Le retour plein d’émotions d’Élise Prodhomme sur l’Euro U18 : « L’argent a vraiment un goût d’or »

Magnifique cliché de la « famille » France autour d’Élise Prodhomme
Élise, comment allez-vous ? Comment s’est passé le retour en France, quel sentiment prédominait ?
Là, ça va un peu mieux. Mais c’est vrai qu’hier (lundi), il y avait beaucoup d’émotions partagées. En même temps on était si proches, et en même temps ça ne passe pas. Il y a des petits questionnements sur ce qu’on aurait pu faire mieux, ça n’a pas été simple. Mais le sentiment qui dominait lundi matin à l’aéroport était quand même la fierté, parce qu’on rentre avec la médaille d’argent. Ça reste une performance assez incroyable dans cette catégorie-là. On voit le positif dans tout cela. On veut toujours mieux, on veut toujours plus, mais on rentre quand même avec une médaille, et on n’est que 3 équipes sur 16 dans ce cas-là.
Vous êtes vous rejouée la finale dans votre tête, peut-être les 30 dernières secondes ?
Pas vraiment. J’ai préféré ne pas y revenir pour l’instant, c’est encore trop chaud. Bien sûr je repense à des choses que j’aurais pu faire, ou ne pas faire. Mais ce n’est pas encore le moment pour revenir là-dessus.
✅ 8 PTS DOWN
✅ 40 SECS TO GOSpanish DNA activated 🏆🇪🇸#U18EuroBasket x @NextGenHoops pic.twitter.com/bQKNJhnGzM
— FIBA EuroBasket (@EuroBasket) August 4, 2025
Comment se sont passées les premières minutes après le coup de sifflet final. Était-ce dur de consoler ces très jeunes hommes, qui vivaient peut-être un scénario comme cela pour la première fois ?
Ce n’est pas évident, parce qu’à ce moment-là, le leader de l’équipe c’est moi. Et si je n’ai pas la tête haute, ils n’auront pas la tête haute. Donc il a fallu quelques minutes pour que déjà je me remette, que je trouve le positif dans tout cela. Après quand je les ai vus dévastés comme ça – ce que je n’avais pas vu tout de suite – il fallait les prendre un par un, et surtout leur dire de se souvenir d’où ils viennent, du chemin parcouru. Oui la médaille d’argent n’est pas ce qu’on voulait, mais par contre c’est la nôtre. Elle est à nous et on va l’honorer tête haute parce qu’on la mérite. Au début de la préparation, si on nous avait parlé de médaille d’argent, peut-être qu’on aurait signé tout de suite. Il fallait essayer de les faire relativiser, de les rendre fiers de ce qu’ils ont fait.
Avez-vous pu prendre du recul sur la compétition ? Il y a forcément de la fierté de ce parcours.
Bien sûr. Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’on aurait pu tomber en huitièmes [contre la Bulgarie, 76-72]. Mais ils ont eu cette force de caractère de ne pas lâcher, de revenir. Ils ont réussi à se remettre au cœur du projet collectif mis en place depuis le premier jour, ce qu’ils avaient peut-être oublié avant les huitièmes. Puis ils se sont sublimés sur les trois matchs suivants.
Y a-t-il quand même des regrets ?
Il y en aura toujours. Même si on est champions, on pourrait ne pas être satisfaits sur certaines choses. Mais moi je suis tellement fière des joueurs, de mon staff. La médaille est magnifique.
Quelle a été la recette miracle pour aller en finale en proposant un si beau basket ? D’autant plus que ce groupe comporte des joueurs peu connus, des rookies et des très jeunes (seulement trois Bleuets ont 18 ans) ?
Ce n’est pas une recette miracle, parce que c’est une recette qui a déjà marché il y a deux ans [champions d’Europe U20 féminins]. La base de la recette, c’est la confiance et la complémentarité du staff. On a refait ce qu’on avait fait en 2023 avec Romain [Leroy, assistant] et Fabien [Frydryszak, assistant], au niveau basket et humain. Et on y apporté des plus-values avec un expert de la préparation physique [Alexandre Dugeny], un expert de la vidéo [Keny Foreau], et un personnel médical complémentaire. C’est un ajout de compétences, en plus de l’humanité de chacune de ces personnes qui a voulu intégrer ce projet collectif.
Et derrière quand on parle aux jeunes de ce collectif, que chacun aura un rôle et une place, c’est beaucoup plus facile de se l’approprier. Parce qu’ils voient comment on fonctionne et ils prennent exemple. C’est un projet avec un cadre strict à l’entrée, très strict peut-être. Mais une fois qu’on y est, il y a énormément de libertés.
Ensuite au niveau du projet basket, on voulait de la mobilité, de l’intensité défensive, du partage de balle. Et surtout par rapport à l’attaque de zone, il fallait apprendre à jouer et à lire dans les espaces. On voulait désacraliser cette histoire de défense de zone. On aurait même aimé que les adversaires nous en fassent plus…
Il y a aussi des choix forts qui été faits dans l’effectif. On pense à Akram Naji qui avait été porteur de balle principal en U16 et U17, ou des gros noms comme Gabriel Veras et Keny Vado qui n’ont pas été sélectionnés. Sur quels critères se sont fait ces choix ?
Le projet collectif est toujours au-dessus des individus. Tant que je serai coach, ce sera le cas. Tous ceux qui voudront rentrer dans ce projet y rentreront. Tous ceux qui n’ont pas cette capacité, que ce soit défensivement, offensivement ou dans les valeurs humaines, n’auront pas leur place dans mon effectif. Il y a une complémentarité des personnes. Bien sûr il y a aussi eu des questions de postes, la loi de la concurrence a joué. Ça fait partie de la vie d’un sélectionneur. On voulait surtout faire seulement des choix pour le bien de l’équipe. Pas parce que l’on aime pas une personne ou quoi… On cherchait les meilleurs associations pour l’équipe de France.
Y avait-il aussi une volonté de tourner la page par rapport à l’équipe qui a fait 9e de la Coupe du monde U17 l’année dernière ? De changer les cadres ?
Pour Soren [Bracq] et Noa [Kouakou-Heugue], ce sont des choix fédéraux qui ont été faits. Tout comme Nathan Soliman et Aaron Towo-Nansi. C’est la Fédération qui a choisi. Une fois ces choix faits, moi je fais l’état des joueurs disponibles, et on avance pour faire le meilleur résultat possible.
Il y a aussi un côté humain à tout cela. On a vu après le coup de sifflet final que vous aviez une relation proche avec les joueurs. Cameron Houindo a dit que vous étiez la coach “la plus humaine” qu’il ait jamais eu. Ce genre d’aventure crée des relations qui vont au-delà du basket ?
[On sent l’émotion dans sa voix] Je pense que c’est pour l’instant la plus belle aventure humaine et basket que j’ai vécue. Ces jeunes sont incroyables. On leur donne, mais ils nous le rendent tellement… Moi, la partie humaine, c’est ce qui fait ma force. C’est peut-être mon côté féminin. La complémentarité qu’on a avec le staff, c’est ce qui nous rend fort. Tous les ajouts d’Alex, Keny, Quentin [Lecheneaut, médecin], Anne [Barreau, kiné] et Loëtitia [Moussard, FFBB], ça sublime le reste. Et les joueurs l’ont compris. Ils ont appris à faire attention aux uns et aux autres. À partir du moment où on arrive à faire cela avec des joueurs pour qui c’est totalement étranger…
« Faites confiance à notre expérience, et faites attention aux uns et aux autres » : ce n’est normalement pas la première chose qu’on dit à un rassemblement d’équipe de France. Mais on a un staff avec une méthode, une seule méthode certes, mais une méthode qui gagne. Je suis vraiment fière de cela. Il y a une certitude, c’est que si on ne met pas les moyens sur les choses à mettre en place avec ces jeunes, ils ne peuvent pas le faire seuls. On ne peut pas leur dire de tout le temps jouer sans ballon. Certains n’ont jamais vu ça, d’autres ont vu des systèmes différents… Encore une fois, ils ont adhéré au projet qu’on leur a présentés.
Elise Prodhomme console un par un tous les jeunes français qui sont tous en pleurs….
Quelle coach mais quelle humaine aussi pic.twitter.com/dzCBa7wBGU
— Tom Compayrot (@Tom_Cprt) August 3, 2025
Est-ce que ce sont des valeurs et un mode de fonctionnement que vous avez envie d’insuffler dans la formation française ?
Je suis très loin de penser ça, tellement je n’ai pas de recul sur ce qu’on vient de faire [rires]. Il y aura une vraie analyse dans le débriefing des équipes de France. Mais des résultats, on en a en France. C’est la manière de jouer qui a été différente. Bien sûr que la formation française peut évoluer, qu’on peut faire encore mieux. Mais je ne suis pas sûre que cette méthode convienne à tout le monde. Par contre elle en fait partie.
Avez-vous déjà eu des retours d’au-dessus, ou faudra-t-il attendre ce fameux débriefing des équipes de France ?
En fait, au mois de septembre, tous les coachs des équipes de France jeunes et adultes, filles et garçons, se retrouvent pour débriefer les campagnes. Il y a un partage d’expérience. Qu’est ce qui a marché, qu’est ce qui n’a pas marché ? On échange autour de tout cela pour faire évoluer le tout.
Que retenez-vous donc de cette expérience sur le plan personnel ?
Que c’est énormément d’émotions [la voix qui tremble]. Et qu’il faut croire en ce qu’on fait… Je n’ai pas les mots en fait. Je sais juste tout ce que je dois à mon staff et à mes joueurs, pour avoir vécu cette aventure et rentrer à la maison avec l’argent.
C’est dur de tourner la page après tout cela ? La suite va arriver vite pour vous à Dijon, on est déjà en août…
C’est pour l’instant une page que je vais laisser ouverte, pour en profiter encore un peu. Et l’analyser pour prendre de l’expérience. Voir ce qui a marché, ce qui n’a pas marché, et faire évoluer encore les choses pour la suite.
Y a-t-il un goût d’inachevé que vous avez envie de combler ?
Je pense que sur cette compétition et sur tout ce qu’on a mis en œuvre depuis fin juin, l’argent a un goût d’or. Vraiment vraiment un goût d’or. Pour une raison simple : on a vu l’évolution dans la maturité de nos jeunes, l’épanouissement et l’enthousiasme qu’ils ont eu à partager des choses ensemble. Une de nos valeurs était celle de la famille. Et ils se la sont appropriée. Ils ont créé leur famille, celle que l’on choisit.
Depuis Belgrade,
Note d’Élise : Je voudrais remercier Ruddy [Nelhomme], Jacky [Commères], Alain [Contensoux] pour leur confiance, et Vincent Collet pour les échanges avant et après la compétition. Ainsi que la JDA Dijon et Fabien Romeyer d’avoir validé la présence de Keny et Quentin au sein du staff.
Les Bleus U18 vice-champions d'Europe ! 🏆
Les Bleuets 🇫🇷 décrochent la médaille d'argent après une bataille épique face à l'Espagne 🇪🇸, qui est malheureusement parvenue à prendre l'avantage dans les dernières secondes du match.
Bravo pour ce magnifique parcours les jeunes 💙… pic.twitter.com/AkdLzHWDhV
— Esprit Basket Caisse d’Epargne (@EspritBasket) August 4, 2025


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