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De la Pro B à la NBA, Chima Moneke retrace son incroyable ascension : « Le voyage a été compliqué mais la destination finale est encore plus savoureuse »

Moins de quatre ans après une première expérience "dévastatrice", de ses propres mots, à Rouen (Pro B), Chima Moneke va devenir un joueur NBA ce lundi avec la signature officielle de son contrat aux Kings ! Embauché par Sacramento, l'Australo-Nigérian est à la tête d'un incroyable parcours qu'il nous raconte. Ses quatre entraîneurs français offrent également leur éclairage d'un joueur unique à tout point de vue.
De la Pro B à la NBA, Chima Moneke retrace son incroyable ascension : « Le voyage a été compliqué mais la destination finale est encore plus savoureuse »
Crédit photo : Sébastien Grasset

« J’irai vraiment en NBA », clamait-il le 16 juillet 2018, au micro du journal australien Canberra Times, alors qu’il venait de signer son premier contrat professionnel avec le… Rouen Métropole Basket. Pour être aussi loin de la grande ligue à ce moment-là et avancer de telles certitudes, il fallait soit en être intimement convaincu, soit avoir opté pour la méthode Coué. Le temps a prouvé que la première option était la bonne pour Chima Moneke (1,98 m, 26 ans).

Semaine après semaine, l’Australo-Nigérian répétait à qui voulait bien l’entendre qu’il deviendrait un joueur NBA. Même quand les circonstances étaient difficiles, même quand il fut mis au placard en Normandie après trois premiers matchs professionnels sans saveur en Pro B (4,3 points à 29% et 3,3 rebonds pour 5 d’évaluation)… Quand il s’est retrouvé seul au volant de sa voiture siglée RMB, en approche du bassin minier, où un essai l’attendait à Denain pour un contrat d’un mois, le rêve NBA n’était pas forcément au coin du tournant. Mais l’ancien Lyonnais (il a passé six mois de son enfance dans le Rhône) a eu le mérite de ne jamais cesser d’y croire et de forcer son destin.

Au final, la trajectoire de Chima Moneke est aussi exceptionnelle que rare. Il y a deux ans, il était encore un joueur de Pro B qui s’apprêtait à tenter sa chance à l’étage supérieur avec les incertitudes que cela comporte. Le voici désormais revêtu du costume de MVP de la Champions League, en passe de devenir un joueur NBA ce lundi avec la signature programmée ce jour de son contrat avec les Sacramento Kings. À quelques heures de ce grand moment, dans l’attente de basculer dans le grand monde, l’ancien intérieur de Rouen, Denain, Quimper et Orléans a jeté un dernier coup d’œil dans le rétroviseur en notre compagnie.

Chima, as-tu passé un bon week-end alors ?

Très bon (il rit) ! Un peu stressant, mais très positif au final. Quand j’ai appris que le deal allait se faire avec les Kings, j’étais justement en route pour Sacramento afin d’assister au mariage de l’un de mes anciens coéquipiers de NCAA. La façon dont cela s’est déroulé est assez folle ! Du coup, je reste sur place afin de signer mon contrat demain (lundi).

Peux-tu expliquer comment cette signature avec Sacramento fut possible ?

Mike Brown (son sélectionneur avec le Nigéria, ndlr) m’a appelé le jour de la finale de la Champions League contre Tenerife, soit le 8 mai. Il m’a informé qu’il allait devenir le prochain entraîneur des Kings et qu’en pensant aux types de joueurs qu’il voulait, mon nom qui lui était venu en tête. Il m’a dit que dans l’immédiat, il allait évidemment se concentrer sur la quête de titre de Golden State mais qu’il aimerait discuter avec moi d’une arrivée à Sacramento. Ensuite, il a embauché Jordi Fernandez, auparavant aux Nuggets, qui était un assistant-coach avec le Nigéria. Jordi est le gars qui m’a convaincu, et qui a convaincu Manresa, que notre union serait parfaite donc j’ai beaucoup d’affection pour lui. Il a aussi fait venir un autre de ses adjoints avec le Nigéria, Luke Loucks, qui est très important pour moi en sélection. Cela me semblait donc parfaitement sensé de rejoindre une franchise où je connaissais autant de monde dans le staff technique, et où les coachs savaient déjà qui j’étais. Tout s’est parfaitement goupillé.

Qu’est-ce que cela signifie pour toi d’avoir signé en NBA alors ?

(il souffle) Cela veut dire que je ne me faisais pas des fausses illusions quand je travaillais aussi dur. Ma conviction était plus puissante, plus importante que la négativité ambiante. Beaucoup de gens n’aiment pas rêver, ou ne veulent pas travailler pour atteindre leurs rêves, parce qu’ils n’en sont pas capables en réalité. Cela n’a jamais été mon cas. J’ai toujours cru en moi avant tout le reste, j’ai toujours travaillé pour y arriver. J’ai rendu énormément de personnes mal à l’aise en leur annonçant que je jouerai un jour en NBA. Quand j’étais en Pro B, les gens ne me voyaient pas être en mesure d’y parvenir par exemple.

« À Rouen, j’étais déprimé »

Justement, pourrait-on revenir quatre ans en arrière ? À l’époque, tu venais aussi de signer un contrat. Mais c’était avec Rouen, en Pro B, afin de devenir un basketteur professionnel. Te rappelles-tu de ton état d’esprit lors de cet été 2018 ?

Bien sûr que je m’en souviens. C’était mon premier contrat donc j’en étais fier. Je savais que je pouvais jouer à un meilleur niveau que la Pro B mais je comprenais que j’étais censé passer par là et qu’il faudrait en tirer le meilleur. Malheureusement, mon expérience rouennaise a été dévastatrice. Mon premier contact avec le monde professionnel fut catastrophique. Ce qui était particulièrement frustrant, c’est que je jouais super bien en présaison, c’était facile ! Je devais tourner à 18 points et 10 rebonds. Je sais que ce n’était que des matchs amicaux, que certains mecs n’étaient peut-être pas à fond. Les choses ont commencé à tourner en Leaders Cup, je suis passé à 11 points et 5 rebonds. Mais dès que la saison a démarré, le coach (Alexandre Ménard) a complètement changé son fusil d’épaule et ne me faisait plus autant jouer, ne m’utilisait pas de la bonne façon. Il m’a perdu. Cela ne leur a pas porté préjudice puisqu’ils ont accompli une très bonne saison (Lasan Kromah avait été embauché à la place de Moneke et le RMB était allé jusqu’en finale, ndlr) mais il sait qu’il a fait une erreur. Vous ne pouvez pas me dire que je suis incapable de jouer en Pro B !

C’est ce qui t’a été dit là-bas, que tu ne pouvais pas jouer en Pro B ?

C’est ce que le coach disait. Il me l’a dit à moi, et il l’a répété aux médias. À vrai dire, je ne savais pas ce qu’il avait dit à la presse avant que vous, BeBasket, ne le publiiez il y a deux mois. C’est la première fois que j’ai entendu cette citation, où il disait que je n’étais pas au niveau ou quelque chose du genre (« Ce n’est pas facile de s’adapter quand on est rookie. Je le vois faire des efforts mais il y a encore des progrès à effectuer comme lorsqu’il a perdu le ballon sur une remise en jeu contre Quimper. Il faut gommer ça, ce n’est pas possible quand on est professionnel. C’est une faute. J’aimerais qu’il se concentre sur les rebonds et les tirs extérieurs. […] Ses stats ne répondent pas à nos attentes. Gagner sans lui montre peut-être que l’on joue mieux. »). Merci, du coup…

À Rueil en Coupe de France, Moneke avait signé sa meilleure prestation avec le RMB : 22 points et 8 rebonds (photo : Gérard Héloïse)

Comment as-tu vécu cette période, où tu t’es retrouvé écarté après seulement trois matchs ?

C’était très, très, très, très difficile. J’ai passé six semaines à m’entraîner au sein d’une équipe qui ne voulait plus de moi. Ce n’était pas bon du tout. J’étais déprimé, j’étais fatigué, je devais regarder des vidéos de moi en NCAA afin de me rappeler que j’étais capable d’accomplir de telles choses. Mais en même temps, c’est aussi une période qui m’a aidé, qui m’a permis de devenir reconnaissant pour énormément de choses. Quand je suis arrivé à Denain, j’essayais de ne pas faire d’erreur, de retrouver mon jeu. Je suis redevenu moi-même en mars et je me suis hissé à un tout autre niveau.

Quand tu repenses à cette situation rouennaise avec plus de maturité qu’à l’époque, as-tu fait des erreurs là-bas ou était-ce juste les difficultés inhérentes à l’arrivée d’un rookie dans le monde professionnel ?

Mais il (Alexandre Ménard) a dit qu’il ne m’avait pas regardé jouer. Il m’a signé sans connaître mon style de jeu. Donc non, je n’ai rien fait de travers. C’est de la Pro B : vous avez vu ce que j’ai fait à Denain et à Quimper. Regardez mes statistiques sur l’ensemble de ma carrière et demandez-vous quels chiffres ne ressemblent pas aux autres. C’était à Rouen. C’est ce qui arrive lorsqu’un coach ne sait pas comment vous utiliser, ne veut pas vous faire jouer. Je suis heureux de la façon dont ma carrière a évolué mais à l’époque, ce qu’il a fait avait tout fichu en l’air.

« Denain m’a aidé à reprendre confiance »

Après six semaines d’attente, Denain est venu te chercher… Ce passage dans le Nord s’est avéré être un tremplin pour toi, le premier endroit où tu as vraiment pu exprimer tes qualités dans le monde professionnel.

C’est exactement ça. Un grand merci à Rémy (Valin) car il m’a donné ma chance. Il croyait en moi et voulait me voir réussir. Il m’a vraiment aidé, il m’a écouté, il m’a permis d’être moi-même. Je suis quelqu’un de très émotif et il me faut un type de coaching spécifique, surtout à cette époque. Dans ce contexte, il a été très bien pour moi. En plus, j’aimais son style de jeu. Finalement, je suis devenu le leader de cette équipe. Je savais que j’aurais déjà pu en faire de même à Rouen mais l’équipe n’était pas construite de cette façon. Peut-être que tout se serait accéléré, peut-être que je serais parvenu plus rapidement là où j’en suis aujourd’hui, mais rien n’arrive par hasard. Peut-être que je n’étais pas prêt à aller en NBA avant, peut-être que j’étais censé traverser tout cela. Mais je ne peux pas cacher que ça a été vraiment difficile à l’époque.

Surtout que tu étais en Pro B française, ce qui n’est pas exactement le rêve de n’importe quel basketteur professionnel. Tu te retrouves écarté par ta première équipe, obligé de signer un contrat de pigiste médical dans un deuxième club. Le rêve NBA semblait bien lointain à l’époque ?

C’est évident. Mais je ne me disais pas que je n’allais jamais arriver en NBA. Je me disais juste que je devais me concentrer, faire de mon mieux là où j’étais, travailler encore plus dur. Je n’ai jamais arrêté de croire que j’étais un joueur NBA. J’étais simplement conscient que ça allait prendre plus de temps que prévu. Et maintenant, je suis ici ! Mais demandez aux gens que j’ai côtoyé à mon époque Pro B : je répétais à tout le monde que j’allais jouer en NBA.

Chima Moneke lors de son premier jour à Denain (photo : Mehdi Chalah)

Est-ce que Denain fut une étape particulièrement importante de ta carrière, la confirmation que tu étais capable de briller au niveau professionnel ?

Toutes les étapes ont été importantes ! Mais c’est Denain qui m’a aidé à reprendre confiance. À l’époque, j’avais signé en Australie (avec les Melbourne South East Phoenix, ndlr) mais je n’ai pas pu y aller à cause d’un problème de passeport donc j’ai dû rester en France. C’est à Denain que j’ai retrouvé mon swag, où je me suis senti aimé de nouveau. Quand je suis parti, j’étais vraiment le chouchou du public, les supporters m’adoraient, même si nous n’avions pas des super résultats. Ça m’a aidé en vue de prendre une dimension supérieure pour la saison suivante.

Saison que tu as passé à Quimper. C’est l’année de l’explosion pour toi. Auparavant, tu étais vu comme un bon joueur d’une petite équipe. À l’UJAP, tu es devenu le moteur d’une équipe qui aurait pu monter en Betclic ÉLITE, sans le Covid…

Bien sûr qu’on aurait réussi à monter, c’est une évidence. Sans le Covid, c’était une saison parfaite. On n’a pas perdu un match à domicile, on était deuxième au moment de l’interruption. Mais la situation était un peu particulière pour moi : mon ancien agent m’avait promis que j’évoluerai en Jeep ÉLITE après ma saison rookie. Ça n’a pas pu se faire et je me suis retrouvé à Quimper. Honnêtement, j’étais déçu. Le club n’avait plus participé aux playoffs de Pro B depuis quinze ans (depuis sa finale de 2007, ndlr) alors que moi, je m’attendais à me retrouver en première division. En arrivant là-bas, je ne savais pas à quel point on pouvait être bons. Ça a pris du temps mais au final, ce fut une saison incroyable (il le répète). En plus, j’ai très bien joué là-bas donc ça a aidé.

« Laurent Foirest me répétait que j’avais un futur brillant »

Tu as donc été capable de transformer la frustration de signer à Quimper en quelque chose de productif ?

En fait, j’étais déçu de signer à Quimper à cause de ce que l’on m’avait dit. Quand on vous promet une chose et que vous devez vous contenter de moins bien, c’est décevant. Mais en m’engageant avec Quimper, je me suis dit que j’allais tirer le meilleur parti de cette situation. C’est ce que j’ai réussi à faire : l’année a été bonne et j’ai pu accéder à l’étage supérieur.

Comment s’est passée la collaboration avec Laurent Foirest ?

Très bonne ! On continue de s’écrire encore de temps en temps. Il était vraiment mon type de coach. J’ai apprécié la façon dont il m’a laissé être un leader, dont il m’a laissé jouer avec mes émotions, tout en me disant quand il fallait me calmer, quand il fallait respirer, quand il fallait me concentrer sur ce qui important vraiment. Il m’a toujours répété que j’avais un futur brillant : il est le premier entraîneur français à m’avoir dit que j’étais un joueur de haut niveau, à condition de faire certaines choses. Lui-même a joué à très haut niveau donc j’adorais l’écouter et je le respectais énormément.

Quimper pouvait prétendre à la montée, et Moneke au trophée de MVP, avant que la saison 2019/20 ne s’arrête (photo : Sébastien Grasset)

Tu as effectué le grand saut vers la Betclic ÉLITE l’été suivant, direction Orléans. Quels souvenirs gardes-tu de ton passage à l’OLB ?

(il rit) Que c’était bien ! C’était compliqué au départ, on a galéré un peu mais sur le papier, notre équipe était tellement talentueuse. Il y a eu beaucoup de blessures, y compris moi puisque je me suis démis l’épaule à l’automne. C’était dur ! Mais j’étais persuadé que j’avais besoin d’effectuer cette transition avec la Betclic ÉLITE puis de quitter la France afin de faire une saison dans un autre pays. Mon passage à Orléans m’a été bénéfique : je regrette simplement qu’on n’ait pas joué plus souvent devant nos supporters car l’ambiance aurait été électrique. Le coach (Germain Castano) était bien, mes coéquipiers aussi, ça reste une super expérience. On avait vraiment une très bonne équipe. Avec un peu plus de stabilité, un peu de temps ensemble, on aurait accompli de très, très grandes choses.

« Orléans reste une super expérience »

Comme à Denain, comme à Quimper, tu avais une très bonne relation là-bas avec ton entraîneur, Germain Castano…

Tout à fait. Je lui ai envoyé un message il y a quelques jours pour l’informer de ma signature avec Sacramento, pour lui dire à quel point je l’appréciais et il m’a longuement répondu, disant également son affection pour moi, combien je l’ai aidé à grandir en tant que coach. Au-delà du côté sportif, Germain est quelqu’un de très gentil. Il m’a beaucoup apporté. Je souhaite le meilleur à Orléans, je ne sais pas ce qui va se passer avec l’Élan Béarnais, NM1 ou non, mais j’espère que l’OLB va rester en Betclic ÉLITE. Le club le mérite.

Après deux saisons en Pro B, il fallait prouver ta valeur à l’étage supérieur. J’imagine que tu n’avais aucun doute sur ta capacité à t’imposer en Betclic ÉLITE ?

Évidemment. Je savais que j’étais prêt. Certains n’en étaient pas si sûrs mais moi, je le savais. J’étais déjà prêt l’année d’avant. J’entendais les échos qui disaient que j’étais trop petit, etc (il rit). Mais ça a été comme ça pendant toute ma carrière, je suis habitué. En quittant Orléans, et les victoires avec le Nigéria contre Team USA ou l’Argentine m’ont aidé à m’en rendre compte, je savais que je pouvais avoir un rôle et une place en NBA mais qu’il me fallait encore une année ou deux à être le joueur principal d’une équipe de Champions League ou d’EuroCup. C’est ce qui s’est passé.

Avec l’OLB, Moneke a terminé sixième meilleure évaluation de Betclic ÉLITE avec une marque à 17,6 (photo : Jacques Cormarèche)

Du côté de Manresa en effet, avec une saison folle à la clef ? Finaliste et MVP de Champions League, équipe surprise en Espagne, tout s’est passé comme dans un rêve là-bas ?

C’était la saison parfaite (il souffle). Oui, c’était parfait, juste parfait. Je sais que certaines personnes ont dit que Manresa était un niveau trop bas pour moi, que je pouvais aller au dessus, mais j’étais convaincu que c’était l’étape idéale avant d’aller en EuroLeague. C’était mon état d’esprit. Et en réalité, ça s’est même déroulé mieux que prévu. On ne s’attend jamais vraiment à être élu MVP d’une compétition européenne car il y a tellement de bons joueurs. Être élu MVP de Champions League, être dans le Top 3 du scrutin en Liga Endesa, ça m’a rappelé que j’étais vraiment comme ça. Que je suis bon (il rit)…

Après la France, c’était la meilleure façon de te faire un nom sur la scène européenne ?

Bien sûr. Mais même après ça, certains continuaient à dire que je répétais que j’étais trop petit pour l’EuroLeague (il rit). Les opinions de certains sont vraiment drôles : comment pourrais-je être trop petit pour l’EuroLeague alors que j’étais dominant en Liga ACB, deuxième meilleur rebondeur ?! Certains personnes sont un peu ridicules. Ça me fait rire, ça ne m’affecte pas.

« Jouer en NBA jusqu’à ma retraite »

Tu as fait équipe avec l’un des joueurs français les plus intrigants, Sylvain Francisco. Quel regard portes-tu sur lui ?

C’est l’un des joueurs les plus fun à regarder ! Il a un talent fou, c’est incroyable ce qu’il est capable de faire. En dehors du terrain, il est aussi devenu un bon ami. J’espère qu’il obtiendra tout ce qu’il mérite et je lui souhaite le meilleur. Je suis impatient de voir ce qu’il va faire maintenant.

Cet été, as-tu eu d’autres possibilités en dehors de Sacramento ? On pensait que l’EuroLeague était la suite logique…

La NBA était ma priorité. Il y avait quelques autres équipes qui étaient intéressées, j’aurais choisi parmi elles si ça n’avait pas pu se faire avec les Kings. Je sais que certains clubs européens me voulaient aussi mais mon agent les avait informés que je partais pour la NBA. Ça a pu se faire, je suis heureux d’avoir un bon agent.

Le plus difficile démarre presque maintenant. Comme à Denain, comme à Orléans, tu vas devoir prouver ta valeur. C’est une chose de signer en NBA, ça en est une autre d’y jouer et d’y rester… C’est le prochain défi ?

Évidemment, mais il y a toujours des défis. Je me connais, j’ai encore plus de confiance qu’avant. Je crois en moi, je sais que je vais continuer à travailler aussi dur. Rappelez-vous ce que les gens disaient sur Luka Doncic avant qu’ils ne découvrent qui il est réellement. Ils ne connaissaient pas le basket européen et disait : « Ce gamin européen ne devrait pas être drafté aussi haut ». Si même le MVP de l’EuroLeague, Luka Doncic, était remis en cause, bien sûr qu’il va y avoir les mêmes interrogations sur moi, que l’on dira que je ne suis pas à ma place. Mais je prouverai que ces gens-là ont tort, comme je l’ai toujours fait, et je serais reconnu comme un vrai joueur NBA, saison après saison. Je l’ai dit plein de fois, et je vais continuer à le redire : je vais le faire, et je vais le montrer.

Avec Manresa, Chima Moneke s’est imposé comme le MVP de la Champions League (photo : FIBA)

Quand tu regardes ta trajectoire, que l’on vient de récapituler, d’un statut d’indésirable en Pro B à la NBA, qu’est-ce que cela t’inspire ?

Que c’était ce dont j’avais besoin, ce que j’étais censé traverser ! Même si cela n’a pas toujours été facile, pour ne pas dire très difficile, je suis en paix avec tout ce qui m’est arrivé. Le voyage a été compliqué mais c’est ce qui rend la destination finale encore plus savoureuse. Toutes les saisons ont été importantes, chacune m’a permis de passer  à l’étape suivante. La France m’a permis d’aller en Espagne qui m’a permis de signer en NBA. La France fait partie de mon histoire maintenant, j’y ai passé trois ans et cela a été très positif pour moi, c’est ce dont j’avais besoin à l’époque. Je suis reconnaissant, honnêtement, je ne prends rien pour acquis.

À quel point le Chima Moneke de 2022 est différent du Chima Moneke de 2018, qui est arrivé en France ?

Il est évident que j’ai progressé. Ma panoplie s’est agrandie. Mais le facteur déterminant est que j’ai plus confiance en moi. Surtout, je suis encore parfaitement lucide sur ce que je dois faire, qui je dois être, pour m’établir comme un vrai joueur NBA.

Tu rêvais d’être en NBA. Quel est ton rêve maintenant ?

Rester en NBA ! Et y jouer jusqu’à ma retraite.

Les avis de ses quatre entraîneurs français

Alexandre Ménard (Rouen) : « Je n’ai pas de regrets »

« Ce qui est important est de retracer la façon dont ça s’est faite. Chima était rookie, sortait de UC Davis, était censé faire le PIT et le Draft Combine avant une sombre histoire qui a terni sa réputation alors qu’il était destiné de suite à une trajectoire très haute. Ce qui fait qu’on a eu l’opportunité de le signer mais au départ, ce n’était pas ce profil là qu’on cherchait car on avait déjà engagé Zimmy Nwogbo, poste 4 aussi. Quand il est arrivé, on a essayé de le faire jouer 4-3, là où il jouait 4-5 en NCAA. Ce n’était déjà pas facile pour lui à l’avance puisque c’était sa première fois de l’autre côté de l’Atlantique, et en plus, pas tout à fait sur le poste où il était habitué. Il y avait aussi le fait que Zimmy était très bon et que Chima n’avait pas encore les codes de la Pro B, ni du basket professionnel tout court. Mais le potentiel était évidemment bien là. Son coach à la fac lui avait interdit de tirer à trois points, il faisait comme un blocage sur ce point-là. Je l’avais pris en individuel pour le faire travailler dessus, pour qu’il devienne un stretch 4. Je croyais vraiment en le fait de le voir devenir un 4-3. Sans parler de dribbler, je trouvais qu’il y avait moyen de le poster en 3 et s’il pouvait étirer les défenses en 4 avec son tir, ça aurait été un plus. Je me rappelle encore avoir passé quelques heures là-dessus avec lui.

Chima Moneke a disputé 7 matchs avec Rouen (photo : Gérard Héloïse)

C’est un très bon garçon. Avec le caractère d’un Nigérian, donc fort et déterminé. C’était très agréable de travailler avec lui, mais il n’était encore pas prêt pour le monde professionnel, avec des erreurs un peu flagrantes. Peut-être par manque de confiance ou manque de temps. Je pense aussi surtout que l’équipe était déséquilibrée et c’est pour ça que son remplaçant n’était pas le même profil de joueur du tout, avec Lasan Kromah. L’histoire est simple : ça arrive des tonnes et des tonnes de fois qu’un joueur qui sorte de la fac ne soit pas assez prêt et qu’il se révèle ensuite quand il comprend par où il faut passer pour que ça marche. C’est ce qui s’est passé pour lui à Denain, où il a eu plus de temps et de liberté pour performer de suite. Mais ça ne m’a pas surpris du tout, j’en étais sûr, sauf que l’on avait déjà Zimmy qui était très bien et lui qui était arrivé après. Comme c’était un joueur qui représentait un upset possible, on a tenté le coup. Ce qui s’est passé à Rouen n’est pas que de sa faute : c’est la construction d’équipe qui était défaillante, comme le prouve le parcours que l’on fait jusqu’à un match de la montée après les ajustements.

Chima avait déjà une hyper-activité, il était bondissant, il était sur tous les ballons. Il était très spectaculaire mais il avait aussi beaucoup de déchet. Il avait déjà une chose : sa détermination et son envie de prouver à la terre entière qu’il a le niveau. Personnellement, je n’ai pas de regrets par rapport à ce que l’on a fait comme move car c’est ce qu’il fallait faire à ce moment-là. Cela ne remet pas en cause la valeur du joueur. Quand je l’ai eu pour lui expliquer, je lui ai dit que c’était certainement un mal pour un bien, que ça lui permettrait de prendre son envol. Je ne sais plus si je l’ai dit dans ces termes-là mais c’est ce que ça voulait dire. Parfois, la traduction n’est pas toujours très littérale. La décision n’était pas contre lui, pas contre le joueur, simplement qu’on avait tenté un coup sur une architecture d’équipe qui a fait qu’il y avait surcharge à l’intérieur. Chima Moneke indique que je lui ai dit qu’il ne pouvait pas jouer en Pro B ? Je ne sais pas si je l’ai dit comme ça, je pense qu’il n’était pas encore vraiment prêt pour le monde professionnel.

C’est une très belle trajectoire, qui montre qu’on ne s’était pas trompé sur son potentiel au départ. Là où on n’a pas été bon, c’est sur l’architecture de l’équipe. Mais je suis vraiment très content pour lui, très fier. Je me rappelle d’un garçon qui était sans-le-sou en arrivant à Rouen, qui était content d’avoir un premier contrat. On avait fait deux semaines à Dallas pendant la préparation où on sentait tout son enthousiasme. Le voir arriver en NBA, c’est une très belle histoire et ça me rend très heureux pour lui. Encore une fois, à ce moment-là, remercier Chima était ce que le club devait faire et si on devait le refaire, on referait exactement pareil. »

Rémy Valin (Denain) : « On l’a signé directement après son premier entraînement »

« On voyait qu’il avait énormément de talent et qu’il avait tout ce qu’il fallait pour y aller (en NBA), que ce soit au niveau de la vitesse ou de ses qualités athlétiques. Il pouvait se développer sur son tir. Il était très fort sur son drive main droite, il fallait qu’il améliore sa main gauche. Ce qui pouvait bloquer était surtout sa taille par rapport à son poste de jeu sur la NBA. C’était un gamin qui avait des ambitions vraiment énormes mais ça ne ressemblait pas à de la prétention. On sentait qu’il allait se donner les moyens, qu’il avait une vraie confiance en lui, ça ne sonnait pas pareil dans sa bouche que dans d’autres joueurs que l’on peut rencontrer. On voyait que sa confiance allait lui donner le petit plus par rapport aux autres.

Avec Denain, Chima Moneke a tourné à 14,2 points et 6,6 rebonds de moyenne (photo : Christophe Delrue)

Ce qui s’est passé à Rouen était dur pour lui. Il était rookie et se retrouve écarté, ce n’est pas facile à vivre. Je me souviens d’une anecdote : on était dans une période un peu compliquée et on l’a fait venir pour un essai. Je l’avais vu en présaison sur un match amical contre Lille où il avait été monstrueux. Je n’avais pas trop de doutes sur son talent mais je voulais l’avoir une ou deux journées pour voir un peu l’homme, comment il se comportait. Il est arrivé avec la voiture de Rouen et on l’a signé directement après son premier entraînement. Ensuite, il a fait une très belle deuxième partie de saison, au point d’être vraiment impressionnant à la fin.

Je suis toujours content quand des joueurs que j’ai côtoyé arrivent à réaliser leur rêve. Il a franchi les étapes à vitesse grand V et ça me conforte sur le type de personne qui y arrive mentalement. Je suis heureux pour lui car c’était un bon gamin. Il peut avoir un côté extraverti, provocateur, mais c’est quelqu’un de très gentil, très à l’écoute. Je me rappelle qu’il m’avait directement demandé ce sur quoi il fallait qu’il travaille pour la saison suivante, ses axes de progression. On avait parlé de sa main faible, de sa vitesse de tir sur le catch and shoot, et de l’importance d’avoir un shoot fiable. Comme il était très fort au large dans les attaques, il pouvait faire extrêmement mal avec son premier pas et sa vitesse dans les situations de close-out. Après, c’était un rookie donc il y avait tout le jeu sans ballon. Généralement, que ce soit en attaque ou en défense, les rookies sont un peu apathiques dans le jeu sans ballon, ils n’ont pas ces réflexes d’être actif. »

Laurent Foirest (Quimper) : « Comme s’il était resté 5 – 6 ans »

« Je suis resté en contact avec Chima depuis qu’il est parti, quelques SMS de temps en temps. Avant de signer en NBA, il m’a envoyé un message pour m’en informer, pour me remercier de l’impact que j’avais eu dans sa carrière. C’est toujours sympa et toujours gratifiant pour moi. Il n’était pas obligé de faire ça, beaucoup ne le font pas. C’est un mec qui a beaucoup de respect pour les autres.

Avec les Béliers, Chima Moneke a appris à se canaliser (photo : Sébastien Grasset)

Après, voilà, Chima, c’est Chima. Tous les gens qui l’ont connu comprendront (il rit). C’est un joueur extravagant, qui a beaucoup de caractère. C’est un compétiteur né, il ne veut pas perdre, même à l’entraînement. Il fallait toujours lui expliquer le pourquoi du comment, il a besoin de savoir pour avancer. C’est là où on a eu une bonne connexion tous les deux, c’est que moi j’explique aux joueurs pourquoi on fait les choses. Je pense qu’il a un peu progressé avec nous. Il avait des qualités hors-normes d’un point de vue physique, il n’avait pas besoin de moi pour progresser là-dessus. Mais son passage à Quimper lui a fait du bien pour un peu moins partir dans tous les sens. On a essayé de le réguler. Il pouvait se frustrer rapidement quand il ne comprenait pas les choses ou si on ne faisait pas les choses comme il voulait, mais il était assez intelligent pour venir nous parler. On avait un bon relationnel.

Si je surpris par son évolution ? Oui et non. On voit qu’il y a des jeunes de Pro B qui sont draftés mais Chima, par là où il est passé… Il n’a laissé que des bons souvenirs partout. Il n’est resté qu’une saison chez nous mais dans la mémoire des gens, c’est comme s’il était resté 5-6 ans. Parce qu’il a un style, il se donne tout le temps à fond, il mange le cercle, il est spectaculaire. Il a le jeu pour la NBA. Il évolue et il a le style pour la NBA, on lui a toujours dit. C’était un objectif qu’il avait depuis tout petit et il l’a atteint. Qu’il pense à nous, à Quimper, dans sa trajectoire, ça rend le club très fier. »

Germain Castano (Orléans) : « Le mec a pleuré dans mes bras »

« Chima, c’est marrant car il m’a vraiment touché l’autre jour. Il m’a laissé un message : « Coach, je voulais simplement te dire que je viens de signer en NBA et que je voulais te remercier infiniment de l’impact que tu as eu dans ma carrière. » Ce n’est pas tout le monde qui le fait et c’est très touchant. Quand un joueur arrive chez nous, je fais tout le temps un entretien individuel, pas seulement sur le basket. Là où je me dis aujourd’hui que c’est incroyable, le mec n’avait que ça en tête, il voulait jouer en NBA. Il répétait qu’il fera tout au quotidien pour jouer en NBA. Il y avait un petit défaut qu’il avait bien défini : c’est qu’il est d’une impatience folle. Il veut tout, tout de suite. Au début, ça a été un peu difficile car il squizzait un peu tous les conseils qu’on pouvait lui donner. Un jour, on l’a chopé et on lui a dit : « Chima, s’il te plait, fais-nous confiance, prends ce qu’on te dit et essaye de les appliquer. » Au final, sa deuxième partie de saison a été juste extraordinaire. Il jouait 4, il jouait 5 aussi tellement il est athlétique, il est capable de se créer des tirs, c’est un finisseur fabuleux. C’est un gros travailleur et il a eu le mérite au quotidien d’être impressionnant.

L’émotion de Chima Moneke après le dernier match à domicile de l’OLB (photo : Paage Création)

J’ai une petite anecdote avec lui, c’est le jour où le public revient dans la salle après des mois de huis-clos. Le matin, je lui dis : « Eh Chima, c’est une belle journée pour toi aujourd’hui ! » Il me demande pourquoi et je lui dis : « Ben parce que les supporters seront là, je sais que t’as besoin de ça. » Quand on s’était dit au revoir après l’entretien final, et je n’exagère pas, le mec a pleuré dans mes bras. Il m’a dit : « Ce matin-là, quand tu m’as dit que le public revenait, j’ai compris que tu m’avais compris, que tu avais exactement saisi l’homme que j’étais ». C’était plutôt attachant. Il a besoin d’aller chercher l’énergie chez les gens, il est très généreux.

C’était une très belle expérience. Au début, j’ai eu peur car il était d’une telle impatience que dès que tu le freinais un peu, dès que tu le sortais du terrain, il levait les yeux au ciel, etc. Mais il était à l’écoute. J’en garde un très bon souvenir car humainement, j’ai adoré. Il m’a complètement aidé à grandir en tant que coach car il était dur au début. J’ai mis du temps à le mettre dans le droit chemin mais il te force à t’interroger, à tenter d’autres méthodes avec lui. Bien sûr qu’il m’a fait progresser, et j’ai beaucoup aimé. Il m’a beaucoup apporté car tu te poses des questions : « Germain, tu n’es pas dans la bonne direction là, il ne faut pas que tu le braques ». Il a un gros ego, une grosse susceptibilité, il se fermait dès que tu lui rentrais un peu dedans devant ses coéquipiers donc ça, j’ai arrêté de le faire par exemple. Il m’a aussi fait avancer car tu ne peux pas lui faire des trucs au hasard, il veut savoir pourquoi on fait ça.

Je me rappelle d’une grosse performance qu’il avait été faire à Villeurbanne (22 points à 10/11 et 8 rebonds le 8 novembre 2020). Ce n’était pas de la prétention mais le moins surpris, c’était lui, il savait qu’il en était capable. Il fallait un peu le canaliser mais physiquement, c’était un avion de chasse. Après Manresa, je le voyais rebondir sur un projet dans une belle équipe d’EuroLeague. Deux coachs d’EuroLeague m’ont appelé pour me demander ce que j’en pensais, et j’ai eu le scout des Chicago Bulls aussi qui m’a contacté. Donc là, j’ai compris qu’il allait peut-être arriver à ses fins. »

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