ITW Mathias Lessort : « Jouer pour Zeljko Obradovic a été l’une des grandes raisons de ma signature au Partizan »
À ce jour, le public français reste le dernier à avoir pu véritablement observer Mathias Lessort sur un parquet. Le 14 octobre, en 15 minutes à l’Astroballe, celui qui était alors pigiste médical au Maccabi Tel-Aviv avait pleinement contribué à faire chuter l’ASVEL pour la première fois de la saison à domicile (93-85), validant ainsi une première quinzaine aboutie en Israël. Mais il n’a ensuite disputé que 7 minutes contre le Panathinaïkos la semaine suivante, 4 face à Kaunas celle d’après puis plus rien du tout en novembre, devenu surnuméraire suite au retour d’Ante Zizic.
Pas de quoi rebuter ses prestigieux prétendants, encore nombreux en décembre, renforcés dans leurs convictions par les états de service de l’intérieur martiniquais (vainqueur de l’EuroCup en 2021 et meilleur pivot de la compétition) et l’impact qu’il a pu avoir en EuroLeague début octobre (11,7 points à 87%, 4 rebonds et 1 passe décisive en 16 minutes de moyenne lors de ses trois premières rencontres). À ce petit jeu-là, malgré les convoitises de certaines écuries de l’étage supérieur, c’est le Partizan Belgrade qui a emporté la timbale, sécurisant les services de l’international français jusqu’à la fin de la saison.
Un blason à redorer en Serbie…
Notamment convaincu par la présence du meilleur coach européen de l’histoire, Zeljko Obradovic (qui va entraîner son 5e Français après Laurent Sciarra, Joffrey Lauvergne, Nando De Colo et Léo Westermann), Mathias Lessort (2,06 m, 26 ans) sait où il met les pieds. L’ancien Monégasque a déjà évolué à Belgrade, en 2017/18, mais sous les couleurs de l’ennemi juré, l’Étoile Rouge. Sa première saison à l’étranger avait d’ailleurs démarré sur les chapeaux de roues, premier pivot indiscutable, bouclant la phase aller de l’EuroLeague avec 12 d’évaluation. Mais l’arrivée d’Alen Omic fin janvier avait rebattu les cartes, l’enfant de l’Élan Chalon reculant de plus en plus dans la rotation, regardant même les deux derniers matchs de la finale du championnat de Serbie (contre le FMP Zeleznik) depuis le banc, le changement d’entraîneur n’ayant pas aidé (Milenko Topic avait remplacé Dusan Alimpijevic en mai). À lire les messages de supporters du Red Star ayant envahi les réseaux sociaux du Français, ceux-ci ne lui ont également pas pardonné sa claquette au buzzer manquée lors du Match 3 de la finale de la Ligue Adriatique contre le Buducnost Podgorica. À moins que cela ne soit la frustration de voir la cour estivale assidue de l’Étoile Rouge laissée sans réponse ou tout simplement le reflet d’une ferveur exacerbée à Belgrade, pratiquement sans équivalent en Europe (voir l’article de Basket Le Mag à ce sujet).
À LIRE AUSSI (2018, époque Étoile Rouge) :
Mathias Lessort, l’ascension expresse : « J’espère que ce n’est que le début »
Cinquième Français de l’histoire du Partizan après Léo Westermann (2012/14), Joffrey Lauvergne (2012/14), Boris Dallo (2013/15) et Bandja Sy (2018/19), Mathias Lessort − qui prendra l’avion demain pour la Serbie − rejoint ainsi l’un des clubs les plus ambitieux du continent. Le fort soutien du gouvernement serbe et de quelques sponsors d’envergure permet aux « Crno-beli » (noir et blanc, ndlr) d’espérer retrouver leurs lettres de noblesse. Ce qui facilite la définition des objectifs pour le natif de Fort-de-France : rééditer le triomphe monégasque en EuroCup et effacer la dernière image amère qu’il a pu laisser en Serbie en ajoutant la Ligue Adriatique à son palmarès, lui qui fut présent au Red Star la seule année où l’autre club de Belgrade ne l’a pas remporté depuis 2014…
Le visuel utilisé par le Partizan pour officialiser la signature de Mathias Lessort lundi matin
Mathias, ta signature au Partizan Belgrade vient d’être officialisée. Dans quel état d’esprit es-tu ?
Je suis content. De pouvoir rejouer au basket, déjà, car la compétition commençait à vraiment me manquer. Vu que je n’avais quasiment pas joué en novembre au Maccabi, ça fait presque deux mois que je n’ai pas connu ça (dernier match officiel le 26 octobre, ndlr).
Qu’as-tu fait depuis la fin de ton contrat le 30 novembre ? Tu t’es entraîné avec Nanterre ?
C’est ça, j’étais avec Nanterre mais vu qu’ils ont eu des cas de Covid, j’ai dû partir la semaine dernière. Après, j’ai joué à droite à gauche à Paris, j’étais avec un entraîneur que je connais. Ça m’a permis de garder la forme.
Comment s’est déroulée cette signature au Partizan ? C’est une affaire qui remonte à l’été dernier ?
Oui, ils me voulaient déjà au cours de l’intersaison. J’avais l’offre sur la table depuis longtemps mais je voulais attendre la deadline de l’EuroLeague, au 16 décembre, pour pouvoir évaluer toutes les possibilités. Mais entre les offres EuroLeague que j’avais et le reste, aller finir la saison au Partizan était ce qui me semblait le plus logique et le mieux pour la suite de ma carrière.
« À mon avis, Zeljko Obradovic ressemble à Zvezdan Mitrovic »
Tu as déjà joué pour certains grands coachs mais là, tu vas connaître le plus grand entraîneur européen de l’histoire, Zeljko Obradovic. Ça va être particulier ?
Honnêtement, cela a été l’une des grandes raisons de ma signature au Partizan. Je sais que le fait de jouer pour Zeljko a été une bonne chose pour la carrière de plein de joueurs donc évoluer pour un tel coach, connaitre une telle expérience, devrait être bénéfique pour mon développement. Ça a fait partie des facteurs qui ont pesé dans la balance en faveur du Partizan.
Avez-vous déjà eu l’occasion de discuter avant, ou depuis que tu as signé ?
Avec lui, personnellement, non. Mais j’étais présent lors de leur match à Levallois (victoire 89-82 le 8 décembre) et j’ai parlé avec certains membres du staff. Il a échangé avec mon agent, avec plusieurs personnes autour de moi et j’ai eu écho de ce qu’il voulait faire, je savais ce qu’il disait de moi. De toute façon, j’ai vu leur équipe et le rôle que je pouvais avoir dedans. Je pense que je peux leur apporter beaucoup.
Et que disait-il de toi alors ?
Qu’il me voulait dans son équipe ! Il était content de ce que j’avais produit à Tel-Aviv, que ça l’avait conforté dans ce qu’il pensait de moi en tant que joueur. Je n’ai certes pas eu un très grand temps de jeu au Maccabi mais je pense avoir tiré le maximum des matchs que j’ai joué. Vu que j’avais déjà été en contact avec eux pendant l’été, Zeljko a vu ça aussi.
Tu connais les coachs yougos mais quand on voit ce que Obradovic est capable de faire avec ses joueurs, est-ce que ça ne rajoute pas une petite part d’appréhension, même inconsciemment, à l’idée de jouer pour lui ?
Pas du tout. Mais ça va dépendre aussi de moi. Si je fais une connerie, je me ferai engueuler, ça fait partie des choses. C’est la rigueur que cela demande pour gagner neuf fois l’EuroLeague. Donc sa technique, elle marche. Des coachs crient juste pour crier et ça ne marche pas. Il y en a beaucoup qui pensent que d’être tout le temps en train d’engueuler ses joueurs, pour faire comme lui, peut fonctionner mais je pense qu’il n’y a pas que ça. À mon avis, il ressemble à Zvezdan (Mitrovic). Sur le terrain, on le voit fermé, on a l’impression que c’est quelqu’un de très dur avec ses joueurs mais je pense qu’il est très bon humainement, très ouvert, avec qui on peut discuter facilement. Zvezdan et lui sont évidemment deux personnes totalement différentes mais je crois qu’il y a cette similitude entre eux, dans le fait d’être très exigeant avec les joueurs et strict sur le terrain, mais quelqu’un avec qui l’on peut échanger aisément en dehors. Même sur le parquet, je pense que l’on pourra discuter de certaines choses. Jouer pour lui, ça va être bien pour moi.
Les retrouvailles entre Lessort et Mitrovic en novembre à Tel-Aviv
(photo : Manuel Vitali)
Qu’as-tu pensé du Partizan lors de leur match contre les Metropolitans 92 ?
C’est une très bonne équipe. En plus, c’était un beau match à Levallois, très serré jusqu’au dernier quart-temps. J’ai pu voir comment ils jouaient, comment ils défendaient. Ils ont changé trois fois de défense dans le match d’ailleurs donc ça m’a permis de voir ça. C’est une grosse équipe pour l’EuroCup, ils sont à 6-1. Sur le terrain, ils montrent pourquoi ils font partie des favoris à la victoire finale.
Le duo entre Zach LeDay et toi dans la raquette, ça va être costaud maintenant…
Oui, mais il n’y a pas que lui ! Il y a aussi Smailagic, qui a fait un bon match à Paris, un autre qui avait été décisif avec des contres, des rebonds offensifs et des paniers importants (Balsa Koprivica vraisemblablement, ndlr). Ils avaient déjà une bonne raquette mais je pense que je peux apporter quelque chose de différent. Ils n’ont pas de joueurs de mon style, je peux apporter quelque chose en plus.
« Remporter l’EuroCup une deuxième fois d’affilée, ce serait grand »
J’imagine que tu as déjà été mis au courant des objectifs : après avoir autant investi cet été et ramené Zeljko Obradovic, le Partizan doit impérativement gagner l’EuroCup pour retrouver l’EuroLeague et briser l’hégémonie de l’Étoile Rouge en Ligue Adriatique…
De toute façon, ce sont aussi mes objectifs. Je ne sais pas si un joueur a déjà gagné deux fois d’affilée l’EuroCup avec deux équipes différentes (a priori, non, ndlr). Ce serait quelque chose de grand pour le Partizan et pour moi mais avant ça, il reste beaucoup de chemin. On va procéder étape par étape, d’abord voir comment se passe mon intégration là-bas.
Le fait d’avoir déjà remporté l’EuroCup avec l’AS Monaco, c’est une expérience qui pourrait s’avérer utile ?
C’est sûr. Après, je pense que je ne pourrais pas faire mieux que l’année dernière avec Monaco (il rit). On a gagné l’EuroCup et j’ai été dans le meilleur cinq donc c’est compliqué de viser au-dessus. Mais si je pouvais faire au moins pareil…
À LIRE AUSSI (octobre 2021) :
« Plus de respect et d’honnêteté de Monaco aurait été la moindre des choses »
Sauf que l’année dernière, vous étiez outsiders, pas forcément attendus au bout alors que là, tout le monde veut taper le Partizan…
C’est ça ! C’est un standing différent. Après, à Monaco, j’ai toujours dit qu’on pouvait amener le club en EuroLeague, j’étais convaincu depuis le début qu’on avait une grosse équipe. J’avais très vite prévenu mes coéquipiers qu’on n’était pas là pour faire de la figuration. Donc peut-être que c’est différent pour les gens de l’extérieur mais pour moi, c’est la même chose.
Retrouver le trophée de l’EuroCup, tel est l’objectif avoué
(photo : Manuel Vitali)
Tu as déjà joué une saison en Serbie en 2017/18, lors de ta première expérience à l’étranger, avec l’Étoile Rouge. Quels souvenirs en gardes-tu ?
Avec l’Étoile Rouge, il y a eu des hauts et des bas. Ça a parfaitement commencé puis c’était un peu moins bien à la fin… Mais moi, je n’ai gardé que des bons souvenirs de la Serbie, de la vie là-bas, des supporters, du respect qu’il pouvait y avoir à l’égard des joueurs, même de la part des fans adverses. Franchement, je suis content de pouvoir retourner à Belgrade, j’avais aimé y vivre.
Toutefois, est-ce que la Ligue Adriatique correspondait à ton style de jeu ?
C’est très aléatoire. Il y a d’excellentes équipes et d’autres beaucoup moins fortes. Il faut prendre tous les matchs avec beaucoup de sérieux, se les rendre faciles de nous-mêmes car ils ne le seront pas sinon. Je vais retrouver ce niveau-là, à moi de me réadapter. J’ai déjà connu différents championnats, je ne suis pas à ça près.
« Des messages de supporters de l’Étoile Rouge ?
J’en ai reçu oui… »
Mais justement, toi qui as déjà connu beaucoup de choses, est-ce que la Ligue Adriatique matchait avec tes spécificités ?
Ce qui me correspond le plus, c’est la France ! C’est un championnat athlétique, ça court beaucoup. La Ligue Adriatique est un peu différente. Mais je pense que ce qui compte le plus est le style de jeu de l’équipe. Or, celui du Partizan me correspond beaucoup à mon avis.
Ce n’est pas un transfert direct mais tu passes quand même d’un frère ennemi à un autre, de l’Étoile Rouge au Partizan. Ça se passe bien ou tu as déjà reçu des messages ?
Oui, j’en ai reçu mais ce n’est pas quelque chose qui m’affecte plus que ça… Je savais où je mettais les pieds, je savais où je signais, j’étais conscient de ce que ça allait engendrer. Je me concentre sur le basket et de toute façon, je ne suis ni le premier ni le dernier joueur à le faire. Dans l’équipe, deux autres l’ont déjà fait par exemple (Kevin Punter et Nemanja Dangubic, ndlr). Même si les supporters sont fâchés, il y a un respect des joueurs et de leur intégrité physique en Serbie. Je ne pense pas avoir grand chose à craindre, si ce n’est d’être sifflé lors des matchs contre eux (il rit). Les derbys vont être tendus mais dans la vie quotidienne, ça ne va pas me porter préjudice, ça fait partie du sport.
Justement, le derby belgradois, pour l’avoir déjà vécu de l’autre côté (pour deux victoires, 100-84 et 86-74, ndlr), quels souvenirs en gardes-tu ? Est-ce vraiment l’un des matchs les plus particuliers que tu as eu à jouer dans ta carrière ?
Ah oui ! L’adrénaline, l’engouement autour de la rencontre, toute la tension qui monte au fil des semaines, c’est particulier… Les coachs sont plus tendus, les joueurs sont plus tendus, les fans sont plus tendus. Tout le monde est plus concentré car c’est un match spécial, c’est le match qu’il faut gagner. La ferveur autour de ce derby, on la ressent vraiment, même avant le match. Je vais voir comment c’est de l’autre côté, version Partizan, comment c’est maintenant, quelques années après, aussi. Mais vu l’équipe construite par le Partizan et le budget mis par le club, je pense qu’il y aura beaucoup de tensions. Surtout qu’il y a déjà un match qui est passé en plus… (défaite 56-71 le 14 novembre, ndlr)
Mathias Lessort (13 points, 4 rebonds et 2 passes) contre le Partizan le 29 janvier 2018
(photo : KK Crvena Zvezda)
Ta signature au Partizan est aussi une bonne nouvelle pour l’équipe de France puisqu’en passant de l’EuroLeague à l’EuroCup, tu seras théoriquement disponible pour la prochaine fenêtre internationale en février contre le Portugal…
En effet, c’est quelque chose de bien. J’aime toujours aller en équipe de France, apporter quelque chose pour les Bleus. Je serai disponible, à voir si Vincent (Collet) m’appellera ou pas. J’espère que oui. Mais oui, ça me fera plaisir de retrouver le maillot bleu.
Pour conclure, un mot sur tes deux mois au Maccabi Tel-Aviv : que retiens-tu de cette expérience ?
Que du positif. J’ai vraiment kiffé là-bas. C’est certainement l’organisation la plus professionelle que j’ai connu dans ma carrière. Je n’ai que du bien à dire du Maccabi, du staff, des joueurs, des gens là-bas. Ça s’est très bien passé. Bien sûr, le fait de ne pas trop jouer sur la fin m’a affecté mais il y avait tellement de bonnes choses autour que je ne retiens que le positif. Tout le monde m’a très bien traité, la ville est super. C’était vraiment une très bonne expérience.
Pourquoi as-tu disparu de la circulation lors de ton deuxième mois de contrat (0 minute de jeu en novembre, dernier match à plus de 10 minutes le 14 octobre à Villeurbanne) ?
Parce qu’Ante Zizic est revenu, tout simplement. L’équipe était faite pour que ce soit Zizic et Reynolds qui jouent. Je n’étais là que pour le remplacer donc quand il est revenu, il a repris son rôle. Comme je l’ai dit, je pense avoir montré que j’avais le niveau, que j’avais ma place. Mais l’équipe a été construite autrement. Ce sont les choix du coachs, je les respecte et c’est comme ça.
Commentaires