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Mais que fait le MVP du championnat serbe, et ex-colocataire de Nikola Jokic, en Nationale 2 ?

Bien sûr, en Nationale 2, aucune signature estivale ne pouvait faire plus de bruit que celle du légendaire Florent Piétrus avec Metz. Mais toujours est-il que plusieurs regards interloqués se sont tournés vers Salon-de-Provence au milieu du mois d’août. « C’est presque irréel de le voir là », soufflait Alexandre Casimiri dans les colonnes de La Provence il y a quelques semaines, pas peu fier de son coup. Le nom d’Andrija Simovic (2,06 m) ne vous dit certes sûrement rien du tout mais une chose est sûre : l’intérieur serbe n’était absolument pas destiné à évoluer en quatrième division française cette année. Dans la force de l’âge, du haut de ses 25 ans, le natif de Niš sort d’une saison extrêmement productive en Serbie, où il a été auréolé du trophée de MVP du championnat national (20,8 points à 54%, 7,2 rebonds et 2,3 passes décisives pour 22,1 d’évaluation, dont une pointe à 43 points, 10 rebonds et 6 passes décisives le 17 novembre 2019 à Novi Pazar). Alors oui, le retrouver dans un championnat semi-professionnel six mois plus tard a tout d’une véritable surprise.

Ce n’était évidemment pas l’ambition d’Andrija Simovic lors de l’ouverture du marché des transferts. « Au début, je ne voulais même pas venir jouer en France », sourit-il, attablé en terrasse d’un café du centre historique de Salon-de-Provence. « Et puis, ensuite, quitte à signer ici, je visais la Pro B. » L’étiquette de la seconde division lui était effectivement accolée au début de l’été, à tel point que le Sapela a tardé à se lancer sur cette piste. « French Basketball Scouting m’a envoyé une liste de joueurs et Andrija était le seul où il était fait mention qu’il cherchait la Pro B donc je n’ai d’abord pas regardé », se remémore le coach Casimiri. « Mais qui ne tente rien n’a rien donc je l’ai finalement contacté peu de temps après. Il a pris des renseignements sur le club mais il a très poliment décliné l’offre. Je n’ai pas insisté, je comprenais bien qu’il avait d’autres ambitions que de venir jouer en NM2 après avoir été élu MVP en Serbie. » Sauf que l’entraîneur de Sapela ne renonce pas complètement à la piste Simovic et s’il ne revient pas à la charge lui-même directement, il missionne son ancien joueur Nemanja Kovanusic dans un rôle d’intermédiaire. Brillant avec Charleville-Mézières en 2018/19 sous les ordres du Franco-Américain, l’intérieur bosnien de Challans lui vante les mérites du technicien et l’exhorte à ne pas prêter attention à la division. « Il m’a conseillé d’aller en France, peu importe le championnat, que j’allais m’y plaire. » Quelques jours plus tard, le tour est joué : Andrija Simovic compose de lui-même le numéro de l’entraîeur provençal. « Il a effectué un très bon travail de persuasion », reconnaît l’ancien enfant de Mega Leks. « Il m’a détaillé la situation du club, ses ambitions, ses projets de développement, sa vision de l’équipe cette saison. En réalité, il m’a fait une offre que je ne pouvais pas refuser. »

« Après avoir terminé MVP en Serbie,
je ne m’attendais pas à me retrouver en quatrième division française »

Aussi performant qu’ait-pu être le travail de lobbying d’Alexandre Casimiri, un tel joueur n’aurait certainement pas dû se retrouver dans une telle situation au sein d’un monde normal. Alors, est-ce aussi dû à la crise du coronavirus ? Cela n’a pas dû aider, certainement. Mais Andrija Simovic a aussi refusé des propositions de clubs plus prestigieux en début d’été, notamment en Nationale 1. « Peut-être n’aurais-je pas dû dire non à ces offres, peut-être est-ce dû au Covid, peut-être est-ce simplement un mauvais alignement des planètes… », relativise-t-il. « C’était bizarre de signer en Nationale 2. Je ne m’attendais pas à me retrouver en quatrième division française après avoir terminé MVP du championnat serbe mais finalement, je suis très heureux ici. » Un élément est aussi peut-être sous-estimé : la promesse d’une équipe compétitive. Après avoir terminé dernier de KLS avec Novi Sad (et oui, il fut quand même officiellement désigné MVP, comme quoi les critères peuvent varier d’un pays à un autre), Andrija Simovic se languissait de retrouver le haut de tableau. Le hasard faisant vraiment bien les choses, le Sapela ambitionne de renouer avec la Nationale 1.

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Déjà trilingue, Simovic sera capable de s’exprimer en Français d’ici 6 mois pense Alex Casimiri
(photo : Sapela Basket 13)

Déjà vu en LEB Oro espagnole (à Huesca, en 2016/17), à l’âge de 21 ans, puis en Roumanie (avec le CSM Medias, en 2018/19), Andrija Simovic s’adapte doucement à son nouvel environnement. Ses premiers pas sont relativement encourageants avec 15 points lors de ses deux premières sorties, à La Ravoire (87-72) puis contre Le Cannet samedi (90-74). « Il n’est pas encore le joueur surdimensionné qu’il pourrait être, mais il risque de le devenir une fois qu’il aura pris ses marques », espère Alexandre Casimiri. De fait, l’ancien intérieur de Vrsac découvre un tout nouveau style de jeu. « Le basket est complètement différent », expose-t-il. « En Serbie, on joue plus lentement, avec plus de mises en place collectives. Ici, c’est surtout du un contre un, des contre-attaques, un jeu bien plus rapide, plus physique. Dès qu’on a l’opportunité de courir et de jouer en run and gun, on le fait et s’il n’y a pas de solution, on bascule alors sur un système. Mais ça reste du basket et je peux m’adapter, il me faut juste un peu de temps. »

Dithyrambique sur les qualités humaines d’Andrija Simovic ( « un gars extraordinaire, cultivé, agréable, souriant, intelligent, travailleur »), Casimiri l’est tout autant sur le basketteur : « C’est un joueur  hyper complet, sans être athlétique. Il dispose d’un énorme QI basket, il joue juste. Il a une vision du jeu assez incroyable. » Une description qui renvoie étrangement à celle que l’on pourrait faire d’un autre célèbre intérieur serbe de NBA, non ?  Cela tombe bien : Andrija Simovic connait parfaitement l’homme auquel vous pensez certainement.

Mortal Kombat sur PlayStation avec Nikola Jokic

Après avoir démarré le basket à 7 ans dans sa ville natale de Niš, inspiré par les exploits de Dejan Bodiroga et Kobe Bryant, le néo-sapeliste a rallié la capitale serbe en 2012 afin d’intégrer la pouponnière du Mega Vizura. Et accessoirement partager le quotidien d’un garçon encore un peu rondouillet, débarqué le même été à Belgrade, un certain Nikola Jokic. « On a vécu ensemble pendant presque deux ans. Et oui, c’était un bon colocataire, on se séparait les tours de vaisselle (il rit). Il était toujours prêt à faire plein de choses différentes. On était jeunes, on avait plein d’énergie à l’époque », se remémore-t-il dans un sourire, avant de disserter sur leurs interminables parties de Mortal Kombat sur la PlayStation du salon. « C’étaient toujours de bons duels, du 50 – 50 », assure-t-il.

Sportivement parlant, Andrija Simovic et Nikola Jokic ont également développé une belle complicité. L’un tenait le poste 4, l’autre le poste 5 et partis du championnat junior en 2012/13, ils finiront par défier ensemble l’Étoile Rouge de Belgrade en demi-finale de Super League en juin 2015. « Je pense que l’on formait une belle doublette », avance Simovic, qui partage désormais la raquete avec l’éternel Mamadou Dia à Sapela. Mais il n’y avait pas que Jokic dans le laboratoire de l’agence de BeoBasket : Simovic y côtoiera également le géant Boban Marjanovic (Dallas Mavericks), Vasilije Micic (Anadolu Efes Istanbul) ou des cadres actuels du Partizan Belgrade comme Ognjen Jaramaz ou Rade Zagorac. « Et encore, si certains sont en NBA ou en EuroLeague, il y avait plein d’autres gars dont vous n’avez sûrement jamais entendu parler et qui évoluent maintenant en Pologne, en Bosnie-Herzégovine ou en Bulgarie », relève-t-il. « Nous avions l’une des plus belles générations de l’histoire de Mega Leks. »

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Photo de famille pour la génération 1995 du Mega Leks :
Jokic est facilement reconnaissable, en arrière-plan, tandis que Simovic apparaît en 7e position à gauche

Plus de cinq ans après leur dernier match ensemble, leurs trajectoires sportives ont diamétralement divergées. Vendredi soir, en sirotant sa limonade citron sous l’imposante stature du château de Salon-de-Provence, Andrija Simovic avait la réception du Cannet dans un coin de sa tête, tandis que Nikola Jokic s’apprêtait à entamer sa finale de conférence contre les Los Angeles Lakers. « Les gens me demandent souvent si je n’ai pas d’amertume à ce sujet », explique-t-il. « Mais la vérité est que non. Je suis tellement heureux pour lui quand je vois tout ce qu’il a su accomplir. Il suit son chemin et je fais la même chose de mon côté. On essaye tous les deux de faire du mieux possible. »

À l’époque, aucun des deux n’était un prospect de premier rang. Andrija Simovic a longtemps payé l’incroyable densité de la génération 1995 de la Serbie en étant souvent coupé parmi les derniers avant les grandes compétitions, comme lors de la campagne 2015 qui a vu les coéquipiers de Marko Guduric être sacrés champions d’Europe juniors en Italie. « Je n’avais pas d’ambition particulière concernant ma carrière professionnelle », dit-il. « Je savais juste que je voulais vivre une première expérience à l’étranger et tenter d’atteindre le plus haut niveau possible. Je ne m’attendais pas forcément à ce type de parcours mais on ne peut pas savoir. » Tout comme personne ne pouvait prévoir l’évolution de Nikola Jokic, l’ancien adolescent obèse devenu l’un des pivots les plus dominants au monde. Anonyme 41e choix de la Draft en 2014, il n’était aussi qu’un simple joueur de rotation lors du Mondial U19 avec la Serbie l’année précédente. « Honnêtement, je ne m’attendais pas à une telle carrière de sa part, personne ne le pensait destiné à prendre une telle envergure. Mais avec le Mega Leks, tout est possible avec les jeunes joueurs. Il est quand même passé directement du championnat junior à 25 minutes de moyenne en Ligue Adriatique », nuance Simovic, qui loue le choix de son ami d’avoir rejoint directement la grande ligue après le Mega Leks, alors qu’il disposait d’un accord avec le FC Barcelone. « Il a pris la bonne décision en tournant le dos à l’EuroLeague. Il est bien plus à l’aise en NBA qu’en Europe, c’est le type de jeu qu’il préfère. »

« Qui sait, peut-être qu’on le verra bientôt à Salon »

Dans un championnat peuplé de phénomènes athlétiques, Nikola Jokic a progressivement su faire taire les moqueries que sa silhouette atypique ne manquait de susciter. Double All-Star, élu dans le meilleur cinq de NBA en 2019, le natif de Sombor vit actuellement une formidable épopée avec les Nuggets, première équipe de l’histoire à avoir su gagner deux séries d’une même campagne de playoffs après avoir été menés 1-3. Son Match 7 en demi-finale de conférence face aux Clippers est la synthèse parfaite de toutes ses qualités : 16 points, 22 rebonds et 13 passes décisives. Un meneur de 2,13 mètres en somme. « Quand je le regarde maintenant, je vois exactement le même joueur qu’à l’époque », apprécie Andrija Simovic. « Dès le premier entraînement, je l’ai vu faire des passes incroyables, dans le dos ou entre les jambes. Il a toujours eu des moves hors du commun. Il a juste changé physiquement : il a pris du muscle, il a même grandi un peu et a gagné en envergure. Mais oui, il joue exactement de la même façon maintenant qu’avec nous, sauf qu’il le fait sur une plus grande scène. »

L’effet de surprise désormais passé, Nikola Jokic semble désormais promis à un magnifique destin. Avec lui et Jamal Murray (23 ans), l’avenir des Nuggets s’annonce radieux et s’il sera difficile de passer sur le corps des Lakers en finale de conférence (défaite 114-126 lors du Match 1), Denver devrait être l’une des places fortes de l’Ouest lors des années à venir. Quant au vice-champion olympique 2016, s’il maintient ce rythme, il postulera certainement au statut honorifique de meilleur « Yougo » de l’histoire, ou du big man avec la plus haute qualité de passe. « Je pense vraiment qu’il peut devenir une légende », lance Andrija Simovic. « Mais cela passera par dix saisons supplémentaires du même acabit. Il doit encore travailler, il n’a que 25 ans. » Des propos qui s’appliquent aussi pour lui-même, concentré sur des objectifs différents, à savoir la montée en Nationale 1 avec Sapela. « Je pense que Salon est l’endroit idéal pour démarrer mon parcours en France. Mon but est d’aller le plus haut possible. Si la Nationale 2 est mon plafond, alors ok. Mais s’il est en Jeep ÉLITE, j’essayerai de l’atteindre. »

En attendant de découvrir toutes les joies de la Poule A de Nationale 2,  Simovic garde un œil attentif sur les performances de son ami, avec qui il a échangé dans la foulée du Match 7 remporté contre les Clippers. « J’essaye de ne pas trop le déranger en ce moment car je sais qu’il est très concentré. Je l’ai quand même félicité après Los Angeles, je ne les pensais pas capable de renverser une nouvelle série. Nous gardons une très bonne relation, on se voit souvent l’été quand nous sommes tous les deux en Serbie. » Avant de conclure par une boutade, qui aurait le mérite de placer la Halle de Saint-Côme comme épicentre temporaire du basket tricolore, si jamais elle venait à se transformer en réalité. « Il est au courant que je suis en France. Alors qui sait, peut-être qu’on le verra bientôt à Salon-de-Provence. »

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La paire Simovic – Jokic en action :
en jaune, avec le n°14, l’intérieur de Sapela se bat pour le rebond sous le regard du All-Star NBA
(photo : collection personnelle, Andrija Simovic)

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