ITW Julien Mahé, nouveau sélectionneur de la Belgique : « Démarrer contre l’équipe de France, c’est original ! »

Nouveau sélectionneur des Belgian Lions, Julien Mahé va croiser la route de l’équipe de France ce vendredi à Rouen
Vous vous souvenez du France – Côte d’Ivoire (67-53) du 29 juin 2012 à Toulouse ? Probablement que non… Et même, quel rapport, vous direz-nous ?! Le lien est pourtant tout trouvé : il s’agit de la dernière fois que l’équipe de France s’est retrouvée opposée à un technicien tricolore, Christophe Denis en l’occurrence.
13 ans après, les Bleus vont croiser la route d’un nouveau compatriote. Cette fois, il s’agit de Julien Mahé (42 ans), qui a été officiellement intronisé entraîneur de la Belgique le 1er novembre dernier. Clin d’œil du destin, le Nanterrien va donc démarrer son aventure avec les Lions ce vendredi à Rouen face à l’équipe de France.
À quelques jours de l’un des matchs les plus singuliers de sa carrière, juste avant son départ pour Mons dimanche midi, Julien Mahé a accordé son premier entretien de sélectionneur belge à BeBasket.
Julien, est-ce que vous vous trouvez cette semaine face à un sentiment inédit, et la découverte d’un nouveau métier : sélectionneur, et non plus coach ?
Exactement ! C’est un saut dans l’inconnu pour moi, mais je le vis déjà depuis quelques semaines. Il y a eu très peu de temps entre ma nomination et cette première fenêtre donc il a fallu aller très vite pour nommer un staff, sélectionner 14 joueurs. Nanterre occupait le principal de mes journées mais cela fait déjà quelques temps que je suis dans le costume.
Comment en êtes-vous arrivé à devenir le sélectionneur de la Belgique ?
Par l’intermédiaire de Jacques Stas, ils m’ont appelé quand ils ont décidé d’opérer un changement au niveau du sélectionneur. Ensuite, il y a eu un processus de recrutement, qui a été un peu long : j’ai fait plusieurs entretiens pour en arriver là. J’étais intéressé de toute façon car c’est une fierté et un honneur de pouvoir être coach d’une équipe nationale. Surtout de la Belgique, un pays que je connais bien. Tout d’abord parce que j’ai habité juste à côté pendant sept ans en vivant à Dunkerque. J’y allais régulièrement, soit à titre personnel, soit pour aller voir des matchs : j’allais scouter des joueurs, découvrir différentes salles en Belgique. J’allais voir très souvent des matchs de playoffs ou des matchs de Coupe d’Europe à Ostende. C’est un championnat qui ne m’est pas indifférent. J’ai aussi eu la chance de coacher des joueurs belges, comme Quentin Serron et Loic Schwartz, avec qui j’ai eu une relation très spéciale. Ce sont deux très bons mecs.

Ça s’est fait assez naturellement. Rien n’aurait pu se conclure sans l’accord de Nanterre. Mon président a été très compréhensif et a accepté cette double casquette. On sait que ce n’est pas toujours facile pour les clubs, surtout que rien n’était prévu. Je débute seulement à Nanterre et on n’avait pas du tout envisagé cela. Je les remercie de me permettre d’avoir cette opportunité.
« La Belgique résonne en moi,
c’est un pays dont je suis proche«
Devenir sélectionneur, était-ce quelque chose qui vous attirait dans votre carrière ?
Je n’étais pas particulièrement à la recherche de ça. Tu vas en fonction des opportunités qu’on t’offre… Je ne l’aurais pas fait pour n’importe qui. Ça reste particulier pour moi de le faire dans un autre pays que la France, car je suis évidemment attaché à mon pays. Mais la Belgique résonne en moi, comme un pays dont je suis proche. Quand on me l’a proposé, j’ai trouvé le challenge très excitant. À titre personnel, ce sera une façon de se remettre en question, car tu t’obliges à une efficacité incroyable.
En quatre jours, il va falloir travailler avec des joueurs que je n’ai jamais connus, au sein d’un groupe qui n’a que très peu de continuité par rapport à l’EuroBasket, pour jouer la France sans filet le vendredi. Waouh, là, c’est inédit pour moi ! J’ai souvent besoin de temps pour mettre en place les choses donc ça m’oblige à une remise en question pour être hyper concis. Ça va être un énorme challenge.
Aviez-vous eu déjà des contacts avec une sélection nationale ?
C’est la première fois pour une équipe nationale étrangère. Après, j’avais eu des opportunités avec la FFBB pour des équipes de France jeunes mais ça n’avait pas pu se faire pour différentes raisons. Devenir sélectionneur était quelque chose qui attisait une petite curiosité chez moi. Ce qui me parle, c’est le fait d’être l’entraîneur de l’équipe d’un pays. Je suis vraiment très fier de représenter la Belgique et d’être à la tête de leur équipe nationale, je trouve ça très fort.

Il paraît que votre ancien joueur Loïc Schwartz a suggéré votre nom à sa fédération et joué un rôle non négligeable. Pour vos débuts, disposer d’un tel relais sera forcément précieux ?
On a effectivement une relation particulière avec Loïc depuis plusieurs années… Je ne suis pas surpris qu’il ait soufflé mon nom quand on lui a peut-être demandé son avis. J’ai surtout trouvé intéressant d’avoir pu discuter avec certains joueurs cadres sur le processus de recrutement. Qu’ils soient un peu associés dans les discussions préalables à la signature, j’ai trouvé ça très bien. Ça m’a permis de faire connaissance avec certains, de confirmer l’intérêt qu’on avait à travailler ensemble.
Connaître de loin le basket belge est une chose. En devenir le sélectionneur est une autre. Comment avez-vous procédé pour vous mettre à jour ces derniers temps et bâtir votre première liste ?
On m’a fourni une liste de 27-28 noms. J’en connaissais déjà pas mal, et j’ai appris à connaître un tout autre vivier car il y a eu des forfaits… J’ai été aidé très vite par Lionel Bosco et Frédéric Wilmot, qui seront mes adjoints. Notre début de collaboration a été intense et très encourageant. Pour moi, c’était une évidence de travailler avec des coachs belges, pour leur connaissance du basket local, mais aussi d’avoir une expérience internationale. Frédéric Wilmot a déjà été assistant en sélection, l’est également à Charleroi : son apport est de suite évident. Quant à Lionel Bosco, il est maintenant adjoint en Allemagne à Bonn depuis trois ans et a quasiment 100 sélections en tant que joueur.
Je me suis mis à jour. Il a fallu être organisé pour à la fois travailler très dur avec Nanterre pour continuer notre bon parcours en championnat mais aussi regarder des matchs en Belgique, apprendre à connaître des joueurs, faire des visios, appeler les garçons avec lesquels on avait envie de travailler. Ça a été beaucoup de boulot, je ne compte pas les heures, mais c’est passionnant. J’ai beaucoup de curiosité.
« On va partir de zéro ! »
Vous espériez une continuité avec l’EuroBasket et on ne trouve que six joueurs présents à Katowice dans votre liste…
On a connu plusieurs types de forfait, hélas. Pour un petit pays comme la Belgique, le réservoir de joueurs n’est pas infini. J’ai d’abord une grande pensée pour Hans Vanwijn, on avait parlé ensemble, il était très motivé pour venir et il s’est fait une rupture du tendon d’Achille alors qu’il avait très bien démarré en Turquie. C’est un forfait majeur pour nous, comme celui d’Emannuel Lecomte.
Ensuite, il y a le cas particulier de Jean-Marc Mwema : il a tellement donné pour l’équipe nationale que je respecte complètement sa décision d’arrêter à son âge.
Malheureusement, il y a un troisième type de forfait, pour d’autres joueurs, qui est plus en fonction des états physiques de chacun, qui préfèrent privilégier leur club à la sélection pour cette fenêtre-là. C’est bien plus dommageable, mais c’est ainsi.
Je suis très heureux d’avoir les garçons qui seront là cette semaine avec nous. Ils sont extrêmement motivés, enthousiastes. On offre aussi des premières sélections à plusieurs joueurs, c’est super. Dans une fenêtre aussi courte, le principal sera d’avoir de l’énergie et de l’enthousiasme pour prendre du plaisir ensemble. Pour ça, il faut avoir des joueurs motivés à 100%. Il faut donc se concentrer sur ceux qui sont là, sur ceux qui ont vraiment envie de donner le maximum pour représenter leur pays. À nous d’offrir le meilleur visage possible.

L’un des dossiers qui intéresse fortement le basket belge est la relation avec ses deux représentants NBA, Toumani Camara (Portland) et Ajay Mitchell (Oklahoma City), qui n’ont encore jamais joué en sélection. Avez-vous pu vous entretenir avec eux ?
Pas encore, non. J’ai été très accaparé, pour l’instant, par la construction de cette équipe de novembre. Je n’ai pas encore pu parler ni à Ajay Mitchell, ni à Toumani Camara. Entre novembre et février, on aura un peu plus de temps pour préparer l’avenir. Et dans la préparation de l’avenir, il y a évidemment la relation avec les deux joueurs NBA. Elle se fera rapidement, fin 2025 ou début 2026. Jusqu’ici, la priorité absolue était de créer une équipe pour cette fenêtre. J’ai évidemment commencé à les suivre et il est certain que ça reste des garçons sur lesquels on a envie de compter l’été prochain.
« L’explosion d’Ajay Mitchell avec OKC est remarquable »
En tant que sélectionneur belge, quel est votre regard sur l’explosion d’Ajay Mitchell, qui est la révélation de la saison NBA avec le Thunder (16,1 points, 3,7 rebonds et 3,8 passes décisives) ?
C’est remarquable. Surtout qu’il joue dans une équipe qui joue vraiment bien au basket, qui défend comme rarement en NBA. Il est dans un bon contexte. Ça fait partie des trajectoires qui explosent, alors qu’on ne l’a pas toujours vu venir… C’est super.
Au-delà des résultats, qu’attendez-vous de cette première fenêtre cette semaine ?
L’idée est de créer une identité. Si on me fait venir, c’est aussi pour que j’apporte le basket que j’aime faire. J’aimerais évidemment que ce soit très collectif et qu’on défende dur. Mais mon job est aussi de m’adapter aux qualités des joueurs qu’on a entre les mains. À moi de les mettre en valeur, des deux côtés du terrain. Ce que j’attends est une cohésion très forte, un vrai collectif, une équipe qui se bat sur tous les ballons, qui a envie de faire quelque chose ensemble. On va essayer de créer ça. Mais je n’ai pas encore vu les joueurs (entretien réalisé dimanche midi, ndlr), vous imaginez ?! On va partir de zéro !
L’un des mots clefs de la semaine, c’est « adaptation ». Avec le staff, il va falloir être hyper-adaptable, d’abord vis-à-vis du niveau de forme de chacun. Et ensuite arriver à trouver un langage commun le plus rapidement possible. On a des idées mais entre les idées d’aujourd’hui et ce qui sera sur le terrain vendredi, je pense qu’il y a une différence…
Sportivement, l’idée est de faire au mieux pour cette fenêtre. Elle va être très difficile et pourtant, le deuxième match à Mons sera très important pour nous contre la Hongrie. Il faut terminer dans les trois premiers. Après, on aura un back-to-back loin d’être simple contre la Finlande en février puis la France l’été prochain qui se présentera certainement avec une toute autre équipe. La réception de la Hongrie est déjà cruciale.
Jusqu’à quand êtes-vous engagé par la fédération belge ?
Jusqu’à l’issue de la Coupe du Monde 2027.
Une compétition à laquelle la Belgique n’a jamais participé…
C’est pour ça que le challenge est redoutable ! C’est pour ça qu’il n’y a pas de temps à perdre et qu’il faut faire de notre mieux évidemment. La fédération veut tenter de se qualifier pour la Coupe du Monde. Ça n’a jamais été fait, c’est très ambitieux. Bien sûr que nous ne sommes pas favoris mais à nous de défendre nos chances au maximum… Les fenêtres sont toujours quelque chose de particulier, tout peut arriver. La Belgique a battu l’Espagne l’année dernière (58-53) par exemple. J’y vais avec beaucoup d’énergie et d’enthousiasme.
Le basket belge peut se targuer d’une formidable locomotive avec son équipe féminine, double championne d’Europe en titre…
Complètement ! C’est magnifique ce qu’elles font. On voit que les Cats suscitent beaucoup d’enthousiasme autour d’elles, et c’est normal. À nous, avec les Lions, de tenter de suivre le chemin.
« On ne s’attend pas à jouer contre son pays ! »
Débuter votre mandat contre l’équipe de votre pays, on pouvait difficilement faire contexte plus spécial…
Oui, on dira que c’est original (il rit). En fait, je n’étais pas du tout au courant au début. On m’a dit lors d’un entretien que mon premier match serait en France contre l’équipe de France. C’est un beau clin d’œil. C’est sûr que c’est particulier car on ne s’attend pas à jouer contre son pays. Ça va être une expérience très spéciale. Pendant 40 minutes, il est évident que ma concentration sera exclusivement sur le fait de réaliser le maximum pour la Belgique. Mais oui, c’est particulier, je connais plutôt bien la plupart des joueurs… J’en ai deux qui font partie de mon effectif actuel (Benjamin Sene et Mathis Dossou-Yovo), mon kiné (Nicolas Barth) dans le staff des Bleus, mon directeur sportif (Pascal Donnadieu) qui est le conseiller de l’équipe de France (il rit). Ça fait beaucoup de choses qui amènent des particularités sur ce match-là.
Vous connaissez évidemment tous les joueurs français mais on n’a jamais vu cette équipe jouer ensemble. Est-ce une difficulté supplémentaire dans la préparation ?
De toute façon, il y a suffisamment de choses à faire pour qu’on construise, nous, notre jeu, que je ne suis que très peu concentré sur l’adversaire. Individuellement, on connait les joueurs, leurs profils. On sait aussi ce qu’aime bien mettre en place Freddy Fauthoux. Mais le principal, c’est que nous on arrive à créer quelque chose.
C’est excitant de jouer en France mais personnellement, j’attends aussi énormément le premier match en Belgique. Je suis très impatient d’être à Mons, de jouer devant le public belge face à la Hongrie. Ça va être génial.

Avez-vous évoqué cette rencontre avec Benjamin Sene et Mathis Dossou-Yovo, qui seront dans le camp d’en face ?
Oui, on en a rigolé ! Ça va être spécial. Tout ça, c’est beaucoup de positif en fait… De voir les deux en équipe de France, ça conforte notre bon début de saison. Je suis très heureux pour Ben, qui retrouve la sélection. Je suis très heureux pour Mathis, qui va fêter sa première. Et d’être le coach adverse pour sa première sélection, c’est aussi un joli clin d’œil. Les autres joueurs en ont rigolé aussi, c’est marrant.
« Je n’ai aucune inquiétude pour mon absence avec Nanterre »
Vous avez commencé à travailler avec Mathis Dossou-Yovo en 2022, à un moment où sa carrière stagnait quelque peu… Trois ans plus tard, le voici en équipe de France. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Ça me confirme que le travail paye car Mathis est un gros bosseur. Il a su profiter à plein de toutes ses expériences : beaucoup de positif à Saint-Quentin et un peu plus difficile la saison dernière en Allemagne puis à Paris, même si ça l’a beaucoup aidé. J’ai retrouvé au mois d’août un joueur différent que celui que j’avais laissé un peu plus d’un an auparavant. Je l’ai trouvé plus mature, plus exigeant encore. Il a découvert l’étranger, l’EuroLeague, il a gagné un titre en étant entouré de joueurs de très haut niveau. Ça l’a fait avancer et son début de saison est remarquable. En tant que coach, on est là pour accompagner des joueurs. Ça fait partie des trajectoires qui font très plaisir, surtout qu’il le mérite. C’est un garçon rempli de qualités.
Votre début de saison avec Nanterre vous permet-il de quitter l’équipe l’esprit un peu plus serein pour une semaine ? Vous êtes complètement dans les clous de ce que vous espérez…
Un peu au-delà, même ! Sept victoires sur neuf matchs, je pense qu’il n’y a pas grand monde qui aurait parié dessus. Sans même parler des résultats, notre arrivée avec Karim (Remil) s’est très bien passée : on a trouvé un bon équilibre avec le staff déjà en place. On travaille ensemble avec Karim depuis trois ans, Guillaume Pons et Vincent Dziagwa connaissent bien leur métier.
Aujourd’hui, je suis en totale confiance, et le club aussi, sur le fait que ça va bien se passer. En plus de Benjamin Sene, Mathis Dossou-Yovo et moi, Roko Prkacin et Zakai Zeigler ne seront également pas là, respectivement sélectionnés par la Croatie et Porto-Rico. On va tous se retrouver quelques jours avant d’aller à Bourg-en-Bresse pour la reprise, ce sera un peu particulier.
Notre coach et 4 de nos joueurs ont rejoint cette semaine leur équipe nationale. Force à Julien, Zakai, Benjamin, Mathis et Roko ! 🇧🇪🇵🇷🇫🇷🇭🇷 pic.twitter.com/f83wIHrPsW
— Nanterre 92 (@Nanterre92) November 25, 2025
Il faut prendre le positif : ça va permettre à certains de se reposer, à d’autres de travailler individuellement. Je n’ai aucune inquiétude sur le fait que ça va bien se passer lors de mon absence. On s’est réunis pour bien organiser cela. Il y aura de la liberté pour le staff en place mais on aura aussi des appels réguliers pour faire le point car j’ai besoin d’être au courant de ce qui se passe. C’est anticipé. Le club a l’habitude puisque Pascal (Donnadieu) était l’assistant de Vincent Collet quand il était coach. On sait gérer, le fonctionnement est rodé et la qualité du staff en place me permet d’être serein. Il n’y aura pas de problème.

Frédéric Fauthoux « heureux » pour Julien Mahé
« Je suis très heureux et fier que Julien Mahé ait pris une sélection étrangère. Ça prouve aussi le travail qui est fait par les techniciens français.
Concernant le visage de la Belgique, on sait qu’il manquera beaucoup de joueurs par rapport à l’été dernier. On essaye d’anticiper un peu des choses par rapport à ce que Julien a fait avec Saint-Quentin et Nanterre. »





























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