« C’est au-delà de la peur, c’est de la survie » : Louis Marnette raconte son malaise cardiaque

Sept mois après son malaise cardiaque, pleinement redevenu basketteur professionnel, Louis Marnette prend la parole pour la première fois
Jour 224 du reste de sa vie. Et pour la première fois depuis qu’il s’est effondré sur le parquet du Palais des Sports de Caen le 7 mars 2025, victime d’un malaise cardiaque lors d’un match face au SCABB, Louis Marnette (1,93 m, 24 ans) a accepté de s’exprimer publiquement sur cet épisode particulièrement traumatisant.
Un accord qui remonte au mois de juillet, lorsque Toulouse avait officialisé sa signature, annonçant de fait son retour sur les parquets. Mais à l’époque, le Nordiste avait, de manière compréhensible, choisi de repousser l’échéance, admettant qu’il n’était « pas encore prêt à parler » et qu’il reviendrait vers nous quand il le serait.
Plusieurs semaines après, Louis Marnette a tenu sa promesse. Le message est venu de lui-même le 25 septembre, dans la foulée d’un premier match réussi (23 points, 4 rebonds et 6 passes décisives face aux Sables Vendée Basket). « Je veux bien répondre à l’interview », disait le champion d’Europe cadets (avec la génération 2001).
À cause de quatre défaites inaugurales pour l’ambitieux Toulouse, malgré le soutien de nouveaux actionnaires de renom et les performances XXL d’un Marnette qui, sportivement, n’a pas grand chose à faire en NM1 (19,2 points à 46%, 4,8 rebonds et 5,6 passes décisives pour 18,8 d’évaluation), le timing opportun s’est cependant encore laissé désirer quelques temps. Mais la première victoire (89-87 à Chartres le 7 octobre) a permis de faire retomber la pression autour du club. Louis Marnette a gagné un match de basket, en gagnera prochainement d’autres, et ça, ce n’était justement pas gagné il y a 224 jours…
« Le lendemain de l’incident, je ne me souvenais de rien ;
Aujourd’hui, je me souviens de tout… »
Louis, vous sortez de votre première victoire de la saison…
Oui, et ça fait du bien ! Surtout contre Chartres, chez eux. C’est une équipe qui n’est vraiment pas facile à prendre. Nous sommes tous contents et fiers d’avoir pu engranger cette première victoire. Ça fait beaucoup de bien au moral. On est une jeune équipe et on avait besoin de ça pour lancer notre saison.
Comment vivez-vous ce décalage entre vos grosses prestations individuelles, pour votre retour sur les parquets, et ce début de saison collectivement difficile ?
C’est sûr qu’individuellement, je brille, mais on est à une victoire et quatre défaites. Pour moi, ce n’est pas assez. Je mets toujours le collectif en avant. On sait que les grosses statistiques dans une équipe qui perd ne sont jamais très bien vues. Il faut maintenant gagner des matchs et j’essaye au maximum d’aider l’équipe pour cela.
Parlons du 7 mars 2025, ce soir où vous avez fait un malaise cardiaque en plein match avec Caen. De quoi vous souvenez-vous ?
Le lendemain de l’incident, je ne me souviens de rien. De rien du tout. C’est dans les jours, les semaines, les mois suivants que tout revient… J’avais comme des flashs qui arrivaient. Aujourd’hui, tout est clair dans ma tête. Je me souviens de tout, de toutes les sensations, de tous les feelings que j’ai pu avoir.

Alors pouvez-nous vous raconter le moment, tel que vous le ressentez ?
Sur le moment, je ne comprends pas. La dernière image que j’ai dans ma tête, c’est que je fais la passe à mon coéquipier avant la fin du troisième quart-temps. Après, je marche vers le banc et je fais mon malaise. Mais ma dernière image claire, c’est le moment où je fais la passe. Après, plus rien. Au début, c’est très perturbant, très flou. Quand je me réveille sur le terrain, je me souviens que j’ai très mal et que je n’arrive pas à bouger, comme si je suis tétanisé. J’ai mal partout et c’est là où ils m’emmènent à l’hôpital. C’est la pire soirée, pire nuit de ma vie, parce que les douleurs et le feeling sont horribles… J’avais des douleurs partout, des fourmis dans les doigts, dans les orteils, mal au ventre, à la tête, des côtes fêlées, les jambes lourdes, etc. Toutes les douleurs qu’on peut imaginer ! J’ai tout eu d’un coup, et c’est très, très brutal. C’est le sentiment que j’ai eu, qui a duré jusqu’au moment où l’on m’a emmené à l’hôpital, et où l’on m’a calmé…
« Essayer de respirer, de survivre… »
Tous les spectateurs présents au Palais des Sports de Caen ont eu extrêmement peur. Et vous, avez-vous eu le temps d’avoir peur ?
Non, je n’ai pas eu peur car le stade de la peur est dépassé. C’est au-delà de la peur, c’est de la survie. Ton corps essaye de survivre, se met en sécurité, envoie des alertes au moindre fait et geste. Je pense que c’est pour ça que je n’ai pas pu bouger, que j’étais tétanisé. On attend, on essaye de respirer et de survivre… En tout cas, je ne me suis pas senti partir mais tu comprends vite après coup ce qui s’est passé…
Vous n’aviez eu aucune alerte avant ?
En décembre, j’avais ressenti des palpitations pendant un entraînement. J’avais dû m’arrêter pendant deux semaines pour refaire toutes les batteries de test (aucun match entre le 27 décembre 2024 et le 24 janvier 2025, ndlr). Ils n’avaient rien trouvé et Nantes m’a prescrit un traitement, avec médicament, auquel j’ai malheureusement très mal réagi. C’est un peu ce qui a causé le malaise, pas tout, mais en partie. Même s’il y avait quelque chose, le médicament n’a pas aidé.

Que s’est-il passé après votre malaise ?
J’ai passé trois mois sous anticoagulant avant d’obtenir le feu vert médical. Ça a été un peu repoussé mais je l’ai eu fin juin – début juillet, de la part de la LNB, de la FFBB, du staff médical de Caen puis du staff médical de Toulouse par la suite. Après coup, j’ai passé quatre – cinq semaines au centre de rééducation Stablinski à Valenciennes (sa ville natale, ndlr), là où j’avais déjà été pour mon genou (rupture des ligaments croisés en 2023, ndlr). Ça s’est très bien passé.
« Pas un matin où je n’y pense pas,
je vivrai avec jusqu’à la fin de mes jours »
Pas de séquelles physiques, donc, mais conservez-vous des séquences psychologiques de ce moment ? Comment les surmonter ?
Des séquelles psychologiques, oui, j’en aurai jusqu’à la fin de ma vie… À 24 ans (23, même, au moment du malaise, ndlr), vivre une telle chose est très traumatisant, très choquant. Aujourd’hui, l’erreur que j’ai pu faire est d’essayer d’oublier ce qui s’est passé. Ce n’est pas du tout la bonne chose à faire. Il fallait plutôt accepter que mon cerveau et mon corps y pensent. L’acceptation a été tellement dure mais c’était la chose à faire. Dorénavant, je me sens beaucoup mieux. J’ai eu énormément d’angoisses, beaucoup de périodes de doute. Aujourd’hui, il n’y a pas un matin où je n’y pense pas, pas un midi où je n’y pense pas, pas un soir où je me couche sans y penser. Mais je l’accepte. Ça fait partie de moi et de mon histoire. Je vis avec ça et je vivrai jusqu’à la fin de mes jours avec ça.
Comment s’est articulé la décision de rejouer au basket ?
La réflexion a surtout été de savoir si mentalement, je pouvais y retourner. C’est là où j’ai longuement réfléchi, pour savoir si je voulais justement continuer dans le monde pro ou faire autre chose. Aujourd’hui, je sais que j’ai un mental d’acier, que je surmonterai toutes les épreuves. Quand on m’a dit qu’il n’y avait aucun risque à reprendre le basket, j’ai décidé d’y retourner. Surtout que j’ai un suivi médical H24, ce qui est rassurant. Je voulais aussi affronter mes démons, entre guillemets. Et là, je me sens bien. Quand on t’annonce que tu pourras rejouer au basket, refaire une activité physique, ça procure de très bonnes sensations. Ça fait forcément beaucoup de bien.

Avez-vous craint de ne plus jamais pouvoir rejouer ?
Non, je n’ai pas eu peur de ne plus rejouer au basket. Ce n’était pas du tout la priorité. La priorité était déjà de trouver ce qui n’allait pas. J’avais plutôt peur qu’ils ne trouvent pas ce qui s’est passé et ils l’ont trouvé, donc c’est le principal.
Il est difficile d’imaginer un retour sur les parquets sans appréhension pour les premiers entraînements ou premiers matchs…
Je me suis beaucoup préparé à ce fameux premier entraînement, ce premier match amical, ce premier match officiel. Je me suis formaté, préparé : je savais que ça n’allait pas être facile mais qu’il fallait y passer. Je me disais que ça irait beaucoup mieux après les premières minutes, et c’est ce qui s’est passé. J’avais un peu d’appréhension au début : j’étais forcément un peu angoissé mais ça passe tout seul… J’ai encore par moment des pensées parasites, comme quand je reçois un coup, mais ça fait partie du process. Comme je l’ai dit avant, j’accepte que ces pensées viennent dans mon cerveau. Le tout, c’est de vite passer à autre chose et ça va beaucoup mieux après.
« En un claquement de doigt, tu peux ne plus être là… »
Désormais, est-ce que cela fait un peu début d’une seconde carrière ?
C’est un peu ça, oui ! Mais je dirais plus un renouveau que le début d’une seconde carrière. J’essaye de mettre derrière moi tout ce qui s’est passé et de repartir d’une page blanche afin d’écrire un nouveau chapitre de ma vie et de ma carrière. Ça fait du bien d’avoir repris, j’ai une chance énorme d’en être là aujourd’hui. Malheureusement, le chemin aurait pu être bien différent.
Maintenant que vous avez vécu ça, disposez-vous d’une autre perspective sur les choses ?
En un claquement de doigt, tu peux ne plus être là. Aujourd’hui, j’essaye juste de rester le plus positif possible, de profiter de chaque moment avec ma famille et mes proches.

De quoi avez-vous envie pour la suite désormais ?
Je ne pense pas à la suite. Je vis au jour le jour. Là, je suis à Toulouse, et très bien ici. Le club m’a super bien accueilli, je suis très heureux de faire partie de ce club, qui peut devenir grand. J’essaye de faire mon maximum pour le faire évoluer.
« Dans les années à venir, Toulouse peut être un très gros club »
Justement, pourquoi avoir choisi Toulouse l’été dernier ?
Déjà, j’aurais pu aller en Pro B. J’aurais pu aller à l’étranger. Je n’avais aucune restriction par rapport à ça. Si j’ai le feu vert en Nationale 1, je l’aurais eu aussi en Pro B, ce n’était pas la question. J’ai pu avoir le choix et j’ai opté en faveur de Toulouse car il y a un projet très intéressant. J’ai eu le coach Romain Tillon et le GM Nicolas Biondo cet été, qui m’ont expliqué le projet : un nouveau club, une nouvelle identité, une équipe jeune. Ça m’a plu. Je voulais avoir un gros rôle dans une équipe, je voulais reprendre du plaisir à jouer au basket. C’est ce qui m’a fait choisir Toulouse.
On a beaucoup entendu parler du renouveau de Toulouse cet été, avec l’arrivée de prestigieux investisseurs, comme Antoine Dupont, Léon Marchand ou Big Flo & Oli. Parlez-nous de l’ambition du TBC…
Le club veut grandir. Ça se sent. Tout est nouveau : nouvelle identité, nouveau logo, nouveau club. Tout le monde est extrêmement investi, du staff aux dirigeants. On sent que les supporters arrivent de plus en plus, qu’il y a tout un engouement derrière nous : ça nous motive à performer et à gagner encore plus de matchs. Dans les années à venir, Toulouse peut être un très gros club, à moyen-terme en ÉLITE 2 et à long-terme en Betclic ÉLITE. C’est une ville de sport : on le voit avec le rugby, le foot, le volley… Ils ont aussi envie de développer le basket masculin et c’est pour ça aussi que je suis venu. Ça peut être très intéressant.

Merci Louis…
Juste une chose : je voulais aussi remercier les gens pour tous les messages que j’ai pu recevoir. Je n’ai peut-être pas pu répondre à tout le monde mais je remercie tous ceux qui m’ont écrit, tous ceux qui ont été là pour moi : ma famille, mes proches, ma copine. Et un petit aparté pour mon agent, Bertrand Gineys : malgré toutes les galères que j’ai eues, il a toujours été là, il m’a toujours trouvé un job. Humainement, c’est quelqu’un d’extraordinaire et je trouve que ça se perd un peu dans ce milieu. Donc je voulais lui faire un clin d’œil et le remercier énormément pour tout ce qu’il a fait.


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