Confrontée au « pillage » de la NCAA, la LNB veut « éviter le gâchis » : l’interview de Philippe Ausseur

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Philippe Ausseur, la LNB est actuellement confrontée à une problématique majeure avec l’exode de nombreux jeunes Français vers la NCAA…
Ne nous mentons pas, il s’agit d’un réel sujet d’inquiétude puisque la réponse ne nous appartient pas, ou peu. Bien entendu, il faut continuer à valoriser et accompagner ces prospects, comme on le fait depuis quelques temps. Il va aussi probablement falloir revoir les conditions de rémunération mais on ne va pas rêver. Les sommes qui leur sont offertes en NCAA sont intenables en France et en Europe. Il faut avoir une réponse de régulation, qui passera par un dialogue avec la FIBA et probablement avec la NCAA, afin d’éviter ce pillage qui, à la fin, sera un gâchis.
Vous employez le terme de « pillage »…
Oui car les sommes que l’on entend sont réelles. Les contrats les plus bas commencent à 300 000 dollars, montent jusqu’à un million de dollars, pour des jeunes qui n’ont pas encore prouvé. Si l’on voulait faire une mauvaise conversion, on ne pourrait pas mettre 300 000 euros sur eux en France. Je voudrais éviter le gâchis. À la fin, il pourrait y avoir beaucoup de dégâts commis…
« Ça va poser problème aux clubs, à notre économie et peut-être aux joueurs »
Mais ce n’est pas un problème que vous découvrez. Cela ne remonte pas à avril 2025…
C’est exact. On avait, par exemple, abordé ce point avec les représentants de la NBA lorsqu’ils sont venus à Paris autour des matchs San Antonio – Indiana en janvier. On leur a fait passer une note pour leur dire tout le danger qu’il y avait sur la formation et la post-formation à la française. Il faut que l’on apporte nos réponses. Dans le cadre de l’association des ligues professionnelles, j’ai eu des réunions avec les politiques la semaine dernière, ne serait-ce que pour pousser une idée que nos contrats pros puissent être exonérés, tout ou en partie, sur une durée de trois ans dans un plafond. Cela pourrait permettre à nos clubs d’offrir plus. Mais cela ne nous permettra pas d’offrir les 700 000 dollars que l’on entend pour Ilias Kamardine…
Comment est-il possible de protéger les clubs face à la NCAA, une organisation indépendante de toute fédération sportive ? Même un contrat longue durée ne peut pas retenir un prospect en France.
C’est le vrai sujet. Je pense que l’on peut mettre en place une vraie négociation avec la NCAA, probablement faire en sorte qu’il y ait un cadre juridique qui vienne mieux rémunérer les clubs qui ont formé, ou post-formé, ces jeunes-là. Il y a le cas de ce joueur serbe (Andrej Kostic) qui fait l’objet d’une discussion entre son club (l’Étoile Rouge de Belgrade) et l’université où il souhaite aller (Kansas) autour d’une clause d’1,5 million de dollars qui ressemblerait à un prêt. Il y a sûrement des pistes à explorer et des discussions à mener. Le souci, c’est que quand on dit NCAA, ce n’est pas un seul interlocuteur mais pléthore d’interlocuteurs. Il faut arriver à mettre en place ce cadre.

Le risque n’est-il pas aussi de pousser certains clubs à ne plus vouloir investir sur la formation, puisqu’il n’y a plus aucune contrepartie à la fin ?
Oui. Ça va poser des problèmes à nos clubs. Ça va poser des problèmes à notre économie. Ça va poser des problèmes à la Pro B qui était devenue un championnat de développement. Et je pense que ça va aussi poser problème à ces joueurs. Pour tous ceux qui iront là-bas, je ne suis pas sûr que la NCAA soit la bonne voie de développement afin de réussir dans le basket. Après, du point de vue économique, il ne faut surtout pas leur jeter la pierre. C’est très compliqué de résister à une proposition de 700 000 dollars.
« La percée de la NCAA vient affaiblir l’un de nos piliers »
D’autant plus que cela va à l’encontre de tout ce que vous tentez de mettre en place ces derniers temps pour la valorisation des jeunes, à l’image du Young Star Game et le slogan « Révélons le basket français ». Dès votre première interview, vous disiez vouloir faire passer l’idée que la Betclic ÉLITE était le meilleur championnat de développement possible.
Tout à fait. C’est pour ça que c’est un vrai sujet pour nous. Nous avons probablement, en France, le deuxième ou troisième réservoir mondial de très bons basketteurs. Cela s’exprime aussi dans le slogan : « Révélons le basket français. » La percée de la NCAA vient affaiblir ce qui était un de nos piliers.
À ce sujet, où en êtes-vous au sujet de l’annonce d’un programme commun avec la NBA pour garder les jeunes en France ?
On travaille toujours, nous restons en discussions avec eux. Bien sûr, aujourd’hui, la NBA Europe est la priorité de la NBA. Justement, dans le cadre de la NBA Europe, je pense que la NBA a tout intérêt à disposer de ce vivier de potentiel en Europe. Il faudra en discuter avec eux mais la NBA pourrait effectivement être un allié.
Vous avez déjà été déclaré être favorable à la NBA Europe…
Nous le restons, tant que l’on ne se retrouve pas avec plus de fragmentations. S’appuyer sur le savoir-faire marketing de la NBA peut être un vrai atout. Ce qui est important est que l’on a entendu été entendu sur un certain nombre de points, avec l’union des ligues européennes. Le premier était que l’on respecte les championnats nationaux, ce qui a été fait. Nous étions aussi sensibles au respect des fenêtres internationales. Du point de vue de la NBA, il y a un vrai souci de dialogue et respect avec les ligues nationales.
« Cela va nous forcer à accélérer la réflexion autour des Espoirs »
Quelle conséquence l’exode vers le basket universitaire peut-il avoir sur le championnat Espoirs ?
On avait engagé une réflexion, on va désormais l’accélérer. J’allais dire que nous sommes maintenant presque contraints et forcés de réformer le championnat Espoirs. Mais tant mieux. Nous n’avons pas d’autres choix que de le valoriser encore plus. Finalement, de ce point de vue, c’est un mal pour un bien car cela va nous forcer à accélérer notre réflexion.
Quelles sont les pistes concrètes ?
Il y en a plusieurs. Il faut arriver à mieux comprendre ce que sera vraiment l’impact NIL mais il est clair qu’il faut encore plus d’intensité et de développement en Espoirs. Ce championnat doit clairement servir de mise en valeur pour nos meilleurs jeunes. Dans l’ensemble, le sujet NCAA va beaucoup nous occuper ces prochains temps.
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