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L’odyssée du Tigre : le fabuleux destin de Fréjus Zerbo

[Attention, spoiler] Que ce soit en 2021 ou en 2022, Aix-Maurienne s’invitera en finale de la Leaders Cup Pro B. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il s’agit de la seule finale que Fréjus Zerbo (2,08 m, 31 ans) n’a jamais disputé en France. Peut-être aussi parce qu’il n’a jamais pris part à cette compétition. Car sinon, « Le Tigre » a pratiquement tout gagné : le championnat Espoirs (2007 et 2008), la Semaine des As (2011), la Pro B (2012), le Match des Champions (2012) et le championnat de France (2014 et 2015). Il ne manque que le Trophée du Futur et la Coupe de France, et encore, il a atteint la finale à chaque fois (respectivement en 2006 et en 2011). Donc oui, on peut le dire presque avec certitude : avec l’Ivoiro-Burkinabé dans ses rangs, l’histoire veut que l’AMSB aille faire un tour à Disneyland Paris.

Cela dit, finale de la Leaders Cup ou non, peu importe finalement, l’affaire est déjà belle : seize ans après avoir transité par Aix-les-Bains en tant que mineur isolé, Fréjus Zerbo revient en Savoie en tant que double champion de France. Un nouveau chapitre d’une carrière inattendue, née de la volonté d’un père de voir son fils exploiter au mieux sa poussée de croissance alors même qu’il abhorrait le sport !

Mais entre le timide adolescent de 13 ans qui usait ses premières chaussures sur le bitume d’Abidjan et le héros du titre du titre 2015 du Limoges CSP, il y a eu une formidable odyssée. Une odyssée humaine, d’abord, avec le déracinement inhérent à l’arrivée soudaine en France. Et une odyssée sportive, évidemment, tant Fréjus Zerbo partait de loin pour faire carrière, lui qui a dû tout apprendre au centre de formation du Havre tant il a débarqué là-bas à l’état brut, pratiquement sans fondamentaux.

Alors qu’il n’avait jamais réellement envisagé l’éventualité de devenir basketteur professionnel au cours de sa jeunesse, le nouveau pivot savoyard sera finalement éternellement associé au club le plus historique du basket français, le Limoges CSP. Bien sûr, son maillot ne flottera jamais au plafond de Beaublanc mais des « Zeeeeeerbo, Zeeeeeerbo » sont souvent descendus des tribunes. Une reconnaissance venue récompenser les indéniables qualités humaines et la fidélité d’un joueur qui fut le seul élément durable de la récente période dorée du Cercle Saint-Pierre. Et un culte renforcé par une performance irrationnelle lors du Match 4 de la finale de Pro A de 2015 contre Strasbourg où il s’est mué en leader d’attaque, lui le joueur de l’ombre par excellence, avec 16 points à 6/8 et 5 rebonds pour 18 d’évaluation en 23 minutes.

La preuve aussi qu’il avait peut-être les moyens de passer ce fameux cap qui lui aurait permis de devenir une réelle menace offensive ? Doté d’un physique incroyable, à tel point qu’il est souvent mentionné comme le joueur de Jeep ÉLITE le plus difficile à bouger, mais très juste techniquement, Fréjus Zerbo n’a finalement jamais su se défaire de l’étiquette qui lui a été accolée, celle d’un joueur incarnant la notion de dureté défensive et de sens du sacrifice. Presque même jusqu’à l’extrême puisque parmi les 384 joueurs ayant eu l’honneur de participer à la Coupe du Monde 2019, il était le moins prolifique offensivement en club avec seulement 3,2 points sur 40 minutes de jeu !

Sans aller jusqu’à dire qu’il deviendra le meilleur marqueur de Pro B, l’international ivoirien pourrait plus s’épanouir de ce point de vue-là la saison prochaine. Ses responsabilités iront certainement au-delà du simple fait de bien poser les écrans et d’attraper les rebonds, même si son futur entraîneur Emmanuel Schmitt l’attend avant tout sur ses points forts. « J’espère surtout qu’il nous amènera ses qualités, à savoir son implication défensive et sa puissance physique. Mais c’est clair qu’il jouera certainement plus qu’à Bourg » .Un véritable défi personnel pour Fréjus Zerbo, qui souhaite savoir s’il peut être autre chose qu’une rotation tournant à 10 minutes par match. Pour cela, la préparation commence dès maintenant. Après avoir été confiné dans son appartement de Bourg-en-Bresse, le néo-Aixois a repris la course. Avant de quitter la cité burgienne à la fin du mois, il a profité de ses derniers jours dans l’Ain pour nous conter son incroyable histoire.

frejus-zerbo--un-destin-limougeaud---l-incroyable-odyssee-du-tigre1591887519.jpegDouble champion de France, Fréjus Zerbo est entré dans l’histoire du Limoges CSP
(photo : Limoges CSP)

Un enfant qui rasait les murs :
« Le basket m’a aidé à accepter qui j’étais »

« Je possède une double culture, j’ai grandi entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Ma mère est Ivoirienne et mon père est un Burkinabé parti s’établir en Côte d’Ivoire où il tenait une station service. Ils vivaient à Abidjan et ils m’ont longuement envoyé au Burkina Faso chez mes grands-parents quand j’étais petit. C’est quelque chose de courant chez nous. J’étais quelqu’un de réservé, toujours dans mon coin. Plutôt un bon élève aussi. J’étais passionné par les armes et la vie militaire. Je me voyais bien faire des études pour devenir officier, c’est quelque chose qui me fascinait.

S’il y a une matière que je n’aimais pas à l’école, c’était bien le sport ! On ne faisait presque que de la gymnastique. J’étais trop grand et pas assez coordonné pour en faire correctement. J’avais un ras-le-bol par rapport à ça et du coup, j’allais toujours voir le médecin pour être dispensé. Pendant plusieurs années, je n’ai pas fait de sport une seule fois ! Je détestais vraiment cela. À tel point qu’aujourd’hui encore, des gens de mon entourage restent étonnés de voir que je suis devenu un sportif professionnel.

J’ai démarré le basket en rentrant à Abidjan, vers mes 13 ans. Cela faisait au moins six ans que je n’avais pas vu mon père. Quand je suis rentré, il a été tellement surpris de voir que j’avais autant grandi. Il m’a dit qu’il fallait absolument que je mette au basket. Et dès le lendemain, il est allé m’inscrire dans un petit club à Abidjan. Ça me saoulait vraiment d’y aller, je n’aimais pas du tout mais vu que mon père m’avait inscrit, j’étais obligé… Il avait mis son argent pour m’inscrire et acheter tous les équipements. Par rapport à ça, je ne pouvais pas lui dire non. Les premiers pas étaient très difficiles. Je ne savais pas courir, pas dribbler, je n’avais aucune coordination. Mais ce qui m’a donné envie de continuer est de voir les autres maîtriser la balle. Je voulais faire comme eux et au fur et à mesure, avec beaucoup de volonté − car j’en ai vraiment beaucoup −, j’y suis arrivé. J’envoyais le ballon contre le mur, j’essayais de le maîtriser, d’avoir le toucher, savoir l’attraper en l’air, changer de main… Je ne parle même pas de courir ou de shooter, juste d’envoyer la balle contre un mur ! On était sur un terrain en béton, dehors, à Abidjan. Quand il pleut, tu cours pour chercher un abri. Voilà, c’était ça mon quotidien : je n’y croyais pas vraiment, mais je le faisais par devoir.

Le basket m’a fait comprendre que ma taille pouvait me permettre de me libérer et me mettre en valeur. Car on s’est beaucoup moqué de moi lorsque j’étais jeune, puisque j’étais plus grand que tout le monde. Cela a entraîné un énorme manque de confiance en moi, quelque chose qui me suit encore peut-être aujourd’hui. Je le ressens sur certaines situations et cela vient de mon enfance. J’ai subi beaucoup de railleries à cause de ma taille. On t’appelle le grand frère alors que t’es plus jeune que les autres. Je rasais les murs pour rentrer chez moi car je ne voulais pas croiser le regard des autres. C’est quelque chose qui t’enlève toute ton assurance, tu t’isoles, tu te renfermes. C’est le basket qui m’a redonné confiance. Je ne pensais même pas à gagner ma vie, juste à accepter qui j’étais et le basket m’a vraiment aidé par rapport à ça. »

Des premiers pas rocambolesques en France

« Je suis arrivé en France avec un visa touristique de 15 jours (en 2004, ndlr)… Je me suis retrouvé chez un cousin à Paris qui connaissait un ami ivoirien de Jean-Manuel Sousa, le coach des Espoirs du Havre. Le STB m’a invité. Ils voulaient me garder et ont fait les démarches pour prolonger mon visa mais c’était impossible. Je n’y ai passé qu’une semaine. La seule solution était donc, soi-disant, de rentrer au pays pour demander un autre visa et revenir. C’était hors de question pour moi ! Il fallait trouver une solution rapide, c’était Aix-Maurienne, ça s’est décidé en 24 heures. Pourtant, j’avais mon billet d’avion pour rentrer au pays. Le Havre m’a payé le train pour Paris et j’étais censé aller à Roissy. En fait, non… Je me suis retrouvé à la gare Saint-Lazare, en plein automne. Il faisait 5 degrés et je n’avais qu’un t-shirt. J’y suis resté de 10h à 22h avant que quelqu’un ne vienne me chercher pour m’emmener prendre un train de nuit pour Chambéry à la gare de Lyon. À Chambéry, c’était pareil. Je suis resté à la gare du matin jusqu’à la fin d’après-midi. Il y avait un autre Ivoirien qui jouait à Aix-Maurienne, j’ai vécu un mois chez lui. Puis le même problème qu’au Havre s’est posé et le seul moyen de rester était de me déclarer enfant isolé. Je me suis retrouvé en foyer à Chambéry, avec des personnes plus âgées que moi, venant des quatre coins du monde. On était plusieurs dans les chambres, c’était vraiment horrible. Je n’allais même pas à l’école. J’ai dû passer trois mois là-bas. Je m’entraînais avec les cadets régionaux d’Aix-Maurienne, c’était Sébastien Bozon qui venait me chercher pour que je fasse les trajets entre Chambéry et Aix-les-Bains (un peu moins de 20 kilomètres, ndlr). Mais du coup, je sentais que je ne pourrais jamais percer dans le basket là-bas. Je m’entraînais juste un peu, il n’y avait pas de perspective, rien. Et du coup, un jour, j’ai appelé Jean-Manuel Sousa, qui était convaincu que j’étais rentré au pays, afin de lui dire que j’étais resté en France car Aix-Maurienne avait réussi à me déclarer mineur isolé. Il m’a proposé de revenir au Havre, j’ai dit oui. J’étais suivi par un juge pour enfants, il fallait donc procéder à un transfert de dossier. Sauf qu’Aix-Maurienne a d’abord refusé de me laisser partir car j’avais déjà signé une licence B. Mais vu que c’était la meilleure chose pour moi, j’ai obtenu gain de cause après avoir fait le forcing.

J’ai passé presque huit ans sans revoir mes parents après mon départ en France. J’ai rencontré ma petite sœur pour la première fois alors qu’elle avait déjà 7 ans ! Cette période m’a fait grandir d’un coup. Et vous voyez, maintenant, quand des gens me voient pour la première fois, ils peuvent juger sur l’apparence et se dire : « Bon, c’est un Africain, il est grand et costaud, il ne doit pas être intelligent. » Et ensuite, quand ils viennent me parler, ils se rendent compte que je suis capable de parler de tout, d’argumenter sur la politique et d’autres sujets. Cette maturité vient de là, de cet éloignement avec mes parents, tant quand j’étais en Afrique qu’en France, du fait d’avoir été trimballé de famille d’accueil en famille d’accueil. J’ai appris à toujours me débrouiller sans rien… Je ne peux pas me comparer avec les gens de mon âge, j’ai traversé tellement d’expériences de vie que cela m’a permis de grandir plus vite, c’est sûr… »

Le Havre (2004/09), la pépinière :
« Notre équipe Espoirs, peut-être du jamais-vu en France »

« À ce moment-là, lors de mes premiers mois au Havre, j’étais dans une sorte de vide. Je n’avais pas d’objectif, je ne savais pas ce que la vie allait me réserver. En gros, je faisais ce que l’on me demandait avec du courage : j’allais à l’école et je jouais au basket. Mais je n’avais pas assez de qualités pour me dire que j’allais devenir basketteur professionnel. Idem à l’école : c’était compliqué car c’était un tout nouvel environnement et je n’y avais pas été lorsque j’étais à Chambéry. Mon avenir me semblait complètement flou. J’ai été totalement déraciné mais j’ai été formidablement accueilli par certaines personnes au Havre. Je leur dois beaucoup, à commencer par Marie-Ange, une dame exceptionnelle qui est malheureusement décédée, paix à son âme. Mais il y a également Jean-Manuel (Sousa) que je ne pourrais jamais assez remercier, et tellement d’autres personnes qui, au-delà du basket, se sont si bien occupés de moi afin que je puisse m’habituer à la vie européenne. Ces gens-là comptent beaucoup pour moi. En échange, j’ai donné ce que je pouvais au Havre.

Notre génération au Havre était incroyablement forte, du jamais-vu en France je crois. On a terminé double champions de France Espoirs. Je pense que c’est ça qui m’a poussé à travailler encore plus. Quand tu arrives et que tu as Fabien Causeur, Pape Sy, Romain Duport, Rudy Jomby, Amath M’Baye, Gédéon Pitard, Ousmane Camara, Xavier Gaillou (ainsi que Mérédis Houmounou, Fabien Paschal et Abdoulaye Loum, entre autres, ndlr)… (il souffle) Je ne sais pas comment dire ! Et j’oubliais Ian Mahinmi qui était là pendant ma première année alors qu’il venait d’être drafté par San Antonio. Tout ce beau monde avec Jean-Manuel Sousa, un coach exceptionnel, le meilleur formateur de France à mes yeux. Il n’a pas eu de chance au niveau professionnel mais il savait comment détecter les qualités des joueurs, l’exploiter. L’environnement du Havre le permettait aussi. Le club n’avait pas beaucoup de moyens et avait donc intérêt à incorporer le plus vite possible des jeunes à son effectif professionnel.

frejus-zerbo--un-destin-limougeaud---l-incroyable-odyssee-du-tigre1591886125.jpegEn 2007/08, la jeune armada havraise où l’on reconnait notamment Rudy Jomby (n°6), Ousmane Camara (n°12), Amath M’Baye (n°14), Fréjus Zerbo (n°15), Pape Sy (n°10), Gédéon Pitard (n°7) et Xavier Gaillou. Malgré les promotions de Fabien Causeur et Romain Duport en Pro A et le départ de Mérédis Houmounou vers Évreux, le STB sera de nouveau sacré champion de France
(photo : STB Le Havre)

[Si j’ai pu jouer aussi vite en Pro A, c’est parce que] j’avais beaucoup de volonté (premier match professionnel à Pau le 13 octobre 2007, ndlr). Je suis quelqu’un qui a toujours su s’appuyer sur son point fort. Je ne lâche rien, je travaille dur. J’ai toujours fait le sale boulot, et c’est surtout ce que l’on demande à un jeune. Et au Havre, il y avait de la place pour les Espoirs. Si tu faisais de bonnes choses à l’entraînement, Christian Monschau te donnait ta chance. Peut-être qu’à l’époque, je respectais trop les autres. Je les voyais devant moi et je me disais que je devais tracer ma voie. Alors que dans le sport de haut niveau, il faut écraser l’autre pour exister. Je n’ai pas eu cette mentalité. En plus, à l’époque, j’étais en retrait, je regardais mes coéquipiers et je me disais qu’un tel était vraiment trop fort. Je n’avais pas la mentalité qu’il faut, à savoir écraser l’autre pour exister, je respectais trop tout le monde. Finalement, on a tous réussi à faire quelque chose dans le basket, c’est exceptionnel. »

Gravelines-Dunkerque (2009/11), trop haut, trop vite ?
« Trop de pression et d’ambition »

« C’était déjà bien de jouer 7 matchs en pro avec Le Havre. Ce n’était pas prévu, j’ai pris tout ce qu’il y avait à prendre. J’ai décidé de suivre Christian Monschau à Gravelines-Dunkerque pour terminer mon cursus Espoirs. Mais je suis rapidement passé en pro et c’était une super saison : je me suis retrouvé dans le cinq, je jouais bien, l’équipe a failli se qualifier en finale (en demi-finale contre Cholet, Gravelines menait 1-0 et 61-44 à la 28e minute avant de s’effondrer, ndlr). J’ai bien aimé le BCM, c’était un bon club familial. J’ai effectué beaucoup de travail individuel, notament avec Yohann Casin, maintenant kiné à l’ASVEL. Malheureusement, la deuxième année s’est mal passée. Gravelines avait énormément d’ambition en championnat et j’ai eu très peu de temps de jeu. Heureusement, il y a eu la Coupe d’Europe : je jouais beaucoup en EuroChallenge, à défaut de la Pro A, et cela m’a donné pas mal de confiance. Il y avait une sacrée équipe (qui a notamment remporté la Semaine des As). C’était difficile pour moi, j’étais encore jeune, il y avait trop de pression et d’ambition. »

zerbo1591630794.jpegAvec le BCM, Fréjus Zerbo a remporté son premier trophée : la Semaine des As 2011
(photo : Karen Mandau)

Limoges CSP (2011/18), l’histoire d’amour :
« Rien ne pourra jamais remplacer Limoges »

« Je devais partir de Gravelines pour obtenir plus de temps de jeu et j’ai reçu une dizaine d’offres ! Il y avait Paris-Levallois, Orléans, Pau, Limoges, Bordeaux… Je ne voulais pas aller en Pro B, ça me faisait peur. Je n’hésitais plus qu’entre deux clubs, c’était Pau ou Paris. Christophe Denis m’a fait visiter les installations du PL et j’étais prêt à signer avec eux. Et au dernier moment, j’ai changé d’avis pour choisir Limoges. Je ne sais pas pourquoi et je ne sais toujours pas l’expliquer. Peut-être que c’est le destin, mais voilà, ça a été le meilleur choix de ma vie ! Limoges, c’est devenu chez moi, ma ville. J’aurais beau jouer où je veux en France, rien ne pourra jamais remplacer Limoges. Je continue à recevoir plein de messages des supporters. Ce sont des gens exceptionnels. Ce club là a quelque chose que personne ne peut avoir en France. Tous les autres clubs auront beau avoir de l’argent ou tout ce qu’ils veulent, tu ne peux pas remplacer Limoges, c’est impossible.

La Pro B puis la méthode Giannakis : des débuts contrastés

La première saison en Pro B, nous avions une telle équipe que j’avais un petit rôle. J’étais coincé derrière Chris Massie alors je me contentais du sale boulot. C’était compliqué, il a fallu s’adapter à la Pro B, à la pression de Beaublanc. Heureusement, nous avons remporté le titre, qui était une libération. Cela faisait longtemps que le CSP n’avait pas gagné de titre. Malgré tout, j’ai failli partir l’été suivant. Et la deuxième saison n’était pas une réussite personnelle non plus. Pourtant, j’avais énormément travaillé au cours de l’intersaison, à Cannes. Mais c’était trop bizarre avec Panagiotis Giannakis, il a voulu tout changer et tout s’est mal passé, individuellement comme collectivement. Tu ne peux pas faire ça ! Au lieu d’aller à l’essentiel, on a passé notre préparation à modifier des choses que l’on avait acquises en centre de formation et on a pris beaucoup de retard. Tu es en match, tu te retrouves à beaucoup réfléchir sur ce que veut l’entraîneur et du coup, tu n’es pas toi même. Je me souviens de Jo Gomis : son jeu, c’était quand même quelque chose mais il n’arrivait pas à se libérer ! Giannakis est un immense coach mais Limoges, c’est particulier, parfois ça ne prend pas. Il y a beaucoup de paramètres à prendre en compte, le statut ne suffit pas.

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16 juin 2012 : tombeur de Boulazac en finale à Bercy, le CSP remporte son premier trophée depuis le triplé de l’an 2000
(photo : Sébastien Grasset)

2013 – 2015, les années d’or mais l’insurrection permanente

C’est Jean-Marc Dupraz qui m’a fait confiance et en 2013/14, on avait une équipe exceptionnelle. Pendant la saison régulière, les gens parlaient mais à l’intérieur du groupe, on savait que l’on avait les qualités nécessaires pour aller au bout. Tout le monde était inquiet, même les supporters. Nous, on savait que l’on avait l’équipe la plus talentueuse, il fallait juste que l’on attende les playoffs. On a éliminé l’ASVEL en deux manches sèches puis il y a eu une demi-finale incroyable contre la JDA Dijon, invaincue à domicile jusque-là et il a fallu que l’on aille chercher un match là-bas pour se qualifier. Avant même que l’on commence la finale, on savait que Strasbourg n’avait aucune chance. Et ça s’est confirmé dès le premier match. Dès que l’on a gagné au Rhénus, on savait que c’était plié. Remporter un titre à Beaublanc, c’est un souvenir exceptionnel.

La saison suivante, le club construit une armada mais c’est bizarre car tout le monde part après avoir gagné le titre. Il ne reste que Nobel (Boungou-colo), Adrien (Moerman) et moi. Le début de saison a été très compliqué : beaucoup de joueurs ont changé, le coach a été remercié alors qu’on était troisième. Mais Limoges, c’est comme ça. Il y avait juste trop d’histoires : des réunions à n’en pas finir toutes les semaines alors qu’on était sur le podium. Tout le monde était assis, Fred Forte nous appelait à tour de rôle et nous insultait puis il passait à l’autre. On ne comprenait pas ! Dupraz était convoqué en permanence, il y avait toujours des menaces sur le fait de virer tel ou tel joueur pour en prendre un autre, chaque match était décisif car si l’on perdait… C’était incroyable. Tout ce que Nobel a expliqué à la LNB est vrai… Il y a effectivement eu cette fameuse réunion, avant un match contre l’ASVEL, où Fred Forte prive tout le monde de salaires, sauf Adrien, Nobel et moi. Juste après la réunion, il y avait entraînement. Il n’y avait pas de passe, tous les ballons partaient dans les tribunes… Les joueurs étaient cassés, démoralisés. L’entraînement était merdique, les gars étaient déconnectés, ils n’arrivaient même plus à faire une simple passe tellement ils avaient été cassés. C’était incroyable. Et pourtant, on a été champion… En fait, on avait tellement de qualités dans cette équipe qu’il n’y avait pas assez de temps de jeu pour exploiter le potentiel de tout le monde. Des gars comme Amagou, Gelabale, Batista ou Plaisted jouaient tous entre 10 et 15 minutes par match ! Sur le papier, notre équipe pouvait écraser tout le monde mais nous étions finalement une équipe banale parce qu’il n’y avait pas assez de temps de jeu pour tout le monde. Ce qui nous a permis d’exister, c’est les matchs rapprochés, comme en playoffs. En arrivant en playoffs, on était libérés, tout le monde pouvait s’exprimer, être intense. Et à la fin, on a bien écrasé tout le monde.

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« Le public de Beaublanc et moi, c’est un mariage réussi », sourit Fréjus Zerbo
(photo : Limoges CSP)

Limoges – Strasbourg, Match 4, 20 juin 2015 :
Une soirée pour l’éternité

Les gens ne font pas attention mais si vous regardez bien, j’ai toujours répondu présent sur les matchs qui comptent. Sûrement car je ne ressens pas la pression, j’ai toujours été tranquille et relâché avant les grands évènements. Lors de la finale en 2015, Adrien Moerman s’est blessé en cours de série. C’était compliqué, on nous enlève notre MVP, l’âme de l’équipe. J’ai attrapé Ousmane avant le Match 4 : « Nous, les intérieurs, nous avons disparu lors du Match 3. Il n’y a que les extérieurs qui ont scoré et qui nous ont fait gagner. Du coup, Vincent Collet va bloquer Jeter et Smith et ne pas respecter les intérieurs. Il va se dire : « Adrien n’est pas là… Bon, Fréjus ? C’est pas grave. Ousmane ? C’est pas grave. Batista ? Il ne peut pas jouer. » » Ça s’est confirmé : sans nous, les intérieurs, on n’aurait pas gagné ce match. J’étais motivé, confiant, il fallait que je prouve quelque chose. Je savais qu’il fallait aborder le match avec beaucoup de courage et de discipline. Je suis entré, j’ai essayé de poser mes premiers écrans puis j’ai pris un premier shoot. Dedans. Ça m’a libéré. Une fois en confiance, tu rentres dans un état second : tu prends un bon rebond, tu lances la balle, tu cours, tu fais une bonne défense, tu reviens, tu mets un deuxième panier, tu te dis « Ok je retente sur la possession suivante », troisième panier, OK. Et tu rentres dans une bulle où tes coéquipiers te font confiance et te filent les ballons. Ce jour-là, c’était mon jour (16 points à 6/8 et 5 rebonds pour 18 d’évaluation en 23 minutes, ndlr). Mais quand j’entends des gens en train de dire que c’était un jour de chance, ce n’est pas vrai. Il fallait avoir les qualités et le courage de faire une finale comme ça. Il y avait énormément de pression car on savait que si l’on perdait et que l’on partait à Strasbourg pour un cinquième match, c’était fini.

Les highlights de ses 16 points contre la SIG

 20 matchs d’EuroLeague, des étoiles dans les yeux

Aaah, l’EuroLeague… C’est magnifique, j’ai adoré. C’est plus adapté à mon profil : je défendais sur de gros intérieurs. Mon premier match, c’était au Maccabi Tel-Aviv, face à Schortsianitis, dans une ambiance incroyable (il souffle). Sofo était impressionnant mais il ne m’a pas posé beaucoup de problème. Sofo, c’est quoi ? C’est un joueur qui est très lent, qui rentre 5 minutes et que l’on bombarde de ballons. Il faut être prêt niveau cardio pour défendre sur lui. Sofo, il ne faut pas l’attendre dans la raquette mais aux lancers-francs. Tu commences à le pousser le plus loin posssible, avant qu’il ne prenne sa position. Comme il est costaud, il dribble assez peu : il se sert surtout de son physique pour placer son hook shot. Et du coup, s’il est loin, il fera la même chose mais avec beaucoup plus de chances de rater.

Ioannis Bourousis, lui, était vraiment compliqué : il est très grand, technique, avec de bonnes mains. C’est dur (il souffle). Des fois, je le coinçais mais, un peu comme Ali Traoré, il jette le ballon et ça fait ficelle. Il sent le basket, il sait comment se positionner, il a un bon shoot. C’est difficile à défendre.

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« Sofo, il faut commencer à le pousser aux lancers-francs »
(photo : Jean-Michel Majorel)

Le début de la fin

Après le second titre, je prolonge cinq ans mais la situation se détériore vite. Limoges, c’est quoi ? Tu peux faire un bon début de saison, tu es bien mais il y a tellement d’évènements qui se passent dans ce club en une seule saison que tu peux devenir un joueur quelconque. Le dernier exemple, c’est Jerry Boutsiele : l’an dernier, il était bon et là, il est devenu lambda. Il y a trop de pression, trop de choses qui se passent et qui te cassent le moral. Avec Dusko Vujosevic, on ne comprenait pas la gestion des temps de jeu : tu pouvais jouer 3 minutes comme 30. Ses méthodes n’étaient pas adaptées à la France ; on pouvait s’entraîner de 19h à 21h, faire des échauffements d’une heure. L’utilisation des hommes était bizarre. Il était malade, il n’avait pas toute sa ludicité. Je trouve que c’est un mauvais choix des dirigeants que de l’avoir pris. Je ne peux pas remettre en cause le travail qu’il a fait avant, ni l’homme, ça a été un grand coach mais en France, il n’avait pas la maîtrise de ses capacités pour diriger un club à pression comme Limoges. Après, il y a aussi des choses où c’est ma faute comme lors de l’été 2016. Je suis revenu hors de forme et ce problème m’a suivi jusqu’à cette saison. J’ai fini par être prêté à Antibes début 2018. C’était normal, je revenais de blessure et l’équipe tournait bien. Je n’ai pas trop de souvenirs de cette période. Je suis arrivé en méforme et c’était difficile de se faire une place car le club voulait se maintenir. C’était aussi compliqué de ressortir de Limoges pour la première fois. Cependant, les Sharks m’ont fait confiance et je n’ai pas su leur rendre, cela me reste en travers de la gorge.

frejus-zerbo--un-destin-limougeaud---l-incroyable-odyssee-du-tigre1591904350.jpegAprès avoir failli partir à Monaco, c’est finalement à Antibes que Zerbo a passé une demi-saison en 2017/18
(photo : Sébastien Grasset)

Il y a eu tellement d’histoires à Limoges que je ne peux même pas vous l’expliquer. Il y a eu trop de trucs qu’il faudrait en faire un livre. Mais c’était la théorie de Fred Forte, ça faisait partie de son ADN. Il fallait créer forcément une histoire tous les ans. S’il n’y a pas d’histoire, ce n’est pas bon. Donc lui, il créait tout ça, quitte à prendre son Twitter, rentrer en conflit avec quelqu’un, insulter les présidents de la ligue. C’était sa communication à lui. Humainement, on avait une relation particulière lui et moi. Je l’aimais bien, il m’aimait bien. Sans cela, je ne crois pas que je serais resté aussi longtemps au CSP. Sa disparition fut un choc. Le jour de son décès, il était à l’entraînement. On devait prendre un avion le lendemain, le 1er janvier, pour partir en Italie. En quittant le vestiaire, il m’a dit « Au revoir Fréjus, on se voit demain ». Il était 13 heures. À 17 heures, il est décédé. C’était tellement brutal… Quand on regarde le CSP aujourd’hui, on se rend compte que Limoges ne peut pas être géré par n’importe qui. Il faut un homme fort, quelqu’un de craint par tout le monde. Le CSP ne peut pas avoir un dirigeant normal, respectueux. Limoges a besoin d’un dirigeant insulté, haï mais qui fait le travail. C’est pareil pour les joueurs : il faut du caractère pour réussir à Limoges. Il faut quelque chose, du tempérament. Les joueurs émotifs, ça ne marche pas. De toute façon, tu vas repartir de Limoges marqué à vie.

« Une petite place dans la grande histoire du CSP »

Personnellement, le tempéramenent, je ne le montre pas mais je l’ai à intérieur. Tout ce que j’ai obtenu à Limoges, je suis allé le chercher car on ne m’a jamais rien donné. À chaque début de saison, il y avait 3 ou 4 intérieurs devant moi. Toute ma carrière, il y a eu des doutes sur moi, on ne m’a jamais rien donné et à la fin, j’étais encore là. Je n’étais jamais favori. Et pour cela, il faut du tempérament. Je peux dire que je me suis fait une petite place dans la grande histoire du CSP. C’est une fierté mais je ne suis pas le seul : il y a aussi Nobel, Adrien ou Ousmane. D’ailleurs, même s’ils ne le disent pas, Ousmane et Nobel le savent : les meilleurs moments de leur carrière resteront à Limoges. Avec du recul, quand tu es dedans, tu ne ressens pas le côté magique… Avec les années qui passent, tu te dis « wow »… C’est quelque chose qui vient au fur et à mesure des expériences dans d’autres clubs. On ne peut pas comparer le CSP avec ce que l’on vit maintenant.

frejus-zerbo--un-destin-limougeaud---l-incroyable-odyssee-du-tigre1591904178.jpeg« Quand je regarde Ousmane ou Nobel, je sais qu’ils ont vécu leurs meilleurs moments à Limoges »
(photo : Limoges CSP)

Je ne critique pas le fait de partir de Limoges. C’est la vie, c’est normal, il y a des cyles de renouvellement. À un moment donné, je n’étais même plus à l’aise car tout le monde était parti. Je ne connaissais plus personne, même pas le kiné. J’étais le seul ancien. Je pouvais presque sentir au fond de moi qu’il était aussi temps que je parte. Mais ce qui ne m’a pas plu, c’est la manière. Avec tout ce que j’ai donné à Limoges, je n’ai pas aimé toute la mesquinerie qui a précédé la séparation, tous les coups bas. Mais je n’en veux à personne. Un club, ce n’est pas un individu mais c’est beaucoup de choses. Personnellement, j’adhère à l’histoire de Limoges, aux supporters… Les individus font ce qu’ils veulent mais je suis attaché au club de Limoges.

Bourg-en-Bresse (2018/20), de retour sur les rails
« Je ne pense pas qu’il existe un club français
plus professionnel que la JL »

« Le bilan de mes deux saisons ici est positif. C’est un club qui m’a permis de me remettre au travail, de prendre soin de mon corps. Il y a toutes les installations qu’il faut. Il y a des gens géniaux, c’est un club familial. Franchement, les gens sont trop sympas : Fred (Sarre), le président, le coach, les assistants, tous ceux des bureaux. J’ai beaucoup plus d’histoire avec Limoges mais la JL Bourg fait partie des clubs dont je parlerai après ma carrière. Cela va devenir un grand club à ce rythme. Peut-être que j’aurais déjà arrêté ma carrière si je n’étais pas venu à Bourg. Après Limoges, je voulais prendre du recul, ne pas rejouer de suite. Quand la JL m’a récupéré, je n’étais pas du tout en forme. Je ne pouvais même pas faire deux allers-retours, j’étais complètement à la ramasse. Ils m’ont fait confiance malgré tout et je ne peux pas l’oublier. Je pars sans rancune, c’est le jeu des objectifs qui se renouvellent. C’est un club exceptionnel et très bien géré, il n’y a rien à dire. Limoges a beaucoup plus d’histoire mais il y a des qualités que j’ai trouvé ici que le CSP n’a pas : il y a beaucoup plus de professionnalisme, d’écoute, d’attention aux détails. Cela n’a rien à voir ! Selon moi, honnêtement, je ne pense pas que tu peux trouver plus professionnel que la JL Bourg en France. Peut-être l’ASVEL, je ne connais pas. Mais l’argent ne fait pas tout. Ce n’est pas parce que tu as un gros budget que tu as forcément un gros niveau de professionnalisme. Je ne connais aucun ancien joueur de la JL Bourg parti d’ici en pensant que ce club est merdique. »

zerbo1591809769.jpegAvec la JL, Fréjus Zerbo a retrouvé le sourire… et son état de forme
(photo : Christelle Gouttefarde)

Un joueur de l’ombre, mais pas plus ?
« Je me suis enfermé dans un rôle à Limoges,
je n’aurais pas dû y rester aussi longtemps »

« C’est vrai que c’est compliqué. Les gens ne se rendent pas compte que le rôle de joueur de l’ombre est très difficile. On te demande de tout donner en 5 minutes. Sauf que tu ne peux pas être certain de réussir un passage de 5 minutes. Il y a eu des moments cette saison où j’étais en pleine forme mais je ne pouvais pas le montrer. Ça engendre une certaine frustration. Je ne rejette pas la faute sur quelqu’un, je ne l’ai jamais montré, je suis toujours resté calme dans le collectif. Peut-être que c’est un défaut, des gens pourront dire que c’est un manque d’ambition. Prenez n’importe quel joueur, moi ou un autre, mettez-le derrière un pivot dominant, ce sera la même chose : il ne pourra pas jouer plus de 10 minutes par match et ne pourra donc pas faire grand chose. C’est difficile d’être productif en 5 minutes : parfois, tu peux tout réussir sur un passage et ne pas être capable de le reproduire sur les trois matchs suivants.  Quand tu regardes les grosses équipes, tu es obligé d’avoir des joueurs de devoir. C’est impossible de gagner sans. Le joueur qui joue 5 minutes mais qui ne dit rien, qui se fond dans le collectif, est primordial. Ça permet aux autres de se dire : « mais ce gars-là, il travaille dur à l’entraînement et il ne joue pas beaucoup, comment moi je pourrais me plaindre ? » Par exemple, à Limoges, en 2015, sans Ousmane et moi, je ne suis pas sûr qu’on gagne le titre à la fin. Pendant toute la saison, on a fait un travail de sape. On cassait les autres intérieurs, on les bourrait de coups, on les faisait tomber par terre, les meneurs ne pouvaient pas entrer dans la raquette sans prendre un stop… Cela ne se voit pas dans les statistiques mais c’est très important.

zerbo1591809805.jpegL’impact physique de Fréjus Zerbo est pratiquement sans équivalent en France
(photo : Christelle Gouttefarde)

Si, à force, je me suis « caricaturé » et oublié offensivement ? Oui, peut-être, mais… Je vais encore reprendre l’exemple de Limoges : rester sept ans au CSP, je pense que c’était bon pour le club, peut-être pour moi mais pas pour ma carrière. Je n’aurais pas dû rester aussi longtemps. Pourquoi ? Cela m’a enfermé dans un rôle pendant sept ans et m’a enlevé le côté offensif. On te colle une étiquette et rares sont les clubs qui sont ensuite prêts à prendre un risque sur toi. Des fois, à l’entraînement, j’étais très fort en attaque mais je ne pouvais pas m’exprimer en match. C’est un problème qui devient mental : tu t’enfermes dans un rôle dont tu ne peux plus sortir. Le fait de rester trop longtemps à Limoges m’a conforté dans ce rôle et ne m’a pas permis d’explorer d’autres possibilités, peut-être d’avoir d’autres responsabilités. Cela ne veut pas du tout dire que je regrette d’être allé à Limoges évidemment mais sept ans dans le même rôle, c’était trop long. Je peux faire un parallèle tout bête en exemple : Charles Kahudi. Lui, il l’a compris. Au début, il était avant tout connu pour ses qualités défensives et il a su sortir de ce rôle-là, ce qui lui a permis d’avoir une toute autre carrière. Personnellement, je l’ai compris trop tard, après avoir quitté Limoges. »

La fierté de représenter la Côte d’Ivoire

« Mon pays me tient à coeur. Choisir la Côte d’Ivoire plutôt que le Burkina Faso, c’était un choix naturel pour moi. J’y suis plus attaché et sportivement, il y a beaucoup plus de talent. Cela offrait la possibilité de jouer sur la scène mondiale alors que l’équipe burkinabé est beaucoup plus faible. Jouer pour le pays, c’est un cran au dessus. Il faut le vivre pour le comprendre, ce sentiment est indescriptible… Même si les gens ne te connaissent pas forcément, tu as l’impression de porter tout le monde sur ton dos.  Toute ma famille en est fier ! Personne n’a été sportif donc c’est moi qui porte le mieux le nom Zerbo. Je voulais faire absolument faire une Coupe du Monde, c’est une fierté d’y avoir pris part l’année dernière. Je n’ai pas encore pris ma retraite internationale. Il reste l’AfroBasket en 2021 et je pense que tout le monde arrêtera après. »

l-odyssee-du-tigre---le-fabuleux-destin-de-frejus-zerbo1591951876.jpegLe bilan de Fréjus Zerbo avec les Éléphants est inachevé :
une quatrième place à l’AfroBasket 2013 et 0 victoire lors de la Coupe du Monde 2019
(photo : FIBA)

Aix-Maurienne, retour à la case départ
« Je veux savoir si je suis capable d’avoir plus de responsabilités »

« J’avais d’autres propositions mais Aix-Maurienne est arrivé assez tôt avec deux ans de contrat à la clé. J’aurais pu rester en Jeep ÉLITE mais cela fait deux ans que je n’avais pas eu de grand rôle (7 minutes de moyenne avec Bourg, ndlr). Je ne voulais plus avoir aussi peu de responsabilités. J’ai la chance d’avoir reçu beaucoup de propositions donc j’ai vraiment pu choisir. Le coach m’a appelé, il me voulait vraiment. Je me suis renseigné sur lui, ça a l’air d’être une bonne personne. En plus, signer pour deux ans, cela permet de se sécuriser aussi par rapport aux temps qui courent. Avec la pandémie, je ne voulais pas attendre.

C’est une belle histoire que je revienne à Aix-Maurienne. Cela a beaucoup compté. Même si je suis parti de là-bas en mauvais termes, c’est très important de ne pas oublier. C’est le début. Exactement, je vais retracer tout mon parcours là-bas. Je vais retourner voir le foyer à Chambéry et tout. J’ai gardé des contacts avec des anciens animateurs, etc. Même avec le magistrat qui m’a autorisé à rester, on s’appelle de temps en temps !

Sportivement, je voulais m’éclater, avoir plus de responsabilités et surtout me tester. Je veux savoir si je suis capable de le faire, c’est très important poir moi. C’est un challenge personnel de se dire que je vais dans une équipe où ils vont vraiment compter sur moi. Et je vais répondre à leurs attentes. Si je n’y arrive pas, peut-être que je pourrais me dire : « Ok, je n’ai pas les capacités pour le faire ». Je ne tricherai pas. Je suis un joueur qui a su s’appuyer sur ses qualités et qui a tout donné. Ça peut être critiquable, j’ai pu faire de mauvais matchs mais pas une seule fois, je n’ai pas donné tout ce que j’avais. Et cela continuera avec Aix-Maurienne. »

 

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