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Décès de Pierre Murtin : le basket bressan pleure l’une de ses légendes

Jusqu’au bout, il aura voulu coacher. Début mars, juste avant le premier confinement, en l’absence momentanée de Maxime Vasselin, il a pris en main l’équipe de Nationale 3 féminine des Bresse Eagles pendant deux semaines et a mené la CTC Bourg-Viriat à une victoire contre les Haut-Savoyardes de Cran Pringy (71-59). La passion du jeu, toujours. Même officiellement retiré du coaching, Pierre Murtin restait largement au contact des U18 de la JL Bourg et n’avait pas su quitter les salles de basket. Ce n’était pas le plan d’ailleurs. 

Tout ce qu’il voulait, c’était s’éloigner de la pression de la compétition, devenant « plus négative que positive » au fil des années. Lui qui a toujours été loué pour ses qualités humaines voulait éviter de « devenir acariâtre ». Malheureusement, Pierre Murtin a dû disputer le match de sa vie une fois l’heure de sa retraite venue. Gravement malade, il n’avait que peu de chances de le gagner. Et après des mois de lutte, la mauvaise nouvelle est malheureusement tombée ce 31 décembre 2020 : Pierre Murtin a rendu les armes, à l’âge de 66 ans. 

« C’est un monument  »

Une tragédie pour le basket aindinois qui perd l’un de ses plus beaux ambassadeurs. « C’est un monument, il n’y a vraiment pas de mots », souffle, très ému, Laurent Tissot, ex-manager général de la Jeu et actuel directeur des opérations basket du comité de l’Ain. « C’est quelqu’un qui a fait rêver un nombre incalculable de personnes. Avec sa façon de jouer, il a fait vibrer du monde. Sur le terrain, les gars se donnaient à 150% pour lui car il arrivait à faire sortir le meilleur de chaque individu et le meilleur d’un groupe. Honnêtement, à ce niveau-là de compétition, c’est vraiment du rarement vu. On peut un peu le comparer à Pascal Donnadieu qui est arrivé en EuroLeague en partant du plus bas niveau. Mais la vibration, les images et les souvenirs que Pierre va laisser, c’est un héritage considérable, comme peu en France. Et surtout le vide qu’il va laisser, humainement comme sportivement… C’était une crème, il avait zéro ennemi. Il acceptait beaucoup de choses, ce n’est pas lui qui choisissait véritablement les joueurs par exemple, mais il faisait avec. Il faisait passer l’amour du beau jeu avant tout le reste, y compris ses intérêts. Il fallait voir sa façon de travailler ! Pierre a été capable de faire faire des exercices de collège à des joueurs américains. Certains l’ont regardé avec des yeux d’ahuris en débarquant ! Mais ça a marché car il a eu des résultats avec toutes ses équipes et il a fait progresser plein de joueurs. »

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Un an et demi après avoir été sacré champion de France cadets avec la JL Bourg, Pierre Murtin s’est éteint
(photo : Jacques Cormarèche)

Avec ses 43 saisons ininterrompues de coaching, Pierre Murtin était connu comme l’homme qui a entraîné toutes les catégories, des mini-poussins à la Pro A. Né le 14 février 1954 à Bourg-en-Bresse, il a d’abord pratiqué la gymnastique à l’Alouette des Gaules puis le rugby à l’US Bressane avant de découvrir la balle orange du côté de l’ASPTT Bourg. Au sein du club du quartier des Vennes, il découvre alors ce qui constituera ensuite le fil rouge de son existence. « J’ai commencé le coaching quand j’étais cadet », nous avait-il raconté en septembre 2018. « Il n’y avait jamais personne pour entraîner les toutes petites catégories. J’étais le plus mauvais entraîneur du monde à ce moment là, je l’avoue, et je le suis peut-être encore un peu », poursuit-il, avec la modestie qui l’aura caractérisé tout au long de son parcours.

Coup de foudre à Nancy

Parti ensuite au CREPS de Nancy afin de décrocher son diplôme de professeur d’EPS, il a son vrai déclic basket en Lorraine sous la tutelle de Pierre Jouvenet. « C’est là-bas que j’ai compris que j’étais fait pour ce sport », se souvenait-il. Licencié pendant trois ans au SLUC, il évoluera entre 1974 et 1976 en Nationale 2, l’équivalent de l’actuelle Pro B. « J’ai vécu mes meilleures années de joueur de basket à Nancy », avait-il expliqué au Progrès en janvier 2003. « Moi qui évoluait en championnat régional avec l’ASPTT Bourg, je me suis retrouvé propulsé dans le cinq majeur d’un club de haut niveau et ce fut une aventure fabuleuse. » De retour dans sa ville natale, il défendra ensuite les couleurs de la JL Bourg entre 1976 et 1991, les deux premières années en Nationale 2 puis le reste à l’échelon inférieur, tout en entraînant des jeunes et l’équipe féminine du club.

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1976/77 : revenu de Nancy, Pierre Murtin (n°5) signe son retour à la Jeu, alors en deuxième division

Rattrapé par des douleurs aux genoux, Pierre Murtin troque ensuite définitivement son short pour le costume de coach. Dès l’année 1991, alors que la Jeunesse Laïque vient d’être reléguée en Nationale 4, il prend en main l’équipe fanion et est à l’origine de la formidable montée en puissance du club burgien. En binôme avec Christian Diot (le père d’Antoine) jusqu’en 1995 puis seul aux manettes pendant deux saisons supplémentaires, il multiplie les accessions, s’offre le titre de champion de France de Nationale 2 en 1996 et se qualifie pour les playoffs de Pro B (6e) au terme de sa première saison en LNB en 1996/97. « La génération des Jean-Luc Tissot, Fabrice Serrano, Xavier Boivin, Jérôme Monnet me touche particulièrement », nous disait-il à Montaigu, il y a deux ans. « C’est une génération qu’on a porté de la Nationale 4 à la Pro B et ils sont rentrés en Pro A après. » Avec également la star de l’époque, l’Américain Eric Nordmann, qui fut le chaînon manquant à cette ossature tricolore, puis sûrement le plus grand joueur vu sous ses ordres, Crawford Palmer, subtilisé à Fos-sur-Mer (NM2) en 1996 et devenu vice-champion olympique avec l’équipe de France quatre ans plus tard.

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1980/81 : âgé de 26 ans, Pierre Murtin entraîne l’équipe féminine de la JL qui finira
par accéder à la NF3 sous son égide

Coach tout terrain

Pas du tout carriériste, Pierre Murtin aurait peut-être pu faire fructifier sa réputation naissante par un autre poste prestigieux loin de ses racines. Mais ce n’était pas dans la nature de l’homme, introverti, qui se targuait de ne jamais avoir envoyé une seule lettre de motivation au cours de son parcours. « J’ai toujours privilégié les choix affectifs », avouait-il l’année dernière au Comité de l’Ain. « Sur le moment, peut-être m’a-t-on pris pour un fou, mais au final… Je suis content de ce que j’ai fait. […] Timide j’ai besoin d’être en confiance. Si j’avais envoyé une candidature, c’était une façon de me mettre « tout nu », alors qu’en attendant que l’on vienne me chercher il y avait la preuve d’une confiance en moi, ce qui était nécessaire pour moi. » L’après-Pro B en 1997 en fut sûrement le plus bel exemple : non prolongé à la tête de l’équipe première, il accepta finalement l’offre de la… JL Bourg qui lui proposait de prendre en main l’équipe fanion féminine, tout juste promue en excellence régionale, et de s’occuper de la mise en place d’un centre de perfectionnement destiné aux benjamins et aux minimes garçons et filles. « Il aurait certainement pu aller ailleurs et avoir de très bons résultats mais c’était un amoureux de la Bresse », résume Laurent Tissot.

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1996/97 : cinq ans après avoir pris l’équipe en NM4, Pierre Murtin découvre la Pro B avec la JL Bourg
(photo : anciens de la JL Bourg)

« Je suis un accompagnateur de talents », aimait-il se définir. Et ce quelque soit le niveau où il officiait : U13, U15, Nationale 2 ou 3, Régionale, catégorie masculine ou féminine, peu importe… « Quelque soit l’équipe que j’avais, ça me plaisait. Prendre des minimes ne me dérangeait pas du tout. C’est la passion qui nous anime tous. » Il alla même jusqu’à enfiler la tunique d’adjoint pour seconder ses successeurs sur le banc de la JL Bourg, Alain Thinet et Patrick Maucouvert, ou prêta assistance à Nordine Ghrib en 2010 à la tête de l’armada villeurbannaise, dans la foulée du limogeage de Vincent Collet. 

Dans la lessiveuse de la Pro A…

Discret, empathique et bienveillant, Pierrot ne recherchait pas la lumière des projecteurs. Mais une fois a-t-il dû être accepté d’être mis en avant. C’était en 2002, la JL Bourg vivait sa deuxième saison en Pro A et le club de l’Ain était en perdition après quatorze journées, avec seulement une victoire au compteur. Alors, Pierre Murtin avait accepté de jouer les pompiers de service, remplaçant son ami Mike Gonsalves. Il avait su redresser la situation, permettant à la Jeu de disputer les barrages (avec un bilan personnel de 6 succès en 16 matchs) mais Châlons-en-Champagne avait envoyé les Bressans en Pro B au terme de la demi-finale des playdowns. Relégation finalement annulée par la rétrogradation d’Antibes et le dépôt de bilan de Montpellier. 

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2001/02 : Jean-Gaël Percevaut (n°12), DeRon Hayes (au premier plan à gauche),
Sébastien Lafargue (à sa droite) ou Jean-Luc Tissot écoutent les consignes de Pierre Murtin,
désigné pour une mission sauvetage de la Jeu en Pro A
(photo : JL Bourg)

« La Pro A à Bourg, c’était plutôt un service qu’on m’avait demandé », nous avait-il dit en septembre 2018. « C’est difficile de refuser de la Pro A quand on a fait un peu de Pro B. C’était une expérience assez intéressante. » Intéressante, certes, mais éprouvante, surtout. Particulièrement lorsque l’on cumule la charge d’une équipe professionnelle avec le rôle de professeur de sport dans un collège… Ce qu’il ne nous avait pas dit à l’époque, c’est qu’il avait souffert humainement lors de cette demi-saison. Marqué à vie par l’aventure vécue avec la bande de potes des années 90 à la JL, Pierre Murtin avait trouvé lors de sa prise de poste une équipe sans cohésion, scindée en deux, les multiples recrues étrangères de l’été 2001 faisant bande à part du reste du groupe. La cohabitation fut notamment difficile avec le meneur américain Terrel Castle, futur pensionnaire d’EuroLeague (avec l’Aris Salonique et Malaga), qui vivait mal la concurrence avec Jean-Luc Tissot, ou James Bryson, le gros CV de l’époque qui cristallisait les tensions. 

Amoureux du beau jeu

Ainsi, tout au long des années suivantes, le sorcier burgien s’est attelé à prioriser l’aspect humain. Également passé par les clubs locaux du GS Carriat et Viriat puis auteur d’un crochet de cinq ans à l’ASVEL (2007/12), Pierre Murtin s’est construit un joli palmarès avec cinq titres nationaux à la clé (champion de France NM2 en 1996, champion de France Espoirs Pro B en 1999, champion de France minimes en 2010, vainqueur de la Coupe de France U17 en 2018 et champion de France cadets en 2019). Sans oublier toutes les accessions, à l’image de la promotion de l’équipe féminine en Nationale 3 dans les années 80 alors qu’il était encore joueur ou de la montée des amateurs burgiens en Régionale 1 à l’issue de la saison 2007/08, partagée entre les minimes de Villeurbanne et l’équipe réserve de la JL Bourg. Mais parlez-lui de ses trophées et il dérivait forcément sur ses joueurs. « Je vais enfoncer une porte ouverte mais c’est surtout l’aspect humain que je retiens. Il y a des saisons sans titre mais on a passé de tels moments avec les joueurs… Je me rappelle d’ailleurs avec les cadets d’un retour de Strasbourg et les gens chantaient, rigolaient et pleuraient. C’était la seule année où on n’avait rien gagné. Ça vous prenait aux tripes. C’est pour ça qu’on fait ça, peut-être plus que pour les titres. Il y avait une communion. Moi, j’étais devant dans le bus et j’envoyais des textos au mec de derrière, il y avait quelque chose qui se passait. C’était magnifique. »

Sa philosophie de jeu était à l’image de l’unité collective qu’il prônait. Pierre Murtin, c’était la passion, capable de coacher à tous les niveaux avec la même flamme. Pierre Murtin, c’était aussi la rigueur, incarnée par ses cahiers − qu’il a précieusement conservé depuis ses débuts dans le métier − où il préparait soigneusement ses séances, notait de multiples observations en plein entraînement et dessinait diverses formes de jeu. Pierre Murtin, enfin, c’était la créativité. Sa dernière saison fut une ode à son jeu, une symphonie sans fausse note : à la tête des cadets de la JL Bourg en 2018/19 restés invaincus pendant leurs 22 matchs officiels, il avait quitté la scène sur un titre de champion de France, décroché à domicile. La finale contre Nanterre fut le parfait symbole de ce qu’il souhaitait : une démonstration collective, du jeu rapide, un style à l’Espagnol avec de multiples déplacements et toujours une solution de passe pour le porteur de balle…  « Il faut donner aux joueurs cette joie et ce plaisir de jouer », exhortait-il. « Moi, je leur dis d’utiliser leurs émotions. Si quelquefois elles sont au détriment de la sérénité, tant pis ! » Cette fois, toutes les pièces du puzzle s’étaient assemblées. Pourtant beaucoup plus physiques, les Franciliens de Victor Wembanyama n’avaient eu aucune chance face à la vitesse d’exécution d’Hugo Benitez et des siens. Tranquille sur son banc, l’ancien joueur du SLUC Nancy n’avait eu à prendre aucun temps-mort (100-51), pouvant ensuite savourer l’ovation d’Ékinox, lui qui se lamentait d’être devenu un spécialiste des sorties ratées. Cette fois, tout le monde fut ébloui, à commencer par le MVP de Jeep ÉLITE, Zachery Peacock, spectateur impressionné par la qualité de jeu des jeunes pousses de Pierre Murtin. « Cette finale, c’est le Graal », affirme, admiratif, Laurent Tissot. « C’était chez lui, devant sa famille et ses amis : cela aurait pu être une catastrophe mais il fait livrer à ses joueurs un récital de basket tel un musicien, tel un virtuose. Finalement, ça a été le couronnement de sa carrière. »

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L’apothéose pour terminer :
le 5 mai 2019, les cadets de la JL Bourg sont sacrés champions de France pour la der’ de Pierre Murtin
(photo : JL Bourg)

« Le meilleur formateur français de tous les temps »

Connu et reconnu de tous dans l’Ain, particulièrement à Bourg-en-Bresse où il n’était pas rare de le voir déambuler sur son vélo dans les rues du centre-ville, sa réputation a fini par dépasser les frontières départementales au cours de la dernière décennie. Ce n’était évidemment pas grâce à son lobbying, particulièrement peu appuyé lorsqu’il s’agissait de se mettre en avant. « J’ai toujours eu la chance d’avoir des joueurs de qualités, ce sont eux qui gagnent les matchs alors que le coach les aide un peu et encore moi, je ne les aide pas beaucoup », se dédouanait-il en 2018. « J’ai la chance d’avoir été dans des clubs qui m’ont permis d’avoir des équipes de qualité. Vraiment, il faut mettre en avant les joueurs parce que je ne les drive pas tant que ça. Je ne leur donne pas toujours toutes les billes. C’est à eux de les trouver eux-mêmes. Les joueurs, les joueurs, les joueurs, ils sont incroyables. Ils sont deux voire quinze fois meilleurs que moi. Ils ont une connaissance basket que malheureusement je n’avais pas (rires). Parfois, ce sont eux qui  m’apprennent des choses. On fait un entraînement et je leur dis “ça m’appartient l’entraînement !” mais quand ils se trompent, ils se disent que c’est bien mieux. Et de temps en temps, je leur donne un ou deux conseils. » Heureusement, d’autres ont su l’honorer, à l’image de ses pairs qui l’ont élu entraîneur de l’année en 2011 dans la catégorie minimes ou de la fédération qui, des mains de Vincent Collet, lui a remis sa médaille d’or en octobre 2016. Récemment, c’est Alain Thinet qui l’avait désigné comme le « meilleur formateur français de tous les temps. » Nul doute que Pierre Murtin avait été en désaccord avec le qualificatif. Mais la modestie du regretté Pierrot n’y changera rien. Son héritage parle pour lui. 

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13 mai 2019 : honoré par la JL Bourg pour l’ensemble de son œuvre,
Pierre Murtin reçoit une standing-ovation d’Ékinox
(photo : Jacques Cormareche)

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