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ITW Nikola Vucevic : « Jouer au Spirou Charleroi, pour Savo, c’était mon rêve ! »

Nouvelle star de Chicago, élu All-Star NBA pour la deuxième fois de sa carrière cette saison, Nikola Vucevic est l'un des plus beaux fleurons du sport monténégrin. L'héritier d'une longue tradition familiale, initiée par son oncle, Savo. À l'heure de la fin de son aventure à Bourg, l'intérieur des Bulls nous livre son regard sur son parcours.

« J’ai été le premier de ma famille à démarrer le basket mais je suis le plus petit champion au final », note Savo Vucevic dans un rire discret. Il est vrai que son palmarès − à base de trophées en NM1, en Pro B et Belgique − ne pèse pas forcément très lourd à côté des autres titres gagnés par les siens. Prenez sa femme, Ljiljana Mugosa-Vucevic : figure de l’équipe de handball du Buducnost Titograd, devenu Podgorica, elle fut championne olympique en 1984 (en compagnie de sa sœur, Svetlana), médaillée de bronze lors de la Coupe du Monde 1982, vainqueuere de la C2 et de la C3 européenne et, accessoirement, double championne de France avec Gagny. Ou son frère, Borislav, de 18 mois son cadet : champion d’Europe 1979 avec le Bosna Sarajevo, sélectionné par la Yougoslavie pour l’EuroBasket 1985, il continua à faire parler son shoot jusqu’à l’âge de 43 ans dans le championnat belge. Son fils, Nikola, a repris le flambeau, et l’a plutôt bien fait puisqu’il est devenu l’un des meilleurs intérieurs du monde, double All-Star NBA du temps de son règne au Magic (2019 et 2021) avant d’être envoyé aux Bulls en mars dernier. « On s’habitue à la nouvelle vie à Chicago, ça se passe bien », souffle-t-il, avant d’embrayer dans un sourire. « C’est assez différent d’Orlando, surtout au niveau du climat. Ça aide de ne pas être arrivé ici en plein hiver ! »

Traditionnellement le meilleur client médiatique francophone de toute l’Association, Nikola Vucevic (2,11 m, 30 ans) n’a pas failli à sa réputation en nous accordant, au pied-levé, sur la route de Detroit pour l’un de ses derniers matchs de la saison, un entretien consacré à son héritage familial. Où le Spirou Charleroi, désormais devenu un club lambda en Belgique, pourrait bien se mordre les doigts de ne pas avoir prêté plus d’attention à la pépité présente sous ses yeux il y a presque 20 ans…

À (re)lire, la première partie ;
Les mille et une vies du bâtisseur Savo Vucevic :
« Mon bonheur a été d’aider mes clubs à se construire »

Né en Suisse, Nikola Vucevic a grandi en Belgique jusqu’à ses 13 ans, accompagnant la carrière de son père, Boro
(photo : FIBA)

 

Nikola, entre tous les titres et les distinctions individuelles qui se répartissent dans la famille, on peut presque parler de dynastie Vucevic…

Ah,  c’est sûr que c’est un peu de famille ! Mon père a joué pendant longtemps, ma mère un peu aussi… Mon oncle a fait beaucoup de choses : un peu joué, un peu arbitré et il a été coach. Enfin, ma tante a connu une grosse carrière dans le handball. Et maintenant, c’est mon tour. Alors c’est certain que c’est dans la famille.

Le fait de grandir dans un tel environnement, de pouvoir observer la carrière de ton père, ça te prédestinait presque à devenir sportif professionnel toi-même non ?

Oui, cela m’a évidemment beaucoup inspiré. Dès que j’ai été assez grand pour comprendre qu’il jouait au basket, j’ai commencé à aller à ses matchs, à ses entraînements. C’est quelque chose qui m’attirait beaucoup et dès le plus jeune âge, je voulais être comme lui. Le basket m’attirait naturellement. Après, lui ne m’a jamais forcé mais une fois que j’ai décidé que c’était ça que je voulais faire de ma vie, il a essayé de me montrer le chemin, de m’expliquer que ce n’était pas facile, de me faire comprendre les efforts nécessaires pour y arriver. Après, je savais que mon oncle coachait donc je le suivais aussi bien sûr. Mais vu qu’il habitait en France et nous en Belgique, je n’ai pas pu trop regarder, à part l’année commune à Charleroi. J’avais 12-13 ans, je comprenais beaucoup mieux et c’est là où j’ai commencé à prendre plus sérieusement le basket.

« Je pourrais presque citer tous les joueurs du Spirou de l’époque »

Voilà, en 2002/03, ton père, Boro, a assisté Savo sur le banc du Spirou Charleroi pendant un an. J’imagine que ça reste une saison spéciale ?

Ah oui, c’était une super année pour nous ! Je m’en rappelle parfaitement. On habitait à cinq minutes les uns des autres, on se voyait tous les jours, on passait énormément de temps ensemble. J’étais très proche des deux filles de Savo, Jovana et Nina. Il y avait aussi son fils, Vuk, mais c’était un bébé. Et puis, au niveau basket, on allait voir tous les matchs, il y avait une excellente ambiance. On reparle souvent de cette époque-là dans la famille, c’était très sympa pour nous d’avoir pu faire partie de ça.

Et ils ont été champions de Belgique ensemble au final…

Ils ont été champions et ils ont gagné la Coupe aussi ! Ils n’ont perdu qu’une seule fois de toute la saison en championnat, dès le deuxième ou troisième match. Ensuite, ils ont gagné tout ce qui était possible, à part l’ULEB Cup. Charleroi venait à peine de construire la nouvelle salle, le Spiroudome. Elle était vraiment magnifique, l’une des plus belles en Europe à l’époque. C’était toujours rempli, l’ambiance était vraiment super. Franchement, c’était une époque géniale pour nous.

La doublette Vucevic aux manettes du Spirou en 2002/03
(photo : Virginie Lefour / Spirou Charleroi)

Et toi, jouer au Spirou sous les ordres du duo familial, ça ne te paraissait pas comme l’horizon…

(il coupe) Ah ben si, à cette époque-là, jouer au Spirou, c’était mon rêve (il rit). Je ne me voyais pas du tout aller en NBA. Bien sûr, j’en rêvais aussi, comme d’aller dans les plus grands clubs européens mais je me disais que si un jour je terminais au Spirou, avec Savo, je serais déjà super content. Après, mon père a décidé de rentrer au Monténégro donc ça a un peu tout fait changer mais quand on était là-bas, le Spirou, c’était le top à mes yeux. Mais c’était vraiment un bon club hein, très bien géré. Ils avaient un gros budget, une bonne équipe, une nouvelle salle… Même les infrastructures pour les jeunes étaient géniales avec une nouvelle salle, dotée de six terrains, spécialement construite pour l’école de basket. C’était spécial, il y avait peu d’équipes en Europe qui avaient ça il y a 20 ans.

Tu te souviens des joueurs qu’il y avait au Spirou à l’époque ?

Je crois que je pourrais presque tous les citer, oui ! Il y avait Ron Ellis, Marcus Faison, Roger Huggins, Jim Potter, Andre Riddick, Roel Moors… Et qui d’autres encore ? [On lui souffle le nom de Jacques Stas] En effet. David Desy aussi, mais il s’était blessé donc il n’a pas beaucoup joué. Tiens, il y avait Vladimir Kuzmanovic aussi. C’est pas mal non ? (il rit)

Même s’ils se voient moins qu’au cours de cette saison à Charleroi, ton père et Savo demeurent très proches non ?

Extrêmement proches, oui ! Je crois qu’ils se parlent encore presque tous les jours au téléphone. Quand ils se voient l’été, ils passent énormément de temps ensemble. Surtout qu’ils sont séparés depuis longtemps : mon père a quitté Bar en 1979 donc ils ne peuvent se voir que l’été. Et maintenant, c’est Savo qui est en France donc ça reste compliqué pour eux de se voir régulièrement. Ça ne les empêche pas de rester très liés et je pense que c’est aussi l’une des raisons de leur bon fonctionnement au Spirou. Ils sont un peu différents dans leur caractère, dans leur approche et les deux ensemble formaient un bon mélange. Vu qu’ils savent respecter l’opinion des autres, ça marchait bien. La connaissance du basket belge que pouvait avoir mon père a également beaucoup aidé Savo : il y avait joué pendant dix ans alors il connaissait la mentalité, les joueurs, les autres équipes, etc. J’aurais aimé les voir continuer un peu plus longtemps ensemble, ça aurait été intéressant de voir s’ils étaient capables de faire quelque chose d’un peu plus sérieux au niveau Europe mais mon père voulait rentrer au Monténégro car il pensait que ce serait mieux pour mon développement.

« Savo a accompli quelque chose de très beau avec Bourg »

Du coup, dans ta jeunesse, à travers Savo, tu as beaucoup plus suivi le basket belge que français ?

C’est ça. À cette époque-là, il n’y avait pas Internet, pas les mêmes moyens pour suivre. Je savais ce qu’il se passait à Bondy grâce à mon père mais j’étais tellement jeune, je ne comprenais pas autant. En revanche, quand il était à Cholet, je suivais un peu plus. Je savais qu’il avait fait une très grosse saison, en étant élu coach de l’année. Mais vu que ce n’était pas télévisé, je n’avais pas trop les moyens de m’informer, en dehors de ce que me disait mon père. Après oui, je suivais beaucoup le basket belge, même si ce n’était pas trop diffusé à la télé non plus. Parfois, il y avait une émission qui retransmettait des matchs et je regardais. En Belgique, c’est surtout le foot. Et par contre, la Ligue 1, je suivais ça en permanence ! Il y avait tout le temps des matchs, les chocs du dimanche soir. Depuis ce temps-là, je suis fan de l’Olympique Lyonnais.

En 2011, tu as été drafté en 16e position. Toute ta famille était présente, y compris Savo. Ça reste évidemment une soirée inoubliable ?

Oui, ça a été un moment très spécial ! La présence de Savo m’a fait plaisir. C’est un évènement qu’on voulait vivre en famille, c’était important pour nous. Être drafté est le plus grand rêve que j’ai pu avoir en tant que gamin donc c’était vraiment sympa qu’on soit tous réunis et qu’on ait pu célébrer cela ensemble après la Draft. Je pense qu’il y a une connexion naturelle dans la famille : vu qu’on est tous dans le sport, on se comprend et on discute souvent de comment se passent les choses. C’est spécial d’avoir ça dans la famille, ce n’est pas juste mon père et moi. Il y a même Vuk maintenant, le fils de Savo. Il a 18 ans et il commence à se développer, à jouer de plus en plus. On espère que lui aussi fera une belle carrière et que ça va continuer dans la famille. Personnellement, j’ai deux fils, de deux ans et demi et sept mois (entretien réalisé début mai, ndlr). Pour l’instant, ils sont assez grands, j’imagine qu’il y aura aussi du potentiel de leur côté pour poursuivre la lignée familiale.

Oncle et neveu en virée à New York
(photo : collection personnelle)

Tu as démarré ta carrière professionnelle en 2011 avec le Buducnost Podgorica à l’occasion du lock-out NBA. Savo ne coachait pas à l’époque mais s’il avait eu un club, cela aurait-il pu être possible d’être dirigé par ton oncle ?

Ah honnêtement, je n’y avais jamais pensé. Mais possible, oui, s’il avait eu un job à cette époque-là. Cela aurait pu être intéressant. J’ai déjà été coaché par mon père entre 12 et 16 ans au Monténégro. Mais après, si ça ne se passe pas bien, ça peut devenir compliqué (il rit). Le Buducnost, c’était surtout une opportunité de retourner chez moi le temps du lock-out car j’étais parti aux États-Unis depuis quelques années. C’était aussi une équipe qui développait bien les jeunes, qui démarrait un projet d’envergure, avec un nouveau sponsor, un nouveau président… J’avais aussi énormément de respect pour le coach de l’époque, Dejan Radonjic, et il m’aimait beaucoup. C’était l’un des très rares au Monténégro qui pensait que j’allais réussir dans le basket donc c’est surtout grâce à lui et à son appel que je suis allé là-bas.

Ensuite, pendant que tu prends tes marques à Orlando, Savo entraîne l’AS Monaco et se retrouve mis à la porte d’une façon un peu chevaleresque par le président Dyadechko en 2015. Tu en avais fait un tweet, c’est quelque chose qui t’avait choqué à l’époque ?

Ben oui ! Je ne sais pas si les gens connaissent l’histoire exacte mais le président voulait faire jouer certains joueurs et mon oncle n’était pas d’accord avec cela. Il ne voulait pas accepter l’ingérence du président donc il a été viré. Des trucs comme ça ne se font pas dans le sport en fait. Si tu fais venir un coach, c’est lui qui prend les décisions dans le domaine sportif, il prend les joueurs qu’il veut. Si tu le vires parce que les résultats ne sont pas là, OK, c’est autre chose. Mais si tu es en haut du classement et que tu veux faire jouer tes joueurs quand même, ce n’est pas quelque chose de légitime. D’un côté, les présidents amènent les sponsors, l’argent, le budget mais je trouve malgré tout que ce n’est pas normal. Les résultats étaient là, c’est le coach qui est censé prendre les décisions concernant les joueurs et il s’est fait virer parce que le président voulait donner des minutes à un joueur spécifique, j’ai trouvé ça extrêmement injuste. Même si ça arrive dans beaucoup de clubs… C’est pour ça que j’avais mis un petit commentaire sur Twitter, je m’en rappelle de celui-là effectivement. Après, ça m’a touché de manière personnelle car il s’agit de mon oncle mais ça arrive ailleurs, dans beaucoup de clubs et même d’autres sports, notamment au foot. Ce n’était pas la fin du monde mais c’est lui qui avait démarré le projet de l’AS Monaco : il les a fait monter de troisième division, ça jouait bien au basket, l’avenir était prometteur pour le club et il avait une grande part de responsabilité. C’est juste dommage qu’il n’ait pas pu terminer ce projet comme il le devait.

Tout le monde a finalement bien rebondi : Monaco a embauché Zvezdan Mitrovic à la place, et a remporté l’EuroCup récemment, tandis que Savo Vucevic a sûrement connu les plus belles années de sa carrière avec la JL Bourg, de la Pro B au Top 16 de l’EuroCup. C’est quelque chose que tu as suivi ?

Bien sûr ! C’est beaucoup plus simple de suivre maintenant avec Internet et étant plus âgé, je comprends mieux les enjeux que lorsqu’il était à Bondy ou autre. Avec Savo, on se parle très régulièrement sur WhatsApp en plus. Il a retrouvé une excellente situation, il a connu un grand succès avec Bourg. Je pense que c’était un petit club qu’il a su amener à un niveau extrêmement respectable, en jouant du bon basket. Les gens aimaient ce qu’il faisait. Il a connu une injustice, la vie continue et il a su trouver autre chose et tout s’est finalement bien passé pour lui. Il a accompli quelque chose de très beau avec Bourg et, encore une fois, il a une grande part de responsabilité dans la montée en puissance de la JL. Je ne connais pas toute l’histoire du club mais les résultats qu’il a eu sont vraiment bons, en Europe et surtout dans le championnat de France. Il a réussi à faire passer Bourg-en-Bresse dans une nouvelle dimension, c’est une belle histoire.

Tu as déjà regardé des matchs de la JL Bourg ?

Oui, j’en ai déjà vu quelques-uns, attrapés à la télévision ou sur Internet. J’en ai regardé un il n’y a pas longtemps : c’était celui à la Virtus Bologne (62-83, le 9 mars), surtout parce que Vuk avait eu du temps de jeu (13 minutes, pour 3 points, 2 rebonds et 1 interception). Je voulais voir comment il se développait.

Et qu’est-ce que tu en as pensé de Vuk ?

Que c’était très bien pour lui ! Il a joué contre de grandes équipes européennes, contre des grands joueurs. C’est une très bonne expérience. Ça l’aide à voir ce qui le sépare du haut-niveau. C’est différent de jouer contre des jeunes de ton âge que contre des pros. Ça lui a fait du bien de voir ce qui lui manque, sur quoi il doit progresser pour arriver à ce niveau-là. Ça va le motiver pour continuer à travailler. Je pense qu’il a un talent, il faut juste qu’il trouve le moyen de l’exploiter au maximum.

Bar, et vins

Dans l’effectif de la JL Bourg, j’imagine que tu connais plus les joueurs issus des Balkans que les autres ?

Exact. Je connaissais pas mal Ognjen Carapic, qui y a joué l’année dernière. Il est de la même ville que nous, on était ensemble en équipe nationale pendant quelques semaines avant la Coupe du Monde 2019 en Chine. Sinon, j’ai déjà affronté Alen Omic plusieurs fois en sélection en effet. Pareil pour Danilo Andjusic avec la Serbie, il effectue une très belle saison avec la JL Bourg donc c’est bien. Mais oui, je connais surtout les Yougos. Ah non, je ne sais plus quelle saison c’était mais il y avait un joueur qui s’appelait Chris Johnson (en 2019/20) ! Il avait fait une présaison avec Orlando à l’époque (en 2012).

À Bourg, Savo a su développer une relation extrêmement particulière avec un joueur qu’il a amené au titre de MVP du championnat, Zachery Peacock. C’est quelque chose dont tu es au courant ?

Je ne connais pas trop le joueur mais Savo m’en a parlé, oui. Je suis au courant de leur relation, du fait qu’il l’a beaucoup aidé. Ça reflète l’une des plus grosses qualités de mon oncle, en dehors de ses connaissances basket et coaching. Il réussit souvent à établir de très bonnes connexions avec ses joueurs et je pense qu’ils le respectent beaucoup. Il comprend les joueurs, sait comment ils pensent et c’est quelque chose qu’une équipe apprécie. Il a un lien personnel avec eux, il veut vraiment les aider, c’est quelque chose de marquant chez lui. En dehors du sport, les gens ne peuvent pas vraiment comprendre mais les joueurs arrivent à donner leur maximum quand ils ont un coach proche d’eux, tout en sachant qu’il y a des limites à ne pas dépasser avec lui. La plupart des plus grands entraîneurs réussissent à faire cela. Mon oncle est bon là-dessus. Ce n’est pas facile à réaliser mais il a beaucoup d’expérience ! Ce n’est pas de tout repos d’être entraîneur, c’est vraiment un métier compliqué. Si ça ne se passe pas bien dans l’équipe, c’est souvent le coach qui part. Il y a beaucoup de pression. Et il n’y a pas que le basket, il y a aussi le côté humain avec le fait de savoir manager entre 10 et 15 égos différents. Ce n’est pas simple hein. Personnellement, je crois que je ne voudrais jamais être coach.

Outre sa gestion humaine, tu connais sa philosophie de basket ?

Oui, grâce à nos conversations ensemble. Je la connais de par ce qu’il me dit, comment il aime jouer, comment il voit le basket. Mais je crois que c’est une vision partagée en famille. Nous sommes assez proches de ce point de vue-là. Il aime le beau jeu, le jeu rapide, le jeu d’équipe, la dureté défensive… Surtout, il apprécie le jeu simple. Un vrai jeu d’équipe où il essaye de créer des systèmes qui aident ses joueurs à tirer le maximum. Un peu comme moi ! Mais c’est normal qu’on voit tous le jeu de la même manière et qu’on soit tous connectés (il rit).

L’international monténégrin sort de la meilleure saison NBA de sa carrière 
avec 23,4 points à 48%, 11,7 rebonds et 3,8 passes décisives de moyenne (photo : FIBA)

En février 2019, vous avez connu un week-end extrêmement spécial. Toi, tu étais à Charlotte où tu participais à ton premier All-Star Game NBA. Lui était à Disneyland Paris où il a emmené la JL Bourg en finale de la Leaders Cup, éliminant notamment l’ASVEL au passage. Pendant les conférences de presse, il disait que vous vous souteniez mutuellement au cours de ce week-end…

Je m’en rappelle très bien, oui ! Pour notre famille, c’est sûr que c’était assez spécial. Mes parents étaient venus à Charlotte et on suivait ce que mon oncle faisait à la Leaders Cup, mon père regardait avec attention. Bon, après, pour moi, c’était un week-end complètement fou bien sûr. C’était un très beau moment : j’étais au top de ma carrière et je suis sûr que Savo a connu lui aussi l’une de ses plus belles aventures en tant que coach.

Est-ce qu’il te fait parfois bénéficier de son œil de coach pour ton jeu ?

De temps en temps. Il me donne quelques petits conseils, s’il voit quelque chose. Il me dit des petits trucs quand il me voit m’entraîner l’été. Mais il sait aussi que je reçois tout le temps des conseils de tous les côtés. Il ne veut pas en mettre de trop non plus.

Maintenant, vous ne vous voyez plus qu’à Bar l’été ?

C’est ça. À part l’année dernière malheureusement, où je n’ai pas pu rentrer au Monténégro à cause du Covid. Donc là, j’espère que ce sera pour cet été ! Ça fait longtemps qu’on n’a pas pu passer de bonnes soirées en famille avec du bon vin. Savo est un très grand connaisseur de vin et je commence à m’y mettre sérieusement là (il rit). C’est quelque chose qu’on aime beaucoup faire.

Il peut ramener du vin français comme ça…

Ah ben oui ! Et moi, je ramène du vin américain. On en prend un peu de partout. Je lui avais acheté une belle bouteille de vin américain il y a deux ans. Faudra que je lui demande s’il l’a goûté. J’avais complètement oublié mais maintenant qu’on en parle, je vais lui poser la question. Mais je pense que non (il rit). Il doit la garder pour une occasion spéciale et je pense qu’il me l’aurait dit s’il l’avait essayé.

« Aider Vuk dans son développement,
c’est quelque chose que j’aimerais vraiment faire»

Pour résumer, Savo est forcément quelqu’un qui a compté dans ton évolution ?

Bien sûr ! Je suis très proche de Savo. Quand on était plus jeunes, avant que je ne parte pour les États-Unis, on passait deux-trois mois ensemble à Bar, dans une maison à dix kilomètres de la ville. On passait toutes nos vacances là-bas, énormément de temps ensemble. Notre relation a toujours dépassé le cadre du basket évidemment. Je parle aussi très régulièrement avec ses enfants. Bon là, malheureusement, on est tous un peu dispersés. Je suis à Chicago, Jovana est à Londres, Nina est à Paris, Vuk est à Bourg. C’est comme ça mais on reste en contact, on reste une famille soudée. C’est la famille quoi, il n’y a pas plus proche que ça ! Après, je pense que le basket a effectivement donné une autre dimension où l’on peut vraiment rester connectés de ce côté-là, en parler, s’aider mutuellement. Par exemple, je peux accompagner Vuk dans son développement, lui donner des conseils, lui parler souvent. Vu qu’il veut vraiment s’y mettre sérieusement, j’essaye de regarder ses matchs et de lui donner un coup de main comme je peux.

Tu regardes ses matchs en Espoirs ?

Oui, il m’en avait envoyé un ou deux, en plus de Bologne. L’été, je le vois s’entraîner aussi. L’aider dans son développement, ce serait intéressant, c’est quelque chose que j’aimerais vraiment faire. Il faut qu’il suivre son propre chemin bien sûr mais je pense que c’est toujours bien d’avoir quelqu’un pour t’aider.

Surtout que pour lui, comme pour la nouvelle génération Vucevic, ce sera difficile de faire mieux qu’un double All-Star NBA, un champion d’Europe ou une championne olympique…

Oui mais voilà, il faut qu’il suive sa propre voie, sans lui mettre de pression parce que son cousin est en NBA, double All-Star, peu importe, ou que sa mère a fait une très grande carrière… Ça ne se passe pas toujours comme ça. Tant qu’il aime jouer au basket et qu’il se donne au maximum, ce qu’il réussira à faire, ça ne dépendra que de lui.

En partance pour la prestigieuse académie de Montverde (Floride),
Vuk Vucevic a disputé quatre rencontres d’EuroCup cette saison lors du Top 16 (photo : Jacques Cormarèche)

 

Le regard de Savo Vucevic :
« Voir l’un des nôtres arriver au sommet,
c’était l’aboutissement de quelque chose »

« Je suis le premier de la famille à avoir commencé le basket mais je suis le plus petit champion au final ! J’ai poussé mon frère à s’y mettre, qui a ensuite fait une meilleure carrière que moi en étant champion d’Europe et international yougoslave. Et son fils, on sait… Ma femme est championne olympique, sa sœur aussi, la femme de Nikola Antic. Au Monténégro, je crois qu’il n’y a que cinq champions olympiques, dont les deux sœurs Mugosa. Parmi la nouvelle génération, ma fille cadette, Nina, a eu une bourse aux États-Unis pour jouer au tennis. Jovana a fait du basket aussi. Vuk joue également, on verra jusqu’où il ira. Le sport est dans les gênes de ma famille, des deux côtés.

Je suis tellement content de la réussite de Nikola. Il est comme mon fils, nous sommes tellement proches. Boro pense la même chose pour Vuk. D’ailleurs, Nikola et Vuk ne se voient pas comme des cousins mais comme des vrais frères. C’est un plaisir énorme de le voir aussi haut mais il l’a mérité, il a toujours été travailleur. Tous les étés, il s’impose 3h – 3h30 de travail quotidien, du lundi au vendredi. Il avait bien sûr du talent, des prédispositions pour devenir un grand joueur mais c’est énormément de boulot derrière. Je me rappelle de sa première année en lycée aux États-Unis, il s’est retrouvé face à des Américains, bien costauds, et il disait : « Ici, ils sont tous plus forts que moi, je passe mon temps par terre. » Son père lui a dit de résister et de travailler pour devenir plus forts qu’eux un jour. À ce moment-là, il avait juste une connaissance basket et une certaine façon de jouer, il a dû structurer tout le reste ensuite.

Je ne suis pas surpris de ce que Nikola a su faire. Récemment, j’ai vu sur le site des Bulls qu’il portait déjà le maillot de Jordan quand il était gamin (il sourit). Je me rappelle qu’il venait voir les entraînements à Charleroi, qu’il était partout dans la salle pendant les matchs. Il était tellement content de regarder les matchs. Une anecdote : quand il avait 12 ans, il avait dit à sa grand-mère : « Mamie, je veux jouer au Spirou ! Tu penses que mon oncle va me prendre quand je serai assez grand ? » Et ma mère lui a répondu : « Bien sûr, il n’aura pas le choix de toute façon ! » (il rit) Ça s’est vu depuis le début qu’il adorait le basket. Mon frère a su voir sur le très long-terme, il l’a emmené au Monténégro pour qu’il s’entraîne. Il disait que c’était nécessaire pour lui, que les gamins sont beaucoup plus durs là-bas. Il est resté quatre ans avec son père en benjamins puis il est parti aux États-Unis. Entre 12 et 15 ans, il jouait extérieur, il avait une vision phénoménale, il faisait des passes, il était extrêmement altruiste. Il shoote maintenant un peu plus mais encore ces derniers temps, je lui disais de prendre plus de tirs. Il a toujours préféré la passe. Après, bien sûr, à ce moment-là, je ne pouvais pas voir qu’il terminerait aussi haut. Rien que d’aller en NBA, c’est déjà un privilège, surtout à l’époque et en venant d’un petit pays comme le Monténégro. Lors de sa draft, j’ai presque pleuré, c’était beaucoup d’émotions. C’était notre rêve en fait. Je me rappelais de l’année 1970 où on construisait nous-mêmes les panneaux de basket juste derrière la maison. Mon frère et moi, on sait d’où on vient et si on nous avait dit que l’un de nos fils terminerait en NBA, on ne l’aurait jamais cru. Pour nous, pour nos parents, voir l’un des nôtres arriver au sommet, c’était l’aboutissement de quelque chose. »

Nikola Vucevic entouré de ses parents et de son oncle,
sacrée concentration de talents sportifs dans la famille Vucevic

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