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[Portrait] Erman Kunter, le Malin des Mauges

Soir de victoire à la Meilleraie contre l’Élan Chalon, Erman Kunter a les deux mains sur le tête, le dos appuyé sur le dossier de la chaise et une bière à portée de main, en conférence de presse. Vous ne vous trompez pas, Erman Kunter est comme à la maison à Cholet Basket. Venu au chevet d’un CB malade, le technicien franco-turc jouit d’un statut d’idole à Cholet. Car il faut le dire, c’est grâce à celui que l’on surnomme « Le Malin du Bosphore » que Cholet Basket a écrit les plus belles lignes de son palmarès avec notamment le titre de champion de France en 2010. Preuve à l’appui, le Stambouliote possède un bilan de près de 62% de victoires avec la formation des Mauges (134 victoires – 84 défaires). Lui qui a Cholet chevillé au cœur n’a pas mis bien longtemps à accepter l’offre maugeoise pour prendre la place d’entraîneur dernièrement occupée par Régis Boissié. La mission comando qu’est de péréniser le club en Jeep ÉLITE ne s’annonçait pas simple mais force est de constater que le travail effectué porte déjà ses fruits (3 victoires – 3 défaites) puisque Cholet Basket n’est plus relégable à la fin des matchs de la phase aller.

Fin décembre, le Franco-Turc a accepté de revenir juste – avant une séance d’entraînement matinal – sur son parcours tant en qualité de joueur que de coach. L’histoire d’un très fort attaquant devenu un coach tourné vers la défense. Découverte.

Le soir où il a planté 153 points en championnat turc :
« Au bout d’une minute, j’avais déjà marqué 13 points »

« Avec le Fenerbahçe, j’ai marqué 153 points. C’était en 1989, lors de l’un des derniers matchs de la saison régulière, juste avant les playoffs, contre Izmir Hilalspor. On était en course pour finir premier de la saison regulière. Les joueurs d’Izmir n’étaient pas bons. Pendant le match, tu ne te rends pas compte de la performance que tu fais. Tu joues et à la fin du match, tu comprends la performance. C’était un match particulier : au bout d’une minute, j’avais déjà marqué 13 points et après derrière tout le monde m’a donné le ballon. Il y a des jours comme ça où tu tires et tout rentre. J’ai rentré 17 tirs à 3-points, j’ai fait 24/24 aux lancers-francs et le reste, ce ne sont que des shoots à 2-points. Très vite, la nouvelle est ensuite sortie dans les info flashs en Turquie. Tous les records tombent aujourd’hui. Mais le basketball actuel est devenu beaucoup physique et les arbitres « laissent jouer les joueurs », c’est pour cela va être difficile de faire tomber ce record mais on ne sait jamais. »

 

Sept fois meilleur marqueur du championnat de Turquie :
« Mais je n’étais pas un bon défenseur… »

« J’ai été sept fois meilleur marqueur de Turquie mais je n’étais pas un bon défenseur. Je n’ai pas beaucoup joué en cadets et junior mais dès ma première année professionnelle, j’ai fini troisième meilleur marqueur du championnat. J’avais 18 ans. Et après, j’ai continué à beaucoup scorer. Quand je suis devenu coach, j’ai changé de philosophie : je me suis plus axé sur la défense. Néanmoins, comme j’ai plutôt été attaquant quand je jouais, j’ai toujours eu de bonnes relations avec les scoreurs. »

L’EuroBasket 1999, le point de départ :
« Je pense que c’est l’exploit le plus important du basket turc »

« Le championnat d’Europe en 1999 à Paris a permis aux club français de me découvrir en tant que coach cette fois. On a joué le premier tour à Antibes, le deuxième tour au Mans et le quart-de-finale à Paris, contre la France. Même si on a perdu face aux Bleus, on a fait un championnat très correct alors que tout le monde ne nous donnait aucune chance. Je pense que c’est l’exploit le plus important du basket turc. On avait une équipe en chantier puisque j’avais décidé de mettre les vétérans de côté pour laisser la très talentueuse nouvelle génération s’exprimer. J’ai gardé mes contacts en France et je pense que le style de jeu qu’on a imposé était intéressant pour les clubs français. Ensuite, j’ai arrêté avec l’équipe nationale de Turquie et j’ai repris l’équipe de Galatasaray en 2000. Suite à cela, mon agent m’a contacté me disant qu’il y avait deux possibilités en France : Cholet et Strasbourg. Je suis d’abord venu rencontrer les dirigeants de Cholet Basket à Nantes : le président Jean-Michel Lambert et Patrick Chiron, qui allait prendre la tête du club. On a mangé ensemble le midi, les dirigeants ont été convaincus et l’aventure a commencé. »

erman-kunter1548019234.jpegLe premier flirt avec Cholet Basket a eu lieu en 2003/04 avant un amour passionnel entre 2006 et 2012. Aujourd’hui, Erman Kunter est revenu dans les Mauges fin 2018, jusqu’à quand ? (photo : Olivier Fusy).

2003/04, un premier flirt avec Cholet de courte durée :
« Un changement très radical dans le club »

« La saison 2003/04 a ainsi été marquée par un changement très, très radical dans le club : Monsieur Chiron est devenu président, Thierry Chevrier a pris le poste de directeur sportif et moi le poste de coach. En 2003, le budget était encadré et on n’a même pas pu prendre tout le quota d’étranger : on a pris qu’un étranger et que des joueurs français. C’était la période où il y avait la génération 1980 + Mike Gelabale : Cédric Ferchaud, Cyril Akpomedah, Claude Marquis, et des joueurs comme Jim Bilba ou DeRon Hayes. On a fait une saison très correcte puisqu’on finit quatrième (éliminés en quart-de-finale des playoofs par le BCM Gravelines-Dunkerque, ndlr). Ensuite, il y a eu un manque de communication entre les dirigeants et moi et c’est à ce moment-là que Villeurbanne m’a fait une proposition. C’est mon assistant Ruddy Nelhomme qui a pris le poste d’entraîneur principal suite à mon départ (lors de la saison 2004/05, ndlr).

2004/05, l’infidelité villeurbannaise :
« Le club était assez particulier à l’époque »

« Avec Villeurbanne, la saison s’est bien passée car on a finit premier ex-aequo avec le Mans mais le club était assez particulier à l’époque. Les dirigeants villeurbannais n’ont pas souhaité poursuivre l’aventure ensemble mais comme mon épouse est née à Poitiers et qu’elle parle mieux français que le turc, on a décidé de rester vivre sur Lyon. 

La saison suivante (en 2005/06, ndlr), Cholet a fait un mauvais départ avec trois défaites de suite. Monsieur Chiron m’a appelé me demandant ce que je faisais et je lui ai dis « pourquoi pas ». En 2005, l’aventure a vraiment commencé ! »

2009/10, sur le toit de la Pro A :
« Personne ne croyait en nos chances au début « 

« En 2010, personne ne croyait en nos chances au début. Mais en tant que staff technique, Jim (Bilba) et moi, on a senti qu’il y avait quelque chose à faire. À partir de février, les joueurs l’ont senti comme nous et on s’est dit que si on ne faisait pas de bêtise qu’on irait jusqu’au bout.

C’était un petit peu particulier car on a failli perdre dès les quarts-de-finale. On a perdu ici à la Meilleraie au match aller face à Gravelines-Dunkerque au buzzer et on a réussi à s’imposer là-bas malgré le fait qu’on ait eu 17 points de retard. La fin vous la connaissez, une finale remportée à Bercy assez facilement contre le MSB. »

À Bercy, la quasi-totalité de la salle était acquise à la cause des Choletais, toute de rouge vêtue : « C’était énorme, répliqua-t-il ausitôt. Sur le DVD du titre de champion, on peut voir l’enthousiasme dès le départ de Cholet en autocars. Hôtels, vestiaires, les images après le match, c’était tout rouge. C’était un spectacle, un show.

C’est sûr qu’Antywane (Robinson) était content de me voir revenir ici, Sammy (Mejia) aussi. On a beaucoup de souvenirs ensemble, l’équipe vivait toujours ensemble et partagaient de très bonnes relations. Et quelque soit la situation en dehors du terrain, quand ils sont sur le terrain, ce sont des vrais amis c’est-à-dire qu’ils s’aident mutuellement. Parfois, ce n’est pas toujours le cas. Il y a des gars comme John (Linehan) qui était toujours énervé quand un gars ne défendait pas mais il faut aussi dire que John était l’un des meilleurs défenseurs que j’ai vu dans ma vie. Il y avait aussi Randal (Falker) qui certes ne parle pas beaucoup mais avec son body langague qui montre toujours qu’il est là mais qu’il ne lâchera rien. Mike (Gelabale) qui ne parle pas beaucoup, il saute, il hurle, il court à droite à gauche.

Sammy est arrivé en tout début de saison et lors des 2/3 premiers matchs, c’était très moyen. Il me semble que lors de son premier match à Rouen, il finit à 0/8 et 5 ballons perdus (en réalité, 2 points à 1/8 aux tirs, ndlr). On ne savait pas quoi faire : « est-ce qu’on le garde ou pas ? » mais on sentait qu’il y avait du potentiel. Derrière, comme c’est un joueur très talentueux, très intelligent et bosseur, il a explosé trois semaines après. L’année où on a gagné le titre le MVP des joueurs étrangers était Mike Gelabale – arrivé en cours de saison – et Sammy (Mejia), MVP des étrangers. Sammy a commencé sa carrière à Capo d’Orlando mais pendant sa première saison, le club a déposé le bilan. Pour un rookie, c’est difficile à vivre.  L’année d’après, il est parti dans un club grec mais il n’a pas été payé pendant 3/4 mois. À Cholet, quand il a découvert que le club était stable, il a commencé à mettre les choses en place. C’était un déclic pour lui car la stabilité du club est très importante, surtout pour les rookies.

 « En  2011, on n’était pas loin du titre non plus mais il y a des circonstances qui font qu’au final, on perd le match de 2 points contre Nancy. On a gagné de fait, très facilement les quarts et demis, trop facilement même. Et en plus, il y avait un break entre la demi-finale et la finale parce que les autres équipes ont eu besoin d’un troisième match pour se départager. Les joueurs ont eu beaucoup de propositions pendant cette période là, surtout Sammy Mejia, l’un des joueurs importants de l’équipe, qui a reçu une offre du CSKA Moscou dix jours avant la finale. Cette proposition l’a perturbée mentalement. Sur la finale en elle-même, on rate des tirs importants en fin de match et notre ancien joueurs John Linehann (avec qui Cholet a remporté son titre en 2010, ndlr) met le tir crucial du match.

 

Ces deux années sont remarquables puisque surtout en France, les équipes qui gagnent le titre sont très souvent en difficulté la saison suivante. Nous, on finit deux années de suite premier du championnat et on a fait deux finales deux années de suite en jouant l’EuroLeague. »

L’histoire européenne avec Cholet :
« L’arbitre vient me voir pour me dire qu’il y avait faute à 100% sur Nando… »

« Je n’oublie jamais la finale d’EuroChallenge à Bologne en 2009 : Nando (De Colo) a pris un tir à la fin du match, il y avait faute sur lui mais l’arbitre n’a pas sifflé. Le tir fait gamelle. Après le match, l’un des arbitres est venu nous voir et nous a dit qu’il avait fait une grosse erreur que de ne pas siffler cette faute car elle y était à 100%. C’était un 3-points, on a perdu de 2 points. Si la faute avait été sifflé, Nando aurait sûrement rentré les lancers-francs car il est pas mal dans ce domaine. On aurait pu avoir un titre de Coupe d’Europe avec trois joueurs de moins de 20 ans (Rodrigue Beaubois, Nando De Colo et Kévin Séraphin) dans le cinq majeur d’une finale de Coupe d’Europe.

La campagne d’EuroLeague de 2010/11 m’a marqué, c’était un grand souvenir. On a mal démarré mais derrière on a explosé. On a infligé la première défaite du champion d’EuroLeague en titre, le Fenerbahçe, à la Meilleraie. On a gagné de 7 points, c’était énorme. Un match exceptionnel.

Venir gagner à la Meilleraie n’était pas simple pour les adversaires. La salle était très bruyante. Aujourd’hui, cela a un peu changé mais l’ambiance des années 2010 va revenir avec l’intensité et l’envie de l’équipe. Mais il faut qu’on gagne les matchs. »

 erman-kunter1548021613.jpeg Le technicien franco-turc a toujours donné beaucoup d’importances à la formation, comme ici en train de prodiguer quelques conseils à Mikaël Gelabale qu’il a eu sous son aile à ses débuts (photo : Étienne Lizambard / Cholet Basket).

Un coach formateur 
« Une fierté d’avoir envoyé 5 joueurs en NBA »

« Déjà, en tant que coach, on ne peut que leur prodiguer des conseils au niveau du basket. Le reste, c’est à eux de le faire : le travail, l’écoute. On ne peut pas imaginer au début la carrière qu’un joueur aura. Par exemple, Rudy (Gobert) avait l’interdiction de tirer de loin mais maintenant, il tire en dehors de la raquette en NBA. On a appuyé sur ses qualités défensives à ses débuts et il n’y a qu’à voir ce qu’il est devenu maintenant : meilleur défenseur de NBA. Je pense qu’il ne faut pas développer tous les domaines du basket (tir, rebond, contre) en même temps, ce n’est pas bon. Pour chaque joueur, on a insisté sur leurs points forts ou leurs futurs points forts : la vitesse pour Rodrigue (Beaubois), la puissance de Kévin (Séraphin), l’envergure de Rudy (Gobert), la connaissance de jeu – même quand il avait 18 ans – de Nando (De Colo) et la polyvalence de Mickaël Gelabale. Il est avant tout nécessaire de bien observer les joueurs pour les pousser sur leurs qualités. On peut estimer qu’un tel va devenir un bon joueur mais ce qui va faire la différence, c’est leur faculté à passer un nouveau cap. On leur donne toutes les armes nécessaires et possibles pour mais il n’y a de secret : il faut travailler. Il ne faut pas brûler les étapes, c’est le plus gros danger pour les jeunes. Il faut y aller progressivement et continuer d’apprendre tous les jours, même moi je continue de progresser en tant que coach à 61 ans. Par exemple, Rodrigue (Beaubois) a essayé de faire très rapidement les choses mais il a chuté et il s’est blessé. À mon avis et je lui ai dit à l’époque, il est allé en NBA un an trop tôt car physiquement, il n’était pas prêt. Derrière, il a enchaîné les blessures. 

Bien-sûr, c’est une fierté d’avoir envoyé cinq joueurs en NBA. Je ne pense pas qu’il n’y ait un autre club dans le monde qui peut dire mieux. C’est le seul club qui a fait un aussi gros boulot dans la formation. Cholet a eu cinq joueurs draftés en NBA et il y en a peut-être 2/3 dans les années à venir. C’est pour cela que je suis ici pour que l’on se maintienne et qu’on continue à former les jeunes (rires). Oui, Killian Hayes, Abdoulaye N’Doye et Melvin Govindy pourraient y aller mais il y a aussi des jeunes intéressants qui sont en Cadets. On les suit, ils ont du potentiel. À cet égard, il y a une fameuse citation que Mohammed Ali que j’aime beaucoup : « They have deep inside them, a desire, a dream, a vision. They have to have last-minute stamina. They have to have the skill and the will. But the will must be stronger than the skill ». En somme, il dit qu’avec l’envie ou le talent seul on ne peut pas faire tout, il faut du talent et de l’envie mais l’envie doit rester un peu plus forte que le talent. Par exemple, Rodrigue est très talentueux mais il a compris cette phrase quand il avait 27/28 ans alors que Nando l’a compris un peu plus tôt, vers 23/24 ans. C’est pour cela que cette phrase est très importante pour des joueurs qui ont de forts objectifs. »

erman-kunter1548017103.jpegErman Kunter sait que la mission de sauver Cholet Basket ne serait pas simple. Mais force est de contaster que le début est plutôt encourageant puisque le club n’est plus dans la zone rouge. (photo : Simon Godet / Cholet Basket).

Un retour à Cholet comme une évidence : 
« Ce club peut encore avoir un avenir très intéressant »

« Ce qui m’a motivé pour revenir ici, c’est l’histoire de Cholet : c’est le club qui a formé le plus de joueurs au très haut-niveau. J’ai suivi le club des Pros aux Espoirs en passant par les Cadets depuis je l’ai quitté et je pense que le potentiel des jeunes aujourd’hui n’est pas inférieur à celui des années 2006/07. La deuxième chose, c’est que je crois que l’on peut avoir un avenir encore très intéressant pour le club. Revenir à Cholet, c’est un challenge : il faut qu’on remonte dans le classement. Le club a toujours comme politique de former des jeunes. »

La Turquie, son pays d’origine: 
« J’ai du mal à voir l’avenir du basketball turc »

« Le basketball turc a de gros problèmes. J’ai eu des propositions cet été en Turquie mais avec les problèmes financiers, je les ai refusées. Leurs budgets ne sont pas raisonnables. C’est un gros problème pour le basketball turc et je pense qu’il faut revenir aux bases avec un budget encadré et former les jeunes. Je ne vois pas très bien l’avenir du basketball turc, il faut un changement radical.

Je suis d’origine turc mais j’ai travaillé dans ma carrière d’entraîneur plus à Cholet que dans les autres clubs : j’ai coaché pendant huit ans à Cholet contre trois ans en équipe nationale turque. Je connais mieux les joueurs de l’Académie Gautier Cholet Basket que ceux des clubs turcs. »

Le regard d’Antywane Robinson sur Erman Kunter : 
« La défense est sa priorité numéro 1 »

« Erman veut que tu joues à 100% chaque jour que ce soit en match ou à l’entrainement. Si tu te donnes à fond, il va couvrir les erreurs que tu peux faire. Par exemple, toutes ses équipes choletaises jouaient dur et la défense est bien sûr sa priorité numéro 1. »

erman-kunter1548017103.jpegAntywane Robinson côtoie de nouveau Erman Kunter avec qui l’ailier-fort a été champion de France en 2010. Un lien fort qui noue le joueur et le coach (photo : Simon Godet / Cholet Basket). 

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