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[Dossier] Pourquoi il y autant de joueurs espagnols en Nationale 2 ?

Ce vendredi, le SMUC Marseille (NM2) a annoncé la signature d’un meneur espagnol, Guillermo Corrales Martin, qui jouait en troisième division espagnole en 2019/20. Depuis quelques années, ce genre d’annonce n’est plus rare en France. Les joueurs espagnols sont très présents sur le marché des transferts français, et plus précisément celui de la nationale 2. On pourrait s’arrêter seulement à une hypothèse de proximité géographique, mais au cours de nos entretiens avec des acteurs de ces championnats les causes semblent différentes et multiples. En effet, la présence de joueurs espagnols en championnat de France est en hausse ces dernières années. Cela peut paraître paradoxal quand on sait que le basket espagnol et son championnat est considéré comme le gratin du basketball en Europe depuis 20 ans. Mais alors pourquoi ces joueurs viennent-ils en France ? Pour comprendre la raison de la venue de ces joueurs, la rédaction de BeBasket a interrogé des joueurs et entraineurs susceptibles d’avoir un avis sur la question.

Un aspect économique au centre des débats

A la fin des années 2000, la crise économique mondiale a frappé de plein fouet l’Espagne. Logiquement, l’impact économique sur les clubs de quatrième et même de troisième division, que ça soit au basket ou dans les autres sports, a été importante. Depuis quelque temps, l’Espagne était en train de remonter la pente mais avec la crise du coronavirus, il semblerait que tous les efforts du pays aient été réduits à néant. Il reste difficile de se prononcer sur l’avenir mais ce qui est sûr, c’est que les clubs de basket espagnols seront grandement impactés.

Le problème ? c’est que cette crise économique rime avec instabilité pour les joueurs, et Marti Zamora, actuel entraineur du SMUC de Marseille (Nationale 2 masculine), est bien placé pour le savoir : « Je pense que la raison du grand nombre d’Espagnols dans les championnats français et plus particulièrement celui de Nationale 2 c’est surtout à cause de mauvaises conditions économiques en Espagne. Au même niveau (EBA) c’est impensable d’avoir les mêmes salaires qu’ici en NM2. C’est une réalité d’un pays qui est en crise. Donc forcément oui, le championnat de NM2 est plus attractif que son équivalent en Espagne car l’EBA est encore un peu amateur. C’est difficile d’obtenir des contrats déclarés et avoir une vraie stabilité économique pour les joueurs. Les conditions économiques en NM2 sont même meilleures qu’en LEB Plata (la troisième division, l’équivalent de la NM1) donc c’est normal que les Espagnols viennent en NM2. Chez nous, il y a des retards de paiements et vu que les joueurs ne sont pas déclarés ils perdent alors leur argent. Moi ça m’est arrivé en tant qu’entraineur assistant, je n’ai pas été payé. Mais je ne peux pas vraiment en vouloir au club, je comprends très bien la situation difficile à laquelle ils font face. Et puis je pense que l’entraineur adjoint n’était pas forcément leur priorité. Même pour les clubs français c’est un avantage économique pour eux. Souvent les clubs français appellent des joueurs espagnols car ils coûtent moins cher que les Français et qu’ils apportent parfois tout autant. Mais c’est révélateur d’un manque de stabilité financier et économique des clubs espagnols et je pense que c’est surtout pour cette raison que les joueurs viennent en France. »

Pour David Jofresa, joueur de l’ESMS en NM2, cette réalité économique fut un des facteurs de sa venue en France : « Je pense qu’il y a pas mal de choses qui sont liées à l’argent. Forcément les salaires sont plus gros en France et il y a vraiment une différence de salaire pour les jeunes joueurs, mais il y a aussi tout ce qui est extra-basket je trouve. Pour moi il y a un meilleur respect du joueur en France. En Espagne les structures basket sont mieux, mais en France jamais un club va te proposer d’être en colocation alors qu’en Espagne c’est quelque chose qui se fait beaucoup et presque à n’importe quel âge. Tout ça ce n’est pas directement lié à la rémunération du joueur mais indirectement ça va de soi avec l’aspect économique des clubs. »

Anthony Da Silva, nouveau joueur d’Evreux, n’a quant à lui jamais évolué dans le championnat de NM2 français, mais grâce à sa formation en Espagne et son expérience avec l’équipe réserve du Bétis Séville en EBA, il a un avis sur la question : « Je n’ai pas connu tout ça parce que je suis vite parti en France avec notamment mon prêt cette année à Nanterre, mais je sais que si j’étais resté en Espagne j’aurais été en colocation avec un autre joueur. Quand tu es jeune je ne trouve pas ça gênant mais quand tu deviens adulte et que tu grandis je comprends que ça peut être un élément qui pèse dans la balance. »

Une concurrence trop relevée en Espagne ?

Le basket espagnol dans son ensemble est surement le basket européen qui fait le plus rêver, de par son style et son niveau de jeu. En effet, on y retrouve des équipes de grandes classes qui évoluent sur la scène européenne et qui sont performantes mais aussi des équipes connues pour leur formation de jeune joueur. C’est un paradoxe puisque les jeunes Espagnols se retrouvent souvent barrés par de forts joueurs étrangers qui viennent dans leur pays, notamment dès les années de formation. Et cette concurrence n’est pas seulement visible en première ou deuxième division mais également dans les niveaux inférieurs. Quentin Goulmy en est un bon exemple, étant donné que le Français évolue depuis l’été dernier avec la réserve du Barça. Il y est venu pour se former et rebondir après quelques années mitigées en France. Néanmoins, certains joueurs comme David Jofresa ont pu constater un manque de stabilité dû à cette concurrence internationale : « Je pense qu’en Espagne il y a un manque de stabilité pour les jeunes joueurs. Les coachs ont du mal à faire confiance à des jeunes et préfèrent des anciens expérimentés. En Espagne, c’est très difficile de signer un contrat de 2 ou 3 ans alors qu’en France il n’y a pas ça. Mentalement je sais que c’est dur pour certains joueurs. Cette concurrence est causée par le fait qu’en Espagne il y a moins de limite d’étrangers qu’en France donc les Espagnols sont souvent contraints de partir autre part et souvent d’aller en France. »

Selon l’entraineur marseillais la différence ne se fait pas là, et si un jeune joueur espagnol mérite d’avoir du temps de jeu alors il sera récompensé et même placé devant les étrangers dans la hiérarchie : « Je ne pense pas que les étrangers bloquent les jeunes joueurs car pour moi s’ils sont vraiment à la hauteur ils joueront forcément. Donc si certains joueurs espagnols ne sont pas dans la division supérieure c’est aussi parce qu’ils n’ont pas le niveau tout simplement. Au contraire pour moi si les espagnols viennent en NM2 française c’est qu’elle est vraiment plus attractive. L’EBA est malheureusement un championnat pas très stable et qui évolue beaucoup. Il y a beaucoup de poules donc beaucoup d’équipes et parmi celles-ci de nombreuses qui n’ont pas le niveau requis. Le niveau est pas mal descendu depuis quelques années. Je connais bien la poule C, qui est celle de la Catalogne, et je sais qu’il y a eu trois formats différents en sept ans. Je pense que c’est plus une raison valable que celle de la concurrence. »

Un jeu complémentaire

Le jeu espagnol et français est complétement différemment, mais avec du recul il se complète. En effet, le jeu français est plus physique alors que celui espagnol est davantage lié à un jeu rapide de contre-attaque, à une réactivité et à la technique de jeu. Ce sont donc deux identités opposées mais une fois assemblées, le la complémentarité peut s’avérer excellente. Ce n’est pas pour rien que depuis de nombreuses années les sélections nationales espagnoles et françaises se tirent la bourre. L’ensemble des acteurs du basket espagnol ont été unanimes pour dire que c’était surement une des raisons de l’affluence des joueurs espagnols en France, à commencer par Marti Zamora : « De mon expérience je trouve que les joueurs extérieurs espagnols apportent quelque chose en plus que n’ont pas forcément les Français. Ils comprennent très bien le jeu et encore une fois ils vont être moins chers qu’un arrière ou meneur français. Ils peuvent avoir les mêmes qualités qu’un meneur français, si ce n’est parfois meilleur et pour moins cher… alors pourquoi se priver ? Après il y aussi des profils d’intérieurs qui arrivent très bien aussi à s’imposer dans le championnat de NM2, comme par exemple David Sainsbury Garcia de Metz, qui est un joueur plutôt physique mais qui a réussi à s’implanter dans ce championnat. Mais sinon je trouve que c’est bien d’aller chercher de la complémentarité sur les lignes arrière avec des joueurs espagnols. Cela peut une raison de leur venue en NM2 ou en général en France oui. »

Anthony Da Silva lui a fait le chemin inverse en suivant une grande partie de sa formation à Séville en Espagne avant de maintenant connaître le monde professionnel en France avec Nanterre cette année et Evreux l’année prochaine. Et il estime qu’après avoir connu le jeu espagnol, rentrer en France est bénéfique pour lui. Ainsi, il comprend que certains joueurs espagnols viennent en France pour ajouter des qualités à leur jeu : « En France, les joueurs sont vraiment plus athlétiques donc pour moi qui ne le suit pas c’est super de pouvoir se confronter à des joueurs physiques. En Espagne on m’a transmis les valeurs du jeu espagnols, qui est plus basé sur la vitesse et la technique mais si j’arrive à ajouter le jeu français ça sera un gros plus pour moi. C’est notamment une des raisons de ma venue en France. Donc je pense que c’est totalement légitime de penser que les Espagnols sont présents pour cette raison aussi. C’est bénéfique pour les clubs qui arrivent à avoir de la complémentarité dans leur effectif mais aussi pour les joueurs qui progressent avec un autre style de jeu. »

Entre ces deux pays, il y a aussi des similitudes culturelles notamment dans le Sud-Ouest de la France. Et si pour un joueur comme David Jofresa, qui évolue dans les Landes, ce n’était pas forcément un facteur au départ mais ça l’est devenu avec le temps : « Quand je suis venu en France je ne savais pas du tout que la culture du Sud-Ouest ressemblait beaucoup à la nôtre. Donc au début je n’étais pas du tout venu pour ça, mais j’ai été agréablement surpris, et maintenant ça doit surement être une des raisons de mon bien-être ici. Peut-être que c’est pour ça que je suis resté autant de temps à l’ESMS et que je vais surement rester pour les prochaines années. C’est un club très familial basé sur le relationnel comme il y a en Espagne, donc ça m’a beaucoup plu. »

La présence des joueurs espagnols dans les niveaux fédéraux français est donc avant-tout économique. De quoi enrichir le basket des équipes concernés et offrir d’autres perspectives aux clubs qui ne se tournaient autrement presque vers les joueurs américains ou d’Europe de l’Est.

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