Recherche
Logo Bebasket
Recherche
Logo Bebasket
  • À la une
  • Mon actu
  • Programme TV
  • Matchs
  • Frenchies
  • Mes joueurs
  • Équipe de France
  • Interviews
  • Quiz
  • CONTACTEZ-NOUS

Le grand entretien avec Alain Contensoux, DG et DTN de la FFBB : « On sait très bien faire les choses, mais on ne sait pas les vendre »

À Katowice, en marge du premier tour de l'EuroBasket, Alain Contensoux, Directeur général et Directeur Technique National de la FFBB depuis quinze ans, s'est livré sans détour sur l'été contrasté du basket français et les défis à venir. Entre lucidité sur les difficultés et vision à long terme, l'homme de l'ombre du succès tricolore dessine les contours d'un avenir où la professionnalisation reste le maître-mot.
Le grand entretien avec Alain Contensoux, DG et DTN de la FFBB : « On sait très bien faire les choses, mais on ne sait pas les vendre »

Alain Contensoux assiste à un entraînement de l’équipe de France à Katowice, fin août 2025, lors du premier tour de l’EuroBasket

Crédit photo : Julie Dumélié

Un an après l’apothéose des Jeux olympiques de Paris, où le basket français avait décroché trois médailles d’argent et où ses équipes jeunes avaient raflé quatre titres européens, l’été 2025 a sonné comme un brutal retour à la réalité. Aucun titre pour les catégories jeunes, une quatrième place historique pour l’équipe de France féminine, et une élimination précoce des Bleus face à la Géorgie en huitièmes de finale de l’EuroBasket.

Les critiques ont fusé. Pourtant, Alain Contensoux refuse la panique. Arrivé à la Fédération en 2010 après des passages marquants au ministère des Sports et à la Fédération française de tennis aux côtés de Patrice Dominguez, il a connu bien des cycles. « C’est toujours plus compliqué de rester tout en haut, quelle que soit la discipline sportive », pose-t-il d’emblée, rappelant une évidence parfois oubliée dans l’exigence du résultat immédiat.

La réalité d’une compétition européenne en pleine mutation

Le dirigeant ne cache rien : « Aujourd’hui, quand on prend en Europe seulement le basket, l’Italie a progressé de manière très forte sur les équipes jeunes. L’Allemagne a mis en place depuis de nombreuses années maintenant, une dizaine d’années, des critères dans leurs centres de formation pour véritablement avoir un encadrement de grande qualité. » L’Espagne, de son côté, a lancé le week-end dernier sa ligue U22 pour contrer l’influence de la NCAA et retenir ses meilleurs talents. La France n’est plus seule au sommet, et le niveau moyen européen grimpe inexorablement.

Mais au-delà de la concurrence, Contensoux pointe un « concours de circonstances » inédit cet été : « Je n’ai pas connu un été où aucune équipe jeune n’a été constituée des joueuses et des joueurs que nous avions prévus dans l’année. » Entre trois et quatre absents par sélection, pour blessures ou autres raisons, le cocktail s’est révélé délétère. Chez les féminines A, la blessure de Marine Fauthoux en préparation, combinée aux absences liées à la WNBA, a fragilisé un collectif déjà amputé de forces vives.

Le défi NCAA et WNBA : préserver l’identité européenne

C’est peut-être là que le discours de Contensoux prend toute sa dimension. La NCAA, qu’il suit depuis sa candidature au poste de DTN il y a quinze ans, est devenue une menace existentielle avec l’arrivée du NIL (Name, Image, Likeness), ce système de rémunération des étudiants-athlètes. « Pour moi, c’est un vrai danger pour le basket européen », tranche-t-il sans détour. « Ce serait une perte de l’identité européenne, qui est une identité forte du basket mondial. »

Son argumentaire est limpide : « On a besoin d’avoir l’école serbe, on a besoin d’avoir l’école espagnole, on a besoin d’avoir cette école française, on a besoin d’avoir cette différence-là. » Un écosystème formatif unique que l’uniformisation par la NCAA pourrait mettre en péril. D’autant que, statistiques en main, Contensoux rappelle une réalité : « Le meilleur chemin pour aller en NBA, pour un premier tour de Draft, c’est quand même de passer par le championnat de France. » De Tony Parker à Zaccharie Risacher en passant par Victor Wembanyama, Nicolas Batum ou Evan Fournier, tous ont grandi sur les parquets français avant de conquérir outre-Atlantique.

Pour contrer cette fuite des talents, le patron technique de la FFBB mise sur la pédagogie et la transparence. « Il faut bien expliquer aux gens que ce n’est pas l’Amérique, le NIL, sans jeu de mots, et que tout ce qu’il espère n’arrivera pas à tout le monde. » Il évoque les aspects fiscaux complexes, les contrats incertains, et ces joueurs revenus au pays après une année décevante en NCAA, « bien contents de revenir en France et d’avoir des solutions dans les clubs français. »

Chez les féminines, le défi est encore plus aigu. La WNBA va s’agrandir, passant à 18 franchises d’ici 2030, créant une soixantaine de nouveaux contrats. « Ça veut dire des Européennes dedans. Donc ça veut dire des Françaises dedans. Sans doute. En tout cas, je l’espère », projette Contensoux. La FIBA a pris la mesure du problème : « Il y a des groupes de réflexion, FIBA Europe notamment, sur l’évolution du calendrier féminin. » La Coupe du monde 2030 se tiendra ainsi en fin d’année pour éviter le chevauchement avec la saison WNBA.

La professionnalisation, clé de voûte du système

Quinze années à la FFBB ont permis à Contensoux d’observer et d’accompagner une transformation radicale. « Je retiendrai, moi, la grande professionnalisation », synthétise-t-il. Sous la présidence de Jean-Pierre Siutat, puis de Jean-Pierre Hunckler, le budget fédéral a doublé, passant d’une vingtaine à une quarantaine de millions d’euros. Mais au-delà des chiffres, c’est toute une culture qui a évolué.

« Quand vous prenez tous les sports de très haut niveau et très professionnels, je pense à la Formule 1 en particulier, c’est d’un niveau de détail qui est exceptionnel », compare-t-il. Une phrase de son ancien mentor Patrice Dominguez résonne encore : « Si le diable se cache dans les détails, la haute performance, c’est l’enfer. » Les staffs d’équipes de France s’étoffent, à l’image des standards NBA, canadiens ou allemands. La recherche de la marge devient obsessionnelle.

Cette professionnalisation irrigue désormais l’ensemble de la pyramide. Le nouveau projet de performance fédérale 2024-2028 intègre « l’accompagnement humain et la performance mentale dans toutes nos structures », pour « acculturer nos cadres, pour mieux les accompagner dans la formation de nos joueurs. » Un « haut niveau des techniciens » a été créé pour « compagnonner » les jeunes entraîneurs, avec des figures comme Guillaume Vizade ou Julien Mahé aux manettes, eux qui ne sont plus systématiquement issus du sérail fédéral, comme auparavant.

« On a des gens de grande qualité qui ont envie de travailler ensemble. Et ça, c’est véritablement notre plus-value », souligne Contensoux, qui salue au passage l’apport de Jacques Commères, « une personne exceptionnelle, qui a une connaissance du basketball assez incroyable. »

Alain Contensoux loue le travail de son collègue Jacques Commères, qu'il complimente régulièrement
Alain Contensoux loue le travail de son collègue Jacques Commères, qu’il complimente régulièrement (photo : Julie Dumélié)

Vers une nouvelle détection : place aux créateurs

Parmi les évolutions stratégiques, une retient l’attention : la refonte de la détection des meneurs de jeu. Longtemps accusée de privilégier l’athlétisme et la taille au détriment de la créativité, la FFBB a rectifié le tir il y a quatre ans. « Dans notre guide de détection, le poste de meneur de jeu, on ne parle pas de physique, on ne parle pas de potentialité physique, on parle capacité à faire jouer, à voir le jeu, à lire le jeu », insiste Contensoux.

Le dirigeant reconnaît que l’opération « très grands gabarits », lancée en 2006, a magnifiquement fonctionné, donnant à la France une lignée de pivots d’exception. Mais le rééquilibrage était nécessaire. « On a aussi senti le besoin de remettre l’accent sur la nécessité de ne pas sélectionner exclusivement sur la potentialité physique. » Un virage dont les fruits se cueilleront dans quelques années, le temps long étant, encore une fois, la boussole de Contensoux.

Le temps long comme philosophie

C’est peut-être là la marque de fabrique de cet homme discret qui a traversé les mandats et les cycles. « Aujourd’hui on travaille pour Brisbane, et on travaille presque déjà pour les Jeux olympiques de 2036 », lance-t-il, presque provocateur dans un monde obnubilé par le résultat immédiat.

Cette vision l’amène à relativiser les déceptions de l’été. « Toutes les défaites sont plus utiles que des victoires pour progresser », martèle-t-il, citant l’exemple de la Coupe du monde 2023. « Peut-être qu’on ne s’était pas assez interrogé » après le titre de vice-champion d’Europe 2022, arraché dans la douleur. Les échecs imposent l’introspection salutaire.

La FFBB est d’ailleurs en pleine phase d’analyse. Des débriefs individuels sont menés avec chaque staff, pilotés par Jacques Commères et les coordinateurs Rudy Nelhomme (garçons) et Grégory Halin (filles). « On va voir le retour qui est fait de l’ensemble des coaches et des staffs techniques par rapport à ce qu’ils ont rencontré », explique Contensoux.

Le maillage territorial, atout français

Dans ce paysage européen en mutation, la France dispose d’un avantage majeur que Contensoux ne cesse de rappeler : son maillage territorial. « On a 3 880 clubs, on a des ligues, des comités départementaux, des ligues qui font le travail avec des gens qui sont dédiés à ça », énumère-t-il. Une infrastructure que les autres nations européennes envient. « Très souvent on nous dit : comment vous arrivez à renouveler aussi régulièrement chez les filles, chez les garçons ? »

Ce réseau s’appuie sur 250 conseillers territoriaux, réunis régulièrement – encore prochainement au Creps de Vichy – pour aligner les pratiques sur le projet de performance fédérale. Une chaîne humaine qui relaie du département jusqu’aux équipes de France l’identité du basket tricolore.

Cette force collective permet aussi de tisser des liens entre les générations. « Quand on fait un séminaire des équipes de France jeunes, les coachs A sont là », détaille Contensoux. Anciens capitaines des Bleus désormais GM des équipes de France A, Boris Diaw et Céline Dumerc transmettent leurs valeurs aux U16, créant ce « goût de revenir en équipe de France » qui immunise contre les sirènes de l’individualisme.

Clubs professionnels : le chantier de la formation

Reste un point sensible : la fuite des jeunes talents vers l’étranger. Conscient des pépites françaises, les formations étrangères tentent chaque année de venir puiser dans le vivier français. A l’intersaison, Cameron Houindo, Meissa FayeNoa Kouakou-Heugue ont quitté le Pôle France pour lancer leur carrière professionnelle en Slovénie, Allemagne et Australie.

« On ne forme pas des gamins au Pôle France pour qu’ils partent à l’étranger », déplore Contensoux. Ulm a par exemple accueillis quatre espoirs tricolores dans ses rangs depuis 2023. Certains n’avaient même pas d’offres en France, comme Faye cet été : « Ce qui est compliqué, c’est la différence d’évaluation entre le club d’Ulm et nos clubs français. Ulm est visiblement prêt à prendre des risques. » Une audace que les clubs hexagonaux n’ont pas toujours, malgré les succès de beaucoup, comme Isaïa Cordinier, passé par Antibes et la Pro B avant d’exploser.

La réponse ? Un travail conjoint avec la Ligue nationale de basket (LNB), via une commission mixte technique regroupant entraîneurs, joueurs, et même agents. Un séminaire a été organisé en septembre 2024 après les JO pour réfléchir à l’évolution des centres de formation. « La pédagogie, véritablement », répète Contensoux. Convaincre les présidents de clubs, les managers généraux, les familles, que « la meilleure formation possible, elle est chez nous. »

L’objectif est clair : avoir des JL Bourg partout sur le territoire, ces clubs professionnalisés capables de faire grandir les pépites. Mais le contexte économique impose la prudence. « On est dans une situation économique dont on ne peut pas ne pas tenir compte », tempère le DTN. La priorité reste donc l’amélioration de l’encadrement technique, via ce système de « compagnonnage » où des techniciens expérimentés comme Vincent Collet, Pascal Donnadieu ou Claude Bergeaud et Valérie Garnier accompagnent ou pourraient accompagner la nouvelle génération de coachs.

« On a besoin d’améliorer l’encadrement de nos centres de formation. On a besoin d’accompagner l’encadrement, d’améliorer l’encadrement et d’accompagner de nos meilleurs coachs dans les championnats de France », insiste-t-il. Un investissement dans l’humain qui, à terme, doit permettre de dire aux familles : « Votre fille ou votre garçon peut mieux se développer dans de meilleures conditions, avec de meilleures garanties de sécurité, d’intégrité, dans votre pays, pas très loin de chez vous, plutôt qu’à 6 000 ou 7 000 kilomètres. »

Le 3×3, discipline olympique à part entière

Autre front de travail : le 3×3, devenu discipline olympique mais encore en quête de modèle économique, particulièrement chez les féminines. « On a créé des équipes professionnelles 3×3, une équipe féminine qui n’a pas marché comme tout le monde aurait espéré qu’elle marche, mais on avait investi massivement », reconnaît Contensoux.

Le chemin diffère selon les genres. Côté masculin, « il y a un vrai circuit professionnel avec beaucoup d’argent délivré en prize money », permettant d’envisager des équipes commerciales viables. Côté féminin, « ça ne le sera pas avant 2028, dans le meilleur des cas, et peut-être 2032. » D’ici là, la FFBB continuera d’exporter certaines joueuses dans des équipes commerciales étrangères, à l’image d’Hortense Limouzin en Roumanie.

Le projet de performance fédérale 2024-2028 intègre pleinement le 3×3, avec la création d’un pôle France et d’équipes jeunes dédiées. Charles-Henri Bronchard (U21) et Anthony Christophe (U23) incarnent cette passerelle entre le monde professionnel et les équipes nationales.

L’horizon des grandes compétitions

Passionné de basket depuis « les premiers exploits de Limoges en Coupe d’Europe » et les nuits blanches devant les finales de Michael Jordan, Contensoux rêve aussi de ramener les grandes compétitions en France. « Bien sûr qu’on a envie d’organiser des grandes compétitions internationales », affirme-t-il.

La Coupe du monde masculine 2031 est dans le viseur. « On ne l’a jamais eue en France et on a aujourd’hui des stades pour le faire », avec ces enceintes à plus de 10 000 places sorties de terre ces 10 dernières années. Mais le contexte économique impose la prudence : « Aujourd’hui, on n’est pas capable d’organiser une très grande compétition internationale sans avoir un soutien fort des pouvoirs publics. »

Une étude de faisabilité est en cours. En attendant, la FFBB va accueillir un tournoi de qualification à la Coupe du monde 2026 féminine, histoire « d’animer la discipline » et de servir clubs amateurs comme professionnels. « Cette animation-là, ça va créer des choses », prophétise Contensoux. « Il faut que nous, on alimente ça. »

« On sait très bien faire les choses, mais on ne sait pas les vendre »

Au terme de cet échange fleuve, une autocritique résonne. « Le reproche que je fais parfois, que je nous fais parfois, et je me mets vraiment en tête de gondole, c’est qu’on sait très bien faire les choses, mais on ne sait pas les vendre. On ne sait pas le dire. »

Cette humilité tranche avec l’arrogance qui guette parfois les structures en réussite. Contensoux et ses équipes se remettent en question « tous les ans », cherchant inlassablement à « être meilleur l’année prochaine. » Un état d’esprit notamment insufflé par Jacques Commères et partagé dans toute la chaîne fédérale.

Les derniers mots du DTN résument sa philosophie : continuer à travailler dans l’ombre, avec rigueur et professionnalisme, en gardant les yeux fixés sur Brisbane 2032 et au-delà. Car si l’été 2025 a déçu, il n’a rien d’une fatalité. Plutôt une étape dans un cycle long, fait de hauts et de bas, où la capacité à apprendre de ses échecs forge les champions de demain.

« On a la chance de travailler dans quelque chose qui est extraordinaire qui est le sport, quelque chose qui est une passion », conclut-il. Une passion intacte après quinze ans au service du basket français, et qui devrait encore porter ses fruits dans les années à venir, pour peu que l’écosystème tout entier – fédération, clubs, joueurs, familles – continue d’avancer ensemble, uni par cette « différence » qui fait l’identité tricolore.

Image Gabriel Pantel-Jouve
Gabriel Pantel-Jouve est le fondateur et rédacteur en chef de BeBasket, qu’il anime depuis 2010 (sous le nom de Catch & Shoot). Passé par l’Ecole Publique de Journaliste de Tours, puis deux universités en Amérique du Nord, il a pu développer son expertise sur le basket français, de la Ligue Nationale aux divisions amateurs, durant ces 20 dernières années. En parallèle, il est aussi engagé dans le développement de clubs du côté de Montpellier.
T-shirt offcourt

Commentaires


Veuillez vous connecter afin de pouvoir commenter ou aimer
Connexion
johndoe
comme en politique...l'important, c'est de garder sa place.....tout est dit......
Répondre
(1) J'aime
jc87
Il y a beaucoup de choses intéressantes dans ce long entretien. Notamment les défis immenses auxquels devra faire face le basket français avec les concurrences nouvelles de la NCAA et de la WNBA. Cette situation ou un pays, en l’occurrence les états unis, a cette position de situation ultra dominante dans un des rares sport réellement universel est unique. Aucun autre sport co n'a à gérer ça. Les fédérations européennes et la FIBA vont avoir beaucoup de boulot dans les années à venir pour éviter qu'on ne se fasse manger tout cru.
Répondre
(1) J'aime