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[Les pires records de Pro A] Le jour où… Roanne a démarré par un 28-0 à Bourg (4/5)

À l’autre bout du fil, Branko Sindjelic s’emporte. « C’est incroyable, cela remonte à plus de 13 ans maintenant et cela m’énerve encore ! J’avais essayé d’effacer ce souvenir de ma mémoire car je ne m’étais rarement senti aussi ridicule. C’est l’un des moments les plus embarrassants de toute ma vie, c’est très difficile pour moi d’en reparler. Ça me rend furieux rien que d’évoquer ce match. » Ce match, quel match ?

Nous sommes le 3 octobre 2006 et la JL Bourg est déjà sous pression à l’aube de la 3e journée de Pro A. Finaliste de la Semaine des As huit mois auparavant, ses deux premières sorties de l’ère François Peronnet ont tourné au fiasco : 48-77 à domicile contre le promu orléanais puis 49-73 sur le parquet de Hyères-Toulon. Autant dire que la réception de la Chorale, que l’on n’envisage pas encore dans les habits du futur champion de France, s’apparente déjà à un premier tournant. Malheureusement pour les Bressans, certains Roannais avaient d’autres idées…

À 2 – 28 :
« Comme si l’on avait gagné le match »

« J’avais été médiocre lors de mes deux premiers matchs et je voulais vraiment sortir une grosse performance offensive pour que tout le monde puisse réaliser à quel point j’étais bon », sourit Marc Salyers, qui possède une drôle de notion de la performance ratée (23 points à 50% contre Gravelines trois jours auparavant). « J’avais envie de marquer beaucoup de points rapidement dans la rencontre. Si vous regardez la vidéo, vous ne me verrez pas beaucoup passer le ballon ! » Un deuxième homme était particulièrement motivé : Marc-Antoine Pellin. Du haut de ses 19 ans, après le renvoi de Tony Skinn puis l’échec des négociations avec Donald Copeland, l’ancien pensionnaire de l’INSEP était encore considéré comme la roue de secours dans l’attente d’un gros meneur américain. Personne ne connaissait alors vraiment son nom. Et, roublard, Jean-Denys Choulet avait trouvé l’aide indirecte de la JL Bourg pour le motiver. Dans le programme d’avant-match, distribué dans les travées de la salle Amédée-Mercier, il était écrit : « Le plus petit joueur du championnat ne serait certainement qu’une doublure dans tous les clubs. » Et évidemment, JDC s’était fait un malin plaisir d’aller lui lire… « Bien sûr que j’ai pensé à ce qui était écrit dans la présentation », admettra Pellin dans les colonnes du Progrès le soir-même. « C’est vexant, non ? »

Bref, une JL Bourg sans aucune confiance offensive (48,5 points de moyenne jusque-là), un Marc Salyers déterminé à scorer, un Marc-Antoine Pellin désireux de prouver sa valeur, la présence de surdoués comme Dee Spencer ou Aaron Harper… Avec du recul, l’affaire se présentait mal d’emblée pour la Jeu. Mais sûrement pas au point de prendre de telles proportions. « Un tel début de match, je n’avais jamais vécu ça », avouera François Peronnet en conférence de presse après coup. « Les joueurs étaient très contractés et pas libérés. Nous sommes tétanisés par l’enjeu. Il y a un paramètre mental qui nous bloque. » Une crispation qui entraînera un enfer de plus de 6 minutes pour les locaux : le duo Spencer – Salyers s’amuse en compilant 27 points sur les 28 de cette invraisemblable série, le rookie Jeremy Kelly vit un supplice face à la défense oppressante de Pellin, Lesly Bengaber loupe un double-pas, le public bressan commence à applaudir les actions de Roanne… Au bout de trois minutes de jeu, il y a déjà 0-15 ! Puis à 0-24, dans la foulée d’un alley-oop monumental de Marc Salyers (voir la vidéo ci-dessous), le pivot burgien Kashif Hameed rate un dunk. Sous les huées du hangar.

La délivrance viendra au bout de 6 minutes et 18 secondes : après un contre de Salyers, Karim Ouattara marque un panier de raccroc. Le tableau d’affichage affiche alors 2-28 et la même image reste figée dans les esprits des deux camps. « Mon souvenir majeur, c’est la réaction de la salle quand Bourg marque son premier panier », indique Jean-Denys Choulet. « On se demandait s’ils allaient enfin scorer et ça a été l’explosion quand ils l’ont fait. » Au micro ce soir-là, le speaker bressan Arafat Gorrab renchérit. « J’animais le match et je me souviens que je répétais « deux points Dewarick Spencer, deux points Marc Salyers »… Je peux vous dire exactement qui a marqué le premier panier pour la JL Bourg : c’était Karim Ouattara. Je m’en rappellerai toute ma vie car c’était comme si l’on avait gagné le match quand il a scoré. Il fallait voir la clameur de la salle et le soulagement de se dire qu’on avait enfin marqué deux points. Car avant, tout ce qu’on entendait, c’était l’exaspération et le dépit des gens, vu qu’on enchaînait les pertes de balle et les tirs ratés ». Dans les cordes à la fin du premier quart-temps (14-39), Bourg-en-Bresse aura une petite réaction d’orgueil sous la houlette de son capitaine Branko Sindjelic et du talentueux mais egocentré Marcus Wilson, revenant à seulement dix points des Ligériens (37-47, 22e minute). Sauf que la JL subira une deuxième vague pour finalement s’incliner de… 28 points (64-92, score final).

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Comme Kelly, Mickaël Hay – qui disputait l’avant-dernier match de sa carrière –
a vécu un calvaire face à Pellin (photo : Laurent Thevenot / Le Progrès)

Ainsi, cette rencontre irrationnelle marque l’un des actes de naissances de Marco Pellin sur la scène professionnelle. « Il a atomisé Jeremy Kelly », soufflait Jean-Denys Choulet le soir-même en conférence de presse et qui maintenant, treize ans après, conserve encore en mémoire l’image du « meneur de Bourg n’arrivant pas à remonter le ballon ». Rookie décevant (4,3 points à 36% et 1,7 passe décisive), Jeremy Kelly n’aura tenu que quatre rencontres supplémentaires à Bourg-en-Bresse avant de partir mener une carrière anonyme entre la D-League, l’Islande et le Mexique… « En fait, c’était surtout un poste 2 », se remémore Pellin. « À l’époque, ce n’étaient pas les arrières de maintenant, capables de monter le ballon. De tout le premier quart-temps, ils ne passent quasiment pas le milieu de terrain. On leur a fait une démonstration, tout le monde défendait haut, Bourg n’avait personne pour mener le jeu correctement et nous, on s’éclatait. Dès que l’on pouvait dérouler du jeu rapide et que l’on mettait nos shoots en première intention, c’était très dur de nous tenir. » Prémonitoire du tsunami qui allait s’abattre sur la Pro A dans les mois suivants. 

« Je crois que l’on ne reverra jamais une équipe avec les trois meilleurs scoreurs du championnat dans ses rangs », prophétise Marc Salyers, qui, ce soir-là, avait compilé 25 points, à ajouter aux 16 unités d’Aaron Harper et aux 22 de Dee Spencer. Soit 63 points, quasiment autant que toute l’équipe de l’Ain. Les indices de la domination roannaise étaient déjà là mais personne ne voulait encore les voir, surtout pas Jean-Denys Choulet. « Si l’on peut titiller les gros, on ne va pas se gêner mais pour moi, ça ne change rien », martelait-il en conférence de presse. Sauf pour Marc Salyers qui, dans le sillage de ce 28-0, comprendra que cette équipe version 2006/07 de la Chorale de Roanne était spéciale. « Je nous revois lors d’un temps-mort alors que l’écart était déjà fait. On ne voulait pas lever le pied de la pédale d’accélérateur, on s’était dit qu’on monterait à 40 ou 50-0 si c’était possible. On voulait vraiment leur faire mal et envoyer un message au reste du championnat. C’est à ce moment-là que j’ai compris que nous avions collectivement un état d’esprit de tueurs. »

La « honte » de Branko Sindjelic

Et si le doublé de 2007 semblait encore une perspective lointaine en cette soirée d’octobre 2006, le funeste destin de la JL Bourg paraissait lui déjà bien plus net, d’autant plus avec la perspective d’une saison à trois relégations. « Ce n’était que notre troisième match mais j’avais déjà compris que la saison était foutue et qu’on descendrait en Pro B », se désole Branko Sindjelic. « On sortait de la meilleure saison de l’histoire du club et six mois après, on se retrouve à rater des dunks et des lay-ups, avec notre public qui nous sifflait et qui commençait à applaudir les actions de Roanne. Il y avait 28-0 quoi (il le répète). On s’est fait marcher dessus, chez nous, devant nos supporters. C’était une honte. » Bénéficiant d’une immense cote de popularité à Bourg-en-Bresse, où il était surnommé « Le Maire », l’ancien intérieur de Limoges et de Saint-Quentin était le seul rescapé de l’histoire saison 2005/06 aux côtés, croyait-on alors, de Slobodan Savovic. Mais, victime d’une rupture du tendon d’Achille en mars 2006 à Gravelines, le Monténégrin n’a jamais pu rejouer au basket.

Alors, aux yeux de Sindjelic, le coupable est vite désigné : le nouvel entraîneur François Peronnet (qui n’a pas donné suite à nos sollicitations), arrivé auréolé de son statut de meilleur coach de Pro B. « Il a tout détruit », incrimine-t-il. « Avant, tout le monde avait peur de venir jouer dans notre salle et on se retrouve à 0-28 seulement quelques mois après. Il a voulu tout changer. Il a ramené neuf nouveaux joueurs, je ne me souviens même pas du nom de la plupart… Mais certains s’en foutaient totalement et ne méritaient pas de porter le maillot de la JL. Depuis le premier entraînement, je savais qu’il y avait un gros problème avec le coach et je suis désolé d’avoir eu raison », souffle-t-il, en invoquant son passé sous les ordres de Zeljko Obradovic, du professeur Aleksandar Nikolic ou de Frédéric Sarre pour étayer ses dires. Avant de poursuivre sa tirade avec des reproches aux airs de refrains lancinants pour les habitués de Beaublanc. « Ce qui m’a le plus énervé, c’est la passivité de notre coach. Il n’a rien fait pour stopper cela. : il avait l’air indifférent, il applaudissait, il souriait… Il a attendu 20-0 pour prendre un temps-mort (en réalité, sur la vidéo, on s’aperçoit que François Peronnet en demande un après 2 minutes de jeu à 0-11, ndlr). Il les a laissés nous massacrer ! Quand il m’a sorti, il m’a tendu la main en me disant « Bien joué ! » et je lui ai jeté un regard noir. Bien joué pour quoi ?! Il me félicite alors que moi, je voulais aller me tuer sur le champ. »

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Les ponts ont vité été coupés entre Branko Sindjelic et François Peronnet
(photo : Vincent Janiaud)

Homme de confiance de Frédéric Sarre au cours des deux saisons précédentes, Branko Sindjelic ne s’est jamais entendu avec François Peronnet. Les deux hommes auront été en conflit larvé tout au long de leur collaboration et le président Gérard Mirmand a tranché en faveur du Serbe au cours de la trêve de Noël, avant de faire venir l’un de ses proches sur le banc, Neno Asceric. Mais le Serbo-Autrichien, qui vivait sa première expérience en tant qu’head-coach, n’aura pas réussi à faire mieux que son prédécesseur, scellant ainsi le retour de la JL Bourg en Pro B après sept saisons dans l’élite. « J’ai un mélange de colère et de tristesse », soupire Sindjelic. « J’ai d’abord passé trois années merveilleuses à Bourg, à tel point que j’ai encore le sentiment que c’est ma ville, comme si j’étais né là-bas. J’ai été le capitaine de l’équipe finaliste des As et je finis mon aventure à la JL sur une relégation. C’était la pire saison de ma vie. Je ne le méritais pas et les supporters non plus. » D’ailleurs, parmi les suiveurs de la JL Bourg, personne n’a oublié cette soirée désastreuse. La salle Amédée-Mercier n’était pas tout à fait pleine ce soir-là, avec 1 900 spectateurs (sur une capacité de 2 300 places) pour assister au festival choralien mais le souvenir de l’humiliation reste vif. Jean-Denys Choulet est là pour en témoigner… « C’était quelque chose d’incroyable mais les Burgiens s’en rappellent mieux que moi car ça marque évidemment plus quand on le subit. Dès que je retourne là-bas, les gens m’en reparlent. » Soit 6 minutes et 18 secondes qui resteront gravées dans beaucoup d’esprits… 

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Jusque-là, Andre Owens avait eu le beau rôle cette semaine : présent dans l’équipe de l’ASVEL qui avait étrillé Chalon (89-38) puis dans celle de l’Élan ayant été étouffé Toulouse (67-32), il a terminé sa carrière par une triste saison avec Bourg
(photo : Laurent Thevenot / Le Progrès)

 Les contreperformances historiques de Pro A :

  1. Lundi : Le jour où… Avignon est reparti de Cholet avec 59 points dans ses bagages (55-114)
  2. Mardi : Le jour où… Chalon a perdu de 51 points à domicile (38-89)
  3. Mercredi : Le jour où… Toulouse est resté scotché à 32 points (32-67)
  4. Jeudi : Le jour où… Roanne a démarré par un 28-0 à Bourg-en-Bresse
  5. Vendredi : Le jour où… Strasbourg a pris 37-0 en un quart-temps

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