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[Les pires records de Pro A] Le jour où… Strasbourg a pris 37-0 en un quart-temps (5/5)

« J’ai failli ne pas assister au match », avoue Philippe Hervé, en se remémorant ce samedi si particulier de janvier 2011. À l’époque à la tête d’Orléans, le Francilien avait l’habitude de rejoindre le Palais des Sports en coupant à travers un parc. Sauf que ce soir-là, il s’est retrouvé prisonnier, enfermé entre les quatre portes de l’espace vert. « Gilles Villain, mes assistants, personne ne m’a répondu pendant 20 minutes », rigole-t-il. « Il a finalement fallu que Gilles Villain appellent la ville pour qu’ils demandent au gardien de revenir m’ouvrir. Je suis arrivé pile à temps dans le vestiaire pour faire le brief d’avant-match. »

L’ovation du Palais des Sports pour un panier de Strasbourg

S’il avait su, peut-être n’aurait-il pas dit grand chose. En apparence équilibrée, entre deux formations à égalité à la 11e place (5v-7d), la rencontre s’est transformée en une véritable humiliation. 13-11 à la fin du premier quart-temps puis 50-11 à la mi-temps, soit un deuxième acte conclu sur le score hallucinant de 37-0. Tellement invraisemblable que dans beaucoup d’autres salles de Pro A, lors de l’énoncé des résultats à la pause, tout le monde croyait à une erreur du speaker ou du site de la LNB. « On joue bien, on marque ; on ne joue pas bien, on marque. Et eux, ils jouent bien, ils ne marquent pas ; ils ne jouent pas bien, ils ne marquent pas. C’était les extrêmes, c’était assez terrible de voir ça. »

La domination intégrale des coéquipiers de J.R. Reynolds (19 points et 4 passes décisives) se traduit évidemment sur la feuille de statistiques, mémorable, de la mi-temps : 51% aux tirs pour l’OLB contre 11% pour la SIG, déjà 15 balles perdues par les Alsaciens et un différentiel abyssal à l’évaluation collective (64 contre -2 !). Ce ne sera guère plus reluisant une fois le buzzer final venu (le détail ici) : 52% – 26% aux shoots, huit Orléanais à plus de 10 d’évaluation contre une pointe à 8 pour Steeve Essart, 130 – 20 à l’évaluation collective, 26 ballons égarés par les Alsaciens (dont 7 pour le seul John McCord), contre seulement 4 interceptions ! Et le meilleur marqueur strasbourgeois ? Justin Hawkins, avec 7 points, à 3/12 aux tirs…

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L’image est trompeuse : ce soir-là, tout a été facile pour Ludo Vaty et l’OLB
(photo : Sébastien Léger)

Au retour des vestiaires, Aldo Curti et Maleye Ndoye ajoutent 5 points, portant le score jusqu’à 55-11, soit une série de 42-0. Il faudra un tir primé de Steeve Essart pour que Strasbourg retrouve un peu de dignité. « Je me rappelle qu’il y a eu une ovation dans la salle suite à ce panier », souligne Philippe Hervé. Peu importe finalement, Strasbourg n’y est plus du tout, le MVP Ricardo Greer refuse de revenir sur le parquet. La série historique est peut-être terminée mais le score enfle inéluctablement : 64-19 à la 27e minute, 75-24 à la fin du troisième quart-temps… Heureusement, la SIG retrouvera un semblant d’adresse extérieure dans les dernières minutes, évitant de boire le calice jusqu’à la lie en laissant, pour deux petits points, le déshonneur de la plus grosse défaite de l’histoire à Avignon (96-39, score final).

« Il y a beaucoup de compassion pour le collègue d’en face »

S’il a donc participé aux deux plus larges victoires des 33 ans de la LNB (en tant que joueur lors de Cholet – Avignon puis en tant qu’entraîneur lors de cet Orléans – Strasbourg), Philippe Hervé se souvenait surtout qu’il s’était retrouvé dans la position inverse en 1997 à l’occasion de Chalon – ASVEL (38-89). Alors, le stratège de l’OLB était particulièrement mal à l’aise vis-à-vis de son homologue, Frédéric Sarre. « Il y a beaucoup de compassion pour le collègue d’en face. En plus, Fred est un ami. On se devait de continuer à jouer mais ça ne me faisait pas rire du tout. On se dit qu’on n’aimerait pas être en face. » Néanmoins, treize ans auparavant, la claque subie des mains de Villeurbanne avait agi comme un élément fondateur dans le parcours de Philippe Hervé, lui ayant permis de bâtir son fameux système défensif. Alors, l’ancien arrière du Racing Club de France s’est autorisé un petit retour d’expérience à chaud, avec son collègue strasbourgeois, après le match. « On a discuté avec Fred, il était évidemment détruit. Je lui ai répété qu’il était inutile de tout remettre en question car le scénario était de toute façon mauvais pour eux. Même quand ils jouaient bien, ils ne marquaient rien. Je lui ai dit que ce serait facile de reprendre le groupe lundi, que c’était sûr que les joueurs allaient l’écouter et réagir. Quand on prend 20 points, on peut toujours trouver des excuses, discuter, dire qu’il n’y aurait pu n’y avoir que 12 points d’écart. Là, à -57, il n’y a pas à discuter, vous rentrez, vous bossez. Et ils ont gagné le match d’après. » Et au final, Orléans et Strasbourg ont terminé le championnat à égalité, à la 10e place. Avec chacun un bilan décevant de 12 succès en 30 rencontres. Mais inutile cependant de préciser qui était devant à la faveur du panier-average…

ITW Aymeric Jeanneau :
« Je n’avais jamais ressenti un tel vide en montant la balle »

Aymeric, alors que cela fait bientôt dix ans, quels souvenirs gardez-vous de cette soirée à Orléans en janvier 2011 ?

C’est le pire match de ma carrière, bien sûr. Et heureusement d’ailleurs. Aujourd’hui, la frustration et la déception ont disparu mais le souvenir du match reste très fort. Il y a 13-11 à la fin du premier quart-temps mais je nous sens déjà en grande difficulté. En fait, on avait beaucoup marqué en tout début de match et on ne doit mettre qu’un seul panier dans les cinq dernières minutes (effectivement, la SIG menait 8-7 à la 5e minute, ndlr). Ensuite, j’ai ce souvenir de monter le ballon et d’avoir un rideau noir devant mes yeux. Une sorte de vide, comme une rivière qui arrive, avec la chute derrière. Concrètement, c’est l’impossibilité de savoir quoi faire en tant que meneur. J’avais déjà utilisé tous les systèmes, sur tous les joueurs, on s’était tous dribblé sur le pied, on avait tous perdu le ballon… Est-ce que je joue tout seul, est-ce que j’annonce un pick and roll, est-ce que je privilégie un système long ? Peu importe, rien ne marchait… Il y avait un néant total de solutions et un adversaire qui rigole. Le pire, c’est qu’il y a deux-trois phases de jeu cohérentes. A un moment, McCord a un petit shoot tout seul dessus et au moment de monter le ballon, il lui glisse des mains et part en arrière. Là, tu te dis que ce n’est pas possible. Ensuite, en deuxième mi-temps, on essaye de limiter les dégâts mais même pas au final. Il y a des pieds en touche, des marchers, etc. Rien ne pouvait passer. Et il y a eu une démobilisation du groupe aussi, Ricardo (Greer) qui avait refusé de jouer après la pause. Je me rappelle très bien de la conférence de presse avec Philippe Hervé qui me regarde, un peu interloqué. J’ai assez peu de souvenirs de l’équipe d’Orléans mais en revanche, je sus presque capable de refaire toutes les actions de notre match.

Après ce 37-0, que se passe-t-il dans les vestiaires à la mi-temps ?

On se regarde… Fred Sarre ne sait pas quoi faire car d’un côté, le groupe le lâche aussi un peu. Sinon, il y aurait eu un peu de révolte. Or, là, il n’y en a pas. C’est compliqué à manager pour lui. En tant que meneur, j’essaye de trouver les mots mais il n’y en a pas car c’est tellement abyssal comme situation. Le trou est tellement important. De plus, ce match arrivait alors nous étions dans une période de crise collective. Ce n’était une passe facile pour personne, tant pour l’entraîneur, que pour nous, les joueurs.

Comment peut-on aborder une deuxième période alors que le score est de 50-11 ?

On n’est déjà plus là. Le groupe avait explosé dans les vestiaires. Il y a une session où Ricardo (Greer) ne veut pas revenir jouer, soi-disant car il avait mal à une main. En réalité, il abaondonne l’équipe alors que ce n’est pourtant pas son caractère. Nous, les cadres, on n’est pas présents car on a tout essayé en première mi-temps. Je me revois sortir du terrain à un moment en deuxième mi-temps : waouh, je sors avec le pas lourd, comme si le banc était en dessous du terrain. Il n’y avait rien à quoi se raccrocher.

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Champions de France en 2009 avec l’ASVEL,
Aymeric Jeanneau et J.R. Reynolds ont vécu une soirée diamétralement opposée
(photo : Sébastien Léger)

 Que s’est-il passé lors des jours suivants ?

Il y a eu une remise en cause de tout le fonctionnement : de l’entraîneur, des joueurs, de l’entraînement, des dirigeants qui nous ont convoqué dès le lendemain matin… Fred Sarre avait été très bon sur la gestion de ce moment. Avec beaucoup d’humilité, il s’était mis devant nous pour que l’on discute tous ensemble, en ouvrant la boite à parole afin que les joueurs puissent livrer leurs sentiments. Derrière, on a eu un moment de révolte, on repart sur un état d’esprit totalement positif et on fait un gros match à domicile le week-end suivant (95-80 contre la JA Vichy, ndlr). Certes, on ne sauve pas la saison, car elle fut très compliquée, mais on arrive quand même à relancer la machine derrière. Il a fallu que l’on touche le fond pour cela. Généralement, ça ne va pas aussi loin mais là, on était vraiment au plus bas. Si on avait perdu de 25 points, on aurait remis en cause les choses différemment. Peut-être que l’on aurait dit que c’était que l’entraîneur. Mais là, à -57, non, ce n’est pas que le coach, il y a une responsabilité collective. Tout le monde l’a ouvert et derrière, il faut assumer. Ça nous a soudés pour une certaine période (deux victoires de rang, ndlr). Fred avait été bon sur le fait de s’ouvrir, d’accepter les critiques des joueurs et derrière les retourner pour qu’elles deviennent positives.

Est-ce l’une des défaites les plus marquantes, les plus douloureuses, de votre carrière ?

(directement) Non ! Car ce n’est pas des matchs comme cela que l’on retient. Il y a des défaites qui sont bien plus difficiles à digérer que celle-ci. Bien sûr, il y a un écart de points monumental et je suis d’ailleurs content de ne pas en être recordman. Mais en fait, ce n’est pas une défaite normale, ce n’était pas un match normal. Perdre en finale par exemple, ça fait bien plus mal. Toutefois, effectivement, je n’ai jamais ressenti à un autre moment ce vide que j’avais en montant la balle. Si je la donnais directement à l’adversaire, c’était pareil. Il n’y avait absolument rien à faire. Alors oui, c’est un sentiment marquant car je le revis là, quand on en reparle. C’est une sensation que je n’ai jamais ressenti à un autre moment.

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Sur la sellette après cette gifle, Frédéric Sarre aura tenu plus de quatre mois supplémentaires avant d’être écarté le 26 avril (photo : Sébastien Léger)

 Les contreperformances historiques de Pro A :

  1. Lundi : Le jour où… Avignon est reparti de Cholet avec 59 points dans ses bagages (55-114)
  2. Mardi : Le jour où… Chalon a perdu de 51 points à domicile (38-89)
  3. Mercredi : Le jour où… Toulouse est resté scotché à 32 points (32-67)
  4. Jeudi : Le jour où… Roanne a démarré par un 28-0 à Bourg-en-Bresse
  5. Vendredi : Le jour où… Strasbourg a pris 37-0 en un quart-temps

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La preuve par l’image…
(photo : Sébastien Léger)

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