Logo Bebasket
Recherche
Recherche
Logo Bebasket
  • À la une
  • Betclic Élite
  • Pro b
  • National
  • Coupes d'Europe
  • Équipe de France
  • Jeunes
  • Féminines
  • Interviews
  • Hooper
  • Camps

Comment développer l’adresse à tout âge et tout niveau ? Nicolas Perez donne son avis

Après avoir accompagné les joueuses de l’effectif professionnel du BLMA (LFB) entre janvier 2018 et mars 2020, Nicolas Perez est désormais l’entraîneur individuel du secteur professionnel du Basket Club Maritime de Gravelines-Dunkerque. Le Montpelliérain, passé par le HTV à la fin des années 90, s’occupe de joueurs de très haut-niveau comme Chris Horton après avoir notamment fait ses preuves sur le secteur amateur et la formation. Aujourd’hui, il nous partage son avis sur l’apprentissage de l’adresse, à tous les niveaux.

Nicolas, tu passes beaucoup de temps avec des sportifs professionnels. Quelle est ta première démarche quand tu commences à travailler avec un athlète ?

D’abord, je n’arrive avec aucune certitude. Je discute avec l’athlète de ses attentes, ses sensations car c’est avant tout un projet personnel. Je me renseigne, regarde des vidéos. Ensuite nous travaillons sur un gros volume de tir sans aucune correction de ma part. On travaille des situations variées (catch and shoot, pull up, derrière un écran, step-back…) afin de pouvoir me faire une meilleure idée. Tout le monde peut shooter à 70% à 7/10 à l’entraînement, moins sont capables de le faire à 700/1 000, et sur un gros volume, on est capable de se faire une idée plus précise et établir la bonne stratégie.

Ensuite, j’essaye de me poser les bonnes questions et la première est toujours comment et non pourquoi. Le pourquoi te fait regarder le shooteur alors que le comment te fait regarder le ballon. On apprend plein de choses en regardant le ballon : l’alignement, le dosage. La vitesse du ballon te donne aussi une bonne indication sur le contrôle qu’un joueur a sur le ballon. Un ballon très rapide est signe qu’un joueur tire avec la force de ses bras, un ballon plus lent et le joueur tirera plus souvent avec la force des jambes.

Abordes-tu les choses de la même manière quel que soit l’athlète ?

Ce serait bien évidemment trop simple.

Le travail du tir, c’est plus du sur-mesure que du prêt à porter. Déjà ce n’est pas la même chose de travailler avec un athlète qui shoote à 40% en carrière ou celui qui veut rajouter cet aspect à son jeu et shoote à moins de 25%. Ou bien de travailler avec un joueur instinctivement et naturellement adroit et un autre qui le deviendra par le travail.

La plupart du temps, on souhaite modifier la gestuelle, mais c’est très compliqué tant sur un plan moteur que psychologique. Je préfère essayer de voir comment je peux, sans changer la gestuelle dans un premier temps permettre à un joueur d’augmenter son niveau d’adresse. Cela permet souvent de le mettre en confiance. Si par la suite on doit modifier quelque chose mais que j’ai déjà gagné sa confiance, cela devient moins difficile tout du moins psychologiquement.

Ensuite, les athlètes ont des spécificités physiologiques qu’il faut reconnaitre et prendre en compte. Par exemple certains sont incapables d’avoir leur coude dans l’axe de leur corps ou y trouvent une position totalement inconfortable. Dans ce cas, comment pouvoir trouver l’alignement si on demande les mêmes appuis à tout le monde. C’est pour cela qu’un joueur comme Kevin Durant tourne le haut de son corps et ses appuis légèrement sur la gauche, sinon son coude ne serait pas aligné avec le cercle. Il faut savoir ne pas être dogmatique et prendre en compte les spécificités de chacun.

Enfin, les joueurs et joueuses se sont construits des habitudes et j’ai appris qu’on ne peut pas faire de généralités avec les habitudes. Mon rôle sera d’identifier si elles sont des freins au projet ou au contraire des facteurs de réussite. Ce qui est vrai pour l’un ne l’ai pas obligatoirement pour l’autre. Mais je le répète, pour cela, il faut arrêter de tomber dans le piège de penser que la gestuelle de tir doit être la même pour tout le monde : la norme c’est l’hétérogénéité pas l’homogénéité !

Tu nous parlais de stratégie, donc une fois le diagnostic effectué, quelle est ta démarche pour aider l’athlète à progresser ?

Mon rôle à ce moment-là est de trouver la bonne « porte d’entrée » qui est bien sûr différente pour chacun et surtout de ne pas multiplier les objectifs.

Quand je parle de porte d’entrée cela signifie : quel est le paramètre qui va le plus faire évoluer et stabiliser le pourcentage de l’athlète ? Prenons l’exemple d’un joueur qui tire à 25% en carrière. Je ne pense pas que c’est en modifiant la position de son pouce ou son petit doigt que l’on va initier un changement radical. Ce qui m’intéresse c’est de l’aider à gagner 15% et non 2 ou 3% !

Et donc quelles sont tes clés pour une telle augmentation du pourcentage ?

Déjà, il n’y a pas de secret : il faut être dans la salle et shooter ! Cela peut paraître bête à dire mais sans travail il sera difficile de progresser.

Ensuite, même s’il ne faut pas généraliser, les joueuses ou joueurs qui tirent avec un faible pourcentage de réussite présentent deux caractéristiques qui sont d’ailleurs souvent liées :

Il y a d’abord un paramètre évident qui aide à gagner rapidement en adresse, c’est celui de l’alignement. Les joueurs très adroits ont cette caractéristique commune. Du coup, un des premiers objectifs visés, ça peut sembler bizarre, ne dois pas être de marquer mais d’être aligné car les joueurs peu adroits ont souvent un pourcentage de tirs alignés assez faible.

Prenons un exemple simple : si on fait une série à 40/100 mais que l’on a aligné 60 tirs, on ne shoote pas vraiment à 40% de réussite mais plus à 40/60 puisqu’on en a mis 40 « à la poubelle ». Se concentrer sur le fait d’être aligné plutôt que de marquer est précisément ce que j’appelle une petite victoire, un objectif intermédiaire, mais qui augmentera mécaniquement son pourcentage d’adresse.

Ensuite, je vous parlais au début de la vitesse du ballon en l’air. La plupart du temps, plus un ballon ira vite en l’air moins il sera contrôlé (dosage et alignement). Le tir est un transfert de puissance. Prenons l’exemple d’un haltérophile : crois-tu qu’il soulève sa barre avec la force de ses bras ? non, il la soulève à la force des jambes. C’est cette coordination-là qui est essentielle et qui se retrouve fréquemment chez les bons shooteurs et qui leur permet d’avoir beaucoup de contrôle sur le ballon et une vraie consistance dans leur niveau d’adresse. Si tu observes bien tu peux voir un léger temps de décalage entre leurs jambes est les bras.

Développer, fixer et entretenir ces deux paramètres aide très souvent l’athlète à gagner rapidement en adresse et donc en confiance.

Et c’est sans doute l’une des choses les plus importante la confiance, en tant que coach je me dois de tout faire pour la nourrir. Il faut trouver des situations de jeu qui les challenge mais qu’ils peuvent atteindre. Donner des objectifs parfois trop difficiles peut miner la confiance des joueurs s’ils ne réussissent pas. Ça, c’est surtout au feeling en fonction de ce que je ressens au moment de travailler avec l’athlète.

Quand tu parles d’alignement, tu parles de la notion d’œil directeur ?

Entre autres mais pas que. Pour te donner une image qui parle aux enfants : « dans la famille alignement, je voudrais l’œil directeur », mais tu pourrais aussi parler de coordination, de posture, d’équilibre. Une fois le problème d’alignement identifié, le rôle du coach sera justement d’être capable de cerner pourquoi le joueur manque de régularité dans l’alignement. Cela peut dépendre d’un paramètre ou de plusieurs.

Mais pour revenir sur cette notion d’œil directeur, en effet certains athlètes doivent travailler cet aspect-là. Pour autant encore une fois, même si un droitier à généralement son œil droit comme directeur, on ne peut pas en faire une vérité. Cela serait sous-estimer les capacités et spécificités du cerveau. Il y a ce que l’œil voit mais aussi la manière dont le cerveau traite l’information, qui peut être propre à chaque individu.

Comment tout cela peut-il être transférable dans le travail avec les jeunes voire très jeunes joueurs ?

Pour répondre à cette question, il me semble nécessaire qu’en tant que formateur on prenne en compte deux paramètres fondamentaux :

Le premier est que tout le monde ne part pas sur un même pied d’égalité concernant les apprentissages. D’abord posons-nous une question : quelle est la manière la plus instinctive d’apprendre ? Le mimétisme.

Les gens très adroits, la plupart du temps le font de manière naturelle parce qu’ils sont dans une salle depuis le berceau, ont des parents, des sœurs ou frères qui jouent et reproduisent le geste qu’ils voient mais aussi bien souvent parce qu’ils ont des prédispositions pour cela. Notre rôle est souvent à relativiser dans la réussite de quelqu’un.

Ensuite ne pas commettre l’erreur de penser qu’un enfant est un adulte en miniature. Je m’interroge beaucoup aujourd’hui sur la façon que l’on enseigne le tir de manière générale. Quand je vois des enfants de 10 ans obligés de passer sous le ballon et répéter ce geste, je vois tout sauf des gens à l’aise. Un jeune enfant ne peut avoir le développement musculaire pour tirer comme un adulte, surtout de loin. Or, il me semble que la base des choses est d’être confortable. Du coup, beaucoup d’entraîneurs interdisent le tir à 3-points parce que « cela déforme » leur gestuelle. Je vais être provocateur, mais on s’en moque de la gestuelle. Attention, il ne faut pas mal comprendre mon message, la gestuelle à son importance bien entendu mais notre rôle doit être de l’induire et pas de l’imposer en la considérant pour ce qu’elle est : un moyen et pas un but !

Donc, par rapport aux points précédemment évoqués, ma mission en tant que coach est de permettre à tous d’acquérir, de développer et d’entretenir trois composantes essentielles que l’on retrouve chez les joueuses et joueurs adroits.

1 – D’abord c’est d’être confortable et cela va passer par trois phases essentielles : Utiliser la bonne force, transférer la bonne force, libérer la bonne force, c’est de la coordination, du feeling.

2- Ensuite, c’est de les aider à développer et nourrir l’instinct du shooter, car un bon shooteur est instinctif, et là encore nos habitudes d’enseignement sont peut-être à remettre en question :

Développe-t-on l’instinct en faisant rouler le ballon sur la cuisse pour avoir une bonne position des mains ? Pour ma part, j’aime bien parfois demander aux enfants de mal attraper le ballon puis d’être capable de bien positionner leurs mains durant le mouvement du tir et pas toujours avant.

Il sera également important de beaucoup varier les fenêtres de tir : le temps et l’espace dont le joueur dispose. Cela induira de fait des lâchés, des vitesses de bras variées et différentes. Or, on se rend compte que la plupart du temps on ne travaille qu’un seul type de tir, dans le même intervalle, avec la même vitesse de bras.

3- Puis, les aider à toujours être aligné : « tu peux être court ou long, mais tu ne peux pas être à droite ou à gauche ! ».

Pour cela, le rôle d’un bon entraîneur sera d’amener des objectifs intermédiaires et ce quel que soit les exercices que vous mettez en place. Même si c’est difficile, il faut réussir à détacher l’enfant du panier marqué ou raté : « Tu as réussi ton exercice si ton tir est aligné ! ».  Variez les situations, faîtes les tirer de très loin, dans le corner du terrain pour les obliger à être aligné….

Pour terminer, si je devais donner 3 conseils :

  • Travaillez le shoot « one motion » plutôt que le two motion qui stoppe l’élan des jambes et des bras. Comme me l’a dit un jour Sylvain Lautié, la position du tir que l’on connait tous doit être « un passage et pas un départ ». Cela donnera plus de puissance car plus d’élan aux enfants dans leurs tirs, ils seront plus confortables et pourront tirer de plus loin.
    Le ballon doit être « Lower-closer » ou plus bas et plus près du corps. A l’image de Steph Curry ou Marine Johannes qui démarrent leur tir avec le ballon en dessous du nombril.
  • Variez les fenêtres de tir et développer leur flexibilité motrice et technique dans le tir : shoot, floater, geste très rapide. Ne les évaluez pas sur le critère du panier marqué mais plutôt sur leur capacité à se créer leur tir.
  • Utilisez un ballon lesté (ou médecine-ball de 1 ou 2 kilos près du cercle à mi-distance). C’est ce que j’appelle un « amplificateur de sensation ». Si le joueur n’a pas une bonne coordination ou rate le point de rendez-vous pour libérer le ballon, il sera très inconfortable dans son tir. Le but de l’exercice est de libérer le ballon en étant confortable puis de retrouver les mêmes sensations avec un ballon normal.

Utiliser de la résistance est un procédé qui accélère le processus de mémoire musculaire. C’est à ce moment-là que l’on induira l’apprentissage de la gestuelle de tir : de manière naturelle.

A oui, une dernière chose : soyez patients !

Commentaires


Veuillez vous connecter afin de pouvoir commenter ou aimer
Connexion