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[Dossier] Licence AS : Un système encore sous-utilisé ?

Système en place depuis 10 ans dans le basket français, la licence AS reste toutefois encore très peu utilisée, hormis entre les clubs de région parisienne. Une licence AS, dite autorisation secondaire, est un système qui permet à un jeune joueur (de haut-niveau ou non) d’évoluer au sein de deux clubs différents. Normalement, comme le stipule l’article 40 du code de la Fédération française de basketball (FFBB), aucun joueur n’est autorisé à jouer pour deux équipes différentes lors d’une même saison, sauf dans le cas où le joueur est détenteur d’une licence AS. Système rendu célèbre depuis le passage de Vincent Poirier au Centre Fédéral en 2015/16, alors qu’il jouait peu à Paris-Levallois, nous avons demandé à ceux qui l’utilisent leur retour d’expérience. Dossier.

Pour les jeunes joueurs, une opportunité de jouer davantage

Jeune pivot prometteur et surtout doté d’un potentiel intéressant, Neal Sako (2,10 m, 20 ans) a du mal à s’installer en Jeep ELITE avec son club formateur de Boulogne-Levallois (ex Paris-Levallois). Dominant en Espoirs (championnat normalement réservé pour les U21 mais où certains grands gabaris U22 sont autorisés à jouer), il avait néanmoins besoin de pouvoir s’exprimer en compétition. C’est ainsi que lors de la saison 2018/19, le joueur de 20 ans évoluait concomitamment avec Levallois en Jeep ELITE et l’équipe de Rueil en NM1. Comme il nous l’avait déjà expliqué dans notre précèdent entretien, jouer avec Rueil a été une grande opportunité pour lui : « La saison dernière j’avais trois équipes : les espoirs, l’équipe professionnelle de Levallois mais également l’équipe de Rueil. Avoir du temps de jeu et un rôle prédéfini en NM1, ça m’a énormément fait progresser. A jouer contre des adultes dans un championnat physique et intense, tu apprends forcément beaucoup plus rapidement. De toute façon c’est en jouant que tu apprends. J’avais deux rôles différents, à Levallois ça me permettait de m’entrainer avec le groupe pro, et à Rueil je jouais le week-end pour m’aguerrir. C’était super intéressant parce qu’en plus de jouer contre plus fort et plus physique, il y avait un enjeu sportif car avec Rueil on jouait le haut de tableau. Cette pression t’oblige et te force à performer. »

Autre jeune joueur dans ce cas-là : Yohan Choupas (1,93 m, 20 ans). Ancien pensionnaire du Centre Fédéral de Basketball (CFBB) et actuel joueur de l’Elan Bernais, Yohan alternait, durant la saison 2018/19,  les prestations à Pau entre les espoirs et les professionnels mais aussi les matchs avec le club de Tarbes-Lourdes qui évolue en NM1. Le combo-guard retient beaucoup de bien de cette expérience en NM1. Chose qui lui a permis de s’émanciper et progresser avec de réelles responsabilités dans un effectif professionnel : « J’avais déjà eu l’expérience de la NM1 avec l’INSEP mais avec la licence AS c’était un tout autre contexte car avec le CFBB on ne va pas se mentir on ne cherche pas à gagner ou à se maintenir. Alors qu’avec Tarbes il y avait beaucoup d’enjeu, on se battait constamment pour ne pas descendre. Personnellement, je n’ai joué que 4 matchs, mais sur ces matchs-là, j’avais des responsabilités avec un temps de jeu régulier donc jouer à ce niveau à mon âge, je ne pouvais que progresser. Par exemple, le dernier match avec Tarbes, si on perdait le club descendait, donc il fallait absolument gagner, il y avait une grosse pression. Et sur ce match-là j’ai joué 28 minutes et même si c’était compliqué et que j’ai du mal à certains moments, ce match m’a beaucoup appris. Justement, encore actuellement, je me sers de ce match pour savoir ce que je dois encore améliorer. C’est une référence. » Du haut de leurs 18/19 ans, jouer des matchs à enjeu avec des responsabilités contre des adultes est générateur d’expérience pour ces jeunes joueurs amenés à évoluer au haut-niveau à terme. Toutefois, cette licence AS demande une organisation millimétrée, car partagée entre deux clubs. Les éléments concernés doivent avoir une grosse capacité d’adaptation, et les structures avec. En ajoutant à cela des études pour certains, ce système ne laisse que peu de temps à l’éparpillement.

Une organisation à mettre en place

La licence AS ne peut fonctionner que si les structures se coordonnent. Car la fatigue peut vite arriver pour les jeunes baladés entre deux voire trois équipes. Pour Neal Sako, l’organisation était plus que chargée, d’autant plus qu’il avait l’obligation d’assister à chaque entraînement et matchs : « Tous les jours, je devais faire de la musculation avec les pros de Levallois le matin, enchainer sur l’entraînement collectif et ensuite le soir j’avais un dernier entraînement à Rueil vers 17 heures. En revanche, les entrainements avec les espoirs étaient très rares, c’était toutes les 2 semaines. Ensuite, le week-end j’avais trois matchs, un avec les espoirs après suivis du banc avec les pros et pour finir celui de Rueil. Cette année-là, j’étais en deuxième année de LEA à distance mais avec tout le temps que me prenait le basket j’ai dû arrêter au fil de l’année. Les semaines étaient assez intenses c’est vrai, mais je devais tout faire. Mon seul moment de repos c’était le lundi où je n’avais pas d’entrainement avec Rueil. Quelquefois les horaires étaient serrés donc une personne de Levallois m’emmenait à Rueil mais sinon j’y allais en transport en commun et dans ce cas-là je pouvais mettre 1h. » Avant de rebondir : « Vraiment, je suis très content de cette expérience, et je le conseille vivement aux autres joueurs. Jouer au haut-niveau tout en évoluant dans son club formateur c’est super bénéfique, car jouer simplement en espoir je pense que c’est difficile ensuite pour la première année en professionnelle. »

Julien Hervy est un grand utilisateur des licences AS avec le club de Rueil, voisin de Nanterre et Levallois (photo : Gérard Héloïse)

Pour Yohan, l’organisation était également au centre du sujet, pour autant il n’avait pas les mêmes restrictions que Neal : « Moi je n’avais pas d’entraînement avec les espoirs de Pau, mais seulement qu’avec les pros. Et en ce qui concerne Tarbes, je ne m’entrainais qu’une fois le mercredi avec eux et à ce moment là on faisait le point pour savoir si j’allais jouer le week-end. C’était donc un peu compliqué pour les systèmes de jeu. En revanche, c’était très bien organisé, on venait me chercher avant et après chaque match et entraînement. Contrairement à Neal les études n’étaient pas un problème vu que je n’avais cours que le lundi et mardi matin, donc j’ai pu tout faire. Je suis conscient que c’est une grosse organisation mais je ne dirais pas que c’est un inconvénient puisqu’au final cela ne change pas grand-chose du centre de formation, et puis si on veut vraiment le faire il y a moyen de s’organiser facilement avec le club. »

Une bonne entente nécessaire entre les deux clubs

Cela paraît logique et évident, mais pour réussir à mettre en place ce système il faut que les deux parties soient sur la même longueur d’onde. Les deux clubs et leurs coachs doivent essayer de faire progresser le joueur, tout en assurant les objectifs du club. Cela dépend donc des conditions des clubs qui ont été mises en place au préalable, mais dans la majeure partie des cas, la priorité du joueur reste son club de départ. Dans cette organisation entre les deux institutions sportives, il y a forcément le paramètre rémunération qui entre en compte. En effet, faisant partie intégrante des effectifs des deux clubs, le joueur se voit recevoir alors deux salaires distincts. Cela dépend encore une fois des accords planifiés entre les deux parties, mais en général le joueur garde son contrat de base avec son club de départ, puis à cela vient s’ajouter une convention entre les deux clubs qui aboutit à une rémunération supplémentaire. Ce n’est donc pas le club de départ qui prend en charge l’ensemble des rémunérations. Il y a bien une division entre les deux clubs. C’est notamment le cas de Neal Sako qui avait alors sa rémunération liée à son contrat aspirant avec Levallois et dans un deuxième temps son salaire avec Rueil.

Le bon compromis pour les clubs

Pour les jeunes, cette licence multiplie les expériences et accélère nettement leur progression. Mais quels sont les avantages qu’en tirent les coachs qui lancent ces joueurs dans le grand bain ? Julien Hervy, entraîneur de Rueil, habitué de recevoir des jeunes joueurs prometteurs dans son équipe (Armand Mensah et Samuel Eyando-Dingo de Nanterre en 2019/20 ou encore bien entendu Neal Sako de Levallois en 2018/19), estime qu’accueillir ces jeunes est plus bénéfique qu’autre chose : « Au final nous on s’engage dans pas grand-chose, on ne promet rien aux joueurs. Ce ne sont pas des joueurs majeurs mais ils nous permettent d’avoir des rotations et pour eux ça leur permet de jouer à un bon niveau avec du temps de jeu, et avec plus de responsabilités. C’est super pour des joueurs comme Neal qui sont devenus par la suite des joueurs à part entière en Jeep ELITE. » Avant d’ajouter : « En ce qui concerne les entraînements et l’organisation du joueur, il faut savoir qu’on se met d’accord dès le début avec le club pour qu’il joue tous les matchs avec nous. Et s’il le club a des trous dans son effectif à certains moments, chose qui peut arriver, alors là ils auront la priorité sur le joueur… mais ce qui est sûr c’est que si le joueur ne s’entraîne pas avec nous, il ne peut pas jouer le week-end. »

Jean-Christophe Prat, entraîneur du Paris Basketball depuis sa création en 2018, est lui dans une tout autre situation que l’entraîneur de Rueil. Pour lui, il ne s’agit pas de recevoir un joueur détenteur d’une licence AS mais d’envoyer un de ses joueurs faire ses gammes à un autre niveau. Ce fût le cas en 2019/20 du jeune pivot Ismaël Kamagaté (2,11 m, 19 ans), qui en arrivant à Paris l’été dernier, a fait l’objet d’une création d’une licence AS afin de lui garantir un temps de jeu avec le Pôle France (ex CFBB) en NM1 : « Quand on a recruté Ismaël on l’avait pris en tant que cinquième intérieur, donc son temps de jeu était limité. Le but c’était qu’il puisse prendre ce qu’il y avait à prendre avec les pros et en même temps qu’il s’aguerrisse avec de vraies minutes au Pôle France. Il se trouve ensuite qu’Ismaël a profité d’une blessure de notre poste 4 pour avoir plus de minute avec nous. Mais ça n’empêchait pas qu’il continue de jouer avec le Pôle France. Il avait deux rôles différents, avec nous il commençait à se montrer davantage, avec le CFBB il avait un rôle de leader et il développait un leadership qu’il n’avait pas avec nous. Donc nous ça nous permettait de développer ce diamant brut qu’est Ismaël. » Contrairement à Rueil, où la présence du jeune aux entraînements est obligation, l’international français n’avait pas besoin d’être toujours présent à l’INSEP pour les entraînements : « Ismaël s’entrainait tout le temps avec nous et de temps en temps avec le Pôle France, précise Jean-Christophe Prat, mais ce qui était convenu c’est que l’entraînement avec eux n’était pas du tout le plus important. Il est arrivé plusieurs fois où il ne s’entrainait pas avec eux. »

Ismaël Kamagate sous les couleurs du Centre Fédéral (photo : Gérard Héloïse)

Toutefois, comme dans tout sport, la blessure fait partie du basket de haut niveau. Il y a donc un risque que le joueur se blesse alors qu’il joue avec son autre club. Jean-Christophe-Prat en est bien conscient et estime que cela fait partie du jeu : « C’est une question de gestion commune à mettre en place. Nous par exemple, Ismaël s’est blessé une fois à la cheville en novembre, et l’INSEP à été intelligent sur le match d’après puisqu’ils ne l’ont fait jouer que 15 minutes. » C’était la première fois que l’ancien assistant de l’ASVEL disposait d’un joueur sous une licence AS, et après avoir fait le bilan il ne le regrette absolument pas : «  Le bilan est super positif, j’envisage même d’en avoir d’autres à l’avenir, voire pourquoi pas en avoir plusieurs en même temps. »

En somme, vous l’avez compris, si la licence AS se popularise de plus en plus entre les structures d’Île-de-France, et parfois même en province entre deux clubs voisins (l’exemple Choupas), c’est qu’elle semble proposer une solution pour plusieurs projets individuels et collectifs. Chacun y trouve son compte, entre être un moyen d’expression (et parfois même un tremplin) pour les jeunes et d’avoir des rotations assurées pour les entraîneurs, le tout sans mettre en péril les résultats sportifs du club, cette licence semble proposer un bon mélange. Après Vincent Poirier, qui sera le prochain joueur majeur du basketball à avoir bénéficier de ce système ? Affaire à suivre.

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