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Guerre, NBA, EuroLeague, ACB : l’interview de Christian Eyenga (Lille), le plus gros CV de Pro B

54 matchs en NBA, trois campagnes d'EuroLeague, huit saisons en Liga Endesa. Et désormais un membre de la rotation du Lille Métropole Basket, en Pro B. Né à une époque où la République Démocratique du Congo était en proie aux guerres civiles, Christian Eyenga raconte son incroyable parcours.
Guerre, NBA, EuroLeague, ACB : l’interview de Christian Eyenga (Lille), le plus gros CV de Pro B

Christian Eyenga a connu les sommets du basket mondiaux avant la Pro B

Crédit photo : Antoine Bodelet

Kinshasa, début des années 2000. Christian Eyenga, alors âgé de 13 ans, met de côté son ballon de foot pour celui de basket. Une véritable histoire d’amour commence. L’adolescent congolais l’ignore encore, mais dans quelques années, il s’entraînera avec LeBron James et partagera le vestiaire du Staples Center avec Kobe Bryant. Loin du rêve américain dans un pays en pleine guerre civile, le jeune Christian s’inspire surtout de son grand frère. « Je voulais tout faire comme lui. Et puis, il m’a dit : « tu sais, les filles aiment les basketteurs », alors il m’a convaincu », raconte-t-il dans un sourire. Eyenga apprend vite et développe une vraie passion pour la balle orange. « Au début, c’était un moyen de me faire plaisir et de m’évader. Et puis, j’ai commencé à prendre le basket au sérieux quand mon frère est mort. »

Les nuits dans un cimetière

« Tout jeune Africain qui a vécu la guerre est prêt à tout mentalement », lâche l’intérieur lillois. Parole de quelqu’un qui a, par exemple, dû passer ses nuits dans un cimetière quand il était petit car ces derniers, règle de guerre, ne peuvent être attaqués. « C’étaient des moments très difficiles, gravés dans ma mémoire, mais qui m’ont rendu plus dur. Grâce à Dieu, je suis encore là aujourd’hui. » Pour s’échapper du contexte rude au Congo, qui a connu deux guerres civiles entre 1996 et 2002, Christian Eyenga s’en est remis à la foi et au basket. L’héritage d’une famille pratiquante, d’un côté ; l’héritage du grand frère mêlé à un désir personnel, de l’autre. « Ma mère ne voulait pas que je joue au basket, elle me disait de continuer mes études. Encore aujourd’hui, elle ne prend pas ça pour un travail », raconte le natif de Kinshasa. « Elle m’a même envoyé deux ans à l’internat au pays pour que je m’éloigne un peu du ballon. » Mais le jeune homme n’a qu’une idée en tête : devenir un joueur professionnel. Un rêve cultivé sur les terrains, mais aussi devant la télé. Eyenga se souvient de toutes ces rencontres de NBA visionnées sur des VHS : « Avoir Canal+, c’était un luxe au pays. Des potes qui habitaient à 50km de chez moi me ramenaient les cassettes, et je passais des heures à regarder les matchs avec les commentaires de George Eddy. C’était l’une de mes stars, à l’époque, je me souviens même lui avoir demandé une photo quand je suis venu jouer en France, il y a quelques années. »

Dans le même temps, Christian Eyenga commence à faire ses preuves sur les terrains. Il espère pouvoir suivre les pas d’un certain Dikembe Mutombo, légende du basket congolais. Mais le chemin est loin d’être tracé. « Je ne savais comment faire pour quitter le pays, c’était difficile de sortir. » À Kinshasa, il commence à se faire remarquer dans des tournois semi-professionnels. Tout s’accélère à l’été 2006, lorsqu’il est invité au camp Basketball Without Borders, à Johannesburg (Afrique du Sud). « C’était mon tout premier voyage en tant que basketteur, mais aussi la première fois que je prenais l’avion. Ma mère était surprise, elle ne savait pas que j’étais très bon au basket. Elle m’a dit : « ça y est, c’est la vie d’homme ! » ». Eyenga performe et enfile pour la première fois le maillot de la RDC, dans les catégories jeunes. La dernière étape avant de quitter le continent africain et rallier l’Espagne, en 2007.

« Des biscuits et du Coca au petit déjeuner »

À peine majeur, Christian Eyenga débarque à Badalone (1ère division espagnole). Pour commencer sa formation, le poste 4/3 est prêté dans le club affilié de Prat (3e division). « Les premiers moments loin de chez moi étaient forcément difficiles. Surtout, quand je suis arrivé en janvier, il faisait froid… Très froid. J’arrivais d’un pays où l’hiver n’existe pas. Pour les premiers entrainements, j’ai même demandé des gants ! », s’esclaffe-t-il. « Aujourd’hui, je me suis habitué, mais au début… (il marque une pause) J’appelais ma mère et je pleurais, je lui disais que je ne pouvais pas jouer dans ce froid ! »

Sur le terrain, en revanche, le rookie séduit le staff de son nouveau club. Après trois mois de test concluants, Eyenga poursuit l’aventure espagnole, où il sera formé. « J’y ai appris beaucoup. Pas seulement en tant que joueur, aussi en tant qu’homme. Mes premiers entrainements étaient à 9h30, et moi j’étais encore sur la route à 9h45. Très vite, on m’a rappelé à l’ordre. J’ai dû changer beaucoup de choses dans mon quotidien, notamment mon alimentation : au début, je mangeais des biscuits et je buvais du Coca-Cola au petit déjeuner. On m’a fait comprendre que ce n’était pas possible pour être professionnel. Mais moi, je ne savais pas, on ne m’avait jamais dit comment devenir pro. Idem pour tout ce qui est heure de sommeil, travail musculaire… Je suis très reconnaissant envers Badalone parce que c’est là-bas que j’ai appris à devenir un homme. »

Deuxième Congolais drafté en NBA après Dikembe Mutombo

Été 2009. Deux ans sont passés depuis l’arrivée en Espagne. Quelques scouts NBA se sont déplacés à Prat au cours de la saison pour voir jouer Christian Eyenga. À la fin de son deuxième exercice professionnel, le basketteur de tout juste 20 ans s’entraine à Barcelone. Si plusieurs franchises sont intéressées, aucune ne lui promet de le sélectionner lors de la draft NBA, prévue le 25 juin. Mais trois jours avant la draft, Cleveland se positionne. « J’étais surpris, je ne m’attendais pas à ça car les Cavaliers n’étaient jamais venus me voir. On s’est entraîné 45 minutes et ils m’ont dit qu’ils allaient me choisir. »

 

« J’ai utilisé des lacets en guise de ceinture »

Christian Eyenga, à propos de la draft NBA
Christian Eyenga a été sélectionné en 30e position de la Draft NBA par les Cleveland Cavaliers (photo : NBA)

Le Congolais prend ses billets d’avion, direction New York. « Je tenais à y assister parce que c’était un moment fort pour moi, en tant que personne, pour mon pays et mon continent. Tout s’est fait à la dernière minute, je n’avais même pas de costume pour la draft, donc mon agent m’a filé celui d’Anicet Lavodrama, un ancien joueur, à la dernière minute. Le problème, c’est qu’il était trop grand pour moi ! Je n’avais pas de ceinture pour serrer le pantalon, et pas spécialement d’argent non plus. J’ai dû trouver une solution en urgence, donc j’ai utilisé des lacets de chaussure en guise de ceinture ! Le soir de la draft, sur la photo officielle, j’ai des lacets pour serrer mon pantalon. Si David Stern remontait la veste… J’allais crier ! »

Eyenga est finalement sélectionné à la 30e position par les Cleveland Cavaliers. Sur la liste des joueurs au premier tour de la Draft NBA 2009, le jeune ailier partage l’affiche avec Blake Griffin (1er), James Harden (3e), Ricky Rubio (5e), Stephen Curry (7e) ou encore DeMar DeRozan (9e). « Quelle fierté. Quand tu montes sur scène, tu vois David Stern, le public, le Madison Square Garden qui te regarde… Trois ans plus tôt, je voyais ça devant la télé au pays, et là, c’était mon tour. Quel moment incroyable, c’est un souvenir inoubliable. » En juin 2009, Christian Eyenga est devenu le deuxième joueur représentant la République Démocratique du Congo à être drafté, 18 ans après son modèle Dikembe Mutombo,

Le point d’exclamation sur Pau Gasol

Eyenga devra patienter quelque peu avant de goûter à la NBA. Après sa draft, il retourne à Badalone – où il sera notamment coéquipier d’Alain Koffi – pour continuer sa formation au plus haut niveau espagnol. L’ailier fait une entrée plutôt discrète dans la cour des grands, mais son potentiel athlétique interpelle. De quoi motiver Cleveland à le rappeler Outre-Atlantique à l’été 2010. « Quand je suis arrivé, j’étais comme un enfant. Je me suis entrainé avec LeBron James, et mon premier match amical était contre Gilbert Arenas », se remémore avec le sourire l’ancien joueur des Cavs. « Surtout, tout était « big » en NBA. Le développement des joueurs y est très différent, on avait un entraineur pour les rookies qui voyageait avec moi et qui m’a même suivi lorsque j’étais en D-League (avec les Bayhawks d’Érié, l’équipe affiliée à Cleveland, ndlr). Je faisais des work-outs, je regardais des vidéos pour m’améliorer… Individuellement, j’ai passé un cap. » Le joueur formé en Espagne cultive sa réputation de joueur athlétique pendant toute la saison. Parmi ses faits d’armes : un poster dunk sur Pau Gasol, le 16 février 2011, auquel il repense fièrement. « J’ai également gagné en masse musculaire. J’allais à la muscu chaque jour, les coachs me disaient : « regarde LeBron, regarde Carmelo Anthony, tu ne peux pas défendre sur eux ! ». Ils ne te comparent pas aux joueurs moyens, ils te comparent aux meilleurs. Je n’avais pas d’autre choix que de bosser dur. »

 

Christian Eyenga (à droite) et Serge Ibaka, deux amis d’enfance qui organisent des camps pour les jeunes basketteurs africains, chaque été.

« Je regardais Kobe Bryant comme une vraie groupie »

Christian Eyenga, à propos de son passage aux Lakers

Entre 2010 et 2012, Eyenga dispute 54 matchs NBA. Il y retrouve notamment son meilleur ami, Serge Ibaka, drafté un an avant lui : « Quand nous étions jeunes, lui vivait à Brazzaville et moi à Kinshasa. On parlait de nous comme le futur de nos pays. On s’est connu en match amical et on est resté proche : on est parti en Espagne ensemble, on est arrivé en NBA ensemble et, aujourd’hui, on fait des camps au pays ensemble, chaque été ».

Malgré des statistiques intéressantes lors de sa saison rookie (6,9 points et 2,8 rebonds en 21 minutes de jeu), Christian Eyenga n’est pas parvenu à s’imposer dans l’Ohio lors de sa deuxième saison – tronquée par le lockout NBA (la grève des joueurs de juillet à décembre 2011). Il est alors envoyé à Los Angeles, chez les Lakers de Kobe Bryant. « Je suis arrivé dans l’équipe un jour de match. Je me suis retrouvé dans le vestiaire du mythique Staples Center avec Kobe. Quand je l’ai vu, je me suis demandé si c’était vraiment lui. Je le regardais comme une vraie groupie. Tout ce qu’il faisait, je le scrutais, dans les moindres détails… Il devait se sentir observé, mais j’étais comme un gosse. »

Retour en Europe

Envoyé au Magic après son passage aux Lakers, Christian Eyenga est finalement coupé à l’aube de la saison 2012-2013. Convaincant en D-League (14,6 points et 5,6 rebonds de moyenne), le Kinois s’exile en Chine avant de retourner en Europe. Direction la Pologne, pour une saison, puis l’Italie, avec deux campagnes d’EuroLeague au compteur sous les couleurs de Zielona Gora et Sassari (8,5 points, 3,6 rebonds et 1,5 passe décisive en 24 matchs). « L’adaptation au jeu européen n’a pas été difficile car ça me correspond mieux. Je ne suis pas un joueur individuel, je suis un joueur d’équipe. Si j’avais été formé en NBA, ça aurait été différent, mais comme j’ai toujours dit : lorsque tu es formé en Espagne, tu peux jouer partout. »

Puis à l’été 2017, Christian Eyenga pense boucler la boucle en posant ses valises à Fuenlabrada, en première division espagnole. « Je reviens dans le pays qui m’a formé, et je débarque dans un club où je me sens bien. J’aimais beaucoup l’équipe, l’environnement, les supporters. Honnêtement, je pensais que j’allais y prendre ma retraite, mais la dernière saison a été très difficile. » Quatre ans après avoir regoûté à la BCL, celui qui s’est décalé au poste 4 au fil des ans performe moins individuellement, et ne trouve plus son compte à Fuenlabrada. « La gestion du club s’est dégradée et on est redescendu en deuxième division après une année très difficile (seulement 4 victoires en 34 matchs, ndlr). » La porte s’entrouvre alors pour un nouveau défi.

À Lille, « continuer à prendre du plaisir »

« Je n’avais jamais joué en France alors que j’avais eu beaucoup d’offres en Pro A tout au long de ma carrière. Cette saison, plusieurs clubs de Pro B étaient intéressés pour me signer. Mais ce qui a vraiment pesé en faveur de Lille, c’est le basket collectif que propose Maxime Bézin. » En contact avec son compatriote Shekinah Munanga, victime d’une rupture des ligaments croisés en octobre dernier, Eyenga est séduit par le plan de jeu lillois « à l’espagnole ». Plus de cinq mois après son dernier match professionnel, le néo-lillois s’apprête à découvrir les parquets de Pro B.

« Le basket est plus individuel, les joueurs veulent faire leur numéro pour aller en Betclic ÉLITE »

Christian Eyenga, à propos de la Pro B

« Le rythme était très intense quand je suis arrivé. On a enchainé trois ou quatre matchs, les mardis et vendredis, mais je n’étais pas encore en forme et je me suis blessé. » Soigné de sa cheville droite, Christian Eyenga semble avoir trouvé ses repères dans le championnat. Encore auteur de 17 points à 8/9 et 4 interception mardi contre Évreux (70-77), il tourne à 9,3 points, 4,1 rebonds et 1,5 passe décisive en 24 minutes de jeu. Avec une pointe à 25 unités le 2 février, contre Fos-sur-Mer. « J’apprends de la Pro B à chaque fois que je joue. Le basket est plus individuel ici, parce que les joueurs veulent faire leur numéro pour aller en Betclic ÉLITE ensuite, ce que je comprends. Moi, je me sens bien dans une équipe plus collective. »

Christian Eyenga a conservé ses qualités athlétiques (photo : Antoine Bodelet)

À la dixième place au classement avec le LMB, à une victoire du top 8, l’ailier fort congolais espère prolonger le plaisir en fin de saison : « Je veux jouer les playoffs, c’est l’objectif, et on a une équipe pour. Et puis, à titre personnel, je me sens bien physiquement alors je veux continuer à prendre du plaisir », précise le natif de Kinshasa. « Quand je suis arrivé à l’entrainement, tout le monde était étonné parce que je pouvais encore dunker en passant la balle entre mes jambes. Bien sûr que je peux le faire, c’est juste que ça me prend trop d’énergie maintenant ! », ajoute-t-il dans un sourire. « Je souris toujours parce que le basket me rend heureux. Je ne sais pas comment je vais faire quand je prendrai ma retraite. Aujourd’hui, si je ne vais pas bien, je viens jouer au basket et ça va mieux. Quand mon père est mort, je jouais en G-League et il y avait match le soir même. Personne ne le savait. Et j’ai fait un gros match. En fait, je vis à travers le basket. »

À Lille,

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gai27
Beau parcours en effet. On est toujours contents de retrouver ces profils dans notre deuxième championnat français mais certainement premier en Europe sur le plan de la dureté !
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drefui
Merci pour cet interview et cette belle histoire
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grotext
Très belle histoire, merci pour l'article (et l'info que je n'avais pas vu passé, un tel CV en Pro B c'est rare)
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