ITW Ruddy Nelhomme, l’analyse du Mondial raté des U19 : « On a manqué de rigueur »

Ruddy Nelhomme a bouclé sa première campagne de sélectionneur à la 10e place de la Coupe du Monde U19
Ruddy, quel est le bilan de cette Coupe du Monde U19 conclue à la 10e place par l’équipe de France ?
La campagne est plutôt décevante parce qu’on n’a pas su conclure sur le match de la Suisse (en 1/8e de finale). Elle est frustrante parce que cette équipe a montré des visages intéressants. C’est ce que je retiens en premier lieu. Dans le jeu, on a perdu beaucoup de ballons à des moments importants. On a manqué de rigueur, j’ai manqué de rigueur avec cette équipe, et les joueurs avec moi. On a tous été moins bien par moments, notamment sur ce match contre la Suisse où l’on s’en veut un peu car on l’avait en main… Mais on a fait quelques erreurs et c’est vraiment regrettable.
Y-a-t-il des facteurs d’explications déjà identifiés ?
C’est très compliqué de comprendre ce que l’on a fait. Déjà, cette équipe avait des joueurs qui sont tous à peu près du même niveau. La hiérarchie n’a pas été simple à mettre en place. Ensuite, je pense que le match des États-Unis nous fait mal. Nos joueurs s’identifient trop à ce match et quand ils voient l’écart, c’est compliqué de rebondir derrière sur la suite de la compétition.
« Le 2-25 contre la Suisse est toujours un peu irrationnel »
À froid, comment analysez-vous ce terrible 2-25 subi contre la Suisse ?
C’est toujours un peu irrationnel. Il y a des trucs qui se passent de temps en temps… On a mis en place des choses sur la zone-press avant, on a fait attention aux ballons perdus, on en a parlé entre nous. Mais après, il y a des choses qu’on n’arrive pas à expliquer, ou à mettre en place. On est tombé sur une équipe qui, elle, était organisée. On l’a laissé croire qu’elle pouvait revenir et elle s’est justement servie de ça. Nous, à ce moment-là, on doutait. Parce que quand on perd contre les États-Unis, c’est presque la fin du monde très souvent pour nos joueurs français… Les joueurs avaient du mal à comprendre qu’il y a toute une compétition derrière. C’est ce qu’il faudrait aujourd’hui qu’on arrive à tous travailler et mettre en place.
D’autant plus que le tableau laisse penser qu’il y avait une voie royale vers les demi-finales avec la Suisse puis la Nouvelle-Zélande…
Oui, oui… Après, je ne sais pas si on y serait arrivé avec cette équipe. Mais c’est pour ça que je parle de déception et de regrets. Je ne peux pas dire qu’on y aurait été, peut-être pas. La déception est sur ce match contre la Suisse. On n’a pas été réalistes, mais on a pêché dans le money-time. On n’a pas su finir le match. C’est sûr que ce n’était pas le plus beau basket, mais on a quand même montré des choses intéressantes, on était toujours devant, +8, +10… Sauf qu’on a manqué de lucidité…
« Il ne faut pas se réfugier derrière les absences »
Il vous manquait les trois leaders de l’année dernière avec Noa Essengue, Nolan Traoré et Joan Beringer, tous draftés en NBA…
Et Martin Carrère aussi… De la campagne de l’année dernière, il nous manquait quatre joueurs qui pesaient énormément au niveau des stats, des points et de l’expérience. Parce qu’au-delà des qualités de nos joueurs, l’expérience de ce genre de compétitions prime beaucoup. Des joueurs comme Marco (Fodzo-Dada), Thomas (Bassong), Timéo (Pons) ont découvert cette compétition. Les autres équipes ont l’habitude. Mais il ne faut pas qu’on se réfugie derrière ça. On savait depuis le début que ça allait être comme ça, qu’il allait manquer beaucoup de joueurs. On a fait avec le maximum qu’on a pu.
Dans ce contexte, pourquoi ne pas avoir pioché plus dans le vivier des U18, quitte à leur faire doubler les compétitions ?
C’est très compliqué. Si l’on fait doubler les joueurs, cela remplit beaucoup leur été. Et entre les conseillers et eux-mêmes, ils ne veulent pas spécialement le faire. Après, on a un EuroBasket important pour les U18, on ne voulait pas trop prendre de joueurs… On aurait pu mais ça aurait affaibli l’équipe U18 qui a des chances de pouvoir jouer quelque chose. Surtout qu’on ne se rend pas compte mais on peut descendre dans le Groupe B en U18 si ça se passe mal. On l’a vu l’an dernier avec l’Espagne (passée à un match de la relégation, ndlr). C’est pour ça qu’on ne voulait pas trop affaiblir les U18.

Après l’élimination des U17 en 1/8e l’an dernier contre Porto-Rico, cela fait deux Coupe du Monde consécutives ratées par les équipes de France jeunes. Au vu de l’empilement des médailles européennes, est-ce seulement un épiphénomène ou un peu plus que cela ?
Je pense qu’il faut qu’on débriefe, plutôt à froid. Il faut se poser les bonnes questions. C’est vrai que ça fait deux générations, sur les Coupe du Monde, où on a du mal, où on n’est pas là où il faut sur les matchs importants. Maintenant, il faut arriver à comprendre pourquoi. Peut-être que c’est aussi un problème de génération, certaines peuvent être moins denses que d’autres. On pense que le basket français est très dense mais pour challenger les meilleures équipes, il faut avoir du matos, il faut avoir des joueurs leaders. Nous, on a des bons joueurs mais ça manque d’un joueur au-dessus, ou deux, pour pouvoir tenir l’équipe. Maintenant, je dis cela à chaud. Il va falloir un peu de temps pour vraiment analyser. C’est dur de se relever de ce match contre la Suisse.
« J’ai des choses à apporter à différentes générations »
D’ailleurs, comment avez-vous fait pour maintenir l’équipe concernée par des matchs de classement sans réel enjeu (de la 9e à la 16e place) ?
Ça n’a pas été simple. Mais certains joueurs ont quand même les valeurs de l’équipe de France, du maillot. On a essayé de remobiliser les joueurs, d’être ensemble et de pouvoir tirer le groupe vers le haut. On a essayé de trouver des solutions ensemble, de proposer des choses différentes. Les trois matchs de classement qu’on a joué montrent qu’on n’a rien lâché, dont le dernier contre la Serbie où l’on aurait vraiment pu gagner (93-96), où l’on a montré des choses intéressantes.
D’un point de vue individuel, comment était-ce de coacher de nouveau, près de six ans après votre départ de Poitiers (en décembre 2019) ?
J’avais déjà coaché quand on était parti aux États-Unis avec la France Select Team (en juin 2023). Mais c’était bien, c’était une bonne expérience. J’espère que j’en aurai d’autres car je pense que j’ai des choses à apporter à différentes générations.

Votre avenir se situe-t-on donc toujours dans le giron fédéral ?
Je ne sais pas… Déjà, mon avenir, c’est de récupérer de cette Coupe du Monde avant d’accompagner les U20 à Héraklion et les U18 à Belgrade en tant que coordinateur des équipes de France jeunes. Ensuite, on en tirera le bilan à froid, on discutera avec le staff et la fédération puis on verra comment on peut faire évoluer les choses ensemble.
Propos recueillis à Lausanne,
Commentaires