Jean-Denys Choulet et le maintien renversant de son club polonais : « Je ne suis pas rincé, ni dépassé ! »

Jean-Denys Choulet a remporté 8 de ses 13 matchs en PLK
Début février, quand on lui demandait pourquoi il acceptait de partir dans un tel bourbier, aux manettes d’une équipe lestée de douze défaites de rang et complètement décrochée en bas du championnat polonais (trois victoires de retard sur l’avant-dernier), Jean-Denys Choulet (66 ans) avait eu cette réponse désarmante. « Je n’ai rien à faire actuellement : entre rester chez moi à ne rien faire ou me lever pour aller travailler, franchement… Ce n’est pas ça qui va changer la face de ma carrière. »
Trois mois plus tard, force est de constater que le technicien originaire de Maîche a partiellement eu tort. S’il laissait entendre que sa future expérience polonaise n’aurait aucune conséquence sur son héritage, l’entraîneur double champion de France (2007 et 2017) a, au contraire, écrit un chapitre marquant de son parcours à Dabrowa Gornicza, ville sans charme du sud de la Pologne. JDC a hérité d’une situation catastrophique (14 défaites en 17 rencontres) mais a su ressusciter une équipe déjà enterrée, avec un bilan de 8 victoires en 13 matchs, pour finalement se maintenir. De retour en France, où il a assisté mardi au match Vichy – Hyères-Toulon afin de voir son ami Jean-Louis Borg, Jean-Denys Choulet a retracé son exploit polonais.
Jean-Denys, quand vous parliez de « mission presque impossible » en arrivant en Pologne début février, le mot clé dans la phrase était donc le « presque »…
(il rigole) Oui, visiblement ! C’est pour ça que j’ai voulu tenter le coup. Aaron Cel m’a envoyé un message pour me dire que c’était inimaginable ce que l’on a fait. Il m’a dit que personne n’aurait misé un seul kopeck sur notre maintien, qu’aucun coach ne voulait prendre le boulot, même avec un salaire bien supérieur, parce que c’était mort, archi-mort et enterré. Se maintenir à deux journées de la fin, c’est juste phénoménal. On a fait un truc qui a beaucoup d’impact en Pologne, ça a vraiment marqué les gens. Je ne pensais pas.
Quels ont été les leviers que vous avez activés ?
On a joué comme j’aime jouer : avec beaucoup de tactique, de stagger, de spanish pick, de back pick, de travail collectif. Ils ne sont pas habitués du tout au sein du championnat et on a fait beaucoup de dégâts avec ça. Des joueurs qui n’arrivaient pas à s’exprimer avant ont sorti le nez et ont été très bons. C’est ce qui nous a permis de nous sauver. En Pologne, on disait que nous étions l’équipe qui jouait collectivement le mieux au basket. Le collectif était très important chez nous car on n’avait pas d’éléments de grand talent, que des joueurs qui venaient de se faire virer, comme Tyler Cheese à La Rochelle. Certains sont venus me remercier à la fin, comme Raymond Cowels, parce qu’ils ont pris de la valeur avec moi.
« Ça aurait été beaucoup moins difficile de maintenir Roanne l’an dernier »
Dans quel état avez-vous trouvé le vestiaire lors de votre arrivée en février ? Les joueurs y croyaient-ils encore ?
C’était très compliqué. Mais quand j’ai commencé à mettre des systèmes en place, qu’ils ont vu que ça fonctionnait, que les shooteurs avaient les ballons, ils se sont dit « pourquoi pas ?! ». Les joueurs ont adhéré à 100% et ça a marché ! Teyvon Myers n’était pas un meneur, plus un poste 2, et l’arrivée de Cobe Williams à la mène fait beaucoup de bien aussi, il a fait plusieurs matchs de très haut niveau. C’est encore un jeune joueur, mais un gros talent du type de Jimmal Ball. Grâce à lui, on a passé un cap. On est devenu beaucoup plus dangereux.
Évidemment, ce n’est sûrement pas au niveau de vos titres de 2007 ou 2017, mais quelle place tiendra ce maintien dans les accomplissements de votre carrière ?
Ça me fait plaisir et ça me conforte ce que je pense, à savoir que rien ne remplace le travail collectif et la volonté d’avancer ensemble. J’ai eu énormément de messages et de coups de téléphone d’autres coachs qui m’ont félicité. C’était important pour moi. Surtout, ce que je voulais prouver, c’est que je ne pense pas que la décision de Roanne à mon égard était la bonne. On partait de beaucoup plus loin cette fois, à trois longueurs de retard, et on a terminé par 8 victoires en 13 matchs. Je pense que ça aurait été beaucoup moins difficile de maintenir la Chorale en Betclic ÉLITE que de maintenir Dabrowa Gornicza. On n’était pas largué, je venais de recruter Sekou Doumbouya, il restait dix matchs et je n’étais jamais descendu avec une équipe. Je ne le suis toujours pas d’ailleurs…

C’est vraiment cette volonté de revanche personnelle qui vous animait ?
Non, il n’y a rien de personnel. C’est juste le fait que j’aime les défis. J’en ai toujours eu, avec Gravelines à l’époque, Roanne ou Chalon. Je suis un fou furieux du travail, trop certainement, comme on me l’a reproché d’ailleurs à Roanne. Je pense que j’étais certainement l’un des plus motivés à maintenir cette équipe, même par rapport aux Polonais. Je ne vais pas dire que je m’en rendais malade, mais pas loin. Ma femme tentait de me raisonner mais j’avais vraiment à cœur d’y arriver. Et franchement, ça n’a pas été facile…
« La Pologne a été un petit laboratoire pour moi ! »
À quoi ressemble le championnat polonais ?
C’est très particulier. Le niveau est assez bon mais ça joue comme en G-League ou en NBA : isolation, pick and roll dans l’axe, isolation, pick and roll dans l’axe, etc. Sans arrêt ! Je suis farouchement opposé à ce style de jeu, ça me saoule, c’est d’une pauvreté affligeante.
Autre chose : en fin de saison, on a joué Anwil, une grosse équipe, et ils ont huit Ricains. Je leur ai dit en conférence de presse que s’ils voulaient développer le championnat polonais, ça ne peut pas marcher comme ça. Ils avaient une règle où il fallait absolument un Polonais sur le terrain et ils viennent de l’enlever. Les gros clubs auront donc cinq Ricains sur le terrain et les Polonais ne joueront pas. Ce n’est pas bon pour le basket, ils ne développent pas les jeunes joueurs. Ça se répercute sur l’équipe nationale, qui vient de prendre une volée monumentale par la Macédoine (76-88, et 48-82 trois jours plus tôt contre la Lituanie). Il ne faut pas s’étonner.
Jean Denys Choulet: Nie umiem zrozumieć, dlaczego tak dużo obcokrajowców gra w PLK. Uważam, że powinno być więcej polskich zawodników na parkiecie. Talenty, które siedzą na ławce, nigdy się nie rozwiną.#plkpl
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— Karol Wasiek (@K_Wasiek) May 5, 2025
À 66 ans, avez-vous pu progresser dans votre coaching grâce à cette expérience polonaise ?
Bien sûr ! J’ai vu d’autres choses, d’autres façons de défendre, d’autres façons de mettre les choses en place. La Pologne a été un petit laboratoire pour moi. J’ai pu essayer des nouveaux systèmes de jeu, étant donné que j’avais pris beaucoup de temps avant à analyser les formes de jeu d’EuroLeague ou ailleurs, pour voir ce que je pouvais adapter à mes joueurs. Mattias Markusson ne touchait pas la balle avant, il faisait que des double-doubles à la fin, je faisais des systèmes que pour lui. Avant, mon équipe faisait les systèmes du Fenerbahçe ou du Real Madrid. Mais quand tu prends les systèmes du Fenerbahçe sans les joueurs, ça ne sert pas à grand-chose.
Quid de votre avenir désormais ?
Mon contrat avec le MKS était garanti en cas de maintien mais je ne sais pas encore ce que le club va devenir. J’ai eu deux-trois contacts avec des clubs polonais mieux classés mais je ne peux pas dire en ce moment si je repartirai vers la Pologne. J’ai également eu quelques touches en France mais attendons la fin du championnat. En tout cas, ça me conforte dans l’idée que je ne suis ni rincé ni dépassé. La façon dont s’est passée mon éviction à Roanne a laissé des traces qui m’ont fait beaucoup de mal à tous les niveaux mais je suis content de voir que je peux encore apporter à un club et que ma passion pour ce sport est intacte.

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