvenir d’un duel en EuroCup avec Porzingis

C’est ainsi que Mike Moser se retrouve notamment chargé du développement de la nouvelle étoile du basket mondial, Luka Doncic. Auteur de premiers pas fracassants en NBA (28,7 points à 46%, 9,3 rebonds et 8,7 passes décisives de moyenne pour sa 2e saison) après avoir tout gagné en Europe, le Slovène suit une voie royale, tout en étant à peine majeur (21 ans) aux yeux de la législation américaine. « Il n’y a pas grand chose à faire avec lui », sourit Moser. « C’est le joueur le plus talentueux que j’ai eu l’occasion de voir dans ma vie. Il est juste tellement en avance sur son temps. C’est difficile de lui apprendre quelque chose car son intelligence de jeu est tout simplement démentielle. Il se trompe très rarement dans ce qu’il fait. Les gens le critiquent sur son physique mais j’ai été en réalité agréablement surpris par ses qualités athlétiques. Il travaille dur, il est régulier et c’est déjà un leader. Être capable de ramener Dallas en playoffs à un si jeune âge, c’est assez remarquable. » L’ancien prospect du Real Madrid est désormais épaulé par une autre star du basket européen, Kristaps Porzingis. « Il a vécu des moments intéressants depuis qu’il a débarqué aux Mavericks. Entre sa blessure et son départ mouvementé de New York, son impact des deux côtés du terrain cette saison est une vraie preuve de son caractère et de sa solidité mentale. »

Néanmoins, en tant qu’entraîneur individuel, une partie non négligeable du travail de Mike Moser se situe en dehors du terrain. L’ex-étudiant de Las Vegas doit particulièrement s’attacher à développer de bonnes relations personnelles avec les joueurs. « Rick Carlisle veut absolument que l’on soit proche avec eux, il nous répète qu’il faut absolument qu’ils aient confiance en nous pour nous écouter. Sans la confiance des joueurs, les coacher devient beaucoup plus difficile. » Et c’est là justement que son passé européen entre en jeu pour l’aider. « On se connait depuis longtemps avec Kristaps Porzingis », souffle-t-il. Les deux hommes s’étaient affrontés lors du Last 32 de l’EuroCup en janvier 2015. L’un portait les couleurs du Lietuvos Rytas Vilnius, l’autre était en couveuse à Séville et chacun avait remporté un match (100-78, 82-88). Surtout, les deux avaient pratiquement réalisé leurs meilleures performances de la saison lors de cette double confrontation : Moser avait cumulé 21 points et 11 rebonds sur l’ensemble des rencontres, tandis que Porzingis avait été le seul Andalou à surnager en Lituanie (18 points à 6/11 et 4 rebonds en 23 minutes) avant de récidiver la semaine suivante à domicile (16 points à 7/11 et 2 rebonds en 24 minutes). « Il nous avait détruits  et je me souviens être allé lui dire après le match à quel point il m’avait impressionné en étant capable de produire une telle performance devant autant de scouts NBA venus spécialement pour lui. Ce jour-là, j’avais compris qu’il avait un grand avenir. Depuis que je suis arrivé ici, on en a reparlé et il s’en souvenait très bien. Nous sommes sortis prendre un verre ensemble pour reparler de ces matchs en Europe et nous avons énormément bâti notre relation là-dessus. »

« J’entraîne Luka Doncic avec les méthodes de Boban Savovic ! »

Si Mike Moser a compris en cours de saison à Bourg-en-Bresse qu’il allait raccrocher (après s’être abîmé le tendon d’Achille et blessé au mollet), il n’avait pas réellement préparé son avenir. « Je savais juste que je n’allais pas quitter le monde du basket car j’aime beaucoup trop ce sport mais je n’avais pas programmé de devenir entraîneur. » Et un homme fut décisif dans cette reconversion : Frédéric Sarre, le directeur sportif de la JL Bourg. « Il fut mon plus grand mentor dans cette transition, c’est lui qui m’a convaincu de me lancer dans le coaching. J’ai adoré discuter avec lui, il a une telle expertise du management, il m’a transmis beaucoup de connaissances grâce à son expérience. Il n’est peut-être plus coach dans les faits mais il l’est encore dans sa tête. Il va voir les joueurs pour leur dire ce qu’il a pensé de leurs performances, il donne son avis sur ce qu’ils auraient pu mieux faire. »

Outre le meilleur moment de sa carrière (selon ses mots), sa demi-saison dans l’Ain aura indirectement servi de tremplin à son renouvellement professionnel. Dans les entrailles d’Ékinox, Mike Moser a pu côtoyer l’un des rares spécialistes du travail individuel en France, Slobodan Savovic. Et à l’écouter, il a exporté nombre de principes de l’ancien arrière du Partizan Belgrade (2002), de Roanne (2002/04) et de la JL Bourg (2004/06) dans le Texas. « Mon travail est semblable à ce que Boban effectue avec la JL. Il est extrêmement compétent et j’ai vraiment apprécié travailler avec lui ou l’observer lors de ses séances avec les jeunes. Il est tellement précis et pointilleux dans ce qu’il fait, il porte une attention extrême aux détails.  Je me suis beaucoup inspiré de lui et cela m’a beaucoup facilité mes premiers pas avec les Mavericks. » Plus concrètement ? « Je lui ai piqué beaucoup d’exercices », rigole-t-il. « J’entraîne Luka Doncic avec les méthodes de Boban Savovic. Même le grand Boban Marjanovic travaille avec ça maintenant ! » Soit une bonne raison pour que l’assistant monténégrin de Savo Vucevic puisse s’enorgueillir d’une petite part de responsabilité dans l’exceptionnelle évolution du prodige de Dallas.

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