L’interview de Jean-Aimé Toupane : « On a oublié qu’on n’était pas forcément une nation de shooteuses »

Deuxième EuroBasket pour Jean-Aimé Toupane, et deuxième défaite en demi-finale
20e minute de France – Espagne, la mi-temps approche, mais les Bleues sont en contrôle (38-31). Pourtant, sur le banc, Jean-Aimé Toupane fulmine et monte dans les tours à l’occasion d’un temps-mort, pointant notamment du doigt une balle bêtement perdue par Romane Berniès, vainement défendue par sa capitaine Valériane Ayayi.
« Les filles, le match n’est pas fini et on joue à l’envers ! (…) Vous voulez perdre le match ? » Une question malheureusement prophétique puisque son équipe s’est inclinée sur le fil face à l’Espagne (64-65), au terme d’une deuxième mi-temps complètement ratée. En zone mixte, le sélectionneur une nouvelle fois vaincu en demi-finale d’un EuroBasket a tenté de garder la tête haute…
Jean-Aimé, quel est votre ressenti après cette défaite en demi-finale de l’EuroBasket ?
C’est une déception (il le répète). Après, je suis fier de mes filles, fier de mon équipe. On a fait un très bon tournoi. Ça se joue à rien aujourd’hui. On a manqué un petit peu de lucidité, on n’a pas su alterner le jeu. Et à mon goût, on a joué trop arrêtées. On n’a pas eu le flow qu’on avait d’habitude. Et même quand on était devant, on n’a pas su garder l’écart car elles ont alterné des défenses pour nous ralentir un peu. La déception est pour tout le monde mais il y a encore un match à finir. Même si on n’aura pas la médaille qu’on espère, le plus important est de bien finir le tournoi et d’être sur le podium.
Quand vous dites que vos joueuses ont arrêté de jouer, est-ce dû au talent de l’Espagne ou avez-vous senti le doute s’instiller au sein de votre équipe ?
Je ne sais pas, peut-être les deux. Elles ont bien joué leur coup. Je ne sais pas expliquer si c’est l’Espagne, si c’est l’enjeu, si c’est autre chose. Mais en tout cas, le constat, c’est ça…
Vous avez shooté à 5/30 à 3-points…
On a eu beaucoup de réussite (au début du tournoi). On a oublié qu’on n’était pas forcément une nation de shooteuses et qu’il fallait alterner, peut-être. Mais cela fait partie du jeu, on a pris des risques, c’est comme ça. Aujourd’hui, ce n’est pas tombé du bon côté. Ça fait partie du basket.
« On était à l’arrêt ! »
Dès la fin de la première mi-temps, vous dites à votre équipe, lors d’un temps-mort, qu’elle joue à l’envers alors qu’elle est à +7. On vous voit vous énerver sur le banc… Sentiez-vous déjà que cela ne tournait pas comme il faut ?
Quand le score est proche, c’est normal… Je ne pense pas que l’équipe, depuis le début du tournoi, avait des doutes. On était confiants, on était là pour gagner. Malheureusement, ça ne se joue à rien. On va essayer, nous le staff, d’analyser ce qui s’est passé. Et puis, on va essayer de voir si on peut faire mieux la prochaine fois.
Et ensuite, c’est le troisième quart-temps qui vous met dans le trou…
Non, c’est depuis le début du match. On n’a jamais été en rythme par rapport à ce qu’on a pu faire. On a joué arrêtées, le ballon a moins voyagé d’un côté à l’autre. Ça amène des choses qui ne sont pas bonnes, notamment au niveau de l’adresse. Quand le ballon voyage, qu’on est dans le flow, on arrive à marquer des paniers. Là, on était à l’arrêt.
Pourtant, vous étiez là défensivement…
Oui mais on n’a pas su marquer les paniers… Déjà, on n’a pas suffisamment couru, ce qui était notre point fort.
À quel point les différentes zones proposées par l’Espagne vous ont perturbé ?
Leur zone nous a gênés parce qu’on n’a pas pu amener de l’alternance. Une zone, on ne peut pas l’attaquer avec des tirs à 3-points. Pour bien attaquer une zone, il faut amener la balle à l’intérieur. Il faut réagir, bouger, alterner, attaquer les close-outs, attaquer les intervalles.
Est-ce quelque chose que vous leur avez redit pendant le match ?
Mais ça, elles savent le faire. Ce n’est pas forcément… (il s’interrompt) On en parle depuis (le début du tournoi).
« Je n’ai aucun reproche à faire à qui que ce soit »
Le match-up proposé par Awa Fam ne vous a jamais été favorable… Elle termine à 21 points et 9 rebonds après un quart de finale à 0 point…
Encore une fois, il ne faut jamais sous-estimer les grandes joueuses. C’est une fille qui, si elle est sélectionnée là, est une bonne joueuse. Ce n’est pas parce qu’on met 0 point sur un match qu’on n’est pas forcément une bonne joueuse et ce n’est pas parce qu’on met 20 points qu’on l’est. C’est de la constance qu’on demande. Des deux côtés, ils ont su bien exploiter ce qui nous a fait mal. Ils ont mis la balle à l’intérieur, on a eu du mal à la tenir.
Qu’avez-vous dit à vos joueuses dans le vestiaire après le match ?
Que nous sommes déçus aujourd’hui, mais qu’il faut digérer. Il faudra vite, demain, se remobiliser parce qu’il y a un match à aller chercher pour la troisième place afin de finir sur le podium. C’est important de conclure un tournoi par une victoire.
Justement, la France a toujours été sur le podium depuis 2009. Il faut continuer à faire perdurer cette culture de la médaille ?
Bien sûr, c’est pour ça que je comprends qu’on soit tous déçus aujourd’hui. Mais demain est un autre jour. On va se remobiliser pour finir sur le podium. C’est très bien ce que mon équipe a montré depuis le début du tournoi. Je n’ai aucun reproche à faire à qui que ce soit. On gagne ensemble et on perd ensemble. Aujourd’hui, ce n’est pas tombé du bon côté… On a eu le mérite de revenir à un point. Si on avait mis ce lancer-franc, peut-être qu’on aurait tout oublié en prolongation… On ne l’a pas mis, mais ce n’est pas grave. Peu importe qui l’a shooté, c’est ensemble (qu’on perd).
Propos recueillis au Pirée,






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