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Pape Diouf, une histoire basket

Il était devenu au fil des années l’une des figures incontournables du football français : agent mondialement reconnu puis président de l’Olympique de Marseille. Mais au commencement, bien avant de faire l’unanimité au Vélodrome, il y eut le basket. Né au Tchad en 1951, arrivé en France à 18 ans où il était censé embrasser une carrière militaire selon les vœux de son père, Pape Diouf opte plutôt pour l’Institut d’Études Politiques d’Aix-en-Provence, tout en travaillant à La Poste en parallèle. Là où il effectue une rencontre qui va changer sa vie. « Là-bas, il était avec Tony Salvatori, plongeur professionnel et pigiste au journal La Marseillaise », retrace Jeannette Laggiard, l’encyclopédie du basket provençal. « Salvatori a parlé de lui à Pierre Andreis, le chef de la rubrique des sports, qui l’a embauché. Il a commencé en collectant les résultats le dimanche soir. Il n’y avait pas Internet donc il fallait appeler tous les clubs pour savoir ce qu’ils avaient fait au cours du week-end. » Avant de devenir bien vite le journaliste basket de La Marseillaise. USPEG Marseille – Nice en Nationale 1 féminine en 1974, tel sera le premier match couvert par Pape Diouf.

Un journaliste basket connaisseur,
plume appréciée par Alain Weisz et ses coéquipiers

Pendant quatre ans, son quotidien se résume à suivre les rebonds de la balle orange, entre les équipes masculines et féminines de la cité phocéenne. « À l’époque, je jouais à l’ASPTT Marseille, en deuxième division », se remémore Alain Weisz. « Pape venait dès que l’on avait un match à domicile. Il était très jeune, c’était ses débuts dans le journalisme. » Et s’il se bâtira une réputation de plume acide quelques années plus tard au fil de ses articles où il n’hésitait pas à égratigner Bernard Tapie, le président de l’OM, dans son suivi quotidien du club olympien, il n’était visiblement pas aussi acéré quand il suivait le basket. « Je lui avait dit un jour qu’on lisait ses articles avec plaisir car on trouvait que ses comptes-rendus étaient toujours plus positifs que nos performances », poursuit l’ex-sélectionneur de l’équipe de France. « Il n’était pas complaisant mais jamais assassin dans ses propos, toujours gentil ». Et conscencieux aussi. Ancienne collègue à La Marseillaise, Jeannette Laggiard raconte elle un Pape Diouf qui, après avoir envoyé ses résumés de match au sténographe, descendait ensuite à l’atelier du journal, à l’endroit des rotatives, pour vérifier qu’aucune faute ne s’était glissée dans ses papiers. « Il ne prenait pas son travail avec légèreté, il ne partait pas tant qu’il n’avait pas pu voir que tout était bien. » Surtout, les deux s’entendent sur un point : l’ex-journaliste maîtrisait son sujet. « Il adorait le basket et s’y connaissait », acquiesce Jeannette Laggiard, elle-même à une référence de ce point de vue là, du haut de ses seize saisons au plus haut niveau, jusqu’à une finale de championnat perdue avec l’ASPTT Marseille contre le Paris Université Club. Tout ça  « parce qu’une de nos meilleures joueuses voulait partir et a décidé de faire cinq fautes en quelques minutes… »

De ses années basket, Pape Diouf a conservé quelques amis. Alain Weisz, en premier lieu, et d’autres. « Il avait notre âge, 22 – 23 ans. Il a gardé des liens avec des membres de notre équipe : je pense au père de Laurent Foirest, à celui d’Éric Cerase, ou notre mentor à tous, Jean-Baptiste Ré, l’homme à tout faire des PTT. Souvent, on allait boire un coup après les matchs. On prenait une pizza et je me souviens que Pape refusait toujours la moindre goutte de rosé. Je ne l’ai jamais vu boire une seule goutte d’alcool, il était toujours avec son diabolo fraise. »

Mais à Marseille, le sport, c’est l’OM et tout le reste ne relève que de l’accessoire, ou presque. Alors,  en 1978, quand il se voit offrir la possibilité de chroniquer la vie du club olympien à La Marseillaise, Pape Diouf abandonne le basket et laisse la place vacante pour Jeannette Laggiard. Dans le quotidien communiste puis dans les colonnes de « Le Sport », Mababa ne rate désormais plus le moindre évènement de l’OM et continue à se lier d’amitié avec les joueurs. Sauf que cette fois, on ne parle plus de basketteurs de deuxième division mais de double champion d’Afrique comme Joseph-Antoine Bell, le gardien camerounais de l’OM. Celui qui le convainc à se lancer dans une carrière d’agents, là-même où Jeannette Laggiard avait échoué. « Un jour, j’avais demandé à Pape si on ne pouvait pas monter une agence de basket mais il avait refusé, arguant qu’il ne s’y connaissait pas assez. Pas fada quand on voit ce qu’il a ensuite fait dans le foot ! », rigole-t-elle. Car oui, il faut bien dire que le succès qu’il a connu dans le ballon rond ne le poussera pas vraiment à se diversifier vers le basket. « Pour faire ce que pouvait lui rapporter le transfert d’un Didier Drogba, il faudrait 100 joueurs de basket », synthétise efficacement Alain Weisz.

Il dit non à l’OM Basket

Le basket aura beau avoir été son premier amour professionnel, Pape Diouf n’y reviendra finalement jamais. La création d’un grand club à Marseille a longtemps eu des allures de serpent de mer mais c’est bien l’agent franco-sénégalais qui a étouffé la plus grande tentative de l’histoire contemporaine. Nous sommes alors au début de l’été 2002 et Christophe Bouchet, le président de l’OM, envisage très sérieusement de reprendre les actifs du club de Montpellier, dont la LNB avait refusé l’engagement en Pro A et en Pro B, faute de garanties financières suffisantes. Tout le monde donne son accord de principe au projet OM Basket 13 : la ligue, la fédération, le conseil général des Bouches-du-Rhône… Marseillais d’origine, Alain Weisz aurait alors repris en main l’équipe et n’espérait plus que le feu vert de l’OM. « C’était un samedi après-midi, j’étais avec Pape Diouf et Christophe Bouchet et on attendait le coup de fil de Gérard Maurice, le président de Montpellier. Christophe devait donner sa réponse, il était à deux doigts de dire oui. Nous avons longuement discuté tous les trois et puis Pape lui a dit : « Je crois que tu n’as rien à gagner à reprendre un club de basket. Si ça ne marche pas, on te reprochera de dépenser de l’argent pour cela. Et si ça marche trop bien, on te demandera pourquoi tu ne fais pas aussi bien avec le foot. » Christophe venait d’arriver à la présidence de l’OM, il lui a fait comprendre que ce n’était pas le moment de se surcharger avec une équipe de basket. Le téléphone a sonné : Christophe était très hésitant et il a fini par lui dire qu’il n’y allait pas. » Le 15 juillet 2002, Gérard Maurice sera contraint d’annoncer la liquidation des associations professionnelles et amateurs du Montpellier Paillade Basket. Devant la presse, Christophe Bouchet regrettera ensuite le fait de ne pas avoir obtenu « l’assurance d’un consensus total du monde du basket », qu’il n’avait pas envie de voir « le nom de l’OM encore été mêlé à des affaires de recours en justice par les équipes lésées  » et que cela « aurait renvoyé l’image d’un Marseille arrogant, qui arrive directement en Pro A, avec son argent. »

Une philosophie que Pape Diouf continuera à appliquer pour lui-même au cours de son propre mandat à la tête de l’Olympique de Marseille (2005/09), malgré le lobbying de certains comme Jeannette Laggiard. « Je lui ai demandé à deux reprises de faire une équipe de basket, la première quand il y avait les rumeurs autour de Christophe Bouchet et la deuxième quand il était président. Mais il n’en était pas question pour lui. » Ni via un projet omnisports à l’OM, ni ailleurs. À la tête de la plus grande équipe du département des Bouches-du-Rhône, Fos-sur-Mer, Rémi Giuitta nous a confirmé que son club n’avait jamais eu le moindre contact avec l’Olympique de Marseille sous l’ère Diouf. De toute façon, le sentiment général est que seul un projet étiqueté OM pourrait fonctionner. « Le basket ne marchera à Marseille que si l’équipe joue en bleu et blanc, que si elle peut avoir le nom OM », explique Jeannette Laggiard qui, elle, peut se targuer d’une vraie expérience du sujet, championne de France honneur (troisième division) en 1955 avec l’OM Basket. « On jouait à 17h quand les matchs de foot étaient à 15h. Dans le billet du Vélodrome, il y avait aussi la place pour notre match. Les gens n’avaient qu’à traverser la rue pour venir au Petit Palais, on jouait derrière la tribune Ganay et c’était toujours plein. »

Interrogé par L’Équipe le 6 février 2009, Pape Diouf avait expliqué pourquoi il ne voulait pas d’un OM omnisports. « Le seul sport valorisé chez nous est le football, l’OM en l’occurrence. Même les clubs régionaux souffrent de cette omnipotence. J’adore le basket, le premier sport que j’ai suivi comme journaliste, le hand, le volley… J’aime regarder la plupart des sports collectifs. Pourtant, ça reste un vrai désert. [Le basket, le rugby], ce sont des projets quasiment morts-nés, car il n’y avait pas de gens déterminés, résolus. […] Un OM omnisports, ce n’est pas dans la tradition du club. Il y a eu cette sorte d’omnisport avec une équipe de basket. Mais ce n’est pas inscrit dans les faits, et même l’équipe féminine de football n’existe plus. »

Si fier de Moustapha Sonko

Depuis mardi soir, la ville de Marseille s’est enveloppée de tristesse. Une banderole a été déployée sur le pont du cours Lieutaud, Pape Diouf a été associé aux applaudissements de 20h en l’honneur du personnel soignant avec maillots, drapeaux et écharpes de l’OM aux fenêtres de la cité phocéenne. Un chagrin proportionnel à la hauteur de l’image qu’il a laissé à Marseille, où il a fait l’unanimité. Alain Weisz décrit un « garçon très droit, très apprécié pour sa sincérité, avec une qualité de vocabulaire extraordinaire, qui avait toujours le mot juste et qui était le contraire d’un mec tordu. » Jeannette Laggiard pleure elle un « homme généreux, souriant, plein d’esprit, au rire extraordinaire ». Et les pieds sur terre. « Devenir président de l’OM ne lui est pas monté à la tête, alors que c’est extraordinaire à Marseille ». Le poste le plus scruté de la ville en effet, loin devant le maire. Les deux nous décrivent quelqu’un de foncièrement gentil : la volubile Jeannette raconte comment Pape Diouf lui avait proposé de l’aider à relire ses articles au moment où elle devait retracer l’épopée européenne des filles d’Aix-en-Provence dans L’Équipe ou quand il l’a appelé pour savoir si elle pouvait trouver un club à une joueuse sénégalaise qui venait d’arriver en France et à qui il venait de dénicher un appartement. Un coup de fil au président Gérard Boilon plus tard, elle défendait les couleurs aixoises. Alain Weisz se souvient lui de la fierté du natif d’Abéché au moment d’observer l’évolution de Moustapha Sonko − dont il était très proche de l’oncle, Lamine − ou du petit coup de pression amical qu’il lui avait mis à Dakar en 2011 quand il avait pris en main la sélection sénégalaise. « Il m’avait dit : « maintenant que tu es un Lion de la Téranga, il faut mettre le paquet hein ». »

Débarqué de la présidence de l’Olympique de Marseille en juin 2009, suite à des désaccords internes, alors qu’il venait de poser la première pierre du titre de champion de France 2010 en faisant venir Didier Deschamps sur le banc, Pape Diouf a vécu l’après-OM dans un certain éclectisme, entre création d’une école de journalisme à Marseille, candidature aux élections municipales de 2014 et multiples apparitions dans des colloques. Parmi eux, les assises des entraîneurs du basket professionnel français, organisées en 2017 par le syndicat des coachs, sous l’égide d’Alain Weisz. « Pape était venu participer à une table ronde sur le fonctionnement d’un club. Il avait donné sa position de président par rapport aux problèmes de recrutement, les relations entre coachs et présidents dans le cadre du recrutement. Son intervention avait été très appréciée, il y avait de multiples parallèles à faire entre son expérience dans le football et le basket. »

Plus de 40 ans après s’être attaché à recueillir avec précision toutes les statistiques de la rencontre entre l’USEPG et Nice et observé avec émotion sa signature en bas de son papier de quelques lignes dans La Marseillaise, plus de 40 ans après ses aller-retours permanents vers le gymnase du Mont-Rose pour décrire les pérégrinations de l’ASPTT Marseille en Nationale 2, Pape Diouf conservait un regard pertinent sur le basket. « Il trouvait qu’on avait de très forts joueurs en France et que c’était dommage de ne pas pouvoir les conserver », révèle Alain Weisz. « On discutait souvent et il me disait qu’on ne pourrait pas progresser de cette façon-là, en laissant filer tous nos meilleurs joueurs à l’étranger. Mais c’était la même chose pour le foot, ça s’est amplifié après 1998. Alors il demandait pourquoi on n’arrivait pas à garder les plus forts mais il savait très bien pourquoi. » L’œil du dirigeant, ou celui du journaliste, peu importe. Avec Pape Diouf, toutes les compétences se confondent. Couvrir le basket marseillais l’aura propulsé vers une formidable carrière. Et à 68 ans, sans ce foutu virus, il avait encore sûrement tant de choses à accomplir…


Visuel Olympique de Marseille

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