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Coaching et maternité, le double projet de Lauriane Dolt

Propulsée dans sa première expérience de head-coach d'une équipe professionnelle, avec Mulhouse en Nationale 1, Lauriane Dolt vit parallèllement une grossesse un peu inattendue. « C'est une histoire de dingue », sourit-elle. Du type de celles qui bouleversent toute une vie...
Crédit photo : Christophe Canet

Lauriane Dolt en perdrait presque ses mots. « Je ne sais pas quel est le terme qui pourrait caractériser au mieux ce sentiment. » Pas « abandon » évidemment, surtout au vu de « l’entière confiance » en son assistant Terrick Nerome, mais si on l’écoute bien, cela s’en rapprocherait presque. « C’est à double tranchant : il y a ce bonheur d’être maman d’un côté et de l’autre, ce truc qui te fait dire : « Bon maintenant que je vous ai recruté, qu’on a tout mis en place, débrouillez-vous, je m’en vais vivre mon truc de mon côté ». » Fraîchement nommée à la tête de Mulhouse (Nationale 1) pour sa première expérience de head-coach dans le monde professionnel, Lauriane Dolt (38 ans) s’apprête à prendre un peu de recul. Et pour une formidable raison : l’Alsacienne est enceinte, actuellement dans sa 26e semaine de grossesse.

Pionnière malgré elle
« Homme ou femme, on s’en fout :
ce qu’on veut, ce sont des compétences ! »

Retour deux ans en arrière. Engagée dans sa douzième année à Strasbourg, Lauriane Dolt est « un peu perdue ». Formatrice réputée à la SIG, de la génération 1992 du champion NBA Axel Toupane (en cadets) aux 2002 de Clément Frisch (en Espoirs), elle « commence un peu à tourner en rond », ne « trouvant plus l’épanouissement nécessaire » et voit germer l’envie d’un « nouveau challenge ». De fait, elle s’en va informer ses dirigeants de son besoin de tourner la page… pour une fin aussi abrupte qu’imprévue avec le confinement quelques semaines après. « J’avais besoin de faire un point, de prendre une bouffée d’oxygène, de réapprendre quelque chose. Je ne m’en cache pas, je ne savais même pas si ma nouvelle aventure allait être dans le coaching. » Marquée par un stage en novembre 2017 auprès de l’équipe de rugby de La Rochelle, la native d’Artolsheim déborde d’envies pour cette année sabbatique : aller découvrir le fonctionnement de divers entraîneurs sur d’autres disciplines comme Patrick Mouratoglou (tennis), partir en immersion dans les plus grands clubs européens de basket… Et puis, une autre raison plus personnelle motive cette décision. « Je voulais être maman », souffle-t-elle. « J’avais 37 ans et je me disais que l’horloge biologique tourne… »

Coach des cadets, des Espoirs ou adjointe des pros :
pendant douze ans, Lauriane Dolt a enfilé de nombreuses casquettes à la SIG (photo : Sébastien Grasset)

Mais rien ne se passe comme prévu. Professionnellement, Dolt est obligée de renoncer à tous ses plans. À cause du Covid, exit les voyages à l’étranger, place à des formations en management et communication via Pôle Emploi. Et, surtout, personnellement, elle apprend en octobre qu’elle n’a quasiment aucune chance de tomber enceinte naturellement. « Ça a été un gros coup sur la tête », se rappelle-t-elle. « En tant que coach, je m’interrogeais sur mon avenir et en tant que femme, cet espoir-là s’envolait. » D’autres méthodes sont évidemment possibles pour concevoir un bébé, elle et son compagnon vont même « assez loin dans les démarches de renseignement » sur la fécondation in-vitro ou la procréation médicalement assistée mais « laissent finalement tomber. »

Au printemps, la Bas-Rhinoise décide ainsi de renouer avec sa carrière de coach et trouve rapidement son bonheur à Mulhouse, au sein d’une ville désireuse de retrouver son lustre d’antan (vainqueur du tournoi des As 1989 et demi-finaliste de la Coupe Korac 1991), avec un objectif Pro B à l’horizon 2024. « C’est arrivé super vite », se réjouit-elle. « Sortant de toutes mes expériences à la SIG, je trouvais que c’était un super challenge de prendre une équipe de Nationale 1. » Des 64 clubs des trois premières divisions masculines, le MBA est ainsi le seul à avoir confié sa destinée à une femme. Pour le coup, Lauriane Dolt n’est pas la première, puisque Laure Savasta a entraîné Tarbes-Lourdes pendant un an et demi, mais elle fut souvent une pionnière, elle qui prit notamment place aux côtés de Vincent Collet sur le banc d’une finale de Coupe d’Europe en 2016.  « Honnêtement, cela n’a jamais été mon objectif d’être la première donc cela n’a pas de valeur à mes yeux », indique-t-elle, avant toutefois d’enchaîner sur sa satisfaction de trouver de plus en plus de collègues féminines. « Au mois de juin, quand j’ai commencé à apprendre qu’il y avait Ludivine Fraget avec les Espoirs de Monaco, Élise Prodhomme avec ceux de Dijon, une assistante avec les Espoirs du Portel (Chrystel Ongenda), que Jade Sage avait trouvé un super poste à Denain, ça a été une très grande fierté. » Pas vraiment encline à revendiquer quoi que ce soit, la cousine de l’ex-international Jérôme Schmitt appelle pourtant « à dépasser cette frontière du genre », expliquant que ce sont « le caractère et le tempérament » qui font la différence entre les entraîneurs. Et cela marche dans les deux sens… « J’entends souvent dire qu’une femme coach aura ce côté instinct maternel mais ça me gêne un peu car ça dénigre l’homme coach quelque part. Parce qu’on est un homme, on ne serait pas à l’écoute de ses joueurs ? Homme ou femme, on s’en fout : ce qu’on veut, ce sont des compétences ! »

Le « miracle de Dame Nature » :
la vie d’une coach enceinte de 26 semaines

Ses compétences, justement, depuis le début de son aventure mulhousienne, Lauriane Dolt les démontre week-end après week-end. À l’aube de la 15e journée de Nationale 1, son équipe est deuxième de la Poule B (10v-4d), à égalité avec LyonSO qu’elle reçoit ce vendredi soir. Le fruit d’un long processus d’apprentissage à la SIG ? « Après avoir commencé par  regarder de loin Éric Girard, j’ai eu la chance d’être drivée par deux grands coachs : Frédéric Sarre, qui m’a beaucoup apporté, puis que voulez-vous de mieux que de travailler avec Vincent Collet ? Ils m’ont pris sous leurs ailes et m’ont ouvert les portes de leur intimité basket. » Tant d’années passées en compagnie du sélectionneur des Bleus ne s’effacent d’ailleurs pas comme ça. « Ah, quand on voit mon équipe jouer, c’est sûr que l’on s’aperçoit rapidement que je suis pas mal axée sur sa philosophie », rigole-t-elle. « J’essaye de m’en  détacher un peu, de me faire ma propre idée mais je reviens quand même souvent à ce que j’ai pu voir avec lui. » Quant au caractère censé différencier chaque coach ? « Moi, je suis assez proche de mes joueurs », explique-t-elle. « J’ai besoin de les connaître, de beaucoup parler avec eux. Je suis très attentive à leur état d’esprit, à leur vie pour être au plus juste quand je travaille avec eux. » Une méthode largement payante pour l’instant avec le MBA, largement dans les clous de son objectif playoffs. « Au vu du travail et de l’investissement des gars, notre place est méritée. J’ai un groupe engagé qui ne se fixe aucune limite donc on verra jusqu’où on est capable d’aller. »

Sous la houlette de coach Dolt, Mulhouse est l’une des excellentes surprises de cette première phase de NM1 !
(photo : Christophe Canet)

À l’approche du printemps, Lauriane Dolt observera pourtant l’évolution de son équipe de loin, depuis son ordinateur ou discrètement en tribunes. Et pour cause, le « miracle est arrivé au mois de juin », à un moment où elle s’était « lancée corps et âme dans ce nouveau projet à Mulhouse. » Concrètement, la technicienne alsacienne a appris mi-juillet qu’elle était tombée naturellement enceinte. « Dame Nature en a décidé autrement de ce qu’on avait pu me dire en 2020 », sourit-elle. Un bonheur infini, bien sûr, mais aussi une vraie source d’angoisse personnelle à l’approche de sa prise de fonctions au MBA. « Je n’ai pas eu le début de grossesse dont j’avais rêvé. Je me suis surtout demandé comment faire pour l’annoncer. » Dans un souci de transparence, elle ne souhaite cependant pas attendre les trois mois traditionnels et informe son président Antoine Linarès avant le début effectif de son contrat. Passé le choc initial et la réflexion d’un week-end estival, elle trouve un dirigeant « au taquet, super content » le lundi 16 août. Puis vient le tour des joueurs le week-end suivant, à l’occasion d’un stage de présaison à Thaon-les-Vosges, autour d’une coupe de crémant d’Alsace. « Ça me tenait à cœur de leur dire rapidement. Tout s’est bien passé, leur réaction a été super. Et maintenant, ils commencent à avoir l’habitude de me voir me balader un peu partout avec mon ventre. »

Chanceuse de pouvoir vivre « une grossesse merveilleuse, sans problème », Lauriane Dolt endosse encore presque intégralement son costume de coach pour le moment. Tout juste-a-t-elle arrêtée les contacts il y a un peu plus d’un mois. Et encore… « Mon assistant doit parfois me pousser du milieu du terrain car je n’ai pas toujours le bon réflexe », rit-elle. Mais hormis cela, aucune modification notable dans ses habitudes. Censée accoucher le 14 mars, la double meilleure coach Espoirs de l’année (2015 et 2020) partira en congé maternité le 31 janvier et espère revenir mi-avril. « C’est mon projet, certains me disent que je n’y arriverai pas mais on verra bien. On est quand même dans un métier passion. Après, le club ne me met aucunement la pression. Même les joueurs me disent de penser à moi et qu’eux, entre guillemets, y arriveront. »

Une succession incertaine pendant le congé maternité

Il n’empêche qu’un certain flou artistique règne sur cette future période au Mulhouse BA. Désireuse de voir son équipe connaître « le moins de changements et de bouleversements possibles », Lauriane Dolt aimerait que son assistant Terrick Nerome assure la relève. Mais puisqu’il ne possède pas le DESJEPS, la fédération ne l’autorise pas, pour l’heure, à devenir n°1. Du coup, une autre personne, à l’identité encore tenue secrète, devrait intégrer le staff haut-rhinois. « Je voudrais que Terrick prenne en main l’équipe car on bosse ensemble depuis 10 ans et qu’il est présent depuis le début de la saison. J’aimerais qu’il soit le chef et que la personne qui va arriver ne soit que du bonus. » Avec tout de même, en filigrane, son œil en supervision ? « Non, je ne vais pas faire la coach relou planquée dans les gradins ou au bout du banc qui ramène sa fraise. À partir du moment où je suis en congé maternité, même si je pourrais éventuellement venir assister aux matchs, je tiens à ce que soit Terrick et cette autre personne qui soient totalement avec le groupe. » Reste que la notion de congé maternité dans le sport de haut-niveau n’a rien à voir avec le commun des mortels. De par la durée, incroyablement courte, déjà, puis par le désir de maintien d’une certaine activité professionnelle. L’ambition de la championne de France Espoirs 2015 est ainsi d’intervertir les rôles avec Terrick Nerome, qui s’occupait du travail vidéo. « Tant que ça ira, je compte lui mâcher le boulot en lui préparant les matchs depuis la maison », précise-t-elle.

Légalement, une femme peut obtenir 16 semaines de congé maternité pour un premier enfant.
Lauriane Dolt espère n’en prendre que 10 (photo : Christophe Canet)

Subsiste enfin cette ambivalence d’émotions, difficilement explicable. « C’est compliqué dans la tête », admet-elle. « C’est particulier. C’est une histoire de dingue, j’ai toujours voulu être maman mais c’est difficile de se dire qu’on va laisser tout le monde se débrouiller. J’ai bien conscience de… Peut-être pas mettre le club dans l’embarras mais au moins de ne faciliter la tâche de personne. » Un sentiment qui deviendra sûrement secondaire avec le temps, à l’heure où sa vie s’apprête à changer. L’année 2021 aura permis à Lauriane Dolt de prendre en main une équipe professionnelle et de fonder une famille. Difficile de rêver mieux… « À la fin de la saison, ce serait bien que mon petit bout soit en parfaite santé, moi aussi, et que mon équipe ait atteint ses objectifs. Là, ce serait le Graal ! » Et ensuite, il sera l’heure de concilier le rôle de mère et celui de coach. « J’espère bien réussir à faire les deux pour prouver que c’est possible », glisse-t-elle. Mais d’ici là, reste à traverser les trois derniers mois de l’une des périodes les plus particulières de sa vie. « Ce sera mon seul enfant, je veux vivre le truc à fond, je n’ai pas envie de savoir si ce sera un garçon ou une fille. » Une seule chose est presque sûre : avec une telle maman, il ou elle devrait jouer au basket.

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