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« Le cœur brisé » par la séparation avec Limoges, Marcus Ginyard est devenu courtier

Marcus Ginyard est un vrai politicien. Il y a 18 mois, il était au plus haut dans les sondages à Limoges, paradant avec le surnom révélateur de « Monsieur le Maire ». Moins d’un an après, il se retrouvait destitué sans ménagement, sous le coup d’une procédure disciplinaire qui a entraîné son départ à l’amiable, alors que son contrat courait jusqu’en 2022, avec même une option jusqu’en 2023. Une chute soudaine qui a provoqué la fermeture d’un chapitre long de onze ans : sept mois et demi après son dernier match contre Le Mans, nous avons retrouvé Marcus Ginyard en tant que courtier immobilier au sein de l’entreprise Medalist Capital.

« C’est sûr que c’est une transition assez rapide », s’amuse le principal concerné. Auparavant attendu comme le glue-guy du CSP, chargé d’apporter son QI basket, son adresse extérieure et son leadership dans le vestiaires, le natif de Rochester a totalement changé de costume. Le voici désormais chargé de développement, missionné pour trouver des nouveaux clients pour son employeur. « C’est un énorme changement mais c’est une super opportunité de me familiariser avec un business qui est très attrayant », s’enthousiasme-t-il. « Cela me plait vraiment, je suis ravi de cette transition et impatient de pouvoir pleinement découvrir quelque chose de différent. » Car oui, difficile de trouver quelque chose de plus éloigné avec le basket. « Ce que l’on fait, c’est du crédit hypothécaire. Cela concerne des propriétés immobilières, tant que ce ne sont pas des maisons. Imaginons qu’une grosse entreprise désire acheter un nouveau bâtiment à Paris, cela leur coûtera potentiellement 100 millions d’euros. Même s’ils auront beaucoup d’argent, ils ne voudront pas tout payer d’un coup. Donc ils vont payer 30 millions eux-mêmes et emprunter 70 millions à la banque. Ma boîte servira alors d’intermédiaire entre cette entreprise et la banque et se chargera de négocier les meilleures conditions possibles avec les établissements financiers. » En outre,  l’ancien ailier de Nantes vient également de recevoir sa licence d’agent immobilier en Caroline du Nord, lui donnant ainsi lui-même le droit d’acheter et de vendre des propriétés dans la région.

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Changement de décor par rapport aux communiqués de signature dans un club

La Caroline du Nord, justement, tel est ce qui relie encore Marcus Ginyard à la balle orange. Passé par la célèbre fac de North Carolina entre 2005 et 2010, champion NCAA en 2009 sans réellement jouer (seulement trois matchs à cause d’une fracture de fatigue au pied), l’ex-Tar Heel est revenu s’installer à proximité de Chapel Hill, à Raleigh. L’endroit idéal afin de trouver rapidement un travail. « Ça a été une grosse aide », admet-il. « Les gens connaissaient déjà mon nom, ma personnalité. Ils étaient plus enclins à l’idée de me rencontrer, de me donner un coup de main. » Doté de « compétences sociales au-dessus de la norme » selon Mehdy Mary, Ginyard a eu le mérite de se constituer un joli réseau et de le faire fructifier au moment opportun. « Je m’étais préparé à l’idée de changer et j’avais surtout établi des relations avec beaucoup de personnes qui m’ont aidé dans cette reconversion. Bien m’entourer a été la clef. Je connaissais suffisamment de gens pour me retrouver avec plusieurs offres intéressantes. »

« Le surnom « Monsieur le Maire », pour moi,
ça allait au-delà de la blague »

Déjà tout proche de mettre un terme à sa carrière à deux reprises par le passé, Marcus Ginyard a donc sauté le pas en 2021. Sans réelle perspective sur ce qu’il allait concrètement faire une fois ses sneakers raccrochés au placard. « Tout ce que je savais, c’est que je ne voulais pas arrêter le basket pour prendre un job et changer au bout d’un an. Je voulais être sûr d’avoir un plan sur le long-terme, un métier dans lequel je pouvais me projeter. » Ce que lui offre donc le courtage… « Je savais que c’était un domaine qui m’intéressait », confirme-t-il. « Mes deux parents étaient agents immobiliers et j’avais acheté un immeuble de placement il y a quatre ans, ce qui m’a conféré certaines notions et une compréhension générale des choses. Maintenant, j’ai vraiment envie d’évoluer là-dedans ! »

Une reconversion réussie, de quoi atténuer progressivement la cicatrice née de la séparation anticipée avec Limoges ? « Ça reste un sujet très sensible pour moi, je ne m’en cache pas », lâche-t-il, d’une voix soudain moins fluide. « Je continue à ressentir ces émotions, c’est très frais dans mon esprit. » Car si l’on galvaude souvent la notion de « deuxième maison » pour les joueurs étrangers, Marcus Ginyard avait réellement trouvé cela à Limoges après neuf années d’instabilité, sans jamais pouvoir rester deux ans d’affilée au même endroit. Dans la préfecture de la Haute-Vienne, il était devenu une figure identifiable du centre-ville, vivant alors la vie typique d’un local avec, par exemple, ses petites habitudes dans un atelier de torréfaction artisanale. « Sur ses stories Instagram, on le voit tout le temps dans les petits commerces du centre-ville, aux halles, dans les restos : tu as l’impression qu’il est en campagne électorale », nous disait Nicolas Lang en août 2020. Et quand il partait en déplacement, il s’intéressait aux spécialités locales, à l’image de sa venue à Bourg-en-Bresse en mars dernier, où il avait fait un détour par la fromagerie du coin pour aller se procurer du comté 24 mois d’affinage. Surtout, fait suffisamment pour être souligné, l’éphémère édile avait appris le Français. « Jouer pendant aussi longtemps sans jamais prolonger quelque part était quelque chose qui me pesait vraiment », explique-t-il. « Et j’avais enfin trouvé cela à Limoges. Je m’étais engagé sur le long-terme avec le club, avec la ville. C’était devenu extrêmement spécial pour moi. Le surnom « Monsieur le Maire » était drôle mais pour moi, ça signifiait quelque chose, ça allait au-delà de la blague. Avoir trouvé une maison à Limoges était l’unique raison de ma volonté de continuer à jouer, ça voulait tout dire pour moi. » De fait, après deux ans sans voir sa famille, il avait finalisé un voyage permettant à son père, sa belle-mère, son frère, sa belle-sœur, ses deux neveux et sa copine de venir à Limoges. « J’ai passé trop de temps éloigné d’eux et c’était tellement important pour moi qu’ils viennent me voir dans un endroit où je me sentais enfin chez moi. »

ginyard1644510769.jpegÀ Limoges, Marcus Ginyard était comme chez lui, ici en août 2020
(photo : Gaëtan Delafolie)

« Ma carrière ? D’abord beaucoup de moments merdiques ! »

Car avant de s’épanouir dans la ville de la porcelaine, l’ancien lycéen d’Arlington a connu énormément de choses : treize équipes, huit pays, une seule saison maximum dans le même club. « Ce que je retiendrai de ma carrière, c’est toute l’adversité que j’ai dû traverser », souffle-t-il. « Souvent, les gens ont les yeux qui brillent quand je leur dis que j’ai été pro pendant onze ans mais, pardonnez-moi, il y a eu beaucoup de moments complètement merdiques. » Et Marcus Ginyard d’étoffer ses propos en évoquant « les saisons nulles sur et en dehors du parquet », les salaires qui ne tombent pas pendant plusieurs mois, la bataille juridique née du seul trophée de sa carrière (champion de Macédoine 2018) longue de deux ans et demi pour obtenir les primes contractualisées, la fois où il a dû fuir Mariupol à cause de la guerre ukrainienne en 2014… « Je me rappellerai bien sûr des bons moments mais honnêtement, ce sont toutes ces galères incroyables qui me viennent d’abord à l’esprit. J’ai vu certains de mes amis arrêter à cause de ça. Pourquoi pas moi ? Peut-être que j’étais stupide (il rit), je ne sais pas. Mais je suis heureux d’avoir eu la force de continuer car tout cela m’a endurci, m’a rendu plus fort, plus sage. Souvent, après une saison pourrie, venait une saison réussie. Et du coup, j’ai aussi connu de belles situations ! » Parmi elles, Nantes et, évidemment, Limoges.

ginyard1644510652.jpegMarcus Ginyard sous le maillot de l’Hermine, en mars 2016
(photo : Vincent Janiaud)

Peu s’en rappellent mais Marcus Ginyard a démarré son aventure tricolore en Pro B, sous les couleurs de l’Hermine, en 2015/16. Discret statistiquement (9,6 points à 45%, 3,2 rebonds et 1,7 passe décisive), comme souvent, mais un rouage essentiel de la belle saison nantaise, bouclée en quart de finale du championnat. « Sans Nantes, je n’aurais jamais joué à Limoges », avance-t-il. « Cela m’a ouvert les yeux sur la beauté de la France. À partir du moment où j’ai quitté Nantes, mon seul but était de revenir jouer en France. » Mission accomplie trois ans plus tard, avec une signature qui ne déclenche alors pas un enthousiasme démesuré à Beaublanc. Pourtant, sa première saison limougeaude fait l’unanimité. Rapidement devenu un cadre de l’effectif du CSP, Marcus Ginyard bonifie le collectif de Mehdy Mary, performe sur le terrain, séduit en dehors. Au point de se voir offrir une prolongation pluriannuelle… La suite ne sera malheureusement pas du même acabit. S’il se défend de s’être relâché après avoir sécurisé un engagement longue durée, l’ailier américain n’a clairement pas répondu aux attentes. « Sur la fin de saison, j’ai rarement été aussi déçu par un joueur », taclait le directeur sportif Crawford Palmer en juin dans les colonnes du Populaire du Centre. « On avait besoin d’un leader. Quand on est cocapitaine et qu’on a signé un contrat de trois ans, ça implique des responsabilités. Il n’est pas seulement question de prendre son chèque à la fin du mois. »

La blessure Limoges :
« J’ai le sentiment que je devrais encore être là-bas »

Passé de 10,3 à 5,6 d’évaluation en moyenne d’une saison à l’autre, Ginyard ne se défile pas, malgré quelques circonstances atténuantes. « Évidemment que ma saison a été mauvaise. Mais il y a eu beaucoup de facteurs qui sont entrés en jeu, beaucoup de choses personnelles que les gens ne connaîtront jamais. Imaginez-vous vivre des moments difficiles et en même temps, ne pas rentrer chez vous pendant deux ans, ne pas voir votre famille. Mentalement, je n’ai pas réussi à passer le cap pour être performant et il faut que j’en assume les responsabilités. » Mais imaginait-le faire de cette façon-là ? « Quand le CSP a décidé que l’on se sépare, cela m’a brisé le cœur », lâche-t-il. « Me retrouver abandonné de la sorte, sans explication, entendre dire que c’était de ma faute, c’était un sentiment horrible. » Les griefs principaux évoqués au moment du divorce par la presse locale furent la réservation de ses billets d’avion avant le dernier match ou le fait d’avoir séché le bilan de fin de saison.

ginyard1644510840.jpegToutes compétitions confondues, Marcus Ginyard a porté à 61 reprises le maillot limougeaud
(photo : Sébastien Grasset)

Inutile de préciser que cette fin déchirante aura donc précipité sa transition. « C’était trop de me demander que de trouver un nouveau club pour rejouer au basket, un nouvel endroit où m’installer, etc. J’ai eu une magnifique opportunité de trouver de la stabilité dans ma vie, de revenir à proximité de famille et de suivre un chemin qui va durer toute mon existence. La fenêtre pour jouer au basket est courte, la vie est longue. C’était plus important pour moi de démarrer ma seconde carrière, surtout au vu de tout ce qui s’est passé à la fin avec le CSP.  » La dernière image reste souvent la plus marquante mais, au moins, dans le cas du néo-courtier, cela est vrai. « Pourquoi est-ce que j’aimais tant Limoges ? Il y avait quelque chose dans cette ville qui me ressemblait. Les gens ont été incroyables avec moi, extrêmement accueillants. Beaucoup m’ont invité chez eux. Il y avait une connection spéciale, qui s’est faite rapidement, c’est difficile à expliquer. Limoges restera à jamais l’un des endroits les plus spéciaux sur terre à mes yeux et j’ai déjà hâte d’y retourner. » De quoi rendre cette histoire limougeaude « douce-amère » et complexifier l’ambition de vivre un début de reconversion apaisée. « J’ai le sentiment que je devrais encore être là-bas », murmure-t-il. « Donc oui, je continue d’y penser. » Surtout que même dans une quête a priori totalement différente − la recherche des meilleurs taux d’emprunts auprès des établissements financiers de Caroline du Nord −, certains éléments continuent encore à le rattacher inexorablement à la balle orange. « Tenez, figurez-vous que j’ai rencontré récemment un client potentiel à Raleigh qui a déjà fait du business à Nantes », rigole-t-il, avant de raccrocher et retourner travailler. « Pendant un déjeuner d’affaires, on s’est retrouvé à discuter pendant dix minutes de Nantes. » Et si un jour il croise le chemin de quelqu’un qui connaît Limoges, il faudra sûrement alors prévoir le repas entier pour en parler…

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