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Ludovic Pouillart, un coach passionné au village des passionnés, Gries

« Avant la trêve, les joueurs en rigolaient : ils savaient que ça me faisait mal de leur laisser les sept jours de repos prévus dans la convention collective. » Ludovic Pouillart sourit mais oui, il aurait en effet aimé continuer à travailler avec ses joueurs pendant la trêve. Lui, le passionné, le vrai, le mordu, ardent, bouillonnant, frénétique, amoureux de la balle orange, aime pouvoir entraîner ses joueurs « sept jours sur sept », le lundi comme le dimanche, après les matchs. La charge est conséquente mais les résultats sont là : promu en Pro B, le Basket Club Gries Oberhoffen (BCGO) est troisième de Pro B avec 8 victoires en 12 matchs.

« On a fait un tiers de la saison, nuance le technicien de 41 ans, au club depuis 2015 (alors que l’équipe était en NM2), qui ne veut pas s’enflammer. Les temps de passage sont bons mais dans ce championnat tout peut aller très vite dans les deux sens. On ne s’emballe pas, on sait d’où on vient. On est content sans sauter de joie partout. On travaille au quotidien depuis août. Ce n’est pas facile car c’est une équipe qui a été reconstruite l’été, seuls trois joueurs ont pu être conservés ».

Le plus petit budget du championnat

Champion de NM1, Gries-Oberhoffen a du repartir avec une page blanche, ou presque. La ligne extérieure, composée par deux Espagnols, le meneur Xavier Forcada et l’ailier Asier Zengotitabengoa, et l’arrière landais Romain Hillotte, a été conservé et reste le cœur de l’effectif. Ludovic Pouillart aurait cependant voulu garder des joueurs supplémentaires. « Financièrement je ne pouvais pas garder tout le monde, regrette-t-il, le BCGO ayant le plus petit budget (1,1 million d’euros) et la plus petite masse salariale (480 000 euros) de la division. J’aurais aimé conserver Ludovic Negrobar (parti à Nantes, Pro B) et Oumarou Sylla (parti à Challans, NM1). Xavier, Asier et Romain me paraissaient être des priorités. Il a donc fallu essayer de trouver d’autres joueurs pouvant être efficaces dans notre philosophie de jeu. Cela a demandé beaucoup de scouting, d’analyse, de communication avec les potentielles recrues. Ceux qui venaient de Pro B, Ywen (Smock) et Gide (Noël), il fallait leur montrer qu’ils pouvaient le faire, car c’est tout nouveau pour eux. »

La trouvaille Evan Yates : « pas une surprise » pour le coach

Si ces derniers ont trouvé leur place, deux joueurs étrangers ont du repartir. Le jeune ailier étasunien Mike Miklusak, qui souffrait notamment « du mal du pays », est rentré chez l’Oncle Sam début novembre. Il a été remplacé par le Lituanien Darius Tarvydas, installé en France depuis quelques saisons. Puis, deux semaines plus tard, c’est l’Américain Evan Yates qui a débarqué en Alsace pour remplacer Zygimantas Skucas. « Revanchard » selon Ludovic Pouillart, après avoir rapidement été mis à la porte à Charleville-Mézières en début de saison 2017/18 pour sa première expérience en Pro B, Tarvydas s’est montré saignant (11,6 points à 50,8% de réussite aux tirs, 5,9 rebonds et 2,9 fautes provoquées pour 12,1 d’évaluation en 23 minutes) sur ses 8 premiers matchs. Evan Yates quant à lui marche sur la Pro B pour le moment. MVP de la journée pour son premier match, il n’a jamais baissé le pied et tourne à 17,8 points à 83,3% de réussite aux tirs, 7,8 rebonds, 3,2 passes décisives et 4,8 fautes provoquées pour 24 d’évaluation en moins de 30 minutes. Surtout, Gries a gagné ses 6 derniers matchs. Une série qui correspond à la série de victoires de l’équipe.

« Ça fait deux ans que je le suis, explique Ludovic Pouillart. Il jouait en Espagne, un championnat que j’affectionne beaucoup. La NM1 ne l’intéressait pas du tout. Cette année, il n’arrivait pas à trouver de contrat. Son niveau de performance, c’est tout sauf une surprise. C’est un intérieur de petite taille (1,98 m) et ça lui a mis quelques barrières dans sa carrière. Il s’acclimate facilement dans une forme de jeu. Il a été pendant 5 ans coaché par des coachs espagnols, 4 ans en Espagne et 1 an au Danemark, par un coach qu’il avait déjà eu en Espagne. »

Evan Yates est énorme depuis son arrivée (photo : Stéphanie Hautenschild)

Et comme Ludovic Pouillart tente de faire pratiquer à son équipe un jeu « à l’espagnole » fait de relance, de jeu en transition, de « drives and kicks » (pénétrations puis ballons ressortis), Evan Yates s’est tout de suite senti dans le bain.

« Cette volonté de jeu, la base du jeu, il l’a. L’acclimatation a été bien plus rapide que si il avait changé de jeu. Il n’avait pas joué depuis cinq mois et physiquement il n’était pas prêt. J’espère que sur cette deuxième partie de saison il sera encore meilleur. »

Ces changements d’effectif ont en tout cas fait beaucoup de bien à Gries. « Ces greffes ont toujours une part d’incertitude, mais maintenant elle est levée, surtout qu’ils se sont très bien intégrés. Ils ont su trouver leurs marques sur les deux tableaux, le terrain et l’équipe. Je n’avais eu que des bons échos sur les deux joueurs. »

Une volonté de « basket total »

Il fallait cela car, très exigeant, Ludovic Pouillart avait passé un temps fou avec le reste du groupe pour mettre en place son style de jeu.

« J’aime bien le basket total, avec 40 minutes complètes. Ça passe par différents entraînements compliqués, très durs. Je prépare ce basket total. Notre tempo est toujours très haut. On utilise la ligne à 3-points au-dessus de la norme. On impose un rythme des deux côtés du terrain. J’aime avoir des joueurs à fort caractère et très intelligents. Notre basket est bien défini, avec la recherche d’un tempo élevé. C’est très compliqué de nous scouter car le danger peut arriver à n’importe quel moment, surtout à tout moment de la possession de balle. Ca demande beaucoup de contrôle, d’intelligence et de lecture. On travaille tous les choix défensifs possibles pour avoir toutes les clés pour punir ces choix défensifs et trouver un bon tir. Tout est codifié. Ça prend du temps. Les mois d’août et septembre sont primordiaux. »

Sur la dernière rencontre de l’année, le 27 décembre, Gries a battu Vichy-Clermont 91 à 65. Sur ce match, le BCGO a pris 41 tirs à 3-points (pour 17 réussis) ! Avec quasiment 30 tirs derrière l’arc tentés par match, l’équipe a la deuxième plus grosse moyenne dans ce secteur derrière le SLUC Nancy de Christian Monschau, toujours adepte du « run & gun ». Surtout, avec la meilleure adresse générale du championnat (50,6% de réussite aux tirs), le BCGO est l’équipe qui marque le plus de points par rencontre (88,25 en moyenne). Cela n’est pas du au hasard.

« Quand on arrive à shooter au-delà des 60 fois, je suis content. Sinon, en général, les joueurs m’entendent dans le vestiaires (sourire). Une fois, ils étaient contents car on avait shooté à 46% (de réussite) à 3-points. Sauf qu’on n’avait tiré que 17 fois. Je leur ai dit qu’on aurait du shooter 35 fois, même à 42% ! A la mi-temps, si on est en deçà des objectifs (en terme de nombre de possessions), je leur dis. »

Yann Siegwarth, spécialiste du tir à 3-points, s’illustre bien à Gries (photo : Stéphanie Hautenschild)

Un rythme lié à une préparation physique très longue et dense

Ce rythme imposé par Gries vient essentiellement du travail au quotidien, avec parfois trois séances journalières en préparation. Pour cela, les joueurs vivent tous à moins de 10 minutes de la salle, pour y être le plus souvent possible.

« On s’entraîne beaucoup. J’aime beaucoup avoir mes joueurs, tout le temps. Ils ont très peu de temps de repos, de jours off. Ils le savent en venant ici. Déjà en préparation, on s’entraîne énormément. Ca veut dire aussi une gestion permanente de l’effort physique. Il y a des phases où je vais aller chercher leurs jambes et je ne travaille qu’avec leurs têtes, derrière je redonne leurs jambes mais la tête je suis moins exigent. Mais tout jour de travail est important. Les tests physiques de la première journée d’entraînement me servent pour ajuster la préparation physique. Après je suis en perpétuel ajustement sur le travail physique. »

Un travail spécifique dont il s’occupe.

« Je ne travaille pas avec des préparateurs physiques, d’abord parce que j’aime ça. Pour moi c’est tellement important que je m’en voudrais d’avoir laissé ce travail à un préparateur et que pendant la saison les joueurs ne soient pas prêts à faire les efforts que j’ai envie d’avoir. Au moins, s’ils ne le font pas, c’est de ma faute (rires). J’aime contrôler les choses. Notre préparation physique est beaucoup mixée avec du basket et j’ai le sentiment qu’ils arrivent mieux à la supporter (la préparation physique). »

Développer des joueurs, la clé pour le BCGO

Ce jeu rapide, qui s’avère efficace sur le début de saison, donne du plaisir au public fidèle mais surtout aux joueurs. « Je vois des joueurs qui sourient après les matchs. Une fois que c’est assimilé, les joueurs prennent du plaisir. Mais je me répète, ça demande du travail. » Le plaisir vient aussi du relationnel entre joueurs et coachs. « J’aime mes joueurs, beaucoup. » Et ce qu’il aime, c’est les développer. « Même si je suis très dur avec un joueur, c’est toujours pour lui. J’ai envie de lui transmettre ce truc-là. Essayer de l’amener d’un point A à un point B. Cela demande beaucoup de rigueur, de temps dans une salle, faire progresser un joueur. » Cette année, il en compte un qui est particulièrement suivi : le jeune Olivier Cortale. Après avoir vécu une première saison professionnelle à Strasbourg sans jouer, ce jeune poste 4 de grande taille (2,07 m) qui a du talent plein les mains, a tout cassé en début de saison. Depuis, il est moins régulier mais continue de travailler dur.

« C’est un garçon que j’apprécie beaucoup. J’apprécie vraiment mes joueurs mais maintenant je ne leur laisse rien passer. Les meilleurs jeunes joueurs jouent aujourd’hui en France. Comme le petit Maledon à l’ASVEL, il est bon donc il joue. Si ton travail le mérite, tu joueras. Olivier est arrivé avec une faim, il a fallu le canalyser. Il a eu une petite entorse qui l’a ralenti. Il va continuer à progresser, il a du talent. Le but c’est qu’à la fin, il soit bon et qu’il profite du terrain de basket. Le fait de les considérer les jeunes, ça les responsabilise un peu plus vite. Il prend beaucoup de maturité. C’est normal qu’il ait des phases différentes en terme d’impact. »

Ludovic Pouillart a conscience que les joueurs se servent du club comme tremplin. Pour rivaliser à ce niveau contre des clubs de grande ville qui ont un potentiel financier autre, il faut être meilleur dans plein de secteurs et surtout : trouver les bons joueurs à développer.

« Ç fait 4 ans que je vis la même chose. Nos joueurs partent. C’est le lot de tous ces clubs qui mettent des joueurs sur le devant de la scène. Un club qui passe de la NM2 à la Pro B en 2 ans, ça grandit trop vite. Mais il y a une vraie volonté de bien faire les choses ici. C’est toujours rassurant pour un technicien. »

Un des formateurs de Nando De Colo

Sur un tout petit bassin de population, le BCGO est très bien implanté et parvient notamment à avoir des équipes évoluant en championnat de France jeunes.

« C’est un village où le basket est sport n°1. Il y a 2 700 habitants (à Gries, et 3 500 à Oberhoffen-sur-Moder) et 300 licenciés. Il y a des U15 ELITE, U18 ELITE. Le club a été une référence sur la NM2 pendant 22 ans. Ce qui a changé, c’est juste l’équipe première qui est sur la scène nationale et plus régionale. Cet amour pour le basket a toujours existé. Quand j’étais contre Gries avec Cergy, il y avait du monde. »

A Gries, Ludovic Pouillart est donc tombé dans un village de passionnés. Là-bas, le mariage entre lui, l’enfant du Nord, ancien joueur (jusqu’à ses 28 ans, en 2005) qui s’est construit en tant que coach dans les divisions intermédiares (Liévin, Caen, Basse-Indre, Mandelieu, Cergy et maintenant Gries) « par la passion », a bien pris.

« J’essaye de développer ce que j’aime. J’ai ma conception de mon travail. J’essaye de m’enrichir, de ce qui existe. J’appelle des garçons que je connais bien (comme Nando De Colo, qu’il a coaché en jeune à Liévin, ou Nicolas Batum, qu’il a eu à Caen, NDLR), qui jouent dans des grands clubs. Je regarde énormément de vidéos, je pose énormément des questions. J’essaye de retirer le maximum. C’est avant tout c’est une passion. »

Quant à la suite, elle démarre vendredi à Blois, pour la 13e journée de Pro B. 3e, Gries ne compte pas descendre dans la hiérarchie, même s’il existe une réalité économique.

« L’objectif est d’atteindre le plus vite possible les 13 victoires, synonyme de maintien. Une fois qu’on aura ça, si ça arrive tôt dans la saison, on aura peut-être d’autres objectifs. Les joueurs ont besoin d’objectifs. On se remettra tous ensemble dans une pièce pour les désigner. On veut toujours pousser un peu plus haut les limites. Le mois de janvier sera dur. Est-ce qu’on sera bon ? On va tout faire pour le faire. »

Et pour cela il va s’appuyer sur une chose : le travail, encore et encore.

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