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Lahaou Konaté, le grand récit : « Les gens ne me voyaient pas plus haut qu’un joueur de Nationale 2 ! »

Capitaine de l'ESSM Le Portel, Lahaou Konaté arpente les parquets de LNB depuis 2011. Passé sous les radars lors de sa jeunesse, arrivé en centre de formation à 18 ans, il est pourtant devenu l'une des figures identifiées du basket français, international à 20 reprises. Récit.
Lahaou Konaté, le grand récit : « Les gens ne me voyaient pas plus haut qu’un joueur de Nationale 2 ! »
Crédit photo : ESSM Le Portel

Automne 2010. Poussé vers la sortie par le centre de formation de Hyères-Toulon, Lahaou Konaté choisit un endroit atypique pour se lancer : Bayonne, pas vraiment une terre de basket…

Au programme, comme il le racontait dans les colonnes de Sud Ouest : auto-école, jeu sur PC, lecture de bandes dessinées ou de mangas. Et entraînement, beaucoup d’entraînements. C’est que le petit Lahaou, du haut de ses 18 ans, avait quelques jolis objectifs à l’époque. « Je veux m’accrocher afin de progresser car je suis comme beaucoup de joueurs, j’aimerais atteindre la Pro A. » Mais parce que c’est bien d’être ambitieux, mais réaliste, il précise immédiatement : « Si l’on me fait comprendre que je n’en ai pas le niveau, je me contenterai de jouer en Pro B ou de rester en NM1. »

Comment le blâmer, d’autant se restreindre, lorsqu’on se souvient d’où il est parti, anonyme lors de ses années franciliennes à Charenton, puis éconduit par le HTV ? Mais il était déjà doté d’une qualité qui ne le quitterait jamais. « Quant au tout jeune Konaté, il ne se pose pas de question : dès que la porte lui est ouverte, il se défonce », écrivait Sud Ouest dès les matchs amicaux du feu Denek Bat Urcuit.

Une vertu qui l’aura hissé loin de l’anonymat du basket basque, vers la Betclic ÉLITE (où il a bien fait comprendre à tous qu’il avait le niveau en étant double All-Star, meilleur défenseur et meilleur arrière), la Liga Endesa et même l’équipe de France. Alors qu’il s’apprête à fêter son 34e anniversaire, il était grand temps de retracer son parcours.

Petit Lahaou est devenu grand… (photos : DR et ESSM Le Portel)

Une jeunesse francilienne :
venu au basket pour recevoir une… voiture télécommandée

« J’ai fait toute ma jeunesse à Orly. Et j’ai eu une enfance magnifique, au sein d’une famille nombreuse : trois grands frères, une grande sœur et deux petites sœurs. La vie que j’ai menée en cité, au Quartier des Saules, m’a beaucoup aidé. Il y avait beaucoup de partage, de fraternité, d’amour. J’avais l’école primaire à deux pas de mon immeuble. On finissait les cours, on ne voulait pas faire les devoirs et on allait jouer tous ensemble. C’était magnifique : il n’y avait pas de différence de couleur, de religion. J’avais un voisin juif, un voisin catholique… C’était le vivre-ensemble. Quand je reparle de cette époque, ça me rend nostalgique. 

J’ai commencé le basket à 5 ans. À la base, je voulais faire du foot mais mon grand frère, Toumany, m’a mis au basket donc je ne pouvais pas trop refuser. Il m’a forcé, je pleurais même le jour où il m’a dit que j’allais faire du basket (il sourit). Moi, j’avais toujours un ballon de foot mais je l’ai écouté. Comme quoi ce n’était pas une si mauvaise idée… Il voulait vraiment que je fasse comme lui, que je progresse sous son aile, alors qu’il était tout jeune aussi, il n’avait que 9-10 ans. Il m’avait promis une voiture télécommandée, il me faisait : « Ouais t’inquiète, t’auras ta petite Formule 1 ! Tu pourras rouler dans la cité avec et tout. » Au final, rien du tout (il rigole) ! C’était juste pour que je prenne ma licence. 

Je suis resté à Orly jusqu’en minimes avant de partir à Charenton-le-Pont. C’était le club du championnat de France, que j’affrontais vachement en U13. Dans le 94, c’était la concurrence avec Créteil. Dès qu’on jouait contre Charenton, on se prenait des tôles. Je suis allé à Charenton en même temps que mon grand frère, qui allait lui en cadets France. On a été champions de France minimes au cours de ma deuxième saison, avec Evan Fournier, Jérémy Nzeulie, Babacar Niang, Ivan Emmanuelli.

Lahaou Konaté (au fond à gauche) champion de France minimes avec Charenton

Avec Evan, on était proches avant que j’aille à Charenton car on était ensemble en sélection Val-de-Marne ensemble. Jusqu’à son départ à l’INSEP, on formait un vrai trio avec Jérémy Nzeulie.

La rencontre avec Evan Fournier (avec les tresses) en sélection Val-de-Marne

On se voyait tout le temps avec Evan : vu que j’habitais Orly, loin de Charenton, je prenais le RER C jusqu’à Ivry-sur-Seine, où sa mère venait me chercher et me re-déposait le soir. Elle me préparait mon goûter, les Fournier m’ont pris sous leur aile, comme si j’étais leur fils. Ils me proposaient de rester dormir le soir pour m’éviter de faire un long trajet tout seul. On avait vraiment une superbe relation.

« Un joueur basique, personne ne me calculait »

À Orly, j’étais très dominant. Mais à Charenton, j’étais un joueur basique, un joueur du banc. J’étais tout petit, personne ne me calculait. J’ai fait quelques détections mais on me disait que j’étais trop petit. À un moment, je suis quand même passé de 1,78 à 1,90 m en quelques mois. J’ai eu des soucis au dos et au genou à cause de ça. Et je ne faisais que dormir, j’étais toujours fatigué, c’était abusé…

Lahaou Konaté (avec la main levée au fond) est longtemps resté plus petit que les autres dans sa jeunesse

Ça a été une période compliquée, à tel point que j’ai quitté Charenton. En cadets première année, je m’étais retrouvé tout seul, entre guillemets. Evan était parti à l’INSEP, Jérémy (Nzeulie) à Nanterre, Babacar (Niang) au Mans, donc je ne prenais plus de plaisir. Et Patrice Zonzon, le coach des seniors d’Orly, m’a dit de revenir : j’avais l’opportunité d’évoluer avec mon frère, c’était énorme ! On était en Prénationale : un vrai niveau, une vraie équipe, on jouait la montée ! Je n’ai aucun regret, c’est l’une de mes meilleures décisions. »

Surclassé en seniors à Orly dès ses 16 ans

Le déracinement au HTV (2008/10) :
« J’ai failli arrêter le basket… » 

« À Orly, j’ai taffé avec les seniors, et le coach m’a présenté à un agent, qui m’a trouvé un test à Hyères-Toulon. J’y suis allé en pleine saison : 4-5 jours en février. Une semaine après, j’avais le verdict : le HTV voulait me prendre en aspirant. J’ai signé direct. J’ai pris une baffe en arrivant là-bas : tu passes des quartiers à la playa (il sourit). On vivait dans une résidence Pierre & Vacances. Si t’étais pas focus, tu pouvais vite sombrer. Y’a plein de touristes, de distractions…

C’était cool au HTV : la première saison très bien passée, la deuxième un peu moins… J’ai failli arrêter le basket lors de l’été 2009. Avant, j’étais en train de kiffer, j’avais intégré les pros, je m’entraînais avec Moustapha Sonko, Vincent Masingue, Kyle Milling, Laurent Legname, etc. Je kiffais ! Mais en juin, mon père décède après un arrêt cardiaque. Quand tu as 17 ans, forcément, tu ne t’y attends pas… Du coup, j’ai voulu arrêter : je me suis vite dit que je voulais rester avec ma mère et mes deux petites sœurs. Je n’avais plus la tête au basket. La réflexion a duré tout l’été, j’ai repoussé mon départ à Hyères jusqu’à début septembre, alors que les gars avaient repris mi-août. Je me suis auto-persuadé d’y retourner, j’ai écouté mes frères, mes proches, qui me disaient aussi de reprendre. En fait, pourquoi j’allais abandonner alors que je commençais à toucher à mon rêve ? 

Lahaou Konaté est entré en centre de formation à Hyères-Toulon à 17 ans (photo : HTV Basket)

Quand j’arrive en fin de contrat au HTV, Alain Weisz et Philippe Legname veulent me resigner en stagiaire pro, mais le coach Espoirs, Eric Lecerf, m’a dit clairement qu’il ne voulait pas que je reste, que j’aurais moins de temps de jeu. Quand il me l’annonce, c’est une claque, un peu comme un rêve qui s’effondre : j’avais un contrat stagiaire pro qui m’attendait… »

Denek-Bat (2010/11), la NM1 pour grandir :
« Un mal pour un bien » 

« L’anecdote marrante, c’est que je devais signer au Portel à l’époque. Le coach Cédric Binauld était super intéressé par mon profil, il me dit que je vais jouer avec la NM3 et m’entraîner avec la Pro B, mais ils me mettent un plan… On se retrouve mi-juillet et je n’ai toujours rien. C’est là que Bayonne arrive et me propose un contrat d’un an. Let’s go, je n’avais rien d’autre de toute façon !

Des minutes en NM1 à 19 ans, de quoi s’ouvrir les portes du camp d’entraînement de l’équipe de France U20 pour la première fois (photo : Denek-Bat)

Se retrouver en Nationale 1 a été un mal pour un bien. J’ai vraiment apprécié cette expérience-là. J’étais entouré de bons gars : Willy Berquier, Cédric Mansaré, Fabien Calvez… Il fallait montrer au coach Chris Singleton que je méritais un peu de temps mais j’avais mes 10 minutes par match (14 en réalité, ndlr). Et à l’entraînement, je défendais tout le temps sur Larry Blair (meilleur scoreur de NM1 à l’époque, avec 25 points de moyenne sur deux ans, ndlr). Quel joueur, waow, quel joueur ! C’était aussi formateur que difficile… »

Évreux, l’explosion (2010/14) :
« Le meilleur choix que j’ai fait » 

« Le projet d’Évreux est le meilleur choix que j’ai fait. Rémy Valin m’a parlé comme un père : il me proposait d’être dixième joueur pro et de jouer avec la Nationale 3 de Fabrice Lefrançois, que je connais depuis petit, à Orly. C’est la saison où j’ai le plus progressé dans ma vie, où j’ai vraiment pris du plaisir. J’étais impliqué dans le double projet, j’ai quand même passé toute l’année en Nationale 3, alors que je jouais plus de 20 minutes par match en Pro B.

Rémy ne m’avait pas menti d’ailleurs. Il m’a dit que si j’étais prêt, je serai sur le terrain. Je partais dixième homme, j’ai fini sixième homme et parfois, je startais. Il m’a pris sous son aile. Moi, je ne connaissais rien du basket à cette époque-là. Il me disait : « Regarde l’EuroLeague, regarde Nando De Colo. Il m’avait demandé de lui passer une clef USB, il m’avait mis des matchs d’EuroLeague dessus et il me posait des questions le lendemain. On avait une vraie relation.

Avec l’ALM, Lahaou Konaté a pris son envol (photo : Sébastien Grasset)

C’est à Évreux que j’ai vu que je pouvais aspirer à mieux, avec du travail et de la détermination. Là-bas, j’ai compris que c’était possible pour moi, alors j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour espérer aller plus haut. Mais je me suis blessé à l’épaule (en février 2014, ndlr). Le club d’Évreux a été super avec moi : ils m’ont re-proposé un an de contrat pour que je récupère et que je montre que j’ai le niveau pour jouer en Pro A. C’est ce qui s’est passé. »

Le Mans (2015/17), la découverte :
« Reconnaissant de fou » 

Pour ma première en Pro A, je débarque dans un club de prestige, référencé, multi-titré : le MSB. J’étais reconnaissant de fou, avec deux ans de contrat. On gagne la Coupe de France pour ma première saison, ça reste un énorme souvenir. Une finale contre l’ASVEL à Bercy, que rêver de mieux ? C’était une récompense de malade. La saison avait été top, j’avais découvert l’EuroCup, on était allé jusqu’en demi-finale du championnat. Et on avait un vrai groupe, j’apprenais aux côtés des Mickaël Gelabale ou Pape-Philippe Amagou. La deuxième saison a été un peu plus difficile, ils ont coupé Künter, et ça n’a pas été facile pour Alexandre Ménard d’endosser le rôle dans une spirale négative. »

Deux saisons réussies au MSB (photo : Sébastien Grasset)

Nanterre (2017/19) et les Bleus, l’apothéose :
« Ah ouais, coéquipier avec Boris Diaw ?! » 

« En 2017, je rentre à la maison, à Nanterre ! Je signe avec Pascal (Donnadieu) car je le fréquentais depuis deux ans avec les A’. On avait déjà une relation de confiance. Nanterre, c’est une très belle période de ma carrière, individuellement et collectivement. Je ne sais même pas comment la décrire tellement c’était magnifique… Je n’ai pas d’autres mots. Tout s’est aligné pour jouer le meilleur basket de ma carrière : j’étais en forme, Pascal me faisait confiance, j’étais de retour chez moi.

C’est à Nanterre que Lahaou Konaté a joué le meilleur basket de sa carrière (photo : Sébastien Grasset)

Je suis très fier d’être All-Star, de terminer meilleur défenseur, dans le meilleur cinq du championnat ! Et l’équipe de France… Ça, c’est la cerise sur le gâteau. Quand je vois le parcours derrière, c’est une fierté de fou. Les gens ne me voyaient pas plus haut qu’un joueur de Nationale 2 ! Pascal m’a m’annoncé que j’allais être appelé juste avant un match de BCL à Nymburk (le 11 octobre 2017). Je lui dis : « Mais comment ça, appelé ?! En partenaire d’entraînement quoi ?! » Je n’en revenais pas… Il me dit ça juste avant le match en plus (il sourit) « Laisse moi faire une bonne rencontre d’abord et après, je retournerai sur mon nuage. » Franchement, je crois que j’ai été bon ce jour-là (il sourit).

20 sélections en équipe de France, c’est le summum d’un carrière. À la base, ce n’était même pas un objectif. Je n’avais jamais fait les équipes de France jeunes et je me retrouve en A, c’était lourd ! Je me souviens quand je regardais la liste : « Ah ouais, Boris Diaw ? Ah ouais, Edwin Jackson ? » C’était un rêve pour moi de jouer avec Boris Diaw, je le kiffais trop. Il avait fait une pub avec Evan. « Ah ouais, je vais devenir un peu son coéquipier ?! » C’était énorme… »

Lahaou Konaté, estampillé fenêtre en équipe de France : 20 sélections, 17 victoires (photo : FIBA)

Au sommet puis… au chômage :
« Mais attends, qu’est-ce que t’es en train de faire ?! » 

« L’été qui suit Nanterre a pourtant été très difficile… Malgré ma saison, je suis resté sans club jusqu’à la fin octobre. Un de mes rêves était de jouer en Espagne. Pouvoir affronter le Real ou le Barça, c’était le Graal pour moi. J’ai refusé de nombreuses offres, comme l’AS Monaco, après avoir eu Sasa Obradovic plusieurs fois au téléphone. Il a compris, même lui m’a dit d’aller au bout de mon rêve. J’aurais aimé aller à Monaco mais je me suis dit de vivre mon rêve à fond, que la France serait toujours là. Après, honnêtement, jamais je n’aurais pensé vivre un été comme ça. C’était la catastrophe.

Le cinq majeur de Jeep ÉLITE en 2018/19, featuring Lahaou Konaté, pourtant longtemps sur le carreau dans la foulée (photo : LNB)

Je n’avais eu que Fuenlabrada, soit tout ce que je voulais pas, un club qui ne payait pas à l’heure. Je suis allé bosser un mois à Dallas et au retour, le MSB m’appelle pour que je vienne en pigiste. Évidemment, je refuse : je n’avais pas fait tout ça pour ça… J’étais focus sur l’Espagne. Après, ça m’a fait tellement mal de voir le championnat commencer sans moi : « Mais attends Lahaou, qu’est-ce que t’es en train de faire ?! »

« Je suis parti au Kosovo pendant trois semaines ! » 

J’ai coupé tous les réseaux et je suis parti au… Kosovo pendant trois semaines ! J’avais un pote qui connaissait un coach serbe. Je lui demande de me passer le contact, que j’ai besoin de changer de cadre et de méthode. Avec le coach, Filip, ça se passe super bien au téléphone. Il me dit : « Je t’envoie la destination, prends tes billets et j’attends dans deux jours. » Moi, je ne calcule pas, je pensais me retrouver à Belgrade, normal (il rit). Je laisse passer quelques heures et le soir, je me dis quand même : « Allez Lahaou, regarde les Paris – Belgrade ». Mais sur son message, je vois Pristina (il rit). « Oh, c’est quoi Pristina ?! Capitale du Kosovo… Oh là, tu vas dans le dur » (il rit). Le pire, c’est que je n’étais même pas à Pristina, mais dans un village serbe à 1h30 de Pristina. J’étais dans un hôtel, je ne peux même pas vous le décrire, c’était une auberge… Je n’étais là-bas que pour le basket. Je m’entraînais 3h le matin et 3h l’après-midi, c’est le meilleur choix que j’ai pu faire pour ne pas tomber en dépression. Franchement, j’ai tellement apprécié que je le referais sans souci. »

Tenerife (2019/20), le rêve exaucé :
« Ça a totalement répondu à mes attentes »

« Au final, ça valait le coup d’attendre ! Tenerife m’appelle fin octobre, je suis allé au bout de mon truc. Je voulais goûter à cette vie de joueur étranger. Et ça a totalement répondu à mes attentes ! Ce que j’ai vécu là-bas, je n’aurais pas pu le vivre en France. J’étais avec un vrai coach, Txus Vidorreta, coéquipier avec Marcelinho Huertas, mon meilleur meneur en carrière.

Ça n’a pas été facile quand même, il a fallu s’adapter. Au début, le coach ne me faisait pas jouer en ACB, juste en Champions League, mais je n’ai aucun regret. Je me suis dit de kiffer à fond quand même et heureusement que je l’ai fait, car le Covid est arrivé juste après. On a notamment remporté la Coupe Intercontinentale. Par contre, je ne vais pas mentir, je ne la connaissais pas avant de la jouer (il sourit). On a affronté une équipe de G-League en demi, c’était un délire, mais la finale contre la Virtus Bologne a été un gros match. C’était grave cool.

À Tenerife, Lahaou Konaté a vécu son rêve et étoffé son palmarès (photo : FIBA)

Et Tenerife, quelle vie ! Oh là là, j’étais trop bien. Tout le temps en short, la vie de rêve. En termes d’infrastructure, de professionnalisme, c’était proche de la perfection. »

Metropolitans 92 (2020/23), le grand écart :
« La saison Wemby, complètement hors du temps » 

« J’aurais pu rester en Espagne, j’avais reçu une belle offre de Bilbao. Mais c’était une période où je me posais beaucoup de question : est-ce que le Covid ne va pas tout tuer ? On avait eu des restrictions de salaire en Espagne. Je n’étais pas rassuré sur le fait de prendre le risque de ne signer qu’un an. J’avais plusieurs clubs français sur moi : l’AS Monaco, la JL Bourg, la JDA Dijon et les Metropolitans 92. Les Mets m’ont proposé quatre ans, j’ai dit oui direct. Impossible de refuser la stabilité à Paris ! »

Les premières saisons sont belles : on performe en EuroCup avec Jurij Zdovic puis quand Vincent Collet arrive, c’est top ! Je voulais jouer pour lui en club, c’était un privilège et une chance. J’étais son capitaine, c’était grave cool. Et vient cette saison 2022/23, un peu hors du temps, complètement à part.

« On te sert ton jus d’orange allongé dans l’avion »

Dès le début, on va à Las Vegas, en business class. On te sert ton jus d’orange allongé dans l’avion (il rit). À Vegas, t’es traité comme un joueur NBA. Perso, j’avais direct conscience que c’était un truc de fou. Je disais aux gars de profiter, que ça n’arrivera qu’une fois. Dans chaque ville de France, c’était les Beatles, toujours full, abusé. J’étais sollicité de partout, des gens dont je n’avais pas eu de nouvelles depuis une éternité qui soudainement me demandaient des places. « Ah, ça va être dur, désolé… »

Lahaou Konaté, mentor d’une équipe d’adolescents superstars en 2023/24 (photo : Christophe Canet)

Vincent Collet et Alain Weisz ont fait un truc assez fou : une équipe ultra-jeune, avec huit joueurs français et des gamins étrangers ! Et Victor (Wembanyama), c’était du jamais-vu. Nous-mêmes, on se demandait parfois s’il n’allait pas péter un plomb du jour au lendemain. Mais non… L’explosion de Bilal (Coulibaly), c’était la cerise sur le gâteau. Sur la finale, je n’ai pas de regret, on savait qu’on allait être court au niveau de la rotation. Le seul hic, c’est de ne pas avoir fait un match de plus à Roland-Garros contre Monaco (0-3).

« Deux jours après, on apprend que le club pourrait disparaître… »

Deux jours après, on est en repas d’équipe au restaurant et là, je comprends que c’est la fin d’une ère, que ça va être le bordel… Il y a des rumeurs de dépôt de bilan : on est sur le cul. On est censés tous être contents, à fêter notre belle saison, mais on apprend que DeVante Jones ne pourra pas resigner, que Bandja (Sy) non plus, que le club pourrait disparaître.

J’ai passé six semaines seul, sans coach, sans nouvelles, et d’un coup comme ça, fin juillet, le maire de Boulogne-Billancourt (Pierre-Christophe Baguet, ndlr) m’appelle. « Bonne nouvelle ! On repart ! ». « Ah ouais ?! Bon courage alors… » « T’inquiètes pas… » Ça a été catastrophique ! La transition a été extrêmement dure pour moi. Dans une carrière, il y a des blessures physiques dans une carrière, mais ça, c’est une vraie blessure mentale. Toute la saison a été un fardeau : même si on a une chance inouïe d’être pro, ça a été très dur de se motiver au quotidien, de prendre du plaisir… J’ai vite compris qu’il fallait faire abstraction et déconnecter du basket à la maison. Mentalement, j’ai dû faire un gros travail sur moi-même : couper dès que j’arrivais chez moi, apprendre à relativiser, profiter de ma famille, me dire que j’étais en bonne santé. J’essayais d’avoir une petite reconnaissance quotidienne.

En 2023/24, Lahaou Konaté a vécu de plein fouet la saison déprimante des Mets (photo : Julie Dumélié)

J’ai eu l’impression d’être piégé et je ne pensais d’ailleurs pas qu’il (le maire) allait faire ça, que c’était impossible. Au-delà de nous, les pros qui nous allons retrouver du boulot, il y avait des salariés, qui étaient là pour nous au quotidien, et des jeunes. Quel message tu leur envoies là ?! Tu es allé chercher des jeunes au fin fond de la France, ils se rapprochent de leur rêve et tu les en prives d’un coup comme ça ? Alors qu’il y avait tout pour réussir à Boulogne… T’es en finale, t’as Wembanyama et tu te retrouves à faire n’importe quoi ?! Un gâchis total ! »

Le Portel (depuis 2024), retrouver du sens :
« Ici, on se bat pour quelque chose » 

« Après avoir vécu cela, il fallait que je retrouve un vrai projet et de l’envie, soit toutes ces valeurs et ces principes qui me sont chers en tant que joueur. Ça a été Le Portel : quand Éric Girard m’appelle, ça m’a de suite parlé. Je n’ai pas voulu attendre, j’avais envie de passer à autre chose. Et cette fois, contrairement à 2010, ils ne m’ont pas mise à l’envers (il sourit). 3 ans de contrat à mon âge, ça compte.

Surtout, après Levallois où l’on savait que le club allait disparaître, ça m’a permis de retrouver du sens. Le club a une histoire et on est ici pour la faire perdurer. Au moins, tu sais que tu te bats pour quelque chose. Dans une Betclic ÉLITE à 16 équipes, avec des budgets toujours plus élevés, on sait que c’est de plus en plus compliqué. C’est pour ça que le maintien la saison dernière a été une grosse émotion. En termes de pression, j’avais rarement vécu ça : si on perdait en playoffs de Pro B, on faisait couler le club et c’était impossible de savoir comment allait se passer la suite. C’était intense mais un énorme soulagement dès qu’on a pu remporter la finale à domicile.

Le sourire de Lahaou Konaté lors du maintien du Portel en juin dernier (photo : ESSM)

En plus, la validation de cette dixième saison dans l’élite venait couronner tout le travail qu’Éric Girard a pu faire ici. Qu’un petit club puisse autant survivre dans un énorme championnat, c’est très rare dans l’histoire du sport collectif français. Ça a été la fin parfaite pour lui. Maintenant, c’est à Kenny Grant d’écrire son histoire au Portel. L’adaptation se passe bien mais on sait que la saison va encore être très compliquée. On veut bien faire les choses et il faudra être le plus positif possible car le championnat est long et imprévisible. »

Pas en pré-retraite, mais déjà fier : 
« Mon parcours prouve que tout est possible dans la vie »

« D’un point de vue personnel, je suis toujours là, toujours debout. Ça me fait drôle d’être le plus ancien. Au Portel, le public est connaisseur, aime les gens qui se battent, qui mouillent le maillot, ça compte beaucoup pour moi.

Il me reste deux ans de contrat et j’espère que ce n’est pas mon dernier. Ça me fera arriver à 35 – 36 ans. Je me vois continuer. J’espère juste que mon corps tiendra. Il y a toujours des pépins physiques : je me suis coltiné une sciatique l’an dernier toute la saison, là c’est les genoux… J’ai encore des choses à vivre dans ce milieu, j’espère pousser jusqu’à 38 ans minimum. Je n’ai pas envie que ça s’arrête aussi tôt, même si je sais que je suis plus proche de la fin maintenant. J’essaye de profiter au maximum et d’être reconnaissant d’être sur le terrain.

Lahaou Konaté se voit jouer encore quatre ans, au moins (photo : ESSM Le Portel)

Pour la suite, je ne sais pas encore ce que je veux faire exactement. Le plus important a toujours été de diversifier mon portefeuille pour avoir plusieurs rentrées d’argent. C’est ce que j’essaye de faire le plus possible. J’ai déjà des petits business à côté du sport, dans l’immobilier ou avec deux franchises de restauration. Si je reste dans le basket, ce sera avec les jeunes. 

Quand je regarde mon parcours, ça m’inspire beaucoup de choses. Ça montre notamment qu’on peut y arriver, que tout est possible dans la vie, dès lors qu’on est motivé, déterminé et concentré dans ses objectifs. Avec de la force et du courage, on peut toujours arriver à faire de belles choses. Quand j’entends qu’il y a des petits jeunes qui s’inspirent de mon parcours, c’est une fierté énorme pour moi. Même si j’étais doué au foot quand j’étais petit, ça valait 1 000 fois le coup d’écouter mon frère à l’époque (il sourit)… »

Image Alexandre Lacoste
Alexandre Lacoste est arrivé sur BeBasket en 2011, lorsque le site se prénommait encore Catch & Shoot. Amateur de portraits et de reportages, généralement au plus près des équipes de France lors des compétitions internationales, il aime chercher des angles originaux et des sujets qui vont au-delà du simple résultat sportif.

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dauw24
Monsieur Konaté. Grand professionnel, défenseur hors pair, mais aussi attaquant sous-estimé. Personnage humble et attachant. Il n'est resté que deux ans à Nanterre mais je pense que tous les supporters s'en souviennent. Son maillot aurait pu être accroché au mur de Maurice Thorez...
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lulutoutvert
c'est certain qu'au Portel ça allait coller. Il a l'esprit portelois, il ne lache rien et met ses tripes sur le parquet. Tout ce qui plait à tous les coachs et tous les supporters
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