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[REDIFFUSION] Travarus Bennett : la première star du renouveau monégasque, dix ans avant Mike James

Alors que l'AS Monaco va participer au premier Final Four de son histoire ce week-end, le club de la Principauté était loin de connaître la même situation il y a dix ans. Il y a une décennie, la Roca Team tentait de se sortir de l'anonymat de la Nationale 2 avec Travarus Bennett en chef de file. Retour sur cette époque déjà si lointaine...
Crédit photo : Sébastien Grasset

En marge de la qualification de l’AS Monaco pour le Final Four de l’EuroLeague, nous vous proposons la relecture de cet article publié le 1er novembre 2021, permettant de mieux saisir l’ampleur du développement météorique de la Roca Team sur la dernière décennie.

29 octobre 2021 : l’AS Monaco Basket vient de renverser  le CSKA Moscou (97-80) et célèbre le plus grand succès de sa jeune histoire en EuroLeague. Dix ans plus tôt, jour pour jour, soit le 29 octobre 2011, la Roca Team était de sortie dans la banlieue lyonnaise. Pas à Villeurbanne, mais quatre échelons en dessous, face au CS Décines, tout juste promu en Nationale 2. Ce soir-là, le meilleur joueur Monégasque ne s’appelait pas Mike James, Donta Hall ou Dwayne Bacon. Il se prénommait Travarus Bennett, auteur de 25 points en terre rhodanienne (97-71).

Deux apparitions en Pro A avec Limoges

« Leur ascension est assez folle », sourit l’ancien ailier depuis Minneapolis, où il entraîne une équipe de lycéens et gère une entreprise de transport routier. En 2011, un an après l’arrivée du vénérable Jean-Michel Sénégal, il fut la première recrue de marque de l’AS Monaco. Un CV marqué par des passages en Allemagne, en Suisse, en Irlande et surtout par une saison réussie en Puy-en-Velay en NM1 en 2009/10 (12,6 points et 4,8 rebonds), sous les ordres de Ségalo déjà. « J’aurais pu rejoindre Monaco dès 2010 », nous raconte-t-il. « Jean-Michel m’avait proposé de l’accompagner mais je ne voulais pas aller jouer en quatrième division. » De fait, il trouvera même preneur en… Pro A, du côté de Limoges, en quête d’un remplaçant pour Awvee Storey. Mais son passage au CSP fut désastreux : à peine un mois de présence sur place, pour 1 point de moyenne en 2 rencontres disputées. « Je regrette d’y être allé, j’ai trop attendu et je n’étais pas en forme. De plus, on ne m’a pas expliqué la situation correctement : il leur fallait quelqu’un qui ressemble à Cedrick Banks, blessé à l’époque, et cela ne pouvait pas être moi. Ils ont utilisé énormément de joueurs, le club ne savait pas ce qu’il faisait à l’époque. »

Travarus Bennett, l’un des premiers noms du projet monégasque
(photo : Sébastien Grasset)

Ainsi, Travarus Bennett rentre aux États-Unis début novembre et va s’enquérir des résultats de son ancien coach Jean-Michel Sénégal sur Internet. « Et là, je tombe sur des photos de la ville », en rigole-t-il encore. « Je vous jure que je n’avais aucune idée de ce qu’était Monaco et j’étais tellement énervé en voyant ça. » Alors quand le technicien lyonnais lui envoie un e-mail en mai pour retenter sa chance, le natif du Mississipi ne laisse pas filer l’occasion. « Jean-Michel, je viens, on parlera argent une prochaine fois. »

De la Pro A − avec certes l’impact que l’on connait − à la NM2, Travarus Bennett constitue l’une des premières signatures d’envergure incarnant le renouveau de l’AS Monaco, aussi le premier vrai Américain depuis de nombreuses années, si l’on omet le crépuscule du naturalisé Kyle Milling (2009/11). Convaincu par le cadre de vie, le joueur l’est aussi par la présence de son ancien entraîneur ponot, « l’un des meilleurs tacticiens que j’ai eu la chance de côtoyer », et le projet de la Roca Team. « On m’a expliqué qu’il fallait absolument monter en NM1 cette saison puis idéalement en Pro B rapidement, c’était motivant. »

Poste 3-4 athlétique, réputé pour ses qualités défensives et son profil de glue-guy, Travarus Bennett vient donc renforcer (avec Nenad Vucic, Nicolas Peyre et Jason Jones) un effectif déjà bien fourni pour la Nationale 2. « On avait vraiment beaucoup de bons joueurs », s’exclame-t-il. « Je ne pense pas que les gens comprenaient à quel point Damir Karaibrahimovic était talentueux. Il était vraiment excellent. Sylvain Marco était très sous-estimé aussi. Et Diego Vebobe… C’était mon frère. À l’aile, tous les deux, on savait qu’on allait faire passer une sale soirée aux extérieurs adverses. »

Un verre avec le Prince pour célébrer la montée

Ce joli assemblage permet à la Roca Team de démarrer par une entame canon : quinze matchs sans défaite ! Et accessoirement quelques claques assénées à Feurs (+27), Cognin/La Motte (+22), Ouest Lyonnais (+27), Andrézieux-Bouthéon (+42), Roche-La-Molière (+26) et Nord-Ardèche (+30). Ou encore la fin d’une série de 32 matchs d’invincibilité à domicile pour Golfe-Juan (86-72). Il faudra attendre le 21 janvier 2012 pour voir l’ASM trébucher, du côté de Feurs (73-75). Une seule autre défaite suivra au cours des 26 rencontres de saison régulière : chez le dauphin Saint-Chamond (67-72), déjà coaché par Alain Thinet à l’époque. « On n’avait pas le choix que de gagner de suite », se rappelle l’ancien Gopher. « Il fallait monter immédiatement, on n’était pas sur une ambition NM1 à moyen-terme. »

15 octobre 2011, Monaco se déplace à Marseille (80-66). Le 15 octobre 2021, l’ASM a reçu Barcelone (81-85)
(photo : Sébastien Grasset)

Il faut dire que l’AS Monaco commençait à sérieusement s’impatienter dans l’anonymat de la quatrième division. Sous la férule du président de l’époque, Arnaud Giusti, un budget de 500 000 euros fut, officiellement, été bâti et la venue du duo Sénégal – Bennett avait été validé en vue de s’extirper le plus rapidement possible de la NM2. « Nous voulons redonner ses lettres de noblesse au basket monégasque », soulignait l’ex-dirigeant dans les colonnes de Monaco Hebdo à l’époque. « On a été au purgatoire pendant vingt ans après avoir connu l’élite. Ça fait 10 ans qu’on évolue en Nationale 2… »

Sauf que le meilleur bilan de la saison régulière n’équivaut pas à un ticket pour l’étage supérieur. Il faut en passer par une série de playoffs, contre le FC Mulhouse, échelon où la Roca Team s’était cassée les dents au printemps 2011 face à Cognac. Et face aux Alsaciens, Monaco frôle encore le gâchis. Une défaite 60-70 dans le Haut-Rhin place l’équipe de la Principauté dos au mur avant de revenir à Gaston-Médecin, mais les coéquipiers de Travarus Bennett ne tremblent (presque) pas pour valider leur retour de NM1 : victoires 76-65 et 80-74. « Cela nous a valu un verre avec le Prince Albert II au Rascasse », sourit-il.

Unanimement apprécié pour son implication et son côté compétiteur, l’Américain termine la saison avec 13,3 points de moyenne, dans les standards de ce pourquoi il avait été embauché. « J’étais conscient que je devais être le meilleur joueur, celui qui devait faire en sorte que notre équipe soit au-dessus de l’adversaire tous les soirs. Selon les matchs, je prenais plus ou moins de responsabilités pour marquer. » Ainsi, en finale, avec la grave blessure de Damir Karaibrahimovic la veille en demi-finale, « Mister T » enfile le costume du leader offensif (19 points) mais cela ne suffira pas contre Saint-Chamond (68-85). « Avec l’équipe qu’on avait, on aurait dû tout gagner », regrette-t-il. « Mais ça arrive, surtout que Saint-Chamond est la meilleure équipe que l’on ait affronté. La montée était le principal mais cela aurait bien sûr été sympa d’ajouter un trophée. »

Témoin des prémisses de la révolution Dyadechko

Au même moment, en coulisses, l’AS Monaco vit l’un des plus grands tournants de son histoire. En mars 2012, un certain Sergey Dyadechko échappe miraculeusement à une tentative d’assassinat dans les rues de Donetsk, sa Mercedes criblée de 26 balles, et se réfugie en Principauté, tandis que le président Giusti fait des pieds et des mains pour attirer de potentiels investisseurs à l’ASM. « À chaque échelon franchi, on risque de se heurter à un problème financier. On peut aller en Nationale 1 avec un peu d’aide. Nous recherchons des partenaires privés, des sponsors et nous avons besoin de subventions. Si Mr Rybolovlev, président de la section football, veut investir dans le basket, on est preneurs. » Ce ne sera finalement pas le milliardaire russe, mais bien le passionné ukrainien qui avance ses billes peu à peu au sein de la Roca Team. « Je me souviens de l’arrivée de Sergey, oui », souffle Travarus Bennett. « Pour être honnête avec vous, les joueurs ne comprenaient pas son attitude au début. Sa mentalité était étrange pour beaucoup. Je me rappelle d’une victoire où il était arrivé énervé dans les vestiaires car on ne s’était pas imposé plus largement. »

En NM1, Bennett a cumulé 7,4 points à 40%, 5,4 rebonds et 1,4 passe décisive de moyenne
(photo : AS Monaco Basket)

Signe d’un homme qui veut gagner, et vite, selon ses propres vues, quitte à tout renverser sur son passage. Écarté sans ménagement en 2014, Arnaud Giusti en fera les frais, tout comme Jean-Michel Sénégal ou Savo Vucevic sur le banc de touche. Et si Dyadechko avait eu plus de responsabilités dès la saison 2012/13, Travarus Bennett aurait sûrement aussi été mis à la porte au cours de la saison 2012/13, en Nationale 1, terminée par une élimination en quart de finale des playoffs contre Cognac (69-77). « Je ne suis pas un go-to-guy, je n’ai jamais été le joueur qui prenait tous les shoots. Et c’est devenu un problème quand Sergey est arrivé car il voulait que Jean-Michel me vire pour prendre un Américain tournant à 25 points par rencontre. Alors le coach venait me voir pour me dire : « Je ne sais que ce n’est pas ton style mais ce gars veut que tu shootes plus ». Sauf que je n’ai jamais joué comme ça… En NM1, l’ambiance était malsaine, il y avait énormément de tension dans l’air. Jean-Michel ressentait vraiment la pression, Sergey voulait voir jouer les recrues alors qu’un mec comme Sylvain Marco était trop talentueux pour rester sur le banc. Beaucoup de joueurs n’étaient pas à l’aise, ce n’était plus fun de venir aux entraînements. »

« Loin du salaire de Mike James »

Contraste absolu avec l’exercice 2011/12 que l’ex-résident de Beausoleil décrit comme l’une de ses meilleures années hors-parquet. « J’ai adoré ce groupe. Soirées, dîners, jeux vidéos, on faisait vraiment tout ensemble. C’était plus qu’une équipe. » Mais, a posteriori, un passage nécessaire pour installer la Roca Team parmi le gotha des grands clubs européens. « Il y a peut-être beaucoup à redire sur la façon dont Sergey a pu procéder mais il n’y a qu’à voir les résultats », reconnait l’ancien poste 3 de Golfe-Juan et du Cannet. « Si je suis surpris de les voir aussi vite en EuroLeague ? Peut-être, oui, mais d’un côté, ça fait 10 ans et Sergey a tellement investi… »

De Décines au CSKA Moscou, du Stade Marseillais au FC Barcelone, de Travarus Bennett à Mike James, l’AS Monaco a donc changé de galaxie en une décennie. « Ah, c’est sûr que niveau salaire, j’étais loin de son million », se marre-t-il. Il restera la noblesse d’avoir participé aux fondations de la plus grande success-story actuelle du basket tricolore. « Il y a un sentiment de fierté, c’est toujours bien de voir un ancien club réussir de la sorte. Quand je les vois jouer une rencontre européenne à la télévision, ça me rend heureux. » Les déplacements à Nord-Ardèche semblent effectivement désormais bien loin…

 

 

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