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Paniers perses : l’aventure iranienne de Jonathan Dogbo

Il sortait de l’expérience la plus marquante de sa carrière professionnelle, deux mois réussis en Iran, et espérait faire fructifier ce passage accompli en Superleague par un nouveau contrat pour terminer la saison 2019/20. Il avait déjà noué quelques contacts en Asie, au Moyen-Orient et même en Afrique pour potentiellement tenter de découvrir un nouveau terrain de jeu inhabituel. Mais il n’en sera finalement probablement rien pour Jonathan Dogbo. Retour à la case départ, confiné dans l’appartement familial de Villeneuve-la-Garenne.  « Ça va, je le vis bien », positive-t-il. « Je suis avec mes parents donc je m’occupe d’eux, tout en continuant à faire des exercices physiques pour garder la forme. »

Irlande, Slovaquie, Macédoine, Angleterre…
Les chemins de traverse du basket européen

Jonathan Dogbo (1,93 m, 28 ans), c’est l’une des carrières les plus atypiques du basket français. Un premier contact avec la balle orange à 12 ans, un bout de formation à Charleville-Mézières avec les cadets France puis une signature en tant que stagiaire pro avant le refus de poursuivre l’aventure avec la prénationale de l’Étoile, histoire de tenter le grand saut vers les États-Unis. Deux ans de junior college à Miles City, dans le Montana, avant une première mauvaise surprise à la clef au moment de s’inscrire à la fac. « Je m’étais engagé pour jouer en NCAA I avec Delaware State, sauf que la ligue s’est rendu compte que j’avais déjà été payé par Charleville. » Par conséquent, sanction inévitable de la part de la NCAA, le statut de « redshirt » qui tombe et un engagement au final dans une université de moindre qualité, Gannon, en seconde division. S’il profite de ces deux années sur place pour obtenir un diplôme en management sportif et marketing, l’enfant du 92 se retrouve interdit de jouer au cours de la première saison puis très rapidement blessé lors de la deuxième. Bilan : seulement 7 matchs de NCAA II pour des statistiques faméliques (0,9 point à 22% et 1 rebond en 6 minutes). « Cela reste inachevé d’un point de vue basket », admet-il, sans détour. « Avec la suspension puis la blessure, cela fait pratiquement deux ans sans rien faire. »

Et d’autant plus de difficultés à se lancer dans une carrière professionnelle, à convaincre un club de lui donner sa chance malgré le manque de vraies références à l’approche de la barre des 25 ans. Les trois premières saisons de Jonathan Dogbo ressemblent à un tour d’Europe inabouti : le pied à l’étrier en Irlande, une « bonne expérience » en Slovaquie, un passage remarqué à Skopje et un échec en Angleterre. L’arrière villénogarennois découvre alors la face obscure du basket européen : l’anonymat absolu du championnat irlandais, des skinheads dans les salles en Slovaquie, les ultras macédoniens, une signature avortée en Suède en raison de problèmes financiers, les fausses promesses à Surrey, les agents qui se succèdent pour le placer à divers endroits et aussi, surtout, les périodes de chômage qui se multiplient… Une seule fois a-t-il pu démarrer une saison dès le coup d’envoi. C’était lors de son année rookie, en 2016. Depuis, il a toujours dû patienter jusqu’au mois de décembre ou de janvier. « Je n’ai jamais été vraiment au bon endroit au bon moment », élude-t-il. « Il y a souvent eu des blessures ou des évènements malheureux. » Il tombe à son point le plus bas en 2018/19. Alors que ses belles performances de l’exercice précédent avec Skopje (16 points à 53%, 7,3 rebonds et 1,4 passe décisive en 21 rencontres) auraient pu lui ouvrir des portes, Dogbo voit son accord avec Uppsala lui filer sous le nez et se retrouve finalement en Grande-Bretagne en janvier, recruté par Surrey qui abattait sa dernière carte dans la course aux playoffs. Mais son nouveau coach lui montre d’emblée qu’il ne compte pas sur lui, ne lui fait jouer que les fins de matchs et après quatre apparitions insipides (1,8 points en 6 minutes de moyenne) sonne déjà l’heure de la rupture anticipée de contrat. « C’était presque une saison blanche et cela m’a mis dans une situation compliquée… »


UL Eagles Limerick, MBK SPU Nitra, Shkupi Skopje, Surrey Scorchers…
Voyage dans les méandres du basket européen avec Jon Dogbo

Pourtant, malgré ce parcours chaotique, les qualités basket sont là. Son ami Nianta Diarra le décrit comme « un fort joueur de un contre un, rapide et percutant » et lui accole l’adjectif de « déterminé », quoique « peu bavard et démonstratif ». Jonathan Dogbo lui-même se caractérise comme un poste 2-3, néanmoins souvent utilisé en tant que combo-guard, « athlétique, très bon driveur, très bon shooteur à mi-distance et aussi capable d’assez bien défendre ». Les statistiques en carrière laissent sous-entendre une vraie faiblesse sur le tir lointain, puisqu’il se révèle presque inoffensif à trois points, avec un faible 14/84 depuis ses premiers pas professionnels, dont un étonnant 6/9 validé le 9 janvier dernier à l’occasion d’un soir de folie contre le Petrochimi Bandar Imam (40 points). Un défaut qui n’est toutefois pas en mesure de remettre en cause les capacités offensives du joueur, qui serait capable de faire bonne figure en Jeep ÉLITE si l’on en croit l’intérieur choletais. « Il peut jouer à n’importe quel niveau. Il possède un jeu qui s’adapte et je sais qu’il est capable d’avoir des rôles importants, je l’ai déjà vu par le passé. »

Pour Dogbo, tout a basculé l’été dernier quand il a accepté de se rendre en Chine, non pas pour jouer en CBA mais dans une sorte de Summer League locale, des tournois d’exhibitions financés par des sponsors. Trois mois « où il se sent un peu comme une star », fini la confidentialité des championnats européens de troisième zone. Idem pour le volet financier, avec un contrat plutôt intéressant à la clé. « Ce n’était pas un championnat professionnel mais plutôt un showcase. J’ai joué contre des joueurs NBA ou CBA. Il y avait pas mal de contacts à se faire, d’agents dans les salles. » Soit de quoi se faire remarquer, et ainsi envisager de partir sur un marché plus lucratif. Tel que l’Iran, le championnat de référence au Moyen-Orient…

La belle surprise iranienne,
« le meilleur pays que j’ai connu »

Jonathan Dogbo a finalement passé près de deux mois et demi en République islamique pour ce qui restera comme l’un des moments forts de son périple. Recruté mi-décembre par le Zob Ahan Ispahan, le Francilien a immédiatement compris qu’il mettait les pieds dans un nouveau monde par rapport à tout ce qu’il avait pu connaître auparavant. « C’était extrêmement professionnel, je ne m’y attendais pas du tout. Tu te déplaces en avion, tu dors dans des étoiles 5 étoiles. J’avais un chauffeur qui me ramenait des entraînements ou qui m’emmenait en ville dès que j’avais un besoin d’un truc, j’avais une femme de chambre qui venait ranger mon appartement dès que j’étais absent. J’étais mis dans une situation où je n’avais besoin de rien. C’était vraiment super bien, le meilleur pays que j’ai connu. » Des conditions agréables qui ont su convaincre de gros joueurs étrangers de venir officier quelques mois en Iran. Citons Byron Mullens et ses 7,4 points de moyenne en 190 matchs NBA, Jacob Pullen et son statut de gros poisson du circuit européen ou encore le champion NBA 2011 Dominique Jones comme les exemples les plus marquants des dernières saisons. Parmi les anciens noms de Jeep ÉLITE, on a notamment pu retrouver le shooteur Daequan Cook, l’insaisissable Gerald Robinson ou le sulfureux Nikola Dragovic dans les salles de Superleague. La raison ? Les finances. De fait, si les salaires de bas de tableau sont certes compris aux alentours de 4 000 dollars, il n’est pas rare de voir des Américains débarquer à plus de 50 000 dollars mensuels pour les playoffs, l’agent iranien Aydin Dianat se souvenant même d’un client ayant empoché 130 000 dollars pour deux mois de phases finales. Le joueur le mieux loti cette saison pouvait se targuer d’une paye de 20 000 dollars. « Il y a beaucoup d’argent dans le championnat iranien », explique Dogbo, en précisant que les équipes sont irriguées par de puissants groupes industriels. « Les sponsors sont souvent des usines ou des entreprises du secteur pétrolier, comme pour le Petrochimi Bandar Imam. » Ainsi, son équipe d’Ispahan reprend l’appellation de Zob Ahan, un géant du secteur de l’acier. « Ce fut un grand club mais le sponsor met moins d’argent qu’auparavant et préfère investir dans son équipe de foot », précise Aydin Dianat. Une baisse substantielle qui n’a pas empêché l’ancien rookie de Limerick de connaître les conditions salariales de loin les plus avantageuses de toute sa carrière.

À en croire l’arrière d’origine ivoiro-centrafricaine, ce professionnalisme se traduit également par un niveau sportif de qualité sur le terrain. Entre deux conversations avec des ex de Pro B sur leurs expériences françaises (Corin Henry, Waverly Austin, Zoran Vrkic…), Jonathan Dogbo s’est régalé de l’intensité affichée sur les parquets iraniens. « Je trouve que le championnat est d’un très bon niveau, extrêmement physique. Je me suis toujours dit que le basket du Moyen-Orient ne doit pas être très athlétique mais je me suis vite rendu compte que non. Ici, c’est des Perses. Il n’y a qu’à regarder l’équipe nationale d’Iran, elle est bonne aussi (déjà qualifiée pour les Jeux Olympiques, ndlr). Or, la plupart des internationaux évoluent au pays. » Avec l’arrivée de nouveaux sponsors ayant fait évoluer le nombre d’équipes de 9 à 14 en un an, Aydin Dianat acquiesce et ose espérer que cette saison restera comme celle du  « pas en avant permettant de revenir vers les grandes années du basket iranien », qui coïncident avec le passage de Makan Dioumassi à Téhéran (2006/08).

Quatrième basketteur français à entreprendre un tel périple vers l’Orient, Jonathan Dogbo a pu goûter à la même pression que ses prédecesseurs. Claude Marquis, vu à Qom et au Petrochimi Bandar en 2011, nous avait ainsi décrit le « sentiment d’épée de Damoclès au dessus de la tête à chaque match » tandis qu’Hervé Touré, passé par Ispahan et le Chemidor Téhéran entre 2014 et 2016 avait insisté sur le fait que les étrangers n’avaient là-bas « aucune excuse en cas de mauvaise performance », ce qu’il avait parfaitement su apprivoiser en terminant MVP du championnat en 2015. Enfin, Makan Dioumassi, le pionnier, a tout raflé avec le Saba Battery (double champion d’Iran et vainqueur de la Coupe WABA, réunissant les meilleurs clubs de l’Asie de l’Ouest), et reste considéré comme  « l’un des plus forts joueurs jamais vus en Iran et comme celui ayant changé la mentalité sur le poste de meneur », selon Aydin Dianat.  


L’engouement populaire pour le basket est inégal en Iran : les matchs d’Ispahan n’attiraient pas plus de 1 000 spectateurs tandis que la salle de Gorgan, ici en photo, accueille 5 000 supporters lors de chaque rencontre
(photo : IRIBF)

Individuellement, après son échec outre-Manche, Jonathan Dogbo a pu se refaire une santé à Ispahan. « Personnellement, cela s’est bien passé », apprécie-t-il.  Dix matchs disputés, pour des moyennes de 20 points à 45%, 5,4 rebonds et 2 passe décisive pour 13 d’évaluation en 33 minutes. Toutefois, « ce ne serait pas la vérité si je vous disais que Jonathan a eu un grand impact ou laissé un grand nom dans le championnat iranien », tempère Aydin Dianat. « Zob Ahan a démarré la saison avec deux Américains qui n’étaient pas très bons (Jerrod Hendricks et Josh Stamps, ndlr). Ils les ont remplacés par Jonathan et un pivot serbe de 2,21 m (Nemanja Besovic). Sauf que les résultats de l’équipe n’ont pas réellement changé avec leurs arrivées. » Notre interlocuteur − qui n’est pas l’agent l’ayant placé au Zob Ahan − préfère ainsi ressortir les noms de Kelvin Amayo, Kedar Edwards ou de l’ancien meneur ebroïcien Corin Henry, à ses yeux le meilleur joueur étranger du championnat. « Jonathan a réalisé de très grosses performances offensives face à des équipes souvent basses au classement, contre qui il est plus facile de marquer beaucoup, mais il a été moyen lors des matchs importants contre les gros clubs. » Cette affirmation trouve cette limite face au record offensif de l’ancien carolomacérien : ses 40 points ont été inscrits face au Petrochimi Bandar, deuxième de Superleague. Toutefois, il est vrai que la courbe de ses autres performances fut souvent inversement proportionnelle au standing de ses adversaires (27 points contre le Shahrdari Qazvin et le Niroye Zamini Téhéran, les deux lanternes rouges ; 9 points et -2 d’évaluation contre Mashdad, 6e, ou 9 points à 5/13 face à Abadan, 3e). « En tant qu’étranger, les gens sont focalisés sur nous et c’était tout le temps un Iranien qui défendait sur moi donc ils se donnaient du mal », explique Dogbo. « On ne fait jamais face à un autre étranger dans les match-up. Ce n’est pas comme en France où il y a un scouting report précis sur chaque joueur. En Iran, ils se concentrent surtout sur les étrangers. Par exemple, après avoir mon match à 40 points, je n’ai mis que 10 points sur le suivant car ils ont fait boite sur moi toute la rencontre. » 

Collectivement, le Zob Ahan a échoué aux portes des playoffs, pour d’obscures raisons liées à un forfait infligé par la fédération. Le leader Gorgan se déplaçait à Ispahan, son avion a été annulé, le club a demandé à décaler la rencontre de 24 heures, une requête acceptée par les instances dirigeantes mais pas par le Zob Ahan qui s’est présenté à l’horaire initialement convenue pour la rencontre. « De fait, ils ont pris 0 point sur ce match alors qu’une défaite leur aurait rapporté 1 point (et une victoire 2) », explique Aydin Dianat. « Ils ont dit que la fédération faisait des faveurs à Gorgan. Mais au final, même si on pourra toujours dire que leurs Américains du début de saison étaient nuls, c’est le point qui leur a manqué pour faire les playoffs ». Des phases finales au déroulé rendu toujours incertain par l’épidémie de coronavirus, l’Iran ayant été le premier pays où a proliféré le Covid-19 hors des frontières chinoises. Mais si la province d’Ispahan est la deuxième plus touchée actuellement, ce ne fut pas avant le départ de Dogbo début mars. « J’étais sur place quand le coronavirus a commencé à toucher le pays mais c’était plus sévère dans le sud de Téhéran. À l’époque, Ispahan n’était pas impactée alors je pouvais continuer à vivre normalement. Le gouvernement souhaitait juste que l’on ralentisse nos mouvements donc je ne sortais que pour aller aux entraînements. » 

Crise avec les États-Unis, crash du Boeing…
La « folle » première semaine de 2020

Les playoffs grandement menacés par une pandémie mondiale, le dernier symbole d’une saison complètement bouleversée par des éléments extrinsèques de la sphère basket. Et en Iran, plus qu’ailleurs. Présent sur le territoire de la République islamique entre le 15 décembre et le 2 mars, Jonathan Dogbo aura connu le paroxysme de la détérioration des relations entre les États-Unis et l’Iran, initiée par le retrait américain de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien en mai 2018 puis par l’ajout des Gardiens de la Révolution sur la liste des organisations terroristes de l’administration Trump en avril 2019. Rappelez-vous au début de l’année, quand personne ne savait encore ce qu’était un pangolin, la planète avait cru basculer vers l’aube d’une troisième guerre mondiale. Le 3 janvier 2020, le général iranien Ghassem Soleimani, l’une des figures des Gardiens de la Révolution, était abattu par une frappe américaine à Bagdad ordonnée par Donald Trump, clamant que Soleimani préparait une « action d’envergure » menaçant des « centaines de vies américaines ». Les relations entre les deux pays atteignent un point de non-retour, l’ayatollah Ali Khamenei promet vengeance et l’on observe dans tout l’Iran des scènes où l’on brûle la bannière étoilée dans les rues. Cinq jours plus tard, le 8 janvier, Téhéran riposte en tirant 22 missiles sur deux bases américaines en Iraq. De quoi semer le trouble dans les rangs de la Superleague, surtout que le même jour, un Boeing 737 effectuant la liaison entre Téhéran et Kiev est abattu par erreur par l’armée iranienne, les autorités n’admettant leur faute que 72 heures plus tard, renforçant la défiance de la population envers leurs autorités, deux mois après la répression sanglante des manifestations anti-régime nées de l’augmentation du prix du carburant (plus de 300 manifestants tués selon Amnesty International). Tant pis pour le sentiment de fierté nationale qui aurait pu être ravivé par l’escalade avec les États-Unis. « Les tensions ont duré plusieurs semaines », se remémore Aydin Dianat. « Certains joueurs étaient inquiets mais tout est revenu à la normale ensuite. » Ce qui n’a pas empêché Keith Omoerah de quitter l’Exxon Sport Club de Téhéran en précipitation, tandis que Kedar Edwards a été à deux doigts d’en faire de même à Bandar Abbas.

Confiant qu’il n’avait éprouvé « aucune appréhension » au moment de partir s’installer en Iran, Jonathan Dogbo relativise lui l’impact des évènements géopolitiques sur sa vie quotidienne à Ispahan. « Je n’ai rien ressenti. Évidemment, sur les réseaux sociaux, je voyais que tout le monde parlait de troisième guerre mondiale mais le bombardement était en Iraq ! Je n’ai jamais la moindre pression, les gens étaient normaux dans les rues. Alors oui, avec l’assassinat du général, l’annonce d’un bombardement éventuel des États-Unis, l’avion, ça a été une semaine folle où ça bougeait dans tous les sens mais ça n’a pas du tout impacté le basket. Je n’ai même pas pu en discuter avec mes coéquipiers iraniens, la plupart ne parlaient pas anglais. L’actualité ne m’a pas affecté, je n’ai jamais senti un quelconque danger en me baladant en ville. »  Tout juste admettra-t-il avoir pu observer certaines manifestations, qu’elles soient anti-américaines ou anti-régime iranien. Rien de plus car il lui avait été déconseillé de sortir en ville lors de cette période. « Je n’ai rien vu de fou en fait, que des manifestants avec des banderoles. Tu voyais ceux qui étaient du côté du gouvernement ou non. Mais au final, c’était la même chose en France quand il y avait les gilets jaunes. »


Petit aperçu d’Ispahan…
(photos : Jonathan Dogbo)

Avide de pouvoir « découvrir le monde et de nouveaux horizons » grâce à son métier, Jonathan Dogbo a pu assouvir quelque peu sa soif de voyage avec son passage en Iran. Capitale de l’empire seldjoukide d’Iran entre 1051 et 1118 puis de l’empire perse sous la dynastie des Safavides entre 1598 et 1722, surnommée « la moitié du monde », étape incontournable sur la route de la soie, Ispahan (2 millions d’habitants) est une ville qui regorge d’histoire et reste l’un des joyaux culturels du pays. « Qui peut prétendre avoir vu la plus belle ville du monde sans avoir visité Ispahan ? », se serait interrogé un jour André Malraux. « J’allais me promener », sourit Jonathan Dogbo de cette époque où les sorties dans la rue semblaient d’un banal confondant. « J’en profitais pour aller voir l’architecture, particulièrement des mosquées, car Ispahan est très réputée pour cela en Iran ». Avec notamment deux éléments inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO : la Place Naghch-e Djahan (depuis 1979) et la Grande mosquée (depuis 2012). L’islam, justement. L’arrière français affirme avoir été frappé par le caractère religieux de la ville. Et par un véritable côté conservateur. Il décrit les matchs avec la sépération des genres en tribunes, les femmes d’un côté, les hommes de l’autre.  Ou par encore d’autres symboles. « Quand tu as grandi à Paris, tu es habitué aux boites de nuit ou ce genre de choses. À Ispahan, tu ne trouvais rien de tout ça, même pas d’alcool. Moi, je n’y vais pas d’habitude donc ça ne me dérangeait pas mais ce n’est pas tout le monde qui peut s’habituer à ce style de vie. » Sont également repartis avec lui dans sa boîte à souvenirs direction Villeneuve-la-Garenne : l’énorme trafic routier d’Ispahan ou les difficultés de navigation sur Internet. « Pour parler en France, j’étais obligé d’utiliser un VPN. Comme en Chine, certains sites sont bloqués : il n’y a pas de Youtube, pas de Facebook. Le réseau saute souvent, il n’y a pas de haut débit. »  

Actuellement bloqué en région parisienne, Jonathan Dogbo prend son mal en patience. Mais il sait que tôt ou tard, il repartira à l’aventure. « Je connais des joueurs qui évoluent en France et parfois, ils ne sont pas si heureux que cela. Après oui, pourquoi pas revenir un jour évidemment, la France reste mon pays et ce serait la meilleure des choses en terme de stabilité. Mais je n’ai jamais eu de propositions concrètes, on m’a toujours offert des meilleures choses à l’étranger et vu que j’aime voyager… » Un goût de l’aventure qui commence à dessiner l’esquisse d’une carrière qui ne ressemble à aucune autre dans le basket français. Outre Nianta Diarra, ses meilleurs amis dans le monde de la balle orange se nomment Davy Baltus et Eric Katenda. Le premier évoluait en Slovaquie cette saison, l’autre en Islande. Le tropisme du voyage, toujours… Et une fois les sneakers raccrochées ? « Je suis vraiment passionné de basket, ça me plairait de devenir scout. » Il y a fort à parier que l’on retrouvera alors sa silhouette nichée dans des tribunes relativement inexplorées par les habitudes du basket français.


Masjed-e Jāme, la grande mosquée d’Ispahan, inscrite au patrimoine mondial de l’humanité
(photos : Jonathan Dogbo)

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