ITW Mehdy Mary : « Pour rester à la page, il faut sans cesse apprendre des autres »
Remercié par le Limoges CSP un an avant la fin de son contrat, Mehdy Mary se retrouve libre. Une période qu’il compte mettre à profit pour continuer à s’enrichir et développer son réseau. Présent dans le staff du Jazz d’Utah pour la Summer League, il nous parle de son expérience à venir mais de sa façon de toujours apprendre de ses collègues.
Plus d’un mois après la fin de la saison, et votre départ anticipé du Limoges avant la fin du contrat en 2022, quel regard portez-vous sur la saison écoulée ?
C’était une saison très particulière. Il y a eu des bonnes choses et des moments plus délicats. Le départ de DeMarcus Nelson nous a beaucoup affectés. On perdait en même temps un leader dans le jeu et dans le groupe. On a opéré beaucoup de modifications dans l’équipe. Ce n’était pas simple. On termine juste en-dessous de la place qualificative en playoffs. Il y a eu aussi la déception née de la défaite en demi-finales de Coupe de France contre Villeurbanne. C’est en deça ce que l’on pouvait espérer.
Cette expérience avec l’Utah Jazz vous permet-elle de vous projeter sur autre chose ?
Je suis extrêmement heureux d’avoir reçu une invitation de leur part. Je suis arrivé le 30 juillet. On a eu trois jours d’entraînement, puis la Summer League à Salt Lake City. J’ai eu l’occasion d’échanger avec Quin Snyder (entraîneur du Jazz depuis 2014) et les différents assistants. On a parlé de jeu et du contenu des prochaines semaines. Cela fait déjà trois fois que je viens ici dont je commence à connaître pas mal de personnes.
Comment se sont passées les discussions en amont avec la franchise ?
C’est une franchise avec laquelle je suis en contact depuis 2014. Je connais les GM, les coachs et les assistants. C’est l’assistant Mike Wells qui m’a contacté il y a un moment.
Quel sera votre rôle pendant trois semaines ?
Ce qui est top, c’est que la plupart des personnes autour du parquet sont d’anciens entraîneurs. Martin Schiller, ancien entraîneur de la G-League et actuel coach du Zalgiris Kaunas. Il y a beaucoup de personnes qui vont partout. On échange énormément. Ce qu’on attend de moi, c’est de dire comment je perçois le travail du Jazz, d’échanger autour de questions qu’ils vont poser sur ce qui se produit en fonction des pays.
On assimile régulièrement le jeu du Jazz au jeu européen. Quelle réflexion cela vous amène ?
C’est très proche de ce qui se produit en Europe. Quand j’étais venu au training camp en 2018, c’était une équipe d’EuroLeague. Maintenant, ils ont changé leur structure de jeu. Ils essaient de jouer des possessions plus courtes, avec des pick and rolls plus tôt. Quin (Snyder) a travaillé à l’université de Missouri. Il a également été assistant de (Ettore) Messina à Moscou. Il y a un intérêt fort pour le basket européen. Gobert, Bogdanovic, avant Rubio, il y a beaucoup de joueurs issus du Vieux Continent.
»Sans cesse progresser en confrontant les avis de tous les gens qui gravitent autour du Jazz »
Vous êtes un passionné de coaching. Vous avez déjà effectué un vol aller-retour pour assister à un match entre Badalone, alors entraîné par Aito Garcia Reneses, et le Real Madrid de (Bozidar) Maljkovic. Que venez-vous chercher lorsque vous partez à l’étranger ?
Pour moi, ce qui me plaît c’est de sans cesse progresser en confrontant les avis avec tous les gens qui gravitent autour du Jazz. En ce moment, il y a l’assistant du Fenerbahçe, qui avait coaché lors du quart de finale de l’Euroleague contre le CSKA Moscou en l’absence d’Igor Kokoskov. Aujourd’hui, le basket est très globalisé. Il y a quelques années, on voyait des joueurs en NBA jouer en isolation avec des joueurs au large. La balle était monopolisée par les stars. En EuroLeague, on jouait des possessions très longues. Maintenant, c’est très proche. Les Américains respectent davantage le jeu européen.
Sergio Scariolo travaillait ces dernières années avec les Toronto Raptors et la sélection espagnole (crédits photo : Sébastien Grasset)
Lorsque vous regardez des matchs, quels types de notes prenez-vous ?
Lorsque je suis revenu de l’Utah la première fois, j’avais rédigé un rapport de 7 à 8 pages. Le Jazz fait la même chose. Hier (dimanche 1er août), on a mangé au restaurant avec des scouts. On parlait de certains joueurs. Le lendemain, un de ceux présents avait mis en notes ce que je lui avais dit la veille. Les moments informels sont aussi utilisés pour continuer à apprendre des choses.
« (Sergio Scariolo) est un monstre de méthologie »
Vous connaissez parfaitement Sergio Scariolo. Racontez-nous votre expérience à ses côtés.
Je suis parti à Malaga lors de ma dernière année en tant que joueur. J’avais pris le parti de partir à l’étranger. Un copain habitait là-bas. Le club cherchait un joueur pour une équipe satellite. J’avais pris un appartement à côté de la salle. Entre deux entraînements, j’assistais aux sessions dirigées par Scariolo. Ce qui m’a plu, c’est la méthode. C’est un monstre de méthodologie. Tout était codifié et organisé J’avais 25 ans. C’est un maître de comment on organise la pensée d’un coach pour que tout ne parte pas dans tous les sens. J’ai complètement adhéré.
Quelles évolutions constatez-vous depuis quelques années dans le jeu ?
Les données modifient le jeu. En NBA, ils se rendent compte à quel point le 3-points est une arme létale. Ils en usent et en abusent. Cela change le jeu. Offensivement, il faut mettre des lay-up, aller aux lancers-francs et mettre des 3-points. Ce sont les trois situations de tirs avec lesquelles vous avez de forts pourcentages. Pour obtenir ça, il faut mettre en place un jeu en mouvement, avec la volonté de ne pas arrêter la balle et maximiser les avantages. Les postes 5 sont de plus en plus capables de d’écarter du cercle et tirer de loin.
Beaucoup d’entraîneurs évoquent le talent d’Andrea Trinchieri, entraîneur du Bayern Munich. Quels sont entraîneurs dont les méthodes et le jeu vous inspirent particulièrement ?
J’ai regardé tous les matchs du Barça cette saison, que ce soit en EuroLeague ou en championnat. Le jeu développé par (Sarunas) Jasikevicius a été une belle source d’inspiration. C’est ce qui m’a le plus séduit.
Vous êtes encore un jeune entraîneur (41 ans) dans le basket français. Sur quels domaines devez-vous encore progresser ?
C’est ma quinzième année en tant qu’entraîneur. Je n’ai pas un secteur en particulier. Je préfère raisonner en termes de développement continu. Le basket évolue rapidement. Pour rester à la page, il faut sans cesse apprendre des autres. J’aime mon métier et ma discipline.
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