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Le récit du sauvetage de l’Élan Béarnais : « C’est un exploit, vraiment ! »

Deux semaines après la confirmation du refus d'engagement en LNB, l'Élan Béarnais a vécu un mois de juillet en urgence absolue, sous respiration artificielle, avec la menace d'une disparition pure et simple. Trois acteurs majeurs du sauvetage du club nous le racontent : le futur président Sébastien Ménard, Thierry Braillard et David Bonnemason-Carrère.

Quel changement de paradigme en deux semaines ! À l’époque, l’environnement de l’Élan Béarnais était KO debout après le deuxième refus de la DNCCG, au terme d’une réunion où les gendarmes financiers du basket français avaient été sidérés par l’agressivité de David Otto, l’ancien actionnaire majoritaire du club qui avait choisi d’endosser le costume du bouc émissaire. Quinze jours plus tard, Counterpointe Sports Group n’est plus là, contraint d’acter son échec en vendant ses parts à Eat4Good. Et surtout, l’Élan Béarnais a survécu. « Je félicite les nouveaux propriétaires », indique David Otto. « Mais il est intéressant de voir qu’ils ont été capables de rester en Pro A avec le même budget que nous avions présenté à la LNB, 4,7 millions d’euros. Seulement, cette fois, (François) Bayrou a accepté de fournir 1,2 million d’euros en subventions. J’imagine que cela vous éclaire sur ce qu’il ressentait vis-à-vis de CSG », lâche-t-il, dans une dernière saillie fidèle à sa lignée de communication des derniers jours.

Mais si la marque de Seattle restera apposée sur la Coupe de France remportée cette année par l’Élan Béarnais, l’ère américaine est terminée dans les Pyrénées. Pau-Lacq-Orthez est désormais passé sous pavillon basque, avec Sébastien Ménard (43 ans) qui s’apprête à en prendre la présidence. Supporter du club depuis son plus jeune âge, le directeur de la société Eat4Good a accepté de retracer le redressement de l’EBPLO en notre compagnie. Un témoignage éclairé par deux autres intervenants : Thierry Braillard, ancien secrétaire d’État aux sports redevenu avocat, et David Bonnemason-Carrère, à la tête du club depuis avril 2021 et futur vice-président.

Une première réaction au sauvetage ?

Sébastien Ménard : « Il y a énormément de joie passionnée, de bonheur partagé, de fierté responsable. Le basket, c’est mon sport ; l’Élan, c’est mon club. Mais le sentiment de fierté responsable est vraiment celui qui prédomine car vous connaissez la situation : il y a énormément, énormément de travail à abattre. »

Thierry Braillard : « J’ai accueilli la nouvelle très positivement. La société Eat4Good peut aujourd’hui s’enorgueillir d’avoir sauvé un monument du basket français. Il n’y avait pas d’autre dossier, pas de plan B. Heureusement qu’ils se sont inscrits dans cette démarche. Sinon, le club serait mort. Ils ont pris étape par étape. J’ai été très heureux de les accompagner, de la confiance accordée. »

David Bonnemason-Carrère : « C’est d’abord un grand soulagement. J’ai surtout une grosse pensée pour les salariés, les partenaires, les joueurs et les coachs. On a vécu cette période dans une angoisse extrême, proportionnellement inverse aux joies intenses que l’on a pu ressentir au cours de la saison. »

Comment s’est organisée la reprise du club ?

SM : « Didier Guillaume et Thierry Braillard me disent : « Copain, l’année dernière, vous avez souhaité avec Sylvain Bonnet aider le club, vous auriez été tellement fiers d’avoir Beautysané sur le maillot du club. » Ça n’a pas pu être possible, c’était dommage qu’on n’ait pas eu notre place. Je ne critique pas le projet des Américains… Sur le papier, c’était très enthousiasmant, très excitant. Je leur réponds que je suis au courant que c’est compliqué mais l’Élan venait juste de gagner la Coupe de France, on leur souhaitait simplement de trouver un équilibre, une voie de passage. Ils me disent qu’il y a un problème : une vraie rupture entre la collectivité, le président et les propriétaires, que c’est un énorme bazar, qu’ils vont nécessairement chercher des aides et des contributeurs extérieurs. On me dit de regarder. Ils avaient peut-être juste besoin de nous, d’un sponsoring maillot par exemple. Ça, ce n’est pas très cher, on peut y aller les yeux fermés et c’est déjà ce qu’on voulait l’année dernière. En étudiant le dossier un peu plus précisément le dossier, on se rend compte que la situation est différente, plus complexe. Si on veut aider l’Élan Béarnais, il ne faudra plus être un wagon mais une locomotive. »

David Bonnemason-Carrère, aux manettes du club depuis avril 2021

DBC : « Il y a un ensemble de choses tout au long de la saison avec plusieurs balises dépassées qui ont fait qu’on a vu qu’on allait droit dans le mur, malgré nos alertes. Ce n’est pas dans les derniers mois qu’on l’a réalisé. Mon rôle personnel était toujours dans l’intérêt général, dans l’intérêt du club. Une fois qu’on avait alerté et que les choses n’avaient pas été comprises ni entendues, il fallait passer à une autre étape. On a maintenu le dialogue jusqu’au bout, c’était important, mais la situation se dégradait. Il y a eu des moment très difficiles, je me suis senti bien seul. À un moment donné, des personnes comprennent que la situation commence à se tendre à l’Élan Béarnais, des gens tapent à la porte pour vous proposer leur aide et c’est ce qui s’est passé avec Thierry Braillard, qui m’a contacté. C’est un ensemble de personnes, une chaîne humaine, qui se sont présentés à moi. Le projet présenté par Sébastien Ménard et Sylvain Bonnet avait un côté réaliste, concret et optimiste. »

La course contre-la-montre

SM : « Il y a plusieurs niveaux. J’ai d’abord demandé à David Bonnemason-Carrère de m’accompagner, c’était super important. « Tu es le président sortant, je suis le président entrant mais on a besoin de montrer une unité car tu n’as pas démérité ». Il y avait la volonté pour lui de poursuivre, d’avancer donc il était très heureux de faire un binôme et ça a rassuré la fédération. Le deuxième élément est plan de continuation, une dette qu’on va structurer et qu’on va apurer. On va tenter de faire comme avant le Covid, comme avant les Américains, tout en profitant de tout ce qui a été fait cette saison. Sportivement et médiatiquement, ça a été une belle année pour Pau, sauf la dernière séquence avec ces passes d’armes. Entre le sauvetage du mythe, la réussite sportive de la saison 2021/22 et le projet à taille humaine en hyper proximité que nous voulons incarner, c’est ce qui a convaincu la chambre d’appel. »

TB : « On a passé des jours entiers pour arriver à ce résultat. Il y a d’abord eu des discussions avec les Américains de Counterpointe Sports Group. On peut dire ce qu’on veut d’eux mais tout s’est bien passé, ils ont joué le jeu et ont mené une négociation bienveillante. Suite à cela, il fallait avoir une bonne discussion avec les élus locaux et notamment François Bayrou. Lui aussi a montré énormément d’entrain et de bonne volonté. Enfin, il fallait convaincre la chambre d’appel de la fédération avec un budget qui tienne la route et des engagements sérieux. Tout cela a été fait en un laps de temps très réduit, par peu de personnes que je veux féliciter, notamment David Bonnemason-Carrère qui a énormément donné de son temps pour qu’on arrive à cette solution. Personnellement, mon rôle était d’accompagner les repreneurs dans la négociation et la rédaction des actes juridiques avec les Américains, avec les collectivités locales puis dans le montage du dossier devant la chambre d’appel de la FFBB. Ce n’était pas facile, il y avait trois obstacles majeurs à franchir : trouver un accord avec CSG, trouver un accord avec les collectivités locales et convaincre la chambre d’appel. On les a tous franchis positivement. Cela a été enrichissant personnellement, on fait ce métier pour vivre ce genre de succès. »

DBC : « Les deux dernières semaines ont été une urgence absolue. On n’avait pas trop le choix car sinon, l’Élan Béarnais partait à la dérive et il n’y avait plus de club. On se devait de réagir. Le travail de Thierry Braillard qui représente les repreneurs a été prépondérant, le rôle de la mairie de Pau aussi, le travail que j’ai pu réaliser avec mes équipes, les salariés, les joueurs encore présents et qui se sont toujours accrochés à l’espoir de la reprise malgré les propositions externes, l’optimisme de Sébastien Ménard… Toutes ces bonnes volontés ont fait qu’on a pu accélérer en quinze jours, parvenir à un accord avec les Américains et préparer le dossier afin de réformer la décision de première instance. Nous avons été auditionnés pendant pratiquement deux heures et quart lundi par la chambre d’appel. La réunion d’hier n’avait rien à voir avec celle d’il y a deux semaines, c’était le jour et la nuit. Depuis la sortie du 11 juillet jusqu’à hier soir, ça a été très, très intense. Ma vie personnelle intéresse peu les gens mais en tant que président d’un club dans cette situation, j’ai passé de très mauvais moments, pour ne pas dire de sales moments, où l’on ne dort pas, où l’on ne pense qu’à l’Élan Béarnais. J’avais en tête ce que représentait une institution comme l’EBPLO, fondée par Pierre Seillant auquel je pensais tous les jours. Il a été le premier que j’ai appelé dès que la décision est tombée. C’était très lourd à vivre. On est passé par des hauts et des bas, des moments d’abattement ou d’enthousiasme. Sébastien Ménard et Sylvain Bonnet ont montré leur volonté et leur fraîcheur, les choses se sont bien emboitées. Je rappelle qu’on n’avait pas trois mois mais quinze jours afin de réaliser tout ça. C’est un exploit, vraiment un exploit. »

La nouvelle gouvernance ; qui est le futur président Sébastien Ménard ?

Sébastien Ménard, une vie politique et entrepreneuriale avant de débarquer à Pau

SM : « Avant d’être entrepreneur, j’étais en cabinet ministériel. J’ai fait plein de trucs : conseiller ministériel, chef de cabinet, directeur de cabinet… C’est comme ça que j’ai rencontré deux de mes compagnons déterminants dans cette aventure : Didier Guillaume, ancien ministre de l’agriculture et de l’alimentation, auteur de la loi Guillaume qui permet à des clubs de ne plus naviguer à vue mais dans un contexte légal éclairé, et Thierry Braillard, rencontré sous le quinquennat de François Hollande. Avec François Bayrou, on a ferraillé dans la même équipe depuis 2017 car je fais partie des fondateurs de La République en Marche. Ça c’est ma vie d’avant. J’ai une vie d’entrepreneur depuis avec Eat4Good, dans l’alimentation augmentée, la food tech pour reprendre le terme moderne, en compagnie de Sylvain Bonnet. Tous ces gens-là représentent mon écosystème, ils ont balisé ma vie d’avant. Heureusement qu’il y a une vie après les cabinets ministériels car sinon, on ne ferait que se reproduire entre nous. C’est bien de gouverner la France mais c’est bien aussi d’avoir une expérience autre.

L’Élan Béarnais, quand vous êtes un petit gamin d’origine basque expatrié, que vous aimez votre département, les Pyrénées-Atlantiques, que vous y passez toutes vos vacances, ça représente beaucoup de choses… J’étais fou de basket, pratiquant de basket. Pour le coup, je ne bluffe pas. Les gens qui me connaissent savent que j’étais le seul mec en cabinet ministériel en costume trois pièces cravate, avec une paire de baskets aux pied. C’est ma vie. Les paniers de basket me suivent dans toutes mes responsabilités, dans tous mes bureaux. Il n’y a pas de faux story-telling , tout est vrai. Mais passion n’est pas raison. Le groupe Eat4Good et la marque que je dirige, Beautysané, on n’est pas venu s’acheter une danseuse, pas venu faire des affaires dans la cité paloise. Nous sommes des gens de bonne volonté, volontaires dès l’an passé. On avait pleinement conscience qu’on ne pouvait pas tout faire tout seul mais on aurait pu en être. À l’époque, il en avait été décidé autrement. Le petit gamin que j’étais il y a encore quelques années, qui rêvait sur les planches du Palais des Sports, qui applaudissait, a ensuite grandi et suivi des tas d’autres équipes. Je suis l’un des rares dingues qui prend l’avion pour aller voir des matchs NBA. Le basket, c’est ma vie. »

TB : « Sébastien Ménard est un passionné de basket. C’est très bête mais il a un panier dans son bureau. Ce n’est pas une danseuse : souvent, on dit ça d’un PDG qui prend un club pour son plaisir personnel. Lui, c’est une stratégie d’entreprise. Eat4Good est le principal concurrent d’Herbalife, c’est la food-tech, avec un réseau de 8 200 distributeurs en France. Ils veulent, à travers le club, faire connaitre les produits Beautysané et valoriser leur réseau. Il y a une vraie stratégie menée par Sébastien Ménard, aux côtés de Sylvain Bonnet, actionnaire majoritaire de la société. Sébastien Ménard prendra la présidence, avec certainement David Bonnemason-Carrère à ses côtés.

DBC : « Je connaissais déjà un peu le parcours de Sébastien Ménard. On a déjà commencé à collaborer ensemble mais on va travailler en binôme au niveau de la présidence. Eat4Good et Beautysané ont beaucoup à nous apprendre. Sébastien Ménard viendra la semaine prochaine. Il y a une vraie proximité puisqu’il est à Biarritz. On se verra beaucoup, il y a une alchimie qui va se créer, c’est une aventure humaine. J’ai beaucoup à lui apporter de par ma connaissance du club, puisque j’y suis depuis pratiquement 15 ans, et il a beaucoup à nous apporter à tous les niveaux. Il est brillant, avec un parcours de vie important. »

Quel avenir pour l’Élan Béarnais ?

SM : « On va partir sur des bases raisonnables et raisonnées, même si à terme on se dit qu’il y a peut-être moyen de créer une grosse synergie entre Eat4Good et l’Élan Béarnais. On n’amène pas une puissance médiatique à Pau. Il n’y a rien à voir entre notre marque adressée à un réseau d’initiés et une légende du sport français comme l’Élan Béarnais. On vient aider, on vient contribuer, on vient piloter. La contrepartie, c’est qu’on va s’appuyer sur l’histoire et les valeurs de l’Élan Béarnais. C’est un projet d’entreprise, un projet d’entrepreneurs. On va réunir le conseil d’administration dans les tous prochains jours, on ne sait pas encore comment on va s’organiser. Vu que les Américains ont cédé leurs parts, il y a des nouveaux intervenants, comme moi, comme Sylvain Bonnet, comme la directrice générale de Beautysané (Carole Alma). Je travaillerai en binôme avec David Bonnemason-Carrère, qui sera vice-président. Je suis honoré et fier qu’il m’accompagne. […] Les querelles internes ne m’intéressent pas. Tout ce qui nous importe, aujourd’hui, c’est l’Élan, la synergie qu’on pourra créer entre Beautysané et le club. Mon parti pris est de faire avec tout le monde, ce qui a pas trop mal fonctionné jusque-là puisque la FFBB était très contente, le gendarme financier était rassuré. Je leur ai dit que j’allais composer avec tout le monde, même avec les 400 propriétaires de tokens, ceux qui ont tout perdu dans la mesure où le projet de tokenisation n’existe plus. Mais en fait, non, ils n’ont rien perdu. Je ne sais pas ce que je vais pouvoir faire mais ils seront autour de la table. Je ne suis pas en train de dire : « Ce n’est pas moi, ce n’est pas mon idée, ils se sont fait avoir, tant pis pour eux. » Pas du tout. On parle à tout le monde, c’est ma manière de faire. Peut-être que je vais m’épuiser, mais je vais essayer. »

Thierry Braillard, représentant légal du repreneur de l’EBPLO

TB : « Aujourd’hui, on peut dire que l’Élan Béarnais est sauvé, qu’il va pratiquement repartir de zéro et se reconstruire. Il va falloir rapidement bâtir une équipe en maintenant la confiance au duo de coachs. Je pense qu’on reparlera de Pau très rapidement de manière positive. Les comptes arrêtés au 30 juin n’ont pas encore été transmis à la DNCCG. Ils vont l’être dans les jours qui viennent. Il y a un règlement qui stipule que la masse salariale est encadrée à hauteur de 80% tant qu’on n’a pas reçu les comptes. De fait, une réunion se tiendra fin août et la masse salariale ne sera pas encadrée. Pour moi, ça s’arrête là. Je n’aurai pas de rôle d’investisseur, ni d’administrateur. Mais je serai peut-être quand même amené à assumer quelques missions pour le club. Il y a une petite fierté personnelle ce matin d’avoir contribué à ça. Aujourd’hui, tout le monde est content mais ce n’était vraiment pas gagné d’avance. »

DBC : « Le plan de reprise est un plan pragmatique, réaliste, concret, rationnel, avec des choses qui nous permettent de repartir de façon pragmatique. Il y aura des étapes que l’on va franchir en binôme avec Sébastien Ménard, avec le conseil d’administration, avec un effectif resserré. Sportivement, l’effectif sera moins important que l’année dernière mais c’est la qualité et l’envie qui comptent. Les joueurs vont se battre encore plus sur le terrain, preuve en est avec ce que Giovan Oniangue a dit ce matin dans la presse. Le budget sera légèrement inférieur à 5 millions d’euros : on a bien vu que des équipes comme Cholet ou Fos-sur-Mer, avec des moyens similaires, se sont bien battus. Il y a un groupe de guerriers, que ce soit les joueurs ou les salariés. On a tellement subi ces derniers mois qu’on a envie de montrer la véritable image de l’Élan Béarnais. Les partenaires ont toujours été là aussi, ils ne nous ont jamais lâché. Par leur soutien, leurs petits mots, leur présence, ils ont manifesté un véritable engouement et ils seront toujours là avec nous. L’Élan Béarnais est un mythe, une institution, comme Limoges ou l’ASVEL. Ces clubs-là, on a envie de les sauver et c’est ce qui fait qu’on parlait de la situation de Pau partout. J’ai même reçu des messages de Limougeauds qui me demandaient de ne pas voir leurs meilleurs ennemis disparaître. Quelque part, ce sont aussi des marques de soutien et on comprend l’importance de l’Élan Béarnais. Dans l’équilibre du basket français, comme on l’a encore montré cette année, Pau a plus que largement sa place. »

 

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