Tout juste recruté par Milan, Malcolm Delaney se souvient de sa saison rookie à Chalon
Près de trois semaines après l’officialisation de sa séparation avec le FC Barcelone, où il était utilisé en tant que sixième homme par Svetislav Pesic (10,2 points à 44%, 2,2 rebonds et 4,8 passes décisives de moyenne en 22 minutes), Malcolm Delaney (1,91 m, 31 ans) a trouvé son nouveau point de chute. Certes, il n’y avait pas vraiment de suspense tant toutes les indications désignaient Milan comme la future destination du natif de Baltimore. Mais la rumeur est désormais confirmée puisque l’ancien joueur du Bayern Munich s’est engagé pour deux ans avec l’Olimpia.
« J’aimerais remercier l’Olimpia Milan et le coach Messina pour me donner l’opportunité d’être moi-même et de mener l’équipe vers un retour à ses heures les plus glorieuses », a-t-il déclaré. « Je suis excité par ce nouveau projet et je suis impatient de voir où cela nous mènera. »
Ex-rookie sensation de l’Élan Chalon (15 points à 40%, 3,1 rebonds et 3,3 passes décisives) devenu un membre du meilleur cinq de l’EuroLeague (en 2015/16) puis un joueur NBA (127 matchs avec Atlanta entre 2016 et 2018), Malcolm Delaney a retracé sa carrière il y a une dizaine de jours au cours d’une émission animée par son nouveau coéquipier, Kyle Hines. Un parcours marqué par de multiples trophées et qu’il avait démarré de la meilleure des façons en Saône-et-Loire puisqu’il fut l’un des artisans majeurs du triplé historique réalisé par l’équipe de Gregor Beugnot.
Seule recrue de l’Élan Chalon au cours de l’été 2011, il avait magnifiquement su faire oublier MarQuez Haynes en s’imposant comme l’un des plus forts rookies de l’histoire du championnat de France. Néanmoins, si Haynes était quelqu’un de volubile, Delaney (22 ans à l’époque) était plus fermé et silencieux que son prédécesseur. Ce qui ne l’a pas empêché de se tisser de solides amitiés dans les entrailles du Colisée, à commencer par Jordan Aboudou ou Nicolas Lang, qu’il n’a pas hésité à féliciter publiquement de sa prolongation avec le Limoges CSP. Mais sa relation fut plus ombrageuse avec certains, en particulier Steed Tchicamboud. Il est de savoir commun que les deux hommes ne passeront jamais leurs vacances ensemble. Et alors qu’il revenait sur sa délicate adaptation à la vie européenne, le combo-guard n’a pas manqué de partager une anecdote supposément peu flatteuse pour l’entraîneur de Sorgues.
« Ma première saison en France a été assez folle. Bon, déjà, ma première pensée quand j’ai signé à Chalon, c’est que j’allais pouvoir me trouver une épouse française (il rit). Je me disais que ça allait être le feu, que j’allais être proche de Paris. Et non… J’ai atterri à Paris et on a dû faire trois ou quatre heures de route pour arriver jusqu’à la ville où j’étais. Ils m’ont littéralement déposé devant mon appartement. Je suis allé au supermarché, personne ne parlait Anglais. J’avais des bases en Espagnol mais rien du tout en Français alors je ne savais pas quoi acheter, quel lait choisir par exemple ou reconnaitre les différentes viandes. Ils m’ont donné ma voiture le lendemain, une vieille voiture avec un levier de vitesse. Je n’avais jamais conduit de voiture manuelle auparavant et ils ne m’ont rien expliqué. Je ne savais pas comment aller en marche arrière par exemple, je ne faisais qu’aller vers l’avant alors j’ai dû laisser la voiture sur place. Ils ont fini par m’apprendre.
Comme je l’ai dit, personne ne parlait Anglais. Ce qui m’a sauvé, c’est que nous avions une bonne équipe. J’étais dans la meilleure forme de ma vie. Aux exercices physiques de la présaison, je terminais toujours premier. Mon état d’esprit était : « Je vais prouver ma valeur ici et je pars en NBA la saison prochaine. » Lors des matchs amicaux, Blake Schilb était blessé et notre meneur était avec l’équipe de France. J’étais un peu tout seul donc et je tournais à 27 points de moyenne. Je jouais tellement bien que je me disais : « Ça va être facile ! »
Mais c’est là-bas que j’ai appris la politique du basket européen. Juste avant que la saison ne démarre, notre meneur est arrivé dans le vestiaire et a dessiné une pyramide, avec comme titre : Hiérarchie de l’équipe. C’est l’histoire la plus folle que j’ai de ma carrière ! Au sommet de la pyramide, il a mis Blake Schilb en nous disant : « En France, Blake, c’est Michael Jordan. Dès que Blake veut la balle, on lui donne. Les tirs au buzzer, c’est pour lui. C’est le joueur le plus important. » Deuxième place, il écrit Steed, lui-même donc (il sourit). Je me suis dit que lui, c’était quelqu’un, à penser qu’il était meilleur que moi. Et en troisième, il a dit : « Malcolm, j’imagine ». Je jure qu’il a vraiment dit « j’imagine ». Je n’ai rien dit mais je voyais bien où cette réunion allait. Il a tout écrit du joueur n°1 jusqu’au dernier, il a désigné la personne la plus basse de la pyramide. Il revenait juste de l’EuroBasket, l’équipe de France avait remporté la médaille d’argent et il était toujours sur son nuage. Il disait des choses comme : « Il y a des joueurs ici qui pensent qu’ils vont être le leader offensif de l’équipe ». Je voyais bien qu’il parlait de moi et je lui ai dit que personnellement, je suis juste venu ici pour faire ce que je sais faire, aider l’équipe, que je me fichais d’être le meilleur joueur de l’équipe et que tout ce que je voulais, c’était rentrer chez moi l’été suivant. C’est comme ça que j’ai compris le système du basket européen. Aussi pendant les entraînements, qui se déroulaient en Français. Les jeunes français n’aimaient pas trop les plus âgés alors ils venaient me répéter ce qui avait été dit. Par chance, nous avons tout gagné en France cette saison-là avec un triplé et c’est ce qui a lancé ma carrière. »
Le leadership de Steed Tchicamboud n’a effectivement jamais fait l’unanimité mais les faits sont là : la période dorée de l’Élan Chalon correspond en tous points à celle de son retour au club. Et cela fut aussi une superbe rampe de lancement pour Malcolm Delaney que l’on ne reverra plus jamais en France, à l’exception du déplacement annuel de Milan à l’Astroballe.
Malcolm Delaney au cours de la Semaine des As 2012 à Roanne, son premier trophée avec les pros
(photo : Olivier Fusy)
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