Quand un photographe français devient basketteur international : l’improbable destin de Lucas Frayssinet aux Féroé

Le Français Lucas Frayssinet, en bas à gauche avec son n°8, a fait partie de l’équipe des Îles Féroé la semaine dernière
Quand on a joué, au maximum, en Régionale 2 en France, on ne s’attend certainement pas vraiment à devenir un joueur international un jour… C’est pourtant le destin vécu par Lucas Frayssinet (26 ans), qui a défendu les couleurs des îles Féroé toute la semaine dernière lors des Jeux des Îles.
« On est 50 000 à vivre au milieu de l’océan ! »
« C’est une sensation vachement différente par rapport au club », nous soufflait-il lundi après-midi, de retour dans la capitale Torshavn, alors que la fête nationale de cette province autonome du Danemark battait son plein autour de lui, entre parades et courses d’aviron. « Tout le monde se connait ici, on est 50 000 à vivre au milieu de l’océan. Les gens ont une vraie fierté de représenter les Féroé. Personnellement, c’est un pays qui est dans mon cœur donc c’était gratifiant de jouer pour lui. »

Parti s’installer au cœur de l’archipel scandinave de l’océan Atlantique (situé entre l’Islande et la Norvège) après la crise du Covid, Lucas Frayssinet n’avait évidemment pas déménagé à la base pour devenir international féroïen. Plutôt pour des raisons professionnelles après un coup de foudre à l’égard des Féroé lors d’un premier voyage « en mode vagabond, sac à dos » pour un projet universitaire lié à ses études de photographie.
Joueur depuis son plus jeune âge, successivement à Tournon-d’Agenais puis Penne-d’Agenais, le basket est rapidement arrivé dans sa nouvelle vie féroïenne. « Trouver un club est même l’une des premières choses que j’ai faite », précise-t-il. « Pour l’intégration en tant qu’étranger, c’est un bon élément. »
Champion des Féroé
avec la double casquette entraîneur – joueur
Malgré des projets professionnels qui ne cessent de s’étoffer, entre un long métrage dont le tournage s’est terminé dimanche, l’écriture d’un documentaire pour la télévision française et ses reportages photographiques, Lucas Frayssinet a également pris du galon au sein du basket local. De joueur à mi-temps au début, il est désormais devenu entraîneur – joueur, champion des Féroé chez les hommes et chez les femmes, et donc même international féroïen pour la première fois !

La récompense d’une saison collective quasi-parfaite avec son club d’Hamar (une seule défaite) puisque le Lot-et-Garonnais et ses coéquipiers ont pris cinq des douze spots possibles de la sélection, et de règles assouplies, puisqu’il ne faut pas nécessairement avoir le passeport des Îles Féroé (ce qui n’est pas son cas) mais simplement attester d’une année de résidence sur place.
Une médaille d’argent aux Jeux des Îles
Ainsi, Lucas Frayssinet était du voyage vers l’île d’Anglesey (Pays de Galles) la semaine dernière afin de participer aux Jeux des Îles, une compétition internationale qui réunit 24 îles depuis 1985. « Je l’ai su au mois de mai », raconte-t-il. « La liste n’était pas tout à fait définitive mais j’ai fait partie des premiers sélectionnés donc j’étais content. »
Si le basket n’était pas officiellement inclus aux Jeux des Îles cette année, Lucas Frayssinet a pourtant participé à un moment historique pour la fédération féroïenne : la première médaille de l’histoire de la sélection, avec une jolie deuxième place décrochée grâce à quatre succès (84-65 contre l’île de Man, 63-62 face à Jersey, 68-58 contre Guernesey, 85-51 face aux îles Malouines) et une seule défaite (56-73 contre Anglesey, le futur vainqueur).

Un game-winner contre Jersey
Un podium où le Français (seul non natif des Féroé avec un Islandais) a tenu un rôle clef en renversant Jersey d’un shoot décisif lors du deuxième match, alors que son équipe a frôlé les 30 points de retard en première mi-temps.

« Ce tir, c’est ma petite victoire personnelle », sourit-il. « Il y avait 60-62 pour eux à 6 secondes de la fin. J’ai réussi à piéger mon défenseur en faisant croire que j’allais faire à l’écran à l’opposé. Le gars avait deux pas de retour sur moi donc j’ai eu le temps de récupérer la passe et de shooter. »
👏 Lucas Frayssinet a même eu droit à son moment de gloire avec un shoot décisif, à 4,4 secondes du buzzer, contre l’île de Jersey.
🗣️ « Ce tir, c’est ma petite victoire personnelle ! »
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— BeBasket (@Be_BasketFr) July 31, 2025
Un podium qui vient conforter les Féroé dans leur volonté de faire grandir le basket local. Pour l’instant, les Jeux des Îles restent la compétition suprême auquel peut prétendre la province autonome, non affiliée à la fédération internationale. C’est pourtant le cas en football (avec six matchs France – Féroé depuis 2004) ou en handball, où les U21 viennent de décrocher une incroyable médaille de bronze à la Coupe du Monde U21. « Il y a une formation hors du commun en termes de sport sur place », raconte le Tournonnais. « Ils ont mis énormément de pognon depuis une dizaine d’années. »
Face aux Philippins des usines de poissons
Pourtant, la balle orange passe largement au second plan sur l’archipel, derrière le trio football – handball – aviron, bien plus médiatisé. Lucas Frayssinet estime que la sélection est d’un niveau équivalent à la Prénationale. Quant au championnat, il reste évidemment totalement amateur, à l’image de ces équipes remplies de joueurs philippins qui travaillent à côté dans les… usines de poissons. « Le style de jeu est assez spécial : ce n’est pas du streetball mais c’est plutôt décousu quand même. » La faute à une absence totale de culture basket au niveau local. « Il y a très peu de coachs féroïens. Le sélectionneur est un Danois, Thomas Johansen, qui est très bon. Nous, les entraîneurs étrangers, on apporte une forme de rigueur qui est assez nouvelle, un peu plus de sérieux. » Et inversement, le basket féroïen peut offrir à certains étrangers, comme un ex-étudiant photographe français « en kif sur les territoires froids et extrêmes », l’aventure d’une vie…




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