Complètement inconnu du public français, alors qu'il est natif de Cannes et JFL du fait de son cursus aux Sharks d'Antibes, Stellan Rajaofera tente de faire décoller sa carrière professionnelle en Croatie, le pays dont il est international juniors. Découverte.
Qui est Stellan Rajaofera, ce joueur né dans les Alpes-Maritimes qui évolue en Croatie ?
Crédit photo : Marin Susic
Parmi toutes les pépites envoyées par Antibes aux quatre coins du monde, jusqu’à deux joueurs en finale olympique (Timothé Luwawu-Cabarrot en 2021 et Isaïa Cordinier en 2024), il est loin d’être le plus connu. Même au sein de la cuvée 2004, Zacharie Perrin fait clairement office de tête d’affiche. Et pourtant, le futur intérieur d’Hambourg n’est pas le seul de sa génération à évoluer en première division. Loin des radars français, Stellan Rajaofera (1,98 m, 20 ans) tente de se frayer un chemin vers le haut niveau au sein du championnat croate, sous les couleurs du KK Dubrava Zagreb.
Originaire des Alpes-Maritimes
Un exil en forme de retour aux sources. Pour cause, s’il a grandi à Mougins (Alpes-Maritimes), s’il possède de multiples origines (père français, mère suédoise, racines malgaches et monténégrines), s’il n’a grandi en ne disposant que du passeport suédois, le natif de Cannes est international croate juniors (voir ci-dessous), de par sa famille maternelle. « J’allais en Croatie, sur l’île de Lošinj, tous les étés voir mes cousins », se rappelle-t-il, attablé à un café de la place principale de la capitale Zagreb, où il a élu domicile depuis l’été 2023.
Une décision qui lui a permis de basculer prématurément vers le monde professionnel alors qu’il n’était pas vraiment destiné à cela plus jeune. Sportif touche-à-tout lors de sa jeunesse azuréenne, très porté vers le ski, Stellan Rajaofera a démarré le basket avec le SL Mougins. « Mais vraiment par défaut, parce que j’étais grand », sourit-il. Un loisir plus qu’un objectif. « Au collège, j’ai tout lâché pour le basket, mais sans me dire que j’allais devenir pro. »
Ce qui était effectivement loin de ressembler à sa destinée, lorsqu’il arrive à Antibes en U13 Région, d’abord sur un poste 3-4. Au centre de formation des Sharks, il aura enduré une première année sans jouer, le Covid et un replacement progressif à la mène. « Je lui ai dit assez vite qu’il avait un vrai potentiel mais il ne me croyait pas parce que je le faisais très peu jouer », retrace son formateur, Christian Corderas.
En EuroLeague juniors avec Vassilis Spanoulis
Mais vu que c’est « une éponge », Stellan Rajaofera a connu une « progression assez exponentielle », dixit son formateur Christian Corderas, qui le qualifie « d’éponge », jusqu’à se hisser parmi les jeunes Antibois les plus en vue, avec une sélection pour le tournoi final de l’EuroLeague juniors parmi l’équipe des meilleurs prospects européens, coachée par Vassilis Spanoulis, à la clef en 2022.
Ici tout à droite, Stellan Rajaofera a participé à 10 matchs pros avec Antibes (photo : Miko Missana)
Toutefois, lors de l’été 2023, Stellan Rajaofera estime que les ambitions de Betclic ÉLITE des Sharks ne peuvent pas coïncider avec ses aspirations personnelles. « Il fallait que je joue, c’était la suite logique pour moi », explique-t-il. De ce point de vue là, le meneur JFL n’a pas vraiment à regretter sa décision. Aperçu à dix reprises au plus haut niveau avec Antibes, la plupart du temps pour des miettes accordées lors des matchs de seconde zone (en Coupe de France ou Leaders Cup Pro B), l’Azuréen a depuis cumulé près de 80 rencontres avec Dubrava, avec un vrai rôle (près de 22 minutes de moyenne) mais une certaine irrégularité (7,3 points à 47%, 3 rebonds et 2,6 passes décisives).
« Le bon choix » de partir en Croatie
« Je sais que j’ai fait le bon choix », martèle-t-il, malgré les réticences initiales d’Antibes, qui avait tenté de le convaincre de rester un an de plus, arguant qu’il était trop tôt pour partir. « J’ai eu des petites difficultés au début mais je suis arrivé en savant que je méritais ma place. L’approche était différente qu’en Pro B, où j’étais un peu sur la pointe des pieds. Je débarquais d’une ligue ultra-physique, je pouvais directement défendre et ils pouvaient me faire jouer. Du coup, je réfléchissais à comment me mettre en valeur, tout en aidant l’équipe à gagner. »
Et puis, dans les Balkans, Stellan Rajaofera a découvert un tout autre style de jeu, aux antipodes de ses habitudes en Espoirs Pro B. « C’est beaucoup moins athlétique, ça va moins vite mais ça joue plus intelligemment », décrit-il. « Ici, j’essaye de jouer avec la tête et de courir. » Ce qui lui permet d’exploiter ses qualités au maximum, lui qui est présenté comme « un vrai créateur » par Christian Corderas. « ‘Je suis un meneur assez lourd, capable d’avoir un premier pas explosif et porté sur ledrive », complète l’intéressé. Avec un axe d’amélioration clair : le tir (25/62 à 3-points cette saison, soit 40%). « Une fois qu’il sera carré, je pense que beaucoup de choses pourront s’ouvrir. »
Croatian guard Stellan Rajaofera has fantastic burst and very crafty handle
The 6’5 guard has been playing great for the top league in Croatia coming off a year averaging 8.4 PPG and 2.7 APG, he then averaged 8/5/4 this summer in U20’s
Reste qu’une vraie interrogation demeure : quel est le vrai niveau du championnat croate ? « Je ne pourrais pas comparer avec la France », répond-il. « Il y a un niveau très hétérogène, avec des équipes en Ligue Adriatique et d’autres beaucoup moins fortes. C’est plus collectif, ça tire beaucoup mais ça triche aussi beaucoup en défense. »
« Pas du tout fermé au fait de revenir en France »
Ce qui entraîne l’autre souci pour lui : le manque absolu de médiatisation du championnat croate. « Je le sais depuis le début et j’avais conscience que je ne serais pas du tout exposé en signant ici », reconnait-il. « Il faut vraiment faire des grosses stats pour se mettre en avant mais ce n’est pas du tout un problème. » Sauf que les clubs désireux de le signer pourraient ne pas avoir forcément le même raisonnement. « J’essaye de suivre ses performances, de regarder ses matchs mais j’ai du mal à les juger parce qu’on ne sait pas exactement quel est le niveau du championnat », estime Christian Corderas. « J’espère qu’il pourra vite revenir en France car il a le potentiel pour y jouer. Ça nous permettrait de voir les progrès qu’il a fait sur deux ans en Croatie. »
Avec Dubrava, Rajaofera a tourné à 7,3 points à 47%, 3 rebonds et 2,6 passes décisives en 23 minutes de moyenne cette saison (photo : Marin Susic)
L’avenir, justement. Stellan Rajaofera reste sous contrat avec Dubrava jusqu’en 2026, mais aura forcément un premier choix à faire cet été. « Ce n’est qu’une étape ici, je n’ai pas le but d’y faire toute ma carrière. J’ai la chance de pouvoir être JFL en France et en Croatie, ce qui m’ouvre plus de possibilités. Ce sont les deux pays qui m’intéressent le plus et je n’ai pas du tout fermé la porte sur le fait de revenir en France. »
À plus long terme, le Mouginois rêve d’un parcours au sein du gratin continental. « Je suis ambitieux. J’ai envie d’avoir une carrière internationale et un bon club. Essayer de remonter la pente avec la sélection croate, ce serait franchement cool. Et mon objectif est de jouer au plus haut niveau européen, donc aller en EuroLeague serait l’idéal. » Dans ce cas-là, il n’y aurait plus de problème d’exposition…
Pourquoi a-t-il choisi la sélection croate
plutôt que les Bleus ou la Suède ?
Né en France, « culturellement plus Français qu’autre chose », Stellan Rajaofera ne dispose cependant pas officiellement de la nationalité française. Lors de sa jeunesse à Mougins, il a grandi avec le seul passeport suédois, hérité de sa mère, une Croate née et élevée en Suède. Depuis 2022, il évolue pourtant dans le giron de la fédération croate.
Auparavant, il a eu des contacts avec les trois fédérations. Lors de l’ANGT de Varese en 2022, il croise le Pôle France de Lamine Kebe, alors sélectionneur des U18, qui lui propose de venir « sans garantie ». Mais Rajaofera avait déjà participé l’été précédent à un stage avec la Croatie. « La fédération ne connaissait pas mon existence et je m’étais débrouillé personnellement pour entrer en contact avec eux. J’avais fait la même chose avec la Suède et aussi participé à un camp avec eux. »
Stellan Rajaofera est international croate juniors (photo : FIBA)
Après réflexion, « pour plusieurs raisons », Stellan Rajaofera choisit la Croatie et prend le passeport. « Ça me permettait d’être considéré comme joueur local, ce que je n’étais pas. » Depuis, il est resté fidèle à sa décision, participant à trois championnats d’Europe juniors, deux fois avec les U18 et une fois en U20. « On a eu des résultats très mitigés », regrette-t-il. « Il y a deux étés où c’était la honte », comme l’an dernier, lorsque la Croatie a échoué à remonter dans l’élite des U20, échouant à la 10e place de la division B.
Des résultats maussades qui collent avec la faible dynamique globale du basket croate, privé du vrai championnat d’Europe pour la première fois de son histoire. « Il y a un gros creux mais on va faire en sorte de remonter la pente », promet-il, ajoutant que son choix d’équipe nationale était désormais « définitif ».
Alexandre Lacoste est arrivé sur BeBasket en 2011, lorsque le site se prénommait encore Catch & Shoot. Amateur de portraits et de reportages, généralement au plus près des équipes de France lors des compétitions internationales, il aime chercher des angles originaux et des sujets qui vont au-delà du simple résultat sportif.
Alors, sans être méchant, j'ai l'impression que son choix, sans être par défaut, est de toute manière logique. En Suède, le niveau de développement du basket est assez faible, et en France, apparemment, trop élevé pour lui.
Répondre
(0) J'aime
jeildo
Intéressant. Je pense que le niveau du championnat croate doit être équivalent à la N1. Donc s’il revient en France, ça me paraîtrait cohérent qu’il évolue à ce niveau.
Commentaires