Dans l’ombre, Kane Milling se fait un prénom à Limoges

Des rives ensoleillées de la mer Méditerranée à celles de la côte Pacifique, Kane Milling (1,95 m, 17 ans) a grandi en bord de plage… mais surtout sur les parquets. Le premier fils de Kyle Milling n’a pas échappé à ce sport qui a amené son père en France pour jouer en championnats professionnels et rencontrer sa mère. A son tour, avec sa double culture, Kane se construit peu à peu une réputation de jeune joueur à suivre.

Un enfant du HTV

C’est évidemment au Hyères-Toulon Var Basket, le club où son paternel a terminé sa carrière de joueur de haut-niveau et entamé sa carrière de coach, qu’il a pris sa première licence. Sous les ordres de son père, en U9, il a appris les bases de ce sport. S’en est suivi un parcours normal, si l’on excepte un saut de deux ans aux Etats-Unis, à San Diego, la ville natale de Kyle Milling, quand Kane avait entre 10 et 12 ans. Là-bas également, et pour la dernière fois, son père était aussi son coach. De retour dans le Var et au HTV après cette étape californienne, il n’a pas rejoint le Pôle Espoirs de la région PACA, pas plus qu’il n’a quitté le club à l’été 2018 pour rejoindre un centre de formation plus prestigieux. « L’école est plus important que le basket. C’était un choix de famille. Je pense que c’était un peu trop jeune pour partir », explique son père. Il faut dire que les deux vivaient à 5 minutes de la salle et pouvaient s’y rendre très souvent. Lorsque Kyle était l’assistant puis l’entraîneur de l’équipe professionnelle, lui et son jeune frère Jakob étaient toujours au bord du terrain à suivre les entraînements et shooter dès qu’ils le pouvaient. Avant de bénéficier de l’expertise de leur père. « Après les entraînements et les matchs, ils nous montraient ce qu’il faisait, ce qu’il fallait faire. C’est lui qui m’a tout appris », confesse le jeune homme. Un jour, alors encore U15, son père lui a demandé de faire le nombre à l’entraînement des pros.

« J’étais surpris qu’il me demande. J’étais minime encore et je devais m’entraîner avec des pros. C’est quelque chose qui m’a marqué. J’avais vraiment peur de voir ces gars, Axel Julien, Kyle Spain, Clément Cavallo, sur le même terrain que moi. C’est vraiment une expérience qui m’a marquée, jouer avec eux eux si jeune… A la fin j’étais super content. »

Bilingue, Kane Milling peut bénéficier des conseils des joueurs français comme américains. Avec l’arrière Chris Dowe, joueur du HTV lors de la saison du titre en Pro B en 2015/16, il a notamment noué de forts liens. « On faisait toujours des concours de tir, des un contre uns. » Cette saison, il s’entraîne « une à quatre fois par semaine  » avec l’effectif professionnel du CSP. Cette fois, c’est Dwight Hardy, l’arrière titulaire de l’effectif, qui l’a pris sous son aile. « Quand je m’entraîne avec les pros, généralement je défends sur lui. Même si je défends sur lui, il va me dire quoi faire. Il est vraiment intelligent. »

Car Kane Milling en est là désormais, à s’entraîner régulièrement avec les pros du CSP en plus de jouer en Espoirs. A l’époque du HTV, il a réalisé des tests au Centre Fédéral mais n’a pas été retenu. Il a joué sa première année U18 au HTV et a pris part à la belle aventure varoise, qui s’est terminée en finale du championnat de France 2017 contre le Cholet Basket de Killian Hayes. « C’était une année magique, on avait un groupe très soudé », se rappelle-t-il. « C’est là qu’il a montré aux gens en dehors de la région qu’il pouvait jouer », se souvient son père.

Un déclic grâce au jeu AAU ?

Avec cette belle médaille d’argent, exceptionnelle pour une équipe jeune du HTV à ce niveau, il a commencé à jouer en Espoirs, avec un rôle encore discret (3,7 points à 39,6% de réussite aux tirs, 1,2 rebond et 0,9 passe décisive pour 4,4 d’évaluation en 12 minutes), mais les problèmes de personne entre les coachs du club l’ont contraint à ne jouer que 13 matchs en U21. C’est cette saison, dans un nouveau club, qu’il s’installe réellement à ce niveau. Il fait plus que s’installer puisqu’il est tout simplement l’un des leaders de l’effectif, aux côtés du pivot U20 Timothé Bazille et du meneur U21 Damien Larribau.

Pour lui, cette explosion vient notamment de son expérience AAU. A l’été 2017, il a pris part à ses deux premiers tournois avec Game Point, une équipe de San Diego, en « silver division » (le deuxième meilleur niveau). Joueur d’équipe, il a eu besoin d’un temps d’adaptation. Après un premier tournoi où il a eu du mal à prendre ses responsabilités dans un jeu très individualiste, il a haussé son niveau d’agressivité balle en main. Au point de claquer « son premier dunk en match » se remémorre son père. Et l’été dernier, Kane Milling a renouvelé l’expérience. Joueur très collectif, très intelligent, il a ainsi pu se tester dans un autre basket. Ce qui lui a donné le plein de confiance pour la reprise. 

« Quand tu joues en AAU, il ne faut pas avoir peur, mais du tout ! Si tu as peur, tu vas te faire manger par l’adversaire. Ils jouent leur vie pour une bourse universitaire, devant les coachs. Ca m’a donné cette agressivité, cette envie de vraiment tuer mon défenseur. Ce jeu up-tempo est vraiment différent qu’en France. Si tu es ouvert, tu prends le tir, tu ne te poses pas de question. Et ça court tout le temps. En revenant à Limoges l’été dernier (après cette expérience AAU), j’étais déjà en forme en début de saison. Frank Kuhn (le coach) m’a donné beaucoup de confiance pour me laisser m’exprimer, devenir un des leaders avec Timothé Bazille. Il me laisse prendre la balle, prendre des décisions pour l’équipe. »

Pour le moment cette saison, après 20 matchs, il tourne à 15,4 points à 37,7% de réussite aux tirs, 6,3 rebonds, 3,5 passes décisives, 1,8 interception, 2,4 balles perdues et 4,6 fautes provoquées pour 14,5 d’évaluation en 32 minutes. Des chiffres relativement complets. Et s’il a toujours été référencé comme un shooteur, il devient de plus en plus polyvalent.

« Sa première qualité, c’est (d’être) un joueur de basket, analyse Kyle Milling. Il connait bien ce jeu. Son QI et sa lecture de jeu sont ses premières qualités. Il est bien dans les pick & roll, il sait quand lâcher la balle, quand attaquer. C’est naturel pour lui. Il sait comment ralentir ou accélerer le jeu. Dans le basket moderne, il y a pas mal de joueurs qui jouent sur plusieurs postes. Un joueur fixé à la mène, un autre à l’arrière, un sur le poste 3… C’est un peu fini ça. Je voulais que Kane fasse un peu tout. Quand on est jeune, on ne sait pas quelle taille ils vont faire. »

Aujourd’hui, Kane Milling peut indifféremment partir en contre-attaque avec ou sans la balle. Il n’est pas rare de le voir annoncer un système et surtout, le ballon lui revient vite dans les mains, pour créer son propre tir ou trouver un coéquipier ouvert. Un vrai joueur « all-around » d’1,95 m qui manque encore de qualités physiques pour passer un cap.

Malgré ce manque, il parvient à tirer son épingle du jeu à l’entraînement de l’équipe professionnelle. « Il est pas mal (sur ces séances), admet son père. Comme il n’a pas le physique encore, pour se démarquer contre les pros, c’est plutôt avec sa tête pour l’instant. Quand il aura le physique, il pourra passer un cap. » Notamment sur les drives où il explose pour le moment trop facilement.

Outre cet aspect physique, il veut pouvoir mettre « plus d’intensité » en défense. Il souhaite également avoir une lecture encore plus précise. « Je veux avoir une vision de jeu plus claire. Je perds encore un peu trop de ballons. »

Toujours dans les pas de son père, Kane Milling n’a pas connu de passe-droit et n’a pas souffert de cette image de « fils de », pas plus avant qu’après l’éviction de Kyle.

« Quand tu es fils de coach, ce n’est pas évident. Il a l’habitude. Avant je jouais, après j’étais assistant-coach. Ca s’est passé étape par étape. Il avait l’habitude de voir des gens qui parlent de moi. Limoges, c’était encore un cran au-dessus. Surtout quand je me suis fait remercié (rires). »

Un moment forcément particulier pour le jeune homme.

« Pendant cette période difficile, mes parents essayaient de nous protéger, de ne pas en parler devant nous. Vers la fin, c’était plus difficile, ça se sentait. Mais j’ai continué à travailler, à l’école comme au basket. Ca arrive de se faire virer. Si tu es coach pro, ça arrive forcément un jour. Tanpis. »

Pour autant, il ne semble pas en vouloir à l’institution CSP, où son père assure avoir gardé de bonnes relations. « Je suis toujours bien avec tout le monde à Limoges, avec le staff ou les joueurs. Personne n’a changé avec moi depuis que je suis parti, Frank (Kuhn), Yassine (Aouadi), François (Peronnet). » Kane Milling pourrait même considérer y lancer sa carrière professionnelle le moment venu. « Tous les gens, dans le staff ou le management, même les supporters, je pense qu’ils m’aiment bien. S’ils m’offrent quelque chose, je vais y réfléchir. »

La tentation NCAA

Mais Kane Milling rêve avant-tout de NCAA. Ses visites sur le campus d’Oregon, où son père était une vedette, l’ont marqué.

« Tout le monde dit que tu te souviendras toute ta vie de cette expérience. Au niveau basket, à 18 ans, tu peux jouer devant 20 000 personnes. Le tournoi final (March Madness), si tu arrives, c’est exceptionnel. Il y a également le point de vue scolaire. Pour l’éducation, c’est mieux. Je suis allé deux fois dans ma vie (sur le campus d’Oregon), c’est vraiment incroyable. Je suis ouvert à tout mais j’ai une préférence pour Oregon ou des universités vers San Diego, là où vit ma famille ».

Toutefois, la NCAA n’est pas la seule option qu’il envisage. Passer professionnel en France, s’il en a la possibilité, semble également être une option. En attendant, les pieds sur terre et bien entouré, il continue de travailler (tout en préparant son bac ES) dans l’ombre de la fabuleuse génération 2001 française, sans être appelé en équipe nationale de sa catégorie (U18 cette année), ce qui ne le frustre pas.

« Je regardais les matchs (à l’Euro U16 2017 et au Mondial U17 2018), ça doit être une expérience incroyable. Si je suis en préselection, je serais juste content de pouvoir tenter ma chance. C’est normal qu’ils ne m’aient pas pris. Je pense avoir le niveau mais ma génération, surtout à mon poste, c’est vraiment costaud. Je comprends. Ce n’est pas frustrant. Si je suis pris, je suis content, sinon je vais commencer à travailler de mon côté. »

Vrai attaquant moderne, complet et adroit, particulièrement à l’aise sur pick & roll, Kane Milling a tout en magasin pour devenir un joueur de haut-niveau. Comme son ami varois Hugo Besson (contre qui il a longtemps joué dans les derbies HTV-Bandol, avant de devenir son coéquipier en U15), son explotion aura lieu quand il arrivera à maturité physique. A Limoges ou ailleurs.

En attendant, voici une vidéo de 7 minutes présentant le profil de Kane Milling, en attaque comme en défense :

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Rédaction Bebasket

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