Le bilan individuel des Bleus à l’Euro : Jaiteh aurait mérité mieux, Cordinier a perdu la magie olympique, Maledon s’est raté

Battus par la Géorgie dès les 1/8e de finale, les Bleus sont rentrés en France bien plus vite que prévu…
Au Radisson Blu de Riga lundi après-midi, on croisait encore Luka Doncic, attendu par des jeunes supporters pendant plusieurs heures, des joueurs géorgiens tout contents de prolonger leur séjour ou même l’équipe israélienne, repartie très tard pour Tel-Aviv. Mais plus l’équipe de France…
Après une dernière nuit déprimante en Lettonie, les Bleus se sont envolés en vol privé sur les coups de midi pour Paris. Laissant derrière eux les traces d’un championnat d’Europe particulièrement frustrant, conclu dès les 1/8e de finale face à la modeste Géorgie (70-80). Deux jours après la désillusion, il est temps de tirer le bilan individuel de cette première compétition de l’ère Fauthoux.
#00 Sylvain Francisco
En un match, il a scoré plus de points (32) que sur tout le reste de son tournoi (27). Face à la Slovénie, le meneur du Zalgiris Kaunas a livré l’un des plus grands chefs-d’œuvre des dernières années en sélection, malheureusement terni par une faute de goût sur l’ultime possession qui lui a valu un déferlement de haine et de bêtise raciste sur ses réseaux sociaux.
Un peu trop à gérer pour un seul homme, atteint par la situation, et qui n’a plus réussi à retrouver le même rayonnement ensuite. Au-dessus du lot d’un point de vue athlétique, avec des qualités de vitesse inouïes, le Francilien a beaucoup cherché à répondre aux attentes du staff, allant parfois trop tenter de trouver la passe alors qu’il s’était déjà ouvert le chemin du cercle.
Un profil parfait de sixième homme avec une intensité remarquable lors de toutes ses entrées en jeu. Mais un money-time qui fait mal contre la Géorgie : une balle perdue sur la première possession du quatrième quart-temps et 0/4 de loin dans les deux dernières minutes.
Ses statistiques : 9,8 points à 33%, 3,8 rebonds et 3,7 passes décisives en 21 minutes

#0 Élie Okobo
Tout bon… jusqu’au vrai match important, comme malheureusement un peu trop souvent. Frustré jusque-là en équipe de France, mal à l’aise sous l’égide de Vincent Collet, le Bordelais a enfin obtenu la liberté qu’il espérait avec Frédéric Fauthoux, un coach qu’il connait depuis (très) longtemps.
Sur tout le premier tour, cela a porté ses fruits. Utilisé en joker offensif de luxe, tantôt au poste 2, tantôt à la mène (ce qu’il réclamait), le gaucher de l’AS Monaco a été brillant à Katowice, avec un remarquable investissement défensif pour ne rien gâcher. Son match contre la Pologne (14 points et 10 passes décisives) est sûrement le plus abouti de sa carrière internationale.
Mais alors qu’il a désormais passé le cap des 50 sélections, Okobo s’est raté sur le couac géorgien. De plus en plus tendu au fil des quarts-temps, l’ancien Palois a finalement été assez peu influent dans tous les secteurs, trop maladroit (4/12, dont 1/5 à 3-points) et auteur de son plus faible match à la création (3 passes décisives). Dommage, car la première impression était très bonne.
Ses statistiques : 12,7 points à 48%, 5 passes décisives et 1,7 interception en 22 minutes

#2 Nadir Hifi
Signe de la dimension inédite pour un 12e homme d’une compétition internationale, la question sur son cas est venue d’un journaliste serbe en conférence de presse. L’une des toutes premières adressées à Frédéric Fauthoux après l’élimination.
N’importe quelle mention de l’arrière du Paris Basketball, devenu une vraie figure populaire ces derniers mois, déchaîne les passions et son seul cas a cristallisé quelques critiques à l’encontre du sélectionneur. Il est vrai qu’Hifi aurait, au moins, pu être essayé 2 minutes sur un match où les Bleus ont shooté à 6/36 à 3-points. Il est vrai, aussi, que le timing ne s’est jamais vrai ouvert au fait d’abattre l’ultime carte Hifi, les tricolores revenant instantanément de -9 au moment où cela aurait pu être le plus opportun (de 54-63 à 66-66).
Rappelé en dernière minute pour remplacer Matthew Strazel, le Strasbourgeois a finalement eu du mal à trouver sa place, payant sa contre-performance contre Israël (2 points à 1/8 en 15 minutes) tout le reste du tournoi. À son avantage dans les sorties faciles (10 points en 9 minutes contre la Belgique, 11 en 12 minutes face à l’Islande), il est cependant l’un des seuls joueurs, avec Isaïa Cordinier, à présenter un +/- négatif sur l’ensemble de l’Euro, trahissant quelques difficultés défensives, lui qui avait notamment la fâcheuse d’habitude d’encaisser un and one dès son entrée puisqu’il se mettait en surpression.
Ses statistiques : 5,8 points à 36%, 1 rebond et 0,5 passe décisive en 9 minutes

#3 Timothé Luwawu-Cabarrot
Ah, quel dommage que ses deux tirs complètement ouverts dans le corner à la 33e minute contre la Géorgie n’aient pas trouvé la cible… Ce cruel reflet de l’incapacité tricolore à trouver la faille de loin en 1/8e (6/36) vient quelque peu ternir le bilan de TLC, globalement satisfaisant par ailleurs.
Pas spécialement attendu dans la liste des 12, l’ailier de Vitoria a collé à son rôle de soldat, exemplaire dans le sacrifice, précieux défensivement comme lors de son gros passage sur Mateusz Ponitka contre la Pologne au premier tour, régulièrement décalé au poste 4 afin de pallier les défaillances de la raquette. Loin d’être flashy, certes, mais dans un bon esprit tout au long de la compétition.
Ses statistiques : 3,3 points à 32% et 2,3 rebonds en 14 minutes

#7 Guerschon Yabusele
Un Euro particulièrement frustrant pour le capitaine. Auteur d’une performance monumentale contre la Pologne (36 points), l’intérieur new-yorkais a eu du mal à peser par ailleurs, à l’image de son 1/8e de finale face à la Géorgie (12 points à 4/10, 3 rebonds et 3 passes décisives) où il a perdu son duel avec Toko Shengelia.
Particulièrement investi dans son rôle de capitaine, dans l’intimité des vestiaires ou devant les médias, le natif de Dreux s’y est peut-être un peu perdu au début, oubliant d’être agressif, avant de signer une réponse de patron face à la Pologne. Trop souvent trappé par les défenses adverses, ciblé en sa qualité de menace n°1, il a pâti des absences des autres leaders, lui qui a besoin de pouvoir bénéficier d’espaces afin de s’exprimer.
Ses statistiques : 13,7 points à 47%, 4,2 rebonds et 2,5 passes décisives en 27 minutes

#8 Isaïa Cordinier
À quel point ses genoux, régulièrement enveloppés dans des poches de glace, l’ont empêché de donner sa pleine mesure ? Car du formidable dynamiteur de Paris 2024, il ne restait malheureusement plus grand chose… Le futur joueur de l’Anadolu Efes Istanbul a très rarement réussi à peser, cherchant, en vain, à se rassurer dans le tir (3/11 à 3-points sur la compétition).
Son envie de bien faire n’est cependant pas en cause, ni son exemplarité dans l’énergie, mais on l’a régulièrement vu se faire passer en défense. Certes indéboulonnable dans le cinq de départ, il a souvent fait les frais des options du staff, tentant de se remettre des entames trop souvent poussives et a rarement revu le terrain après la pause, comme en 1/8e. Le chiffre le plus cruel ? Il possède le pire +/- de toute l’équipe de France sur la compétition : -15 au total.
Ses statistiques : 5,2 points à 40%, 2 rebonds et 0,8 passe décisive en 13 minutes

#11 Théo Maledon
La grosse déception de l’EuroBasket. Intronisé meneur titulaire avec le forfait de Matthew Strazel, l’ancien poste 1 de l’ASVEL n’a pas saisi la formidable opportunité qui lui était donnée de renouer avec le fil de sa carrière internationale.
Pire que ça, le Normand n’a pas répondu aux attentes. Embêté par les fautes lors de ses premières sorties, maladroit au possible (1/16 à 3-points !), il n’a jamais réussi à trouver le rythme, et son éclaircie contre l’Islande n’aura été qu’un feu de paille. On aura cru à la révolte dans le troisième quart-temps face à la Géorgie, avec notamment une interception dans les mains du jeune Giorgi Ochkhikidze, joueur de… Batumi, mais ses deux échecs successifs derrière la ligne majorée lors des premières possessions du quatrième quart-temps ont scellé la fin de son Euro. Une neutralité sur et en dehors des parquets, assez difficilement lisible, même pour le staff.
Ses statistiques : 4,3 points à 29%, 1,8 rebond et 2,2 passes décisives en 14 minutes

#14 Mouhammadou Jaiteh
C’était l’opportunité de sa vie chez les Bleus. Face à l’incroyable pénurie à son poste, Mam’ s’est d’abord retrouvé propulsé pivot titulaire de l’équipe de France. Puis seul pivot de l’équipe de France. Et lui pourra se regarder dans sa glace.
Vaillant au possible, le futur intérieur de Dubaï a formidablement masqué les manques. Le costume avait beau être trop grand pour lui, pour un seul homme en général, il a donné pleine satisfaction avec une vraie activité en défense et une énorme présence aux rebonds, notamment offensifs. Alors bien sûr, on trouvera toujours quelque chose à redire sur ses hooks et autres petits tirs manqués près du cercle, mais comment lui reprocher quoi que ce soit vu le contexte ?
Au vu de l’immense concurrence (Wembanyama, Gobert, Lessort, Sarr, Beringer, Raynaud) mettant en péril son retour dans une grande compétition internationale, il aurait mérité une toute autre sortie. Une statistique ? Contre la Géorgie, Jaiteh aura été, de loin, la meilleure évaluation bleue (18), le plus gros temps de jeu (31) mais aussi le seul doté d’un +/- positif (+2).
Ses statistiques : 8,2 points à 64%, 4,7 rebonds et 1,3 passe décisive en 20 minutes

#21 Zaccharie Risacher
En regardant dans le détail, quelques erreurs de naïveté que l’on voit rarement à ce niveau de compétition, et deux contre-performances, dans les plus gros matchs (0 point contre la Pologne, 2/8 face à la Géorgie). Mais en prenant la vision plus globale, un premier EuroBasket réussi, avec une fiabilité rare dans le shoot (42% à 3-points) et des flashs athlétiques assez impressionnants.
Appelé à reprendre le flambeau de Nicolas Batum, l’ailier des Hawks suit, pour l’instant, les traces de son aîné qui n’avait pas non plus remporté de médaille lors de sa première compétition (EuroBasket 2009). Il fait partie des joueurs qui auront certainement grandi sur cette campagne letto-polonaise.
Ses statistiques : 9,7 points à 48%, 4,2 rebonds et 1,7 passe décisive en 18 minutes

#34 Jaylen Hoard
L’une des bonnes surprises de l’été. Particulièrement méconnu du grand public français, qui avait perdu sa trace depuis son départ du Pôle France en 2016, l’intérieur du Maccabi Tel-Aviv a aussi tenté de colmater toutes les fuites dans la raquette.
Extrêmement rentable (0,43 point par minute), il pouvait proposer une multitude d’options lorsqu’il était sur le terrain, notamment près du cercle. Comparé à Florent Piétrus pour son intensité défensive, il a cependant compliqué la tâche du staff lors du 1/8e de finale en signant des fautes rapides (5 en moins de 17 minutes), qui ont encore plus dépeuplé la raquette. Polyvalent des autres intérieurs (quand il y en a…), capable d’effectuer le travail de l’ombre, il méritera d’être revu dans les prochaines années.
Ses statistiques : 8,3 points à 62%, 3,5 rebonds et 1,2 interception en 20 minutes

#44 Alexandre Sarr
La plus grande frustration de l’EuroBasket. Que se serait-il passé s’il ne s’était pas blessé dès le deuxième match, contre la Slovénie ? La question risque de hanter longtemps l’esprit de Frédéric Fauthoux.
Capital lors du money-time de la Slovénie, l’intérieur des Wizards avait étalé toute la panoplie du pivot moderne : énergie, envergure, dissuasion, shoot, etc. Sans même mentionner qu’il a été l’un des rares de l’Euro, pour l’instant, à gêner Luka Doncic sur pick and roll.
En progrès fulgurants depuis le début de l’été, le Toulousain ne pouvait pas être fauché au pire moment… Un crève-cœur.
Ses statistiques : 9,5 points à 73%, 4,5 rebonds et 1 contre en 20 minutes

#99 Bilal Coulibaly
On a cru, pendant les deux premiers matchs, qu’il avait pris la mesure de ce maillot, de la dimension d’une compétition internationale. Avec 25 points et 11 rebonds pour démarrer, cela partait très bien… Il y avait même eu cette séquence dingue du double contres contre la Belgique, signe de sa constance défensive. Et puis, la lumière s’est éteinte.
L’ailier de Washington s’est progressivement délité, jusqu’à livrer une très vilaine copie lors du funeste 1/8e de finale face à la Géorgie : 0 point à 0/3 en 20 minutes, et quelques sacrés trous d’air en défense. D’immenses qualités athlétiques, qui peuvent faire du bien à une équipe, mais pour l’instant des lacunes techniques encore trop rédhibitoires en FIBA.
Ses statistiques : 6,3 points à 41% et 4,3 rebonds en 19 minutes

Frédéric Fauthoux
Marqué par l’élimination prématurée, Frédéric Fauthoux était encore groggy quelques heures plus tard. Il a même proposé sa démission si la fédération l’avait estimé nécessaire. Cependant, il a très vite été conforté à son poste par le président Jean-Pierre Hunckler.
Si son premier EuroBasket est indéniablement un échec, puisque l’on n’attendait pas forcément de médaille mais certainement pas une sortie en 1/8e de finale contre la Géorgie, l’entraîneur de la JL Bourg dispose de vraies circonstances atténuantes. Il a subi les éléments et a dû composer avec une vague de forfaits qui ne s’est jamais enrayée. Wembanyama, Gobert, Fournier et Lessort out avant le début de la prépa ? Poirier s’est ensuite ajouté à la liste, avant les deux blessures tardives, qui ont peut-être fait le plus de mal : Strazel et Sarr.

Dans ce contexte, Frédéric Fauthoux a commis la première erreur majeure de son mandat : ne pas remplacer Vincent Poirier, suite au refus de Moussa Diabaté, et partir avec seulement quatre intérieurs. Il s’en est défendu, évoquant « un choix posé et mesuré » mais la blessure d’Alexandre Sarr est venue sanctionner ce risque, dépeuplant de manière affolante la raquette tricolore. Ce qui a ensuite un peu trop fait basculer le jeu derrière la ligne majorée, coûtant la perte des Bleus dimanche (6/36 à 3-points).
Dans les minutes suivant la défaite face à la Géorgie, Frédéric Fauthoux a laissé entrevoir quelques regrets. « J’aurais pu mettre dans le confort certains joueurs et faire des choix plus forts plus tôt. » Peut-être pensait-il à Théo Maledon, hors sujet toute la compétition et qu’il n’a cessé de vouloir relancer, jusqu’à la fin du 1/8e de finale. On pourra également regretter le manque d’adaptation offensive contre les hommes d’Aleksandar Dzikic.
À première vue, une priorité semble évidente : renforcer le staff (Laurent Vila – Bryan George – Joseph Gomis). Ils ont obtenu l’adhésion des joueurs, ce qui est un bon point, mais ils mériteraient d’être aidés par un peu de sang-neuf, soit pour apporter plus de vécu, soit une autre vision, à l’image de Kenny Atkinson l’an dernier.

Si Frédéric Fauthoux a clamé que les joueurs auront « énormément grandi » grâce à cet Euro, ce sera également le cas pour lui et son staff. « On fera les choses différemment à l’avenir », a-t-il promis. Un peu sur la réserve tout au long des dix jours, loin du caractère volcanique qu’on peut lui connaître lors de ses défaites en club, le Landais a grillé un premier joker mais reste, pour l’instant, l’homme de la situation pour Los Angeles 2028. Un chemin olympique qui démarre dans moins de trois mois, à Rouen, face à la Belgique pour les qualifications de la Coupe du Monde 2027, la compétition qui délivrera ensuite les tickets pour l’olympiade américaine et les différents TQO.
À Katowice et Riga,















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