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Rennes, quatrième équipe du monde aux passes décisives : « C’est l’essence du sport collectif »

NM1 - Rennes est l'équipe n°1 en passes décisives en France et même quatrième dans le monde. Son coach emblématique Pascal Thibaud nous explique comme il travaille pour année après année progresser dans ce section que son équipe domine presque systématiquement en Nationale 1 (NM1).
Rennes, quatrième équipe du monde aux passes décisives : « C’est l’essence du sport collectif »

Pascal Thibaud avec Rennes à Rueil.

Crédit photo : Gérard Héloïse

Rennes est-il le meilleur collectif du basketball français ? En tout cas, l’URB 35 s’est positionnée sur un basket de partage depuis quelques années, lui permettant d’être compétitive en Nationale 1 masculine (NM1) malgré une masse salariale se situant dans le derniers tiers de la division pour cette saison 2023-2024. En effet, l’équipe de Pascal Thibaud figure à la première place du nombre de passes décisives moyennes sur trois des quatre dernières saisons de NM1.

82,9% des points marqués sont successifs à une passe décisive !

En tête avec Saint-Vallier en 2020-2021 (20,3 passes décisives), l’équipe bretonne a baissé le pied en 2021-2022 (19 passes décisives, 3e sur 28) avant de franchir un nouveau cap en 2022-2023 (1er avec 22,7) et faire mieux encore sur la première partie de saison 2023-2024 (24,6, 1er loin devant les 21,3 de Mulhouse).

Là où les chiffres sont ahurissants, c’est lorsque l’on regarde le pourcentage de points marqués après une passe décisive. Il est de 82,9% ! A titre de comparaison, Saint-Chamond est premier en Pro B avec 76,3% et Blois en tête en Betclic ÉLITE avec 68,5%. En EuroLeague, le magnifique collectif du Real Madrid atteint 21,8 passes décisives par rencontre et 68% des points sont inscrits après une passes décisive (l’Olympiakos est premier avec 72,6%). Au niveau mondial, parmi toutes les ligues recensées par RealGM, Rennes est la quatrième équipe au monde à réaliser le plus de passes décisives par match (sur 40 minutes), derrière Grodno-93 en Biélorussie (30,5), Kutaisi en Géorgie (26,1) et Borisfen Mogilev (25,3) en Biélorussie (25,3).

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Alerté par des collègues entraîneurs de Betclic ÉLITE et de Pro B sur la durée dans le temps des performances à la passe décisive de son collectif – et ce malgré les changements d’effectif -, le coach Pascal Thibaud (60 ans) explique comment il parvient, saison après saison, à faire de son équipe la reine de la passe décisive.

Pourquoi la passe ?

Pascal Thibaud Rennes 2022-23
Pascal Thibaud lors d’un temps-mort de Rennes (photo : Gérard Héloïse).

Pour moi, c’est l’essence du sport collectif. J’ai l’objet que convoitent 10 joueurs sur le terrain, plus le banc de touche. Cet objet là, qui m’est si cher, je te le donne. Je te l’offre, comme dirait Daniel Herrero (ancien joueur et entraîneur de rugby, NDLR). J’ai pu assister à certaines conférences et je reprends souvent sa parabole de la passe. Comme il le disait : « La passe on la pousse avec les jambes, on la guide avec les bras, on la précise avec les doigts et on l’offre avec le cœur », avec toute la truculence qui le caractérise. J’avoue qu’il y a cette dimension là quand même – au delà de faire un peu autre chose que les autres – qui est peu une dimension sociétale, une certaine vision de la société, du partage, de l’échange.

Saison après saison, Rennes se démarque par ses bons résultats mais aussi son nombre de passes décisives, incroyablement élevé. Comment y parvenez-vous ?

C’est d’abord l’influence que j’ai eu de mon parcours d’entraîneur, plus que de joueur, avec notamment Philippe Hervé. Il y a un amour exacerbé de la passe chez Philippe. J’ai aussi eu Yves Baratet, avec cette dimension d’engagement mental par rapport à tout ce qu’on est amené à faire et qui a impacté plutôt le principe de contre-attaque sur lequel je travaille, ainsi que d’autres aspects.

C’est aussi un peu les principes, pédagogiques et didactiques, qui m’animent depuis pas mal d’années, et notamment l’influence d’un autre entraîneur, Jacques Galisson, que j’ai eu ici à Rennes, qui était enseignant en STAPS, et voire même du travail avec Yvon Léziard, un autre enseignant-chercheur de Rennes. Le deuxième point, c’est que j’ai pris le temps de travailler. Et c’est quelque chose qu’on a du mal à faire souvent, quand on est la tête dans le guidon, et quelque part pour moi, je ne le dis pas trop fort, mais le Covid a été une vraie bénédiction, parce que ça nous a donné du temps de travail, de réflexion. Tous les mois on se réunissait autour d’un « URB Brain » en visio avec un coach de Betclic ELITE, un joueur de Betclic ELITE, moi, mon assistant et un préparateur mental et on échangeait autour de sujets. Ça m’a permis de prendre le temps de réfléchir à mon projet de jeu, à mon projet de club avec mon assistant et on l’a surtout défini sur trois axes clés qui sont l’agressivité défensive, la contre-attaque et la passe.

Lors de la phase de recrutement, visez-vous des profils en particulier pour parvenir à produire ce jeu collectif ? Si oui lesquels ?

J’essaie quand même de rechercher un profil particulier, c’est à dire que j’ai mis au cœur du recrutement les trois axes forts dont j’ai parlé au-dessus, l’agressivité défensive, la contre-attaque et puis la passe, et la construction de l’équipe passe par ces priorités là. J’avais beaucoup échangé avec Guillaume Vizade que j’ai eu aussi comme assistant et partenaire coach il y a quelques années à Clermont-Ferrand. On est à presque 15 joueurs sur l’équipe première en lien avec l’équipe de N2, un peu à l’instar de ce qui se fait au foot. En gros, nous avons quatre colonnes de réflexion, la première c’est pour chaque poste, quelles sont les priorités ? Bien sûr la passe est une qualité prioritaire pour notre joueur meneur, pour les postes 4 mais aussi pour un certain nombre d’autres joueurs parmi ces 15 là.

On a ensuite les qualités secondaires sur qu’est-ce qu’on veut. Pour la plupart des joueurs, il faut que cette dimension de la qualité de la passe soit intégrée. On a ensuite une troisième colonne qui est quel défaut est-ce qu’on est prêt à accepter. J’avoue que celui de carence en passe on l’accepte mais il ne faut pas que ça aille trop loin. On l’accepte pour quelques joueurs dans notre roster de départ mais le moins possible. Enfin, la quatrième colonne est celle qui attrait à la dimension éliminatoire. Dans cette colonne, il est clair qu’un joueur qui tant dans le plan technique que celui informationnel et peut-être plus encore mental a vraiment des carences éliminatoires là dessus c’est terminé on n’envisage même pas – quelles que soient ses autres qualités – de le signer. Après, on est un peu comme tous les autres on reçoit des centaines et des centaines de highlights. Avec un peu d’expérience, en 30 secondes pratiquement, en 2-3 passes, le tri est fait. Après il y a les stats qui rentrent en ligne de compte, mais il y a trois dimensions qui sont fortes : l’anticipation informationnelle, la décentration technique et les feintes.

Pascal Thibaud Pascal Thibaud Rennes 2023-24
Pascal Thibaud avec son assistant Bastien Demeuré (photo : Gérard Héloïse).

Le deuxième point, c’est qu’on s’appuie sur une formation locale, notamment en lien avec l’équipe de N2 du Rennes Pôle Association (RPA). On a d’ailleurs fait basculer deux joueurs cette année, Adrien Sclear et Ewan Le Carour. Et aussi sur un socle fort. L’une des valeurs générales du club c’est la fidélité, ça se voit au niveau des dirigeants, on a les mêmes dirigeants depuis 11-12 ans ici, mais ça se voit aussi au niveau des joueurs. On a 3-4 joueurs, (Lucas) Fontaine il en est à sa 12e saison avec moi, (Joffrey) Sclear à la 11e, Clément Poncent-Leberre à la 5-6e, Cheick Sekou-Conde à la 4e. On a ce socle de joueurs là qui ont été gardés pour ses qualités basket et mentale. Ce sont déjà mes premiers relais. Je n’ai pas grand chose à faire ou à expliquer aux autres. Ces garçons là sont un peu les transmetteurs des vecteurs de l’histoire du club et aussi de cette histoire technico-tactique qu’on essaie de véhiculer notamment sur la passe.

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Quand on fait du travail dès le début de saison, il n’y a pas besoin d’intervenir beaucoup, lorsqu’un nouveau joueur arrive et forcément avec ses habitudes de jeu, lorsque il y a une ou deux actions répétées ou une extra passe qui se fait pas une fois ça va, la deuxième fois les joueurs le regardent et disent mais  »Attends pourquoi tu fais ça ? À quoi ça rime ? Qu’est ce qu’on fait là ? C’est quoi la priorité ? » La priorité c’est d’être performant et la performance aujourd’hui on voit qu’elle se situe pour nous avec ces joueurs là et, dans ce club, dans un jeu de passe complet.

Quel projet de jeu mettez-vous ensuite avec eux pour y parvenir ?

Je me souviens avec Christian Monschau, ça remonte à quelques années à l’époque de Chalon-sur-Saône où on était presque à faire les stats papiers avec les calculatrices et les cassettes VHS. J’ai toujours eu cette volonté, un amour aussi des mathématiques et des statistiques en prenant garde quand même toujours de les laisser à leur place et de pas être saturé par leurs informations, mais depuis toujours d’essayer de calculer la rentabilité des différentes situations offensives. Ça vient de la contre-attaque, de la transition, des formes de transition, les transitions libres, les transitions pick and roll, les transitions structurées, qui pour moi d’ailleurs sont déjà plus des transitions, les systèmes longs, courts, les combinaisons, et puis aussi beaucoup ce que j’appelle le jeu ouvert. Il y a plein de définitions, le jeu sur principe, mais c’est-à-dire des situations qui ne sont plus dans l’enchaînement prévu des combinaisons des systèmes.

Joffrey SCLEAR
Joffrey Sclear est l’une des figures de l’URB (photo : Gérard Héloïse).

Je m’aperçois depuis pas mal d’années que la rentabilité sur des combinaisons qu’on a travaillé des heures et des heures n’est finalement pas meilleure que celle que l’on a sur des situations de principe à vide où les joueurs ont vraiment l’initiative et le choix. C’était l’un des premiers constats que je faisais depuis quelques années et sur lequel j’ai vraiment basculé. Historiquement j’avais beaucoup travaillé sur la flex, la flex-offense s’est développée, mais la flex ça reste quand même un enchaînement de combinaisons de pick the picker et donc je voulais quelque chose de plus libre. Mais je n’avais pas le temps d’y travailler, de le maîtriser et comme je le disais la période du Covid me l’a donné.

J’y ai réfléchi, influencé aussi bien sûr par une des grosses avancées du travail impulsé par Vincent Collet sur le jeu avec principe et les bascules notamment, mais il y en avait d’autres auparavant qui l’avaient développé. J’ai recherché ça. Il y avait aussi une dimension que je voulais qui correspondait à donner plus de liberté dans les initiatives aux joueurs parce que j’ai la conviction qu’avec cette liberté là ils sont plus efficaces. Ils sont plus efficaces dans un cadre général. Ça correspond peut-être aussi à une approche sociologique un petit peu. On parlait de la génération Y qui arrive aujourd’hui à maturité basket. Mais c’était un vrai changement par rapport à la nôtre où on était vraiment, et au début de ma carrière d’entraîneur, sur des combinaisons hyper stéréotypées, hyper combinées.

Danny Evans Rennes 2023-24
L’international britannique Danny Evans fait partie des joueurs recrutés à l’intersaison (photo : Gérard Héloïse).

J’ai regardé beaucoup de matchs de NBA et de NCAA, et ce qui correspondait le mieux à la structure d’équipe qu’on avait c’était le motion game de Jay Wright de Villanova. J’ai regardé beaucoup de matchs de Villanova, j’ai retenu des principes et puis ensuite je les ai dégagés un certain nombre d’enchaînements d’actions et aujourd’hui on est là-dessus. Sur des enchaînements d’actions qu’on a vu mais qui restent autour de cette structure avec quatre extérieurs et un pivot plus ou moins libre de ses mouvements – c’est vrai qu’on a la chance avec chaque (Cheick Sekou) Condé d’avoir un joueur vraiment expert dans cette dimension là. On évolue là dessus et on s’améliore. L’autre jour j’ai inclus une situation que vous avez vu au travers du Paris Basket qui a aussi un jeu qui m’interpelle beaucoup.

Au delà du projet de jeu et du play qu’on utilise, je pense qu’il y a aussi la manière spécifique selon laquelle on travaille. Je parlais tout à l’heure du travail des passes. Déjà on fait pas mal de travail analytique en début de saison. Par contre très vite on y inclut de l’adversité, beaucoup de travail de feinte – de feinte gestuelle, de feinte du regard, d’attitude, de ludique -, de variabilité dans tout le travail qu’on fait, travail avec des medecine balls, des balles de rugby, des swiss ball etc. Et puis la pédagogie, la didactique et je reviens sur tout le travail avec Jacques Galisson à l’époque, c’est tout ce qui est la prise de risque et l’intégration de l’incertitude et de l’aléatoire et c’est pour ça que je te dis qu’on bascule très vite avec des défenseurs, plus ou moins guidés, plus ou moins intenses. Mais cette dimension-là de contextualisation du travail, elle est pour moi essentielle et c’est une bascule assez forte. Après il y a d’autres formes qu’on fait aussi qui sont assez spécifiques, qui sont autour de la visualisation, de l’imagerie mentale et ça on essaie de le décliner un petit peu aussi. Alors sur l’équipe première, on récupère des mecs de la N2 qui le maîtrise aussi, des U18, des U15 etc.

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Je me sens un peu comme un éternel étudiant, toujours à la recherche de nouveautés, que ce soit en sciences humaines, en sciences de l’apprentissage, et en fait je suis un peu un shaker de tout ça avec l’approche basket, avec les stunts qui sont apparus il y a quelques temps, la next défense… On est un peu une sorte de laboratoire expérimental je trouve ici avec ce que je demande aussi à l’ensemble des entraîneurs et du staff c’est de prendre des risques. « Oser, oser, oser, prenez des risques dans ce que vous faites », comme les joueurs doivent en prendre sur les situations d’entraînement. Pour terminer, la volonté qu’on a aujourd’hui, c’est vrai qu’on fait des parcours assez intéressants – les joueurs et le staff – maintenant c’est d’être capable de challenger ça, ce travail, ces méthodes à l’échelon supérieur.

J’ai la conviction qu’il y a beaucoup de choses à faire encore et que ce sera encore plus riche à l’échelon supérieur. J’espère de tout cœur qu’on pourra tous le faire avec l’équipe de l’URB.

Commentaires


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thegachette
Très intéressant ce coach, j'espère qu'il pourra rester ses idées en pro A
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thorir- Modifié
Ouais aprés ça dépend aussi des choix de vie, sinon retrouver un banc de ProB serait déja pas mal, ça fait + de 15 ans qu'il n'y a plus été head coach, ça serait un parcours assez atypique. Les coachs autour de son âge qui sont descendus de niveau un long moment comme ça c'est assez rare qu'ils aient à nouveau leur chance en LNB j'ai l'impression
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drefui
Merci Bebasket pour cette belle interview
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mick7142
Bel article sur un coach qui bosse et qui veut faire avancer son équipe et son club. Bravo Pascal !
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