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Les coulisses de « Bonnes vacances », le livre sur le triplé du Limoges CSP de l’an 2000

Fin mai 2020 est sorti un livre sur le basketball français. Ce livre, il retrace la saison 1999-2000 du Limoges, une saison particulière aussi bien sur les terrains qu’en dehors. En effet, l’une des meilleures équipes montées dans l’histoire du basketball français a été construite dans un contexte administratif et financier très difficile. Malgré les déboires, les incertitudes, les retards de paiement, les entraînements toujours plus rudes d’un jeune coach montant, Dusko Ivanovic, le Cercle Saint-Pierre a réalisé un triplé Coupe de France – Coupe Korac – Champion de France historique. Un succès sans lendemain puisque le club a été relégué administrativement en Pro B à l’été 2000.

C’est de cette histoire que traite le livre « Bonnes vacances » – une phrase lancée par le capitaine emblématique Yann Bonato au micro de Philippe Guillin -. Pour les éditions Entorse, deux journalistes férus de basket, François Chevalier (qui écrit habituellement pour Telerama) et Jérémy Le Bescont (également sur Telerama mais aussi Le Monde, France 3 ou encore BasketUSA) ont rencontré moult acteurs de l’époque qui reviennent sur cette saison haute en couleurs.

Ecrire un bouquin sur le basketball français, ce n’est pas commun. Comment vous est venue l’idée de plancher sur ce sujet ?

François Chevalier : En 2019, j’ai proposé à Stéphane Peaucelle-Laurens, boss des éditions Entorse, d’écrire un grand papier sur le CSP 2000 en prévision des 20 ans de cette folle épopée. Peu de temps après, le 21 juin, on dine avec Jérémy et le sachant proche des affaires limougeaudes — il venait notamment de signer un portrait de Céline Forte pour Le Monde — je l’informe de mon intention. Il me dit qu’il ambitionne lui aussi d’écrire sur ce sujet depuis fort longtemps. Nous avons simplement fusionné nos envies ! Très vite, le format du livre s’est imposé dans la mesure où nous voulions écrire l’histoire la plus complète possible.

Jérémy Le Bescont : Cela faisait une dizaine d’années que je souhaitais faire quelque chose autour de cette histoire, j’avais auparavant pensé à un docu puisque j’étais proche de France 3 mais je ne suis pas documentariste et la tâche me paraissait énorme. Au fil des années, j’avais toujours cette idée dans un coin de la tête mais l’échéance 2020 s’approchait et selon moi, c’était cette année ou jamais : à l’occasion des vingt ans. C’est vraiment un gros coup de bol qu’on se soit vus à ce moment-là avec François et que le sujet soit tombé sur la table. En revanche, lorsqu’on s’est lancé, nous n’avions pas d’éditeur, c’est après quelques rencontres avec d’autres maisons que François m’a convaincu d’aller chez Entorse. Il avait raison puisque nous n’aurions pas pu trouver quelqu’un d’aussi investi, aussi bien sur l’histoire que sur l’objet, que Stéphane.

« Une année qui symbolise l’essence de ce club : haut en couleurs, toujours dans l’excès et souvent victorieux »

A l’époque, vous aviez pu suivre cette aventure limougeaude ?

F.C : Dans mon cas, j’avais 20 ans en 2000. J’étais étudiant à la faculté de Limoges. Je me souviens très bien de l’ambiance qui régnait en ville. L’impression que la ville poussait à fond derrière son équipe. Pour avoir assisté à plusieurs rencontres en championnat et en coupe d’Europe, l’atmosphère de Beaublanc était surréaliste. La salle vibrait comme à ses plus belles heures, dans un contexte dramatique où l’on ne savait pas si le club allait survivre. Chaque match était peut-être le dernier.

J.L.B : Je n’ai pas l’âge avancé de François donc j’étais trop jeune pour 1993 (rires). En revanche, j’étais un jeune ado en 2000 et c’est la première grosse épopée limougeaude que j’ai pu suivre. Je me souviens vraiment de l’atmosphère de l’époque, des matchs diffusés sur la chaine municipale parce que la mairie cherchait des moyens pour soutenir le club, de demander à ma mère s’il était possible d’aller à l’aéroport pour accueillir les joueurs et de recevoir un refus parce qu’il y avait collège le lendemain. C’était vraiment une année à part et qui, selon moi, symbolise vraiment l’essence de ce club : haut en couleurs, toujours dans l’excès et souvent victorieux.

Vous étiez deux, comment avez-vous fait pour retrouver la trace de toutes les personnalités que vous avez interrogées ?

F.C : On s’est réparti la tâche de manière équitable, assez naturellement. Nous avons récolté plus de trente témoignages chacun, sans compter les nombreuses sources qui nous ont permis de vérifier beaucoup d’infos. La première phase consistait à récolter un très grand nombre de témoignages. Tous les joueurs et les dirigeants dans un premier temps ; des adversaires, des journalistes et des personnalités périphériques dans un second. Il est clair que les réseaux sociaux nous ont permis d’accélérer nos recherches. Mais dans certains cas, ce fut quand même particulièrement difficile. Par exemple, Marcus Brown, dont nous avons retrouvé la trace via le Twitter de l’équipe qu’il coache dans l’Arkansas, nous a donné le contact de son assistant à West Memphis et c’est ce dernier qui filtrait les appels, entre les séances d’entraînements. Jérémy a dû s’y reprendre à plusieurs reprises avant d’obtenir le « yes » de Marcus. Jean-Paul de Peretti est encore actif. Nous avons donc simplement appelé au siège de plusieurs de ses entreprises. Et au départ, il ne souhaitait pas s’exprimer. Il a finalement changé d’avis en dictant ses conditions : « je fais les questions et les réponses ! » (rires). Pour Dusko Ivanovic, c’est son agent qui nous a mis en relation avec lui et ce fut épique. Au terme de plusieurs mois d’échanges par WhatsApp, de messages sur son répondeur, de textos… Il a craqué le 6 mars en nous écrivant un texte poignant. Ivanovic a été profondément marqué par cette aventure et il n’est pas du genre à regarder dans le rétro. L’abnégation de Jérémy a porté ses fruits. Il n’a rien lâché !

J.LB : Très sincèrement, le travail le plus long a bien été de les retrouver ou de les convaincre : pour quelqu’un comme Didier Rose, cela a été relativement simple mais des gens comme Carl Thomas, Marcus Brown ou Harper Williams, ce fut la galère. Je pense aussi à notre grand absent, Bruno Hamm, que j’ai sollicité pendant des mois pour obtenir un ultime refus glacial. De manière toute aussi surprenante, quelqu’un comme Patrick Drahi, le patron d’Altice, m’a répondu en moins d’une heure par l’intermédiaire de son bras droit. C’était très variable selon les interlocuteurs. C’était aussi intéressant de contacter les adversaires de cette équipe : peu ont refusé, hormis Didier Gadou qui a visiblement lu les messages de François sans daigner y répondre, la plaie est encore vive (rires) mais un gars comme Laurent Sciarra, pote de Bonato, a dégainé sans hésiter et m’a fait une interview géniale. Des gens comme Goran Jagodnik, James Bryson, coach Trifon Poch Lopez, Jean-Marc Jaumin, Makan Dioumassi ou Amara Sy étaient tous ravis d’évoquer cette époque… alors qu’ils ont pris des pilées par le CSP !

François Chevalier et Jérémy Le Bescont ont interrogé une soixantaine d’acteurs de l’époque

Combien de temps vous a pris de réaliser tous ces entretiens ?

F.C : Nous avons stocké les entretiens durant six mois, entre juillet 2019 et janvier 2020, avant de nous atteler à la l’écriture du récit. Comme dans une enquête classique, on est remonté jusqu’au conseiller de Patrick Drahi, au comptable du CSP et au commandant du SRPJ qui a piloté les gardes à vue. En termes de planning, il y a eu quelques exceptions comme Freddy Fauthoux, Gregor Beugnot ou Antoine Rigaudeau qui ont été enregistrés en « dernière minute. » Nous avons dérushé plus de 400 000 signes au total, tout en consacrant beaucoup de temps aux archives et aux recherches photographiques.

J.L.B : On a commencé par Fred Weis en juillet, je le connais très bien, on vit tous les deux à Limoges, on a parfois bossé ensemble à la radio et c’est un très bon client. Il était heureux de revenir sur cette histoire mais je pense qu’il avait du mal aussi à cerner ce qu’on souhaitait faire. En revanche, il nous a énormément facilité la tâche pour trouver certains contacts et je l’en remercie. En fait, les entretiens n’ont jamais vraiment cessé : François a retrouvé Rigaudeau à la toute fin, j’ai fait Makan pendant qu’on écrivait les derniers chapitres, Celia Weis aussi. Chaque interview nous invitait à aller plus loin avec d’autres interlocuteurs et c’était parfois difficile de ne pas céder à cette tentation.

« J’ai été surpris par la mémoire de Marcus Brown » 

F.C : Il a fallu passer des journées au service de l’Inathèque à la BNF pour revoir les journaux télévisés, visionner les matchs précieusement conservés par des passionnés comme Mehdi Tahmi du site BBall Channel. On a travaillé dans les conditions d’un journaliste de l’ère pré-internet car très peu de ressources sont disponibles sur la toile. C’était un vrai challenge, dur mais passionnant.

J.L.B : J’ai eu la bonne idée de conserver tous mes numéros de Basket Hebdo, Basket Hebdo le Mag, News et Maxi/MVP Basket. François avait des vieux L’ Equipe Magazine. C’était une mine d’or mais comme on travaillait à distance, il a fallu aussi passer des heures à les scanner sur le matos de nos rédactions respectives (rires). François a raison d’évoquer le manque d’informations en ligne, c’est quelque chose que l’on a subi : ce patrimoine n’a absolument pas été mis en valeur par la ligue, ni la FIBA si l’on doit évoquer la coupe Korac. Heureusement qu’il y a des initiatives privées comme Basket Retro ou BBall Channel.

Les interlocuteurs semblaient-ils encore marqués par cette épopée ?

F.C : Pour la plupart des joueurs de l’équipe du CSP 2000, il s’agit du plus grand souvenir de toute leur carrière. Yann Bonato, Frédéric Weis, Stéphane Dumas, Jean-Philippe Méthélie… ont été marqués au fer rouge par cette saison. Comment peut-il en être autrement ? Cette année-là, ils ont absolument tout connu : l’épopée sportive, le tourbillon judiciaire, les problème économiques, la ferveur de Beaublanc…

J.L.B : J’ai été par exemple surpris de la mémoire de Marcus Brown et son enthousiasme au moment de revenir sur cette saison. C’est tout de même un joueur qui a par la suite marqué l’Europe, il a posé son empreinte sur tout le continent et il se souvient parfaitement de cette campagne limougeaude, sa deuxième en France. Il en parle avec des souvenirs émus ou rigolards, il n’a pas oublié l’attachement qu’il avait pour ses coéquipiers. Steph Dumas, c’est l’un des plus émouvants à mon sens, c’était un gamin, il en parle aujourd’hui avec les mêmes yeux de gamin. Mais il n’y a pas que les joueurs, le kiné François Buffaud, Celia Weis et Elham Rupert, tous ceux qui ont gravité de près ou de loin de cette équipe l’évoquent comme la plus belle, finalement pas tellement sur le plan sportif mais surtout humain.

« J’aurais aimé un petit signe de la LNB et de la FFBB »

Quels retours avez-vous eu depuis la publication du livre depuis le 27 mai ?

F.C : D’abord celui des joueurs et du staff qui sont profondément touchés par l’exhaustivité des témoignages, l’originalité de la forme avec beaucoup d’archives et de l’objet qui a été pensé par les éditions Entorse. Ensuite, celui des supporters du CSP que nous avons rencontré lors d’une séance de dédicaces au mois de juin à la librairie Page & Plume à Limoges. Les fans du CSP sont à fleur de peau et quand ça ne leur plait pas, ils vous le disent, sans détours. Et dans l’ensemble, le livre a été très bien reçu par le public ciblé qui était ravi de replonger dans cette saison rocambolesque, peut-être la plus marquante de l’histoire du club dans le sens où elle a signifié la fin d’une époque, celle du Limoges qui gagne. Néanmoins, nous sentons que l’histoire a le potentiel pour dépasser les frontières limousines, voire françaises, puisque Roland Lazenby a comparé Bonnes vacances ! à The Last Dance. Ce qui forcément, de la part du biographe de Michael Jordan, est très inattendu et flatteur. Pour le moment, la LNB et la FFBB n’ont pas communiqué sur le projet.

J.L.B : Comme je l’ai dit tout à l’heure sur Fred, je pense qu’aucun d’entre eux n’imaginait vraiment à quoi ressemblerait ce bouquin et je crois que tous ont été surpris. Après, ce n’est pas vraiment de notre fait et il faut saluer Studio Helmo et Stéphane d’Entorse pour ça : c’est vraiment un bel objet. Je pense que François et moi étions vraiment stressés par le retour de Yann Bonato… et puis soulagés. Pour nous deux, Yann était la star à cette époque, on sait aussi que c’est un caractère. S’il avait tiré la tronche, on aurait été effondrés. Pareil pour les supporters qui sont exigeants : François a de la chance, il ne vit plus à Limoges, contrairement à moi. Au moment de la sortie, j’avais vraiment peur qu’on m’interpelle dans la rue pour crier au scandale (rires) ! Didier Rose, alors qu’il n’est pas particulièrement épargné, m’a dit qu’il avait aimé le livre, lui qui ne lit pas selon ses mots. Tous ces retours nous font vraiment chaud au cœur parce qu’on s’est vraiment fait du mal sur ce projet, c’était très chronophage parce qu’on bosse tous les deux à côté. En revanche, c’est vrai que j’aurais aimé un petit signe de la ligue et de la fédé. A l’heure où l’on se plaint du manque de médiatisation du basket français, il y a une petite équipe qui s’est tuée à la tâche pour sortir un livre qui met, j’en suis convaincu, à l’honneur le patrimoine de notre basket et on n’a pas eu un clin d’œil. Pour ceux qui suivront sur des projets similaires, j’espère que c’est quelque chose qui changera.

Écrire sur l’histoire du basketball français, c’est si rare. Vous aimeriez poursuivre avec un nouveau sujet ?

F.C : Pour ma part, ce n’est pas à l’ordre du jour mais si l’occasion se présente et que le projet en vaut la chandelle, pourquoi pas. En 2020, le passionné de basket a les yeux rivés vers la NBA, à juste titre d’ailleurs, mais en certaines occasions, il me parait important de rappeler que le basket français a lui aussi de belles histoires à raconter, si on s’en donne la peine. Le parcours de Moustapha Sonko, la French Team de Pau en 1996, Sydney 2000 pour les garçons, Londres 2012 pour les filles… Mais il y a encore du boulot, y compris du côté de nos instances pour valoriser cette histoire. En travaillant l’entretien avec Antoine Rigaudeau, j’ai pu constater que la fiche du joueur n’était pas à jour sur le site de la LNB.

J.L.B : Il y a quelques semaines, j’aurai répondu non parce qu’à nouveau, cela a vraiment été épuisant mais au bout du compte, oui, j’ai d’autres envies. J’aimerais également mettre en valeur le basket féminin parce qu’autant les victoires européennes dans notre basket masculin sont rares, autant on ne peut pas dire la même chose pour son homologue féminin. Et il y a des histoires tout aussi poignantes chez les femmes. J’ai aussi en tête un projet numérique mais tout ça ne dépend pas de moi, loin de là. Wait and see…

Pour finir, pourriez-vous nous dire ce qui fait la force de cette histoire selon vous ?

J.L.B : Selon moi, cette histoire est hors norme grâce au facteur humain. Souvent, le basket, le sport professionnel en général, c’est avant tout des mercenaires. Ce n’est pas un gros mot, Fred Weis le dit lui-même, mais ce n’est pas forcément fédérateur non plus. Sans tomber dans la nostalgie, cette histoire est celle d’une autre époque, où les joueurs nationaux et étrangers se sont ralliés pour former un groupe solidaire quelles que soient les circonstances. Un président de club s’est démené, sans doute excessivement puisqu’il en a perdu de sa lucidité, pour sauver ce club. La ville entière s’est mobilisée. Une grosse partie de la France s’y est intéressée. Or, aujourd’hui, c’est rare que le basket français suscite autant d’attention, si l’on enlève le travail de représentation que fait Tony Parker pour l’ASVEL. Cette histoire est celle d’hommes et de femmes qui sont allés jusqu’au bout, parfois au détriment de leur santé, pour sauver leurs couleurs. C’est forcément poignant.

F.C : On parle d’une saison où les joueurs français font des sacrifices financiers pour sauver leur club tout en gagnant tous les trophées qui se présentent à eux. D’un groupe exceptionnel piloté par Yann Bonato qui se transcende au moment d’affronter l’adversité. Et comme le scénario manquait de piment, au mois d’octobre, le SRPJ perquisitionne les bureaux du CSP, en janvier les dirigeants sont placés en garde à vue, l’agent Didier Rose est incarcéré, le président Jean- Paul de Peretti promet l’arrivée de capitaux asiatiques… Et tout ça se passe à Limoges, qui à l’époque est la vitrine du basket français. Même un bon auteur de polar n’aurait pas osé. 

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