ITW Mael Lebrun, la force mentale : « Je ne lâcherai pas sur une blessure, c’est hors de question »

Il est des carrières qui n’épousent pas la courbe attendue. Celle de Mael Lebrun (1,98 m, 28 ans) en fait partie. Considéré comme l’un des jeunes joueurs français les plus prometteurs au début de la décennie, à tel point qu’il fut sélectionné pour le Hoop Summit 2010, le natif de Nice a vu sa progression ralentie par une succession de blessures, notamment au cours de saisons charnières pour son évolution (19 matchs en 2010/11, 23 en 2011/12).

Pourtant, tout était bien parti pour l’enfant de l’OLB. Double-médaillé en équipe de France juniors avec la génération 1992 (l’argent en 2009 à Metz en U18, le bronze en 2011 à Bilbao en U20), vainqueur de la Coupe de France 2010 afin de couronner l’âge d’or d’Orléans, aperçu en EuroLeague dès l’âge de 18 ans contre le Spirou Charleroi et l’Efes Pilsen Istanbul, responsabilisé en EuroCup en 2012 au sein d’un groupe relevé (20 minutes de moyenne face à l’Étoile Rouge de Belgrade, Séville et Sassari), il aurait certainement pu prétendre à autre chose qu’un statut de role-player en Pro B.

Mais Mael Lebrun ne s’en formalise pas, lui qui a accepté son destin sans arrière-pensée. Passé par Saint-Quentin et Le Havre avant de trouver refuge à Lille en septembre 2017 en tant que pigiste médical d’Alexis Desespringalle, il s’épanouit depuis au LMB où une deuxième rupture du tendon d’Achille subie le 13 avril dernier contre Gries-Oberhoffen n’a pas remis en cause son importance dans le dispositif de Jean-Marc Dupraz. Travailleur de l’ombre, défenseur redouté, joueur dévoué au collectif, Mael Lebrun a signé son retour le 22 octobre en Leaders Cup contre Nancy. Trois jours plus tard, installé dans un hôtel marseillais dans la perspective de sa reprise en championnat face à Fos-Provence, il a jeté un coup d’œil dans le rétroviseur en notre compagnie.

Mael, après une nouvelle rupture du tendon d’Achille et six mois d’absence, qu’est-ce que cela fait de retrouver l’ambiance des déplacements, entre collation, séances vidéos et hôtels deux étoiles ?

Ça fait du bien. Après une longue blessure, c’est toujours bon de retrouver cette vie de groupe. Surtout que depuis le début de la présaison, je vois que cette équipe vit bien. Donc c’est cool de pouvoir réintégrer à 100% ce groupe.

Comment avez-vous vécu ces six derniers mois loin des parquets ?

C’était très long. C’était mon deuxième tendon d’Achille. J’ai procédé différemment pour me soigner car je savais quoi faire ou ne pas faire. Ce fut des moments difficiles car avec les séances de kiné, je n’ai pas pu être avec ma compagne et mon fils qui étaient sur Orléans. Je n’allais pas les forcer à rester avec moi à Lille tout l’été, je les voyais toutes les deux semaines seulement. Ce n’était pas le meilleur été de ma vie…

Qu’est ce qui vous traverse l’esprit au moment où vous vous blessez ? Des pensées du style « Pourquoi encore moi ?! » car les blessures constituent malheureusement le fil rouge de votre carrière…

Oui. Après, je crois qu’arrive un moment où l’on ne se pose plus trop de questions. Un tendon d’Achille reste un tendon d’Achille, je peux me le péter à tout moment, dès la sortie de l’interview en me levant du canapé par exemple. Quand c’est arrivé, je savais ce que c’était. J’ai regardé le coach et je lui ai dit que la saison était terminée… Je l’ai mieux vécu que le premier car à l’époque (en mars 2014, ndlr), j’étais célibataire et je vivais seul. Maintenant, j’ai ma compagne et un petit garçon donc on voit les choses différemment.

« Le basket n’est pas assez médiatisé »

Donc il n’y a pas une forme de résignation qui s’installe ? Quand on est comme vous et que l’on revient d’une nouvelle blessure, il y a toujours cette envie de se relever et de prouver ?

Toujours, oui. Toujours envie de se relever. Je ne lâcherai pas sur une blessure, c’est hors de question. C’est une affaire d’ego, d’orgueil, je ne sais pas. Mais après toutes les blessures et les épreuves traversées, je pense être assez solide mentalement. C’est clair et net que je ne baisserai pas les bras à cause d’une blessure, aussi grave soit-elle.

Oui, c’est un type de carrière qui forge le caractère ?

Carrément. Ça aide et ça apprend pas mal de choses. On devient beaucoup plus fort dans la tête et beaucoup plus à l’écoute de notre corps. On vit un peu différemment aussi.

Vous entamez votre troisième saison à Lille. Vous avez trouvé un club qui vous correspond ?

Ça se passe super bien. Mes coéquipiers sont tous cools mais surtout, je me sens bien avec toutes les personnes du staff sportif : le préparateur physique avec qui j’ai passé une bonne partie de l’été, avec Max l’assistant (Maxime Bezin) ou avec Jean-Marc (Dupraz). Je suis content car je suis tombé sur un coach qui a compris mon jeu : je n’ai jamais été un gros scoreur mais je suis un gars qui se bat pour son équipe, qui joue pour le collectif et qui défend dur. Il a compris comment je fonctionnais et comment m’utiliser donc c’est intéressant pour moi d’évoluer avec un coach comme cela.

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Lebrun – Dupraz, une relation de confiance
(photo : Christophe Delrue)

Est-ce la première fois qu’un entraîneur vous comprend si bien ?

Non forcément, il y a eu Philippe Hervé avant car il m’a formé. Ensuite, François Peronnet a pris sa relève et il me connaissait aussi pour m’avoir eu en Espoirs. En tout cas, après l’épisode Orléans, c’est la première fois que je trouve un coach qui sait vraiment comment je fonctionne.

Que pensez-vous de l’équipe lilloise de cette saison ? Vous avez subi de gros coups durs, pas plus tard que mardi dernier avec les croisés de Mouhammed Barro, mais il y a possibilité de faire quelque chose de sympa non ?

Je pense, oui. Mais on a pris un énorme coup de massue lors du dernier match à Nancy, ça a été très dur pour tout le monde de voir un coéquipier s’effondrer. Une grave blessure comme cela, c’est un interrupteur qui s’éteint dans la tête de tout le monde. Maintenant, nous avons vraiment un bon groupe : on ne connaissait quasiment pas les étrangers mais on s’entend bien sur et en dehors du terrain. On va manger ensemble à midi après l’entraînement, ce genre de petites choses, c’est plutôt cool jusque-là. On vise les playoffs, forcément.

Pourquoi est-ce que le basket n’arrive pas à prendre dans une ville comme Lille ? C’est l’une des plus grandes métropoles de France, il y a un énorme potentiel mais pourtant, on a l’impression que la Pro B constitue un peu le plafond du LMB…

Ça ne décolle pas vraiment, c’est vrai. Pourquoi ? Je ne sais pas du tout. Je ne pense pas que ce soit sportif. Je ne suis pas assez impliqué dans tout ça pour savoir si le problème vient de la ville, d’un manque de fonds nécessaires pour faire évoluer le club ou de l’importance du foot à Lille. Je n’ai pas les réponses. Je sais juste que c’est dommage car il y a eu de très belles saisons récemment, notamment lors de ma première à Lille. Après, j’ai un peu plus l’impression que c’est compliqué pour le basket en France de manière générale : ce n’est pas assez médiatisé et je trouve que nous ne sommes pas assez mis en avant. C’est peut-être un problème à Lille mais c’est aussi à l’échelle nationale à mon avis.

« 2012 ? Ilian Evtimov était d’accord avec nous »

Quand on regarde le détail de votre parcours, on se rend compte que vous avez vécu les moments les plus forts lors de vos jeunes années avec les deux médailles en équipe de France, le Hoop Summit et la grande époque d’Orléans. C’était un peu la période dorée ?

Tout à fait, ça a vraiment été LA période. Tout s’est enchaîné : la première présélection en équipe de France U18, le championnat d’Europe à Metz où l’on perd en finale contre la Serbie, le Hoop Summit l’année d’après, l’équipe de France U20, la Coupe de France même si j’ai juste participé à l’échauffement… C’est vraiment à Orléans où j’ai appris le plus puisque j’ai joué avec des grands joueurs. Tout de suite, je pense à Laurent Sciarra. Mais il y aussi eu Cedrick Banks, Anthony Dobbins, Adrien Moerman, Aldo Curti, Marco Pellin, Amara Sy, Yohann Sangaré… J’ai découvert l’EuroLeague, l’EuroCup, l’EuroChallenge, plein de choses… C’est aussi mes premiers pas en pro et pour tout ça, Orléans représente vraiment aujourd’hui le top de ma carrière.

Mais justement, est-ce que tout cela n’est pas arrivé un peu trop tôt ? Vous gagnez la Coupe de France puis obtenez un vrai rôle en EuroCup alors que j’imagine que cela vous paraissait être dans la juste logique des choses à l’époque ? Est-ce que ça ne serait pas beaucoup plus jubilatoire de le vivre maintenant à la place ?

Non, je ne pense pas. Je me rendais compte de la valeur de ce que je vivais. Bien sûr, j’aurais aimé faire encore une plus belle carrière : j’ai rêvé d’aller jouer en NBA, j’ai rêvé d’être dans un gros club EuroLeague. Mais quand je suis arrivé à Orléans en cadets en 2006, je ne pensais pas vivre la carrière que j’ai eu aujourd’hui. Je réalisais vraiment les choses que je faisais chaque année : ce ne sont que des bons souvenirs et je suis vraiment content d’avoir pu participé à toutes ces compétitions différentes, avec la sélection nationale ou avec Orléans. À 19 ans, je découvre l’EuroLeague contre le Partizan Belgrade ou l’Olympiakos. Je suis content d’avoir vécu cela si jeune et j’en avais conscience sur le coup. Je ne pense pas que je le vivrais différemment aujourd’hui.

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En EuroCup, contre le Séville de Tomas Satoransky en 2012,
Lebrun déborde l’international espagnol Joan Sastre (photo : Sébastien Léger)

À Orléans, il y a aussi eu une équipe que tout le monde garde en mémoire, celle de 2011/12 qui a échoué d’un rien en demi-finale du championnat et qui aurait pu ou dû être championne de France…

C’est clairement l’une de mes meilleures saisons sportives à Orléans. Après, quant à savoir si l’on aurait dû gagner le titre ou pas, on ne va pas en reparler, j’ai déjà été suspendu (il sourit). Pour moi, même des années après, le Match 3 était à nous. La saison dernière, Ilian Evtimov est venu faire une pige à Lille et on en a forcément discuté. Et à partir du moment où un joueur de l’équipe adverse me dit la même chose que ce que je pense c’est que… (il s’arrête)

Il allait dans votre sens ?

Il était clairement d’accord avec nous. Il y a eu un gros tournant à 1 minute 30 de la fin de la rencontre. Le match était à nous mais ça ne s’est pas passé comme prévu. Cela dit, j’ai vraiment adoré le groupe que l’on avait lors de cette saison. On s’appelait l’équipe caillera. On n’avait que des mecs qui ont grandi à Paris ou dans les quartiers. Quand on partait en match, on allait à la guerre. Et quand un jeune rentrait sur le terrain, c’était 5 minutes pour tout donner et le joueur en face savait qu’il allait en chier.

Lors de cette époque, il y a aussi le Hoop Summit 2010 à Portland où vous avez partagé le terrain avec Kyrie Irving…

(il coupe) Il y avait quelques beaux joueurs, oui !

« On se tirait la bourre avec Nikola Mirotic à l’entraînement »

Tristan Thompson ou Harrison Barnes aussi dans la sélection américaine, Enes Kanter ou Nikola Mirotic chez vous. C’était une belle expérience évidemment ?

Ce sont des moments que je garde en tête et que je pourrais raconter à mes enfants plus tard; Je me rendais compte de la chance que j’avais, j’ai toujours eu la tête sur les épaules. J’ai savouré au maximum.

Vous vous souvenez du match ou des joueurs qui vous ont impressionné ?

Ah, Kyrie forcément ! Il était vraiment au dessus du lot. Tristan (Thompson) était pas mal aussi. Chez nous, il y avait Cory Joseph qui s’est fait remarquer. Mirotic et Kanter ont fait des bons matchs également. On se tirait un peu la bourre avec Nikola Mirotic à l’entraînement : on défendait dur et on jouait dur l’un sur l’autre; Mais ce qu’il avait de différent par rapport à moi, c’est peut-être la mentalité. Du coup, arrivé sur le match même, ça ne s’est pas passé comme à l’entraînement pour moi.

Au final, est-ce que le Hoop Summit peut desservir un jeune aussi ? Quand on se retrouve avec l’étiquette Hoop Summit sur le dos, on se retrouve projeté vers le grand public qui attend forcément monts et merveilles de vous… Est-ce que ce n’est pas un peu plus de pression après ?

Peut-être, c’est possible. Après, j’ai quand même été pas mal embêté par les blessures suite au Hoop Summit. Je ne me suis pas vraiment rendu compte si les gens attendaient plus de moi car les blessures ont ralenti mon évolution. Cela dit, peut-être aurais-je eu la même carrière, je ne sais pas du tout.

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Ici en Espoirs en 2010, Mael Lebrun a fait toutes ses gammes avec Orléans
(photo : Olivier Fusy)

Vous ne vous demandez jamais ce qu’il se serait passé si vous ne vous étiez jamais blessé ?

Non car si je ne m’étais pas blessé, peut-être que j’aurais eu une meilleure carrière mais du coup, peut-être que je ne serais pas papa et avec ma compagne aujourd’hui. Je ne me pose pas de questions à ce propos. Ma carrière devait se passer comme cela et je ne reviendrais pas en arrière pour la changer.

En revanche, ces blessures ont complètement changé votre jeu, suand on se rappelle du jeune joueur que vous étiez à Orléans ? Les capacités athlétiques sont forcément impactées…

Oui, évidemment ! On apprend à faire avec. Défensivement, ce n’est pas un problème du tout et j’aime toujours autant cela. J’arrive toujours à être explosif sur les appuis latéraux. Après le premier tendon d’Achille, j’étais encore explosif en hauteur. Là, je ne sais pas du tout, on verra bien si j’arrive à reprendre à 100%. De toute façon, il faut toujours adapter son jeu après chaque blessure. C’est comme lorsqu’on prend de l’âge si on veut continuer quelques années supplémentaires. Ça m’apprend à le faire dès maintenant et c’est plutôt important.

Vous arrivez à vous livrer à 100%, sans appréhension ?

J’ai toujours joué sans appréhension après une blessure. Je ne peux pas dire que je suis à 100% actuellement car je n’ai pas encore récupéré tout mon muscle. Mais par contre, oui, je me donne au maximum de ce que je peux. Je pars du principe que c’est à partir du moment où l’on joue en se posant des questions que l’on prend le risque de se reblesser. En plus, le niveau de performance sera aussi impacté. Pour moi, si j’ai le feu vert de personnes en qui j’ai confiance, j’y vais et je me donne à fond.

« Plus jeune, je n’avais pas la même mentalité que Rudy ou Evan »

Si l’on revient au fil de votre carrière, n’êtes-vous pas parti un peu tard d’Orléans ? On dirait qu’il y a eu l’année de trop là-bas.

Je suis resté trop longtemps, oui. Je n’ai pas un bon souvenir de ma dernière saison à Orléans. Cela ne concerne que le côté sportif car quand je retourne à Orléans, je peux passer deux heures dans les bureaux à parler avec les gens. Mais on  a changé de coach en cours de saison alors que je m’entendais bien avec François Peronnet et que ça devient plus compliqué avec Pierre Vincent. Je peux comprendre sa difficulté car il s’est retrouvé avec des joueurs qu’il n’avait pas envie d’avoir mais le courant n’est pas spécialement passé entre lui et moi. C’est là où je me suis rendu compte que j’aurais peut-être dû partir avant. Je pense que j’ai joué la sécurité en restant à Orléans : je n’ai pas pris de risques, je suis resté dans ma zone de confort, à la maison entre guillemets.

Et ensuite, quand vous avez décidé de partir, on vous a presque interdit de jouer avec Le Havre…

Ça, c’est encore une histoire (il ne termine pas sa phrase)… Au final, j’y ai joué au Havre. Quand le médecin du STB, je suis allé voir un spécialiste du genou à Lyon, Bertrand Sonnery-Cottet, qui m’a dit qu’on avait tous des problèmes de cartilage. Un basketteur qui n’a pas de problème de cartilage au genou n’a pas fait grand chose dans sa carrière. Un médecin avait décidé que je ne pourrais plus jouer, la contre-expertise de la fédération m’a dit que ma carrière était terminée. Et voilà, je suis encore là cinq ans après. Tout le monde dit bien ce qu’il a envie de dire. J’ai revu ce médecin quand j’ai signé au Havre et je ne l’ai pas en grippe pour autant. Il m’a dit : « Ah, t’es là, t’as réussi à revenir ». Ben oui, j’ai réussi à revenir (il rit). Je joue encore au basket : lui, ça ne lui fait peut-être rien mais c’est une petite victoire pour moi.

Donc vous jouez encore au basket et portez un regard positif sur votre parcours…

Ah oui, je ne le changerai pour tien au monde. Il est comme il est, j’ai vécu ce que j’ai vécu, j’ai peut-être raté des choses mais je ne regrette pas. Quand j’avais 15/16 ans, je ne pensais pas en arriver là. Depuis quelques années que je suis en Pro B, je vois des jeunes de 20/21 ans qui arrivent. Ils débarquent en Pro B alors que moi, à leur âge, j’avais déjà joué en EuroLeague. Je ne peux pas ne pas être fier de ma carrière, quoiqu’il arrive.

 Votre génération 1992 est l’une des plus performantes de l’histoire du basket français : certains comme Evan Fournier, Rudy Gobert, Joffrey Lauvergne, Axel Toupane, Léo Westermann jouent au plus haut niveau international…

C’est clair. Maintenant, je pense que nous n’avions pas la même mentalité quand nous étions plus jeunes; Eux, ils avaient vraiment LA mentalité pour le faire et ça m’a manqué. Je m’en suis rendu compte après le Hoop Summit. J’ai réalisé que les Américains avaient une mentalité différente et que c’est pour ça qu’ils réussissent mieux que nous. Il y a des Français qui l’ont, pas tous. Evan, je le connais depuis qu’on a 13/14 ans. Dès cet âge-là, il était destiné à aller en NBA. Edwin (Jackson) l’a aussi, même s’il n’y est pas allé. Ce n’est pas la même vision, ce sont des gars qui sont vraiment là pour bouffer tout le monde. Ils ont un peu une part de je m’en foutisme. Ce n’est pas dans un mauvais sens, c’est juste qu’ils ne se posent pas de questions quand ils sont sur le terrain. Je pense à Thomas Heurtel, je me rappelle de ses matchs en Espoirs ou de ses jeunes années pro avec Pau. Je me disais qu’il était incroyable, on avait l’impression qu’il jouait comme s’il s’en foutait de tout ce qui se passait autour de lui. Il fallait avoir cette petite part en soi pour exploser. Tous ces mecs qui sont partis l’avaient alors que moi, je n’étais pas du tout comme ça. J’étais plus à respecter les règles, le plan du jeu. J’ai été formé en joueur d’équipe et je le reste. Jamais je n’ai décidé de prendre un match à mon compte ou que j’allais tirer la couverture sur moi. Peut-être que certains diront que c’est un défaut, que c’est de ma faute et que je suis bête de ne pas avoir été comme ça. Ben oui, peut-être. Mais je suis resté fidèle à ma formation. Quand je fais ce que l’on appelle le travail de l’ombre lors d’un match et que je finis à 2 d’éval, je sais ce que j’ai fait et j’en suis content. Même si l’on ne voit pas ce qui s’est passé sur les statistiques. Car j’ai toujours été comme ça et cela a toujours été mon boulot. C’est ce que j’aime ici à Lille avec Jean-Marc, il a compris tout ça et parfois, sans forcément scorer ou prendre 15 rebonds, je vais apporter certaines choses sur le terrain que des joueurs qui tournent à 18 points de moyenne ne vont pas faire.


Lebrun (n°8) médaillé de bronze lors de l’EuroBasket U20 2011 avec la génération 92

Après, quand on a 19 ans et que l’on joue avec Laurent Sciarra, c’est compliqué de faire preuve d’égoïsme sur le parquet…

C’est sûr ! Mais l’école Laurent Sciarra pour un jeune, c’est génial. Déjà, c’est plein d’histoires quand on part en déplacement car il a vécu tellement de choses (il rit). En fait, cela permet d’apprendre sur le basket et la vie en général mais aussi le respect envers les anciens, qui ne se fait plus trop aujourd’hui. Je ne veux pas dire que j’en ai chié car je suis tombé avec des gars cool mais il y avait plus cette marque de respect envers les anciens à l’époque qu’aujourd’hui. Maintenant, ils ont du respect quand même bien sûr, mais ce n’est pas la même chose. Après, c’est peut-être de notre faute car on n’a pas su perpétuer cela.

Vous n’avez encore que 28 ans donc sûrement encore quelques belles années devant vous. Qu’est ce que serait une seconde partie de carrière réussie à vos yeux ?

(il réfléchit) Moins de blessures, déjà. Après, en vrai, depuis que je suis parti d’Orléans, je n’ai pas été tant embêté tant que cela, hormis la saison dernière. Je n’ai presque pas raté de match au Havre, aucun lors de ma première saison à Lille. J’aimerais être épargné par les blessures : je vais écouter encore plus mon corps afin de pouvoir continuer à vivre de ma passion pendant quelques années.

« La Pro B, ce n’est pas une blague »

De toute façon, vous l’avez dit, vous ne finirez pas sur une blessure…

Non, ça, par contre, c’est hors de question. C’est clair que si je dois me reblesser, je reviendrai toujours. Toujours. Je sais que cela va rester mais je n’ai pas envie que les joueurs qui suivent le basket gardent l’image d’un mec blessé tout le temps. Je veux que ces gens aient en tête l’image d’un mec qui se bat quoiqu’il arrive. C’est ce que je fais sur le terrain, même si on est à -30, et c’est la marque que je veux laisser. Quitte à revenir de blessure pour deux mois de compétition et arrêter après. 

Avez-vous des exigences de niveau, comme l’ambition d’un retour en Jeep ÉLITE ?

Si j’y retourne, tant mieux, mais ce n’est pas une obsession. Mine de rien, la Pro B, ça joue ! Les joueurs qui ne connaissent pas et qui sont en Jeep ÉLITE vont se dire : « Ouais, il dit ça parce qu’il y est. » Aucun souci. Qu’ils viennent jouer en Pro B et ils verront par eux-mêmes. Cela fait quelques années que le niveau augmente saison après saison. La Pro B, ce n’est pas une blague. Et physiquement, ça envoie bien comme il faut ! En vrai, j’aime bien : moi qui aime bien défendre, ça me permet de me fixer un petit challenge chaque week-end. Il y a toujours deux ou trois mecs qui sortent du lot dans une équipe. J’adore me dire que eux, ça ne va pas être leur soir face à moi. Avant, la Pro B était assez brouillonne. Mais maintenant, ça ressemble beaucoup plus à du basket, c’est plus structuré et ça se rapproche beaucoup plus de la Jeep ÉLITE que ce que ça pouvait être. Après, c’est sûr que si j’ai l’occasion de retourner en Jeep ÉLITE, forcément… Ça dépend du rôle aussi mais en attendant, je suis bien en Pro B.

 

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Qui a écrit ce papier ?

Rédaction Bebasket

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