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« Ce serait la plus grande supercherie de l’histoire du basket français » : que se passe-t-il aux Metropolitans 92 ?

Betclic ÉLITE - Finalistes héroïques du championnat de France en juin, les Metropolitans 92 sont portés disparus un mois plus tard. À l'approche de la fin juillet, le club francilien n'a toujours qu'un seul joueur sous contrat, Lahaou Konaté, sans coach ni direction sportive. Mise sous pression par la DNCCG, la mairie de Boulogne-Billancourt, actionnaire exclusif du club, pourrait opter pour la cessation d'activité.
« Ce serait la plus grande supercherie de l’histoire du basket français » : que se passe-t-il aux Metropolitans 92 ?
Crédit photo : Laurent Staskiewicz

Nous sommes le 18 juillet et Lahaou Konaté reste si seul. Plus d’un mois après s’être produit sur le court central de Roland-Garros rempli en quelques minutes pour la finale du championnat, à trois semaines de la reprise théorique de la présaison, l’arrière francilien est toujours l’unique salarié des Metropolitans 92 au sein du domaine sportif, staff et joueurs confondus.  Une situation qui inquiète depuis longtemps et qui tend à virer à l’urgence. « Nous suivons cela comme le lait sur le feu », affirme Patrick Hianasy, le nouveau président de la DNCCG, qui a écrit le 13 juillet à la mairie de Boulogne-Billancourt afin de réclamer des explications. Sauf que le gendarme financier s’est heurté, comme tout le monde, au silence radio décrété par les décideurs du club. Pas de réponse à sa lettre, ni à nos demandes répétées. « Je n’ai pas plus d’éléments à ce jour que ceux que vous connaissez », s’est excusé Luc Monnet, président du conseil d’administration de la société Boulogne-Billancourt Sport Développement (BBSD), propriétaire des Metropolitans 92, par SMS lundi soir. Ce mardi, ce fut au tour du maire boulonnais, Pierre-Christophe Baguet, de refuser de s’exprimer, avec une invitation à patienter,« pour [nous] éviter le ridicule », évoquant implicitement la perspective d’un avenir pour le club finaliste du championnat. Le président Alain Bouvard et le directeur financier Jean-Charles Brégéon ne nous ont eux pas répondu.

Une bonne situation financière avec 2,5 millions de recettes imprévues

Si l’on ose espérer que Luc Monnet est plus informé que nous, sinon pourra-t-on vraiment commencer à s’alarmer, cette opacité est justement peut-être née de sa seule prise de parole en public, assez malhabile. Le 11 juillet, dans les colonnes du Parisien, le directeur de la SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) a affirmé qu’il manquait deux millions d’euros aux Metropolitans 92 pour repartir, et que le budget actuel était de 4,5 millions d’euros. Sauf qu’on a déjà vu des clubs très bien se débrouiller avec beaucoup moins d’argent : Le Portel ne s’est-il pas maintenu une énième fois avec 3,5 millions cette saison ? Ces deux millions correspondent à la différence entre les 4,5 millions actuels et les 6,5 millions présentés auprès de la DNCCG. « Nous avons validé l’engagement car nous avons une lettre d’engagement de la SCIC certifiant soutenir le club », déclare Patrick Hianasy. « Le soutien d’une mairie, ce n’est pas n’importe quoi, ce n’est pas factice, c’est une signature importante. » Lorsqu’il acceptait encore de s’exprimer, le maire Pierre-Christophe Baguet nous disait ainsi avoir fait voter « quasiment à l’unanimité » le renouvellement de la subvention municipale de 1,15 millions d’euros.

À eux deux, Coulibaly et Wembanyama ont rapporté 1,8 million d’euros aux Mets avec la draft NBA (photo : Lilian Bordron)

De fait, il semble audacieux d’évoquer des problèmes financiers pour suggérer la menace d’une disparition du club. Après une saison passée à capitaliser sur le phénomène Victor Wembanyama, le basketteur le plus regardé de la planète, cela relèverait soit de l’incompétence, soit de la malhonnêteté. En réalité, les comptes du club seraient bons. « Il y a une situation financière qui est plutôt saine », expliquait fin juin Philippe Ausseur, l’ancien président de la DNCCG devenu patron de la ligue. Au-delà de ça, elle est même inespérée au vu de tout ce que les Mets ont engrangé d’imprévu ces derniers mois : le million d’euros promis pour le départ de Victor Wembanyama était budgété, pas les 800 000 euros de la draft de Bilal Coulibaly, ni les 30 000 euros d’indemnités versées par l’ADA Blois pour racheter le contrat d’Armel Traoré, ni les recettes nées des trois matchs évènements (deux à Bercy et un à Roland Garros), ni celles tirées des 22 guichets fermés successifs sur la saison, ni des ventes de presque 10 000 maillots siglés Wemby… Au total, on arriverait à un excédent de 2,5 millions d’euros. Pas mal pour un club qui fonctionne sans cellule commerciale, qui ne compte que dix sponsors privés, et qui a toujours vécu sous perfusion des subventions publiques !

L’ultimatum de la DNCCG

« S’ils refusent de repartir, ce sera une première dans l’histoire », se lamente Alain Weisz, directeur des opérations sportives des Mets entre 2018 et 2023, désormais à la retraite. « Je me rappelle de clubs qui ont disparu mais ils étaient tous en difficulté. Avec un budget à l’équilibre, et même excédentaire, on n’a jamais vu ça (on peut toutefois créer un parallèle avec Montpellier, dont le solde était positif au 30 juin 2002, club dépendant des subventions publiques et liquidé suite au retrait du soutien de la Communauté d’Agglomération, ndlr). Ils veulent faire une cessation d’activité qui est moins honteuse, dans leur logique d’entreprise, qu’un dépôt de bilan. » Par « ils », l’ancien sélectionneur des Bleus vise les habitués de la mairie de Boulogne-Billancourt, qui pourraient s’être lassés du jouet Metropolitans 92. Passionné de basket depuis son plus jeune âge, joueur en excellence régionale, le maire Pierre-Christophe Baguet a d’abord songé à un grand club dans l’ouest parisien, notamment incarné par Vanves, avec un projet de salle avorté sur l’île Seguin, avant d’être incité à racheter les Levallois Metropolitans en 2019 par Jean-Pierre Aubry. Depuis, les relations entre les deux mairies n’ont cessé de se détériorer, jusqu’à la rupture l’année dernière, avec le désengagement total de Levallois. « Le sport coûte de plus en plus cher, la ville de Boulogne, qui verse déjà 2 millions d’euros, ne peut pas supporter toute seule la gestion et le financement d’un club de haut niveau », justifiait Luc Monnet au micro du Parisien la semaine dernière. « Nous sommes tenus par la réalité de la situation. On cherche des partenaires, des investisseurs ou des sponsors. On a plusieurs pistes. » Ce serait évidemment la meilleure solution pour la municipalité.

Le 15 juin, Roland-Garros était plein pour Boulogne-Levallois – Monaco ; la dernière représentation des Mets ? (photo : A.S. Monaco Basket)

Dans cette quête d’investisseurs, la ligue a placé une date butoir : le 23 juillet, soit dimanche. Un ultimatum qu s’applique aussi au positionnement clair et définitif de la mairie quant à l’avenir des Mets. Mais concrètement, qui voudrait de cette coquille vide ? Au printemps, deux acheteurs potentiels avaient fait part de leur intérêt. Mais on parlait là des Metropolitans 92 version Victor Wembanyama, le club le plus hype de France. Depuis, le refus de l’EuroCup d’engager le club a sonné le glas des négociations. Maintenant, même si tout reste possible, il semble bien illusoire d’espérer un chevalier blanc avant la fin du week-end. « C’est inquiétant, il y a des indices qui laissent penser que ce n’est pas bon », acquiesce Patrick Hianasy, le président de la DNCCG, avant de détailler les scénarii possibles.

  • « 1 – On trouve réellement un investisseur, on l’auditionne, tout va bien, tout le monde est content et il n’y a pas de catastrophe industrielle.
  • 2 – Il n’y a pas de nouvel investisseur, mais la mairie respecte son engagement et fait au moins la saison 2023/24. Dans ce cas-là, la compétition n’est pas biaisée.
  • 3 – La mairie revient sur ses paroles et tout s’écroule. Il faudrait repêcher un club. »

La tentation de la cessation d’activité

Une troisième éventualité, de plus en plus probable, qui explique, par exemple, que l’Élan Béarnais, premier candidat au repêchage, ait mis son recrutement sur pause, en attendant d’être fixé. Mais au 18 juillet, avec un seul joueur sous contrat, sans coach ni GM, comment imaginer que les Mets pourraient repartir du bon pied ? L’an dernier, Pau avait attendu le 25 juillet pour s’engager dans sa saison 2022/23, mais la feuille n’était pas si blanche. Il y avait alors déjà un staff en place, une base de JFL (4 Français) et Vitalis Chikoko. Ce qui n’a pas empêché l’EBPLO d’être relégué au bout du compte…

La ligue a sommé les Mets de se positionner d’ici dimanche (photo : Laurent Staskiewicz)

Pour les Metropolitans 92, sans même remonter jusqu’à l’année dernière avec l’absorption par Nanterre avortée par le volte-face de Pierre-Christophe Baguet, plusieurs marqueurs viennent corroborer la thèse de la cessation d’activité. Lors d’une réunion le 2 mars, la mairie de Levallois a proposé une convention de mise à disposition de Marcel Cerdan jusqu’en 2029 contre une somme d’argent : un document qui n’est toujours pas signé à ce jour, ce qui rend le club sans domicile fixe. Sportivement, la vente d’Armel Traoré à Blois a également constitué un signal fort : le champion d’Europe juniors aurait certainement constitué un élément de choix pour l’effectif 2023/24 des Mets mais au lieu de cela, l’actionnaire boulonnais a privilégié un chèque de 30 000 euros. Et puis, il y a ce silence assourdissant, ces absences de réponses qui constituent déjà, en soi, une vraie réponse…

« C’est honteux »

« Je subodore que le club ne va pas repartir », pressent aussi Alain Weisz, qui a proposé, dans un message resté sans retour, à Pierre-Christophe Baguet il y a dix jours de travailler sur la composition de la future équipe. « Si telle est réellement la décision, c’est une volonté du maire de ne pas continuer. Maintenant, c’est de la couardise car on a toujours fini dans le Top 6 ces quatre dernières années, sans avoir eu en permanence des Wembanyama ou Vincent Collet. On a fait du bon travail, on ne s’est pas reposé que sur l’argent de Boulogne, on l’a même fait fructifier. La façon dont ils s’y prennent pour arrêter est très politique : la mairie attend que tout le monde soit en vacances, qu’il n’y ait plus personne, pour annoncer qu’ils n’y vont pas. On n’a jamais vu un dirigeant ne pas vouloir que son club continue : on a vu des rétrogradations en Nationale 3 à cause de difficultés financières, on a vu les épisodes Limoges mais tout le monde se battait pour repartir, remonter et refaire le club. Là, c’est le contraire, on se bat pour jouer les pauvres. Pour moi, s’ils arrêtent, ce serait la plus grande supercherie de l’histoire du basket français. Par rapport à tout ceux qui nous ont fait confiance, à partir du moment où tu t’engages à y aller, je ne vois pas comment un maire d’une grande ville peut mentir à ce point. Nous sommes plusieurs à avoir honte… parce que c’est honteux, tout simplement. Mais vu que le maire est un politique pur et dur, qu’il y a une hostilité au fait de ne pas repartir, il peut très bien déclarer l’inverse au dernier moment. »

« Excessivement touché » par la situation des Mets, Alain Weisz ne masque plus son inquiétude (photo : Sébastien Grasset)

Derrière le simple aspect sportif, avec la disparition d’une institution du basket français, lointain descendant du PSG Racing champion de France 1997, il y a aussi le sort des pensionnaires du centre de formation et de cinq salariés administratifs, dans l’incertitude la plus totale concernant leur futur. « Nous n’avons aucune information de la part de l’actionnaire directement : on est complètement laissé dans le flou et rien n’est fait pour essayer de nous rassurer », relate l’un d’entre eux. Le vendredi 16 juin, lendemain de la défaite en finale contre l’AS Monaco (0-3), un repas collectif d’adieu a été organisé et Luc Monnet a été sommé, en petit comité après coup, de s’exprimer sur l’avenir du club.« Devant témoins, il a répondu que dans le pire des cas, les salariés iront à Pôle Emploi puis aux prud’hommes, s’ils ne sont pas contents, pour tenter d’obtenir ce qu’ils veulent », révèle Alain Weisz. « Il a ajouté que ça lui est arrivé deux fois dans sa carrière d’être au chômage et qu’il s’est toujours récupéré. Là, mon sang n’a fait qu’un tour. C’est odieux de dire cela. Ces gens se sont battus pour eux pendant quatre ans, on a fait travailler les administratifs comme des esclaves pour Bercy et Roland-Garros et c’est comme ça qu’ils sont remerciés, en ne s’adressant même pas à eux… C’est un management féodal. » Des méthodes d’un autre temps pour une conclusion qui ferait date : l’une des saisons les plus inoubliables de l’histoire du basket français puis… rien. Est-ce vraiment possible ?

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