L’ASVEL à 2-0 en EuroLeague : « C’est super », oui, mais « on peut vite redescendre sur terre »
L’Astroballe qui exulte, un amas de joueurs qui saute sur Livio Jean-Charles, auteur du dernier stop sur Nick Calathes afin de préserver l’infime marge villeurbannaise (79-78) : il y avait comme un air d’euphorie en bordure du périphérique de l’Est lyonnais. Un sentiment de joie bien plus grand encore que vendredi dernier à l’occasion de la première contre l’Olympiakos (82-63).
Cela peut s’expliquer par deux choses : le standing de l’adversaire, d’abord, puisque le Panathinaïkos est actuellement supérieur à son voisin honni mais surtout, il y avait le scénario. Avant l’euphorie flottait la résignation au cœur du troisième acte, au moment même où Nick Calathes se baladait sur le parquet rhôdanien, parfait chef d’orchestre d’une équipe athénienne en totale maîtrise (jusqu’à +14). L’ASVEL était alors totalement inoffensive balle en main et en grande souffrance défensivement face aux multiples options du Panathinaïkos. Mais un coup de coaching, « de très haut niveau » selon Gaëtan Muller, a tout changé : Zvezdan Mitrovic a sorti Tonye Jekiri, pourtant sa meilleure arme, afin de passer en small-ball à l’orée du dernier acte. Livio Jean-Charles en poste 5, Charles Kahudi décalé en 4 et trois petits autour d’eux (alternativement Antoine Diot, Jordan Taylor, David Lighty ou Rihards Lomasz). Sorti du placard, lui qui n’avait pas joué lors des quatre premiers matchs officiels de la saison et qui émargeait à -3 d’évaluation en 6 minutes jusque-là, le Letton a enquillé 5 points en un temps record afin de contribuer à renverser la situation. « Lui donner sa chance à ce moment-là quand Edwin était moins bien, tout le monde ne l’aurait pas fait », en convenait même Gaëtan Muller à propos de l’ancien shooteur de Ventspils, pas toujours en odeur de sainteté à l’Astroballe. Pas de doute pour Zvezdan Mitrovic, le small-ball fut « la clef » du succès lyonnais.
« C’était un match totalement fou ! », savoure l’ancien entraîneur de Monaco. « Tout allait dans le sens du Panathinaïkos au cours du troisième quart-temps, ils contrôlaient le match mais nous avons progressivement réussi à trouver des solutions. Pour cela, je voudrais féliciter mes joueurs pour le caractère démontré. Ils n’ont jamais abandonné et je suis extrêmement fier de la manière dont ils ont joué. Passer en small-ball fut la clef du match. Nous avons haussé notre niveau d’agressivité, switché sur tous les écrans et cela nous a permis de développer une attaque plus rapide et donc d’étirer leur défense. Au final, cela donne 29 points dans le dernier quart-temps. Nous avions de gros problèmes quand Calathes et Papagiannis étaient associés sur le terrain. Ce n’est pas facile de défendre sur leurs pick and rolls, d’autant plus quand il y a de tels shooteurs à leurs côtés. Nous avons bien réagi avec le small-ball dans le money-time. »
Et avec tout cela, voici l’ASVEL… en tête de l’EuroLeague, à égalité avec le CSKA Moscou et le Real Madrid. Évidemment improbable, pour ce qui constitue le meilleur départ d’un club français dans la compétition reine depuis… l’ASVEL en 2002/03. Si ces deux victoires envoient un signal fort, eu égard à l’invitation sur deux années, la saison européenne est suffisamment longue pour évidemment envoyer aux oubliettes ce départ en fanfare en cas d’essoufflement. D’autant plus avec l’enchaînement des rencontres de Jeep ÉLITE, souvent le match de l’année pour des équipes qui attendront le champion de France le couteau entre les dents après une semaine de préparation. Zvezdan Mitrovic ne le sait que trop bien, lui qui a pu saluer avant la rencontre Jean-Louis Borg, le GM de la JDA Dijon venu en repérage à l’Astroballe avant le duel des invaincus ce dimanche après-midi en Bourgogne.
« Je profite vraiment de ce moment, l’un des meilleurs de ma carrière. C’est spécial de battre successivement l’Olympiakos et le Panathinaikos, deux légendes du basket européen. Nous n’avons pas de pression, ou alors juste de bien jouer au basket. Si l’on m’avait dit il y a une semaine que l’on serait à 2-0 ce soir ? Même dans mes rêves les plus fous, je ne l’imaginais pas ! C’est super mais il faut déjà se tourner vers la suite. Il y a entraînement demain (ce vendredi, ndlr) puis nous allons à Dijon ce week-end. Il n’y a pas le temps de célébrer, il faut prendre les matchs un par un en EuroLeague et en Jeep ÉLITE. Maintenant, on a une heure pour profiter et dès demain, ce sera une nouvelle journée. Alors, ciao, on oublie. »
Alors que Tony Parker est reparti hier matin vers San Antonio, le discours présidentiel est sensiblement similaire. Lui aussi aux anges après cette victoire, Gaëtan Muller s’est invité en conférence de presse. Le président délégué souhaitait féliciter ses troupes − Zvezdan Mitrovic en particulier − mais aussi en appeler à la prudence.
« Je voudrais exprimer la joie que l’on peut ressentir après un tel match, quelque chose de très fort. […] Tout le monde nous avait promis l’enfer et je répondais qu’on est là où on voulait être. On n’a pas à se plaindre, il faut se défendre avec nos armes. Je pense qu’il faut être heureux mais qu’il convient en même temps de faire preuve d’humilité car on sait bien qu’il y a de sacrés clients en EuroLeague et que l’on peut vite être rappelé à l’ordre et redescendre sur terre. Cela dit, il y a des moments qu’il faut savoir apprécier : on joue, on coache, on préside pour vivre de tels instants. Très sincèrement, j’ai pris un plaisir fou. Ce qui est intéressant, c’est que l’on ne bat pas l’Olympiakos et le Panathinaikos sur l’euphorie d’une adresse à 80% à trois points. Cela signifie que nous avons une marge de progression : on ne fait pas le match de notre vie mais nous avons quand même gagné, c’est ce qui est positif pour moi. »
S’ils ont déjà réussi à prouver que leur victoire contre l’Olympiakos n’était « pas un coup de chance » (David Lighty), l’ASVEL va maintenant encore monter dans la difficulté. Les Villeurbannais vont découvrir les joies des matchs d’EuroLeague loin de leur antre. Le Bayern Munich puis le Zalgiris Kaunas les attendent de pied ferme. Déterminés à rappeler l’ASVEL à l’ordre et à la faire redescendre sur terre.
À Villeurbanne,
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